L’Inquisition pour punir l’Hérésie du Moyen Age
Posté par francesca7 le 11 juillet 2014
Le suspect peut se reconnaître coupable. C’est l’aveu qui règle tout. S’il n’avoue pas, il peut être reconnu coupable par preuve testimoniale. L’inquisiteur accepte les témoignages d’infâmes : voleurs, assassins, prostituées, excommuniés. Ils sont valables. Mais les noms de ces témoins sont tenus secrets : le suspect, déjà inculpé, peut-être, ne sait pas qui l’accuse.
L’inquisiteur est libre, pour obtenir l’aveu, d’employer le système de contrainte qui lui plaît. La chose la plus simple et qui donne souvent — pas toujours cependant — de bons résultats à Bernard Gui, est de consigner le suspect, des jours durant à la porte de l’inquisiteur. La honte, la crainte des quolibets du public poussent l’homme aux aveux pour en finir.
Puis il y a la détention qui, prolongée, « donne l’intelligence ». Entendez : qui fait comprendre l’intérêt qu’on peut avoir à dire la vérité. On la combine avec le jeûne. Le séjour dans la nuit, l’humidité de cachots presque toujours affreux — dans certains, l’homme ne peut s’étendre ; dans d’autres, en forme d’oeuf, il ne peut pas se tenir debout —, la présence des rats qui attaquent le malheureux incapable de se défendre, avec entraves aux poignets, chaînes aux chevilles, tout pousse le détenu à tenter de se libérer par l’aveu exigé.
S’il ne cède pas, l’inquisiteur emploie la torture à proprement parler, le feu, la corde (l’estrapade), l’eau, sous la seule réserve que l’inculpé ne doit être ni mutilé, ni mis en danger de mort. Cependant, les registres ne mentionnent jamais son application. C’est qu’au sortir des mains des tourmenteurs, le patient est interrogé à nouveau, et soi-disant librement, pour qu’il confirme ses aveux.
Clément V, alerté par les plaintes contre les excès de la torture — l’inquisiteur voulait à tout prix savoir, et le plus souvent, créait le crime par son obstination imbécile — essaya d’imposer la règle selon laquelle la mise à la question, ainsi que la surveillance des prisons appartiendraient conjointement aux évêques et aux inquisiteurs. Mais Bernard Gui, entre autres — et l’on peut croire que la réaction fut à peu près générale — cria, protesta. Et ses protestations n’ayant pas eu d’effet, il s’entendit avec les évêques, plus ou moins dominés par lui et qui lui déléguèrent leurs pouvoirs.
La preuve du crime d’hérésie était donc établie soit par l’aveu fait de bonne volonté, soit par la concordance d’au moins deux témoignages, soit par la contrainte (prison, torture) qui entraînait elle-même l’aveu plus ou moins forcé. Il arrivait parfois que l’inquisiteur utilisât, pour saisir la vérité, une méthode qui remontait aux temps barbares et qui revenait à un jugement de Dieu. C’était une épreuve par l’eau froide ou chaude, par le fer chaud, etc., une ordalie. Quand l’inquisiteur proposait l’épreuve et que le suspect la refusait, il était considéré comme coupable.
Une des épreuves les plus courantes était celle de l’eau froide. L’homme était ficelé par une corde qui le tenait plié en deux, les mains sur les genoux ou attachées aux pieds. Tout mouvement était impossible. Alors on le déposait dans un bassin assez profond. S’il allait au fond, il était innocent, s’il surnageait, il était coupable. De fait, tout dépendait de la manière de respirer. Un père, accusé d’hérésie, fit faire l’expérience préalablement par ses sept fils et l’un d’eux qui l’avait réussie en privé subit ensuite l’épreuve publiquement à la place de son père, et l’innocenta. Il y avait l’épreuve de l’eau chaude : il fallait prendre, sans se brûler, une pierre dans une chaudière pleine d’eau bouillante. L’épreuve des charbons ardents : il fallait marcher, sans se brûler, sur des charbons ardents ; ou encore, sur un soc de charrue chauffé. Dès son premier contact avec l’inquisiteur, le coupable s’est trouvé devant une alternative : abjurer ses erreurs ou y persister. La sentence va dépendre de l’attitude qu’il a prise.
Elle est formulée après délibération d’un conseil composé de religieux, de clercs séculiers parfois, de prudhommes et de jurisconsultes. En théorie, donc, coopération de l’ordinaire et même d’éléments laïques avec l’inquisiteur, mais c’est l’Inquisition qui a mené l’instruction, établi le réquisitoire et qui préside. Ses propositions ne peuvent guère être rejetées.
La sentence arrêtée, le tribunal cite l’accusé (lequel est en prison) pour la séance publique, tout jusque-là s’étant déroulé dans le secret. A cette séance assistent les officiers royaux, les premiers magistrats de la ville, le clergé, le peuple. Cérémonie destinée à frapper l’imagination des foules et à la fin de laquelle le condamné est remis au bras séculier qui l’exécute par le moyen habituel aux procès d’hérésie : le bûcher.
Les sentences étaient toujours révisables, sauf celle qui entraînait la mort et qui impliquait que l’accusé avait persisté dans l’hérésie, refusé de se réconcilier. Dans ce cas, l’inquisiteur l’abandonnait à la justice du roi. Si, sur le lieu du supplice, l’homme se repentait et reniait ses erreurs, c’est-à-dire avouait à nouveau, revenait sur ses dénégations, il était par la justice du roi, rendu à l’inquisiteur.
Mais cette conversion in extremis pouvait paraître suspecte. L’inquisiteur interrogeait donc de nouveau le coupable. Il lui fallait non seulement l’abjuration, mais que l’homme donnât des gages, des noms, dénonçât, s’engageât à «persécuter» ses frères. Après cela, c’était la prison perpétuelle. Si l’inquisiteur jugeait l’homme insincère, il pouvait le renvoyer au bras séculier.
En tout cas, dans la pratique, le juge d’Inquisition faisait exactement ce qu’il voulait. Souvent, d’ailleurs, par d’adroites clémences, il obtenait des renseignements, élargissait son action, multipliait ses prises. Mais pour l’opiniâtre ou le relaps, il était tenu par des règlements stricts. Il ne pouvait que l’abandonner au bras séculier, en priant officiellement celui-ci — et c’est la grande hypocrisie de l’Inquisition — de lui épargner la mort et la mutilation. Cette formule officielle était la sauvegarde de l’inquisiteur qui ne pouvait participer à une sentence capitale sous peine d’excommunication, mais elle n’engageait point le bras séculier qui, s’il n’avait pas livré au feu l’impénitent et le relaps, aurait été excommunié lui-même.
Le relaps repenti était étranglé avant que ne le touchassent les flammes et, mieux encore, admis à recevoir les sacrements avant cet étranglement. C’était tout ce que pouvaient obtenir ces convertis de la dernière heure, déjà retombés une fois dans l’hérésie. Le salut éternel, en somme. L’inquisiteur estimait que c’était l’essentiel.
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