L’art de Vivre en Corse
Posté par francesca7 le 5 juillet 2014
Le chant et l’expression musicale
Les chants traditionnels, proches des mélopées arabes et du chant grégorien, reflètent les luttes du passé et la profondeur des sentiments. Ils étaient autrefois souvent improvisés et marquaient chaque étape de l’existence. Avec l’abandon du mode de vie pastoral, ces chants, transmis de génération en génération et de vallée en vallée lors de la transhumance, auraient pu totalement disparaître. Même si les « nanne » (berceuses), les « serinati » (sérénades), les « lamenti », complaintes funèbres et les « voceri », chants mortuaires et de vengeance se sont progressivement perdus, la musique et les chants restent bien vivants.
Les polyphonies resurgissent avec vitalité du passé, surtout la « paghjella », ce chant à trois voix a capella. Depuis quelques années, on voit réapparaître sur le devant de la scène des chanteurs et groupes insulaires qui réussissent à marier avec conviction création et tradition. La paghjella a été redécouverte dans les années 1970 par « Canta U Populu Corsu ». Aujourd’hui, d’autres groupes polyphoniques ont acquis une forte renommée : « A Filetta » (la fougère), « I Muvrini » (les petits mouflons), « Chjami Aghjalesi », etc. ainsi que des solistes accompagnés, comme Petru Guelfucci.
Le « chjama è rispondi » (« appelle et réponds »), forme de poésie orale, est toujours répandu. À l’origine essentiellement masculin, ce chant ludique ou libérateur d’angoisse et de passions s’improvise vite à l’issue d’un repas ou d’une réunion, à l’occasion de foires pour marquer la convivialité.
Les travaux de recherche et de restauration entrepris par des musiciens ont permis la redécouverte d’instruments traditionnels comme la « cetera », cithare à seize cordes dont l’usage avait disparu depuis les années 1930, ainsi que la « pifane » (flûte en corne de chèvre) et la « pirule » (flûte en roseau), instruments utilisés par les bergers.
Les fêtes traditionnelles
Dans les villes comme dans les villages, l’engouement reste vif pour les fêtes et les rassemblements. Ils conservent une spontanéité et un sens fédérateur que bien des pays ont perdu.
Les fêtes religieuses
Les traditions catholiques sont encore très vivantes dans l’île. Si vous vous promenez en Corse à Pâques, ne manquez pas les processions de la Semaine sainte . La tradition pascale veut que le prêtre visite et bénisse chaque logement. Pour saisir toute la dimension sacrée de la mémoire populaire, il vous faut assister aux rites et processions organisées par les confréries avec leurs cortèges de pénitents en cagoule de Bonifacio, Calvi, Cargèse ou Sartène. Dans cette dernière, le pénitent ( u catenacciu : l’enchaîné) suit un chemin de croix, traînant derrière lui une lourde chaîne. La légende veut que ce Pétinent Rouge soit à l’origine un jeune homme que la colère a poussé à commettre un acte irréparable. Joie et ferveur marquent cette semaine parée des habits du merveilleux et qui se clôt par un repas collectif, la merendella .
Les villes et villages fêtent aussi en grande pompe leurs saints patrons, la Sainte Vierge et quelques saints protecteurs de corporations comme saint Érasme, patron des marins, ou sainte Restitude en Balagne. La Vierge Marie est particulièrement vénérée : l’hymne de la Vierge « Dio vi salvi, Regina » est un chant religieux incontournable en Corse.
Les foires
Quelques-unes réputées ont conservé leur air de fête et rassemblent souvent les paysans éloignés des centres urbains. Pendant la foire du Pratu en juillet, les meilleurs chanteurs de l’île s’affrontent lors de concours depaghjelle et de chjami è rispondi .
La langue corse
La langue corse fut de tout temps transmise oralement dans la vie quotidienne, par le chant ou le récit. Enrichie d’apports multiples, confortée par une pratique courante, elle ne connut cependant la transcription qu’au 19 e s. Un siècle charnière où l’italien, langue répandue, allait peu à peu laisser place au français. Des auteurs européens comme P. Mérimée ou l’Italien N. Tommaseo s’initient alors au « patois » local et immortalisent quelques bribes du répertoire poétique et conté. Les premières revues de langue corse (A Tramuntana puis A Muvra) revendiquent fortement l’identité insulaire sous la III e République. Associé à la rébellion contre l’hégémonie de l’État français, le corse n’obtiendra son statut de langue régionale qu’en 1974.
Enseignée dès l’école primaire, cette langue qui peu à peu perdait de son ancrage dans les jeunes générations a été réinvestie par des auteurs et chercheurs contemporains. Longtemps refuge de l’expression écrite, la poésie compte, parmi ses plus notables auteurs, Francescu Filippini. Quant au roman, des écrivains tel Rinatu Coti lui ont donné un renom.
Dans les villages, vous entendrez le chant de cette langue riche et savoureuse, qui présente des analogies avec d’autres langues romanes, l’italien surtout. Elle est toujours considérée comme une langue en danger inscrite au patrimoine immatériel de l’Unesco.
Des origines diverses
Idiome aux racines celto-ligures , le corse s’est lentement latinisé, puis a subi à partir du 9 e s. une forte influence toscane. Les Sarrasins n’ont laissé que peu de mots et les Génois, présents durant cinq siècles, ont surtout légué un vocabulaire technique, maritime et administratif.
La syntaxe du corse reste proche du toscan médiéval, ce qui permet de considérer cette langue comme le reflet de celle de l’époque de Dante.
La langue présente quelques dissemblances entre le sud-ouest et le nord-est de l’île, la frontière étant parfois difficile à saisir. Le corse du nord-est est plus musical ; celui du sud-ouest reste plus original. La prononciation peut varier également d’une vallée à l’autre.
Une pratique contrastée
La progression de l’ enseignement du corse à l’école se confirme ces dernières années puisqu’en 2005, environ 92 % des élèves ont accès aux cours de corse pendant leur scolarité. Il reste que cette langue est une option dans le secondaire et donc facultative. Bien que certains trouvent la progression insuffisante, l’avenir de la langue semble aujourd’hui moins menacé.
Certes il y a des émissions de télévision et de radio en corse, des journaux aussi, mais les éditeurs hésitent à publier dans cette langue car les tirages sont très faibles. La pratique n’est pas si fréquente sur l’ensemble du territoire ni dans toute les classes d’âge.
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