Appeler quelqu’un à cor et à cri
Posté par francesca7 le 28 juin 2014
L’annonce de l’instauration prochaine d’une zone d’exclusion aérienne, réclamée à corps et à cris par l’opposition depuis ses premiers revers [...]
(AP, dans Le Devoir du 18 mars 2011.)
La faute doit être fréquente, puisque Girodet se donne la peine de signaler, à l’article « cor » : « Ne jamais écrire à *corps et à cri, ce qui n’aurait aucun sens. »
Cette expression à cor et à cri, selon le dictionnaire de Noël et Chapsal, a trait au langage de chasse ; elle indique que l’on poursuit quelquefois le cerf en l’effrayant par le bruit du cor et les cris des chasseurs.
|
On rencontre, du reste, cette expression dans beaucoup d’auteurs. Le poète Marot (XVIe siècle) s’en est servi dans ces deux vers tirés de ses épigrammes :
Lors eux, cuidans (croyant) que fusse en grand crédit, M’ont appelé Monsieur à cri et cor. |
Madame de Sévigné, 1626, s’est aussi servie de cette expression dans cette phrase : « Il demande le coadjuteur à cor et à cri. »
Voici un dernier exemple de l’emploi de ces mots, tiré d’un ouvrage paru à Paris en 1788 et ayant pour titre : La chasse au fusil (page 277) : « Je ne connais aucun pays où l’on chasse l’ours à cor et à cri pour le forcer avec les chiens courants, etc. »
L’expression qui nous intéresse, à cor et à cri, a appartenu d’abord au vocabulaire de la chasse, expliquent le Colin et le Dictionnaire historique de la langue française de la maison Robert. Chasser à cor et à cri, c’est chasser « avec le cor et les chiens », d’après le Petit Robert; « en sonnant du cor, de la trompe, et en criant », selon Girodet :
La vénerie est un art, celui de « chasser à cors et à cris » la bête fauve.(Vialar, dans le Trésor de la langue française informatisé.)
De là vient l’emploi figuré avec des verbes comme demander, réclamer,revendiquer, pour marquer l’insistance :
Ce que nous réclamons à cor et à cri, ce sont, n’en doutez pas, des Ré-à-li-tés. (Aragon, dans le Lexis.)
Vous réclamez, à cor et à cris, des réformes? Opérez-les. (Huysmans, dans le Trésor.)
Mais comment faut-il écrire l’expression, au juste? Le Trésor admet plusieurs graphies : à cor(s) et à cri(s). Le Dictionnaire historiquementionne à cor et à cris. Par contre, le Petit Robert et le Lexis, consultés à l’article « cor », donnent uniquement à cor et à cri, comme le Hanse, le Girodet, le Colin et le Multidictionnaire. Il me semblerait donc prudent de s’en tenir au singulier, seul correct d’après les trois derniers ouvrages.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.