La propreté des Rois du 18ème siècle
Posté par francesca7 le 11 août 2014
Il faut nous résigner à cette déplaisante constatation : nos pères étaient sales. Montaigne qui, en sa qualité d’original, estimait le « baigner salubre », blâmait fort ses contemporains « de tenir leurs membres encroustés et leurs pores estoupés de crasse ».
Cette acceptation de la « pouacrerie » avait encore progressé du XVIe au XVIIe siècle ; quand Louis XIV apparaissait dans la Galerie des Glaces, costumé en dieu et couvert de tant de diamants qu’il fléchissait sous leur poids… il ne s’était pas lavé le matin !
Au XVIIIe siècle, la propreté n’avait pas plus d’adeptes ; et l’on pense tout de suite à ce que devait être ce merveilleux Versailles où s’entassaient, tant bien que mal, dix mille personnes pour qui le savon et l’éponge étaient accessoires insolites.
Ainsi, ces boiseries si joliment fouillées se patinaient au contact de mains malpropres ; dans ces boudoirs qui semblent faits pour servir de temples aux amours, flottaient des odeurs suspectes ; les hôtes de ces pompeuses chambres, au sortir de leurs lits surmontés de dais à bouquets de plumes blanches, enfilaient tout droit leurs chausses et coiffaient leurs huileuses perruques.
En fait de matériel de toilette, rien : si ce n’est, sur quelque commode pansue, une de ces minuscules cuvettes, grande comme un bol, et un de ces pots à eau pour poupée, tels qu’en représentent certains tableaux de Boilly.
On trouve bien, çà et.là, dans cet inextricable dédale, quelques salles de bains ; Louis XV en possède une, charmante, encore aujourd’hui intacte, et sur laquelle les travaux de Pierre de Nolhac nous ont complètement renseignés ; la Dauphine, Mme du Barry, la comtesse de Provence jouissent du même avantage, évidemment réservé aux raffinés ou du moins aux très gros personnages. Mais les autres?
Et cela n’est encore qu’un des moindres inconvénients. Si les cabinets de bains ou de toilette sont objets de grand luxe, d’autres cabinets, non moins indispensables, sont tout à fait inconnus; et alors… on a de grands parapluies de cuir qu’on ouvre pour traverser les cours et sous lesquels on se met à l’abri de ce qui tombe des fenêtres.
La Morandière écrivait en 1764
Le tableau qu’il trace de Versailles est celui d’une sentine. C’est, note-t-il, « le réceptacle de toutes les horreurs de l’humanité… Le parc, les jardins, le château même font soulever le coeur par leurs mauvaises odeurs. Les passages de communications, les cours, les bâtiments en ailes, les corridors sont remplis d’urines et de matières fécales ; au pied même de l’aile des ministres, un charcutier saigne et grille ses porcs tous les matins ; l’avenue de Saint-Cloud est couverte d’eaux croupissantes et de chats morts ».
Il faut en passer et non des moins typiques. Jusqu’à la porte même de la chambre du roi montait l’infection ; là, derrière un paravent, un gros suisse vivait, cuisinait son déjeuner, mangeait, dormait et… digérait.
On défendait, il est vrai, de fumer dans la Grande Galerie, mais on y rencontrait des bestiaux ! Oui, les princes et princesses de la famille royale — « et quelques autres aussi, par grâce » — avaient le droit de faire venir jusqu’à leurs appartements des vaches, chèvres et ânesses, afin de boire du lait frais…
Vers 1830, Viollet-le-Duc, encore étudiant, visita un jour le ,château de Versailles en compagnie d’une vieille marquise qui avait connu la Cour en ses beaux jours d’avant 89.
La noble dame ne s’y retrouvait plus ; certes, elle reconnaissait bien les grands salons et les galeries d’apparat ; mais quand on pénétra dans les petits appartements, elle s’avoua perdue et désorientée. Ces enfilades de pièces démeublées et nettes ne lui rappelaient rien.
Enfin, l’on parvint à un endroit où un tuyau de décharge, crevé par la gelée, avait inondé le parquet d’immondices. L’infection était à faire reculer ; la vieille marquise poussa un cri dé joie :
— Ah ! je m’y revois, dit-elle ; voilà le Versailles de mon temps… C’était partout comme cela!
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