Une littérature enracinée de Dordogne
Posté par francesca7 le 30 juillet 2014
Plumes novatrices
Troubadours, trouvères et ménestrels, ces termes similaires font voyager et évoquent à la fois la poésie, la musique et le Moyen Âge. Accompagnant la naissance de la langue d’oc, ils sillonnent la région et inventent des airs porteurs de poésies lyriques. Guillaume IX de Poitiers (1071-1127), comte de Poitiers, duc d’Aquitaine et de Gascogne, dit « le Troubadour », est le premier connu parmi eux. Siégeant souvent à Bordeaux, il oriente son lyrisme vers un « nouvel art d’aimer » qui, repris et accentué par ses successeurs troubadours, aboutira à la fin’amor , l’amour courtois occitan. Encouragée par les seigneurs, cette poésie lyrique originale s’étend bientôt au Quercy et s’épanouit dans les cours féodales. Le simple nom des plus célèbres de ces troubadours renvoie aux villes environnantes : Bertand de Gourdon, Aimeric de Sarlat, Arnaut Daniel de Ribérac et Giraut de Borneuil, natif d’Excideuil. Un autre type de chanson, le sirventès , est créé dans la région ; il ne se distingue de l’art des troubadours que par le sujet traité – des thèmes guerriers – et un ton satirique. Bertran de Born (v. 1140 – v. 1215), seigneur de Hautefort, est l’instigateur de ces pièces politiques et morales, qui lui ont été inspirées par son conflit avec son frère pour faire valoir son droit à être seigneur indépendant.
Amour, amitié et politique
L’apogée de la Renaissance littéraire s’illustre avec Clément Marot (1496-1544). Né à Cahors d’une mère gasconne et d’un père normand, Marot excelle dans les épigrammes et les sonnets par lesquels il séduit la Cour et le roi. Ses jeux littéraires et son ingéniosité s’illustrent dans son fameux poème Beau tétin dans lequel il chante et décrit à ravir le corps féminin :
« Tétin refait, plus blanc qu’un œuf,
Tétin de satin blanc tout neuf,
Toi qui fait honte à la rose
Tétin plus beau que nulle chose ».
Pierre de Bourdeille (v. 1540-1614), plus connu sous le pseudonyme d’abbé de Brantôme, s’attaque aux huguenots lors des batailles de Meaux et Dreux. Gentilhomme de la chambre sous Charles IX, il se retire dans son château de Richemond près de Brantômeaprès la mort du roi et écrit ses mémoires, des chroniques sur la cour des Valois et Vie des hommes illustres . « Femmes et amours sont compagnes, marchent ensemble et ont une même sympathie », écrit-il : son goût pour l’amour et les femmes devient célèbre et ses ouvrages sont taxés de légèreté par ses contemporains.
Né en 1530 à Sarlat, Étienne de La Boétie , après des études de droit à l’université d’Orléans, devient conseiller au Parlement de Bordeaux. Philosophe et politicien, il rédige, alors qu’il est âgé d’à peine dix-huit ans, le Discours de la servitude volontaire ou Contr’un , un réquisitoire contre l’absolutisme. Illustré par de nombreux exemples tirés de l’Antiquité, ce texte pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population et lui permet de critiquer la situation politique de son temps. C’est à cette période que naît l’amitié entre La Boétie et un autre philosophe, Michel Eyquem de Montaigne (1533-1592). Cette amitié deviendra célèbre : c’est en son honneur que, à la mort de La Boétie, Montaigne abandonne le stoïcisme. Dans ses Essais , rédigés dans la tour de la libraire de son château , il évoque cette relation essentielle : « En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre, d’un mélange si universel, qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui ; parce que c’était moi. »
Également originaire du Périgord, Fénelon (1631-1715) passe toute son enfance dans le château du même nom. Il commence ses études à Cahors, puis gagne Paris. Il aurait composé à Carennacson célèbre roman Les Aventures de Télémaque (1699). Dans son voyage pour retrouver son père Ulysse, Télémaque séjourne dans différents pays aux gouvernements autoritaires puis dans le gouvernement idéal de Salente. L’ouvrage, non destiné à la publication, permet à Fénelon, sous couvert d’Antiquité, de donner une leçon de politique au dauphin Louis de France (1682-1712), petit-fils de Louis XIV et futur père de Louis XV.
Des paysages littéraires
Auteur contemporain, André Maurois (1885-1967) écrit du Languedoc : « Tu vas voir une province toute sertie de merveilles naturelles ou architecturales, donc ne sois pas pressé. Donne-toi le temps d’un détour pour regarder un village qui n’est pas sur ta route. » Originaire de Seine-Maritime, il découvre la région par son épouse Simone de Cavaillant, propriétaire du manoir d’Essendiéras près d’Excideuil. Il y passe ses vacances et le transforme en lieu de rendez-vous d’artistes, de penseurs et de savants.
Jacquou le Croquant (1899), grand roman à succès qui relate une histoire de jacquerie paysanne au début du 19e s., est l’œuvre d’ Eugène Le Roy (1837-1907), originaire de Hautefort. Le succès du roman est tel qu’il est d’abord adapté au petit écran en 1969 par Stellio Lorenzi, puis pour le cinéma en 2007, par Laurent Boutonnat. Christian Signol , auteur contemporain originaire du Quercy, connaît également le succès avec ses innombrables œuvres souvent inspirées de sa région natale. Son roman La Rivière Espérance est devenu un feuilleton télévisé en 1995. Peintre et écrivain, François Augiéras (1925-1971) passe son enfance à Périgueux et fait de la région l’héroïne de ses romans autobiographiques ( Domme ou l’Essai d’occupation , Une adolescence au temps du Maréchal ). Bien différent, Pierre Michon (né en 1945) est l’auteur de La Grande Beune (1998), roman sur la confrontation entre un instituteur et la société rurale périgourdine.
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