La danse à l’école en 1913
Posté par francesca7 le 11 août 2014
Article paru dans le Figaro du 12 août 1913.
Tout comme la France, l’Angleterre s’ingénie, depuis quelques années, à embellir ses écoles et à les rendre sans cesse plus attrayantes. Elle en veut de jour en jour la décoration plus fraîche, plus gaie, plus esthétique aussi. Jadis ornés de tristes tableaux noirs et de cartes vétustes, les murs des classes n’offraient aux imaginations des jeunes élèves que des sujets de rêveries plutôt mélancoliques.
Les pédagogues anglais s’avisèrent que les écoliers, ces oiseaux querelleurs, méritaient d’autres cages. Et le mouvement de l’art à l’école une fois lancé eut rapidement un plein succès.Tandis que, chez nous, les efforts désintéressés et constants de M. Charles-Maurice Couyba, promoteur de la même idée, n’aboutissaient encore qu’à une victoire partielle, nos voisins, disposant de puissant moyens d’action, réalisaient tout de suite d’immenses progrès dans ce domaine.
Dès l’école maternelle, leurs enfants sont initiés aux charmes de l’enseignement par l’image. De riantes estampes leur révèlent la nature sous les divers aspects. Les champs, les prairies, les montagnes, les mers, les animaux et les plantes, et enfin le roi de la création apparaissent tour à tour sous une forme captivante aux bambins curieux. Les grands peintres nationaux, Reynolds, Constable, Bumes Jones, Rosetti, sont mis à contribution ainsi que les maîtres étrangers, notre Corot et notre Legros, par exemple. Mais la pédagogie anglaise ne s’en tient pas aux seuls arts graphiques. Elle demande encore à la danse un nouvel et puissant élément de séduction et d’hygiène.
La «danse à l’école», eh! Oui. Instituteurs et institutrices d’outre-Manche se rendent par groupes à Stratford-sur-Avon pour y suivre les cours de l’école de danses populaires. Et l’enseignement qu’ils reçoivent au pays du grand Will, ils le dispensent ensuite à leurs élèves tout heureux d’une telle aubaine. Les cours ont lieu en août, à l’époque du festival shakespearien, sous la direction de M. Cecil Sharpe, folkloriste distingué, qui, en même temps que les anciennes danses, a retrouvé maintes vieilles chansons anglaises. Dans toute l’Angleterre, le succès de la danse à l’école a été très vif. La pratique de l’art de Mme Isadora Duncan développe chez l’enfant la force, la grâce et la souplesse, lui indique les jolies attitudes et lui procure une douce fatigue pareille à celle de ses jeux préférés. Il y a tout lieu de croire que le mouvement qui a si bien réussi au pays de l’Entente cordiale ne tardera pas à franchir le détroit. Nos enfants sont donc appelés à goûter d’ici peu, dans les écoles, le plaisir harmonieusement mêlé des danses et des chansons du vieux temps.
La matière, chez nous, ne manque point qui permet de créer cet aimable enseignement, depuis les multiples et si gracieuses rondes bretonnes jusqu’à l’endiablée farandole provinciale, en passant par la bourrée d’Auvergne. Si l’on pouvait donner aux générations nouvelles le goût des danses naïves et pudiques où se plaisaient nos pères, on leur ôterait peut-être, pour plus tard, l’envie de connaître telles autres danses sans doute plus originales et, pour d’aucuns, plus excitantes, mais à coup sûr moins saines. Et puis, s’il faut tout dire, la danse remplacerait avantageusement à l’école certains cours d’une utilité beaucoup plus contestable que l’esprit syndicaliste est parvenu à y introduire en fraude. Il est préférable d’entraîner fillettes et garçons aux rondes innocentes que de leur parler, comme le font certains éducateurs, de la révolution sociale. Enfin, ce n’est pas tous les jours qu’on peut impunément donner la même place à un calculateur et à un danseur.
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