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LE NARVAL ET LES HOMMES

Posté par francesca7 le 15 juin 2014

 

 

Les narvals, bien que vivant très loin de nos régions peuplées, furent et sont toujours présents dans nos mythes et nos croyances. Chassés par les uns, vénérés par les autres, ils étonnent les esprits curieux de notre époque, en particulier les scientifiques. 

Le narval dans notre histoire et notre culture

téléchargement (8)Histoire du narval
Les Inuits sont les premiers à avoir chassé ces animaux, et aussi les premiers à s’être interrogés sur cette « corne ». Les mythes ont suivi…

Pour les Inuits, c’est une femme qui serait à l’origine de l’apparition de cet ornement. Une femme chassant le narval, avec la corde du harpon autour de sa taille, aurait été entrainée dans l’eau par un animal harponné. Elle se serait transformée en narval et ses cheveux, enroulés dans les mouvements vers les profondeurs, auraient donné la corne torsadée.
Plus prosaïquement, les Inuits utilisaient absolument toutes les parties du corps du narval. Depuis la chair jusqu’à la graisse et le cuir, en passant, bien sûr, par l’ivoire de la corne, qui est d’ailleurs toujours sculptée par les Inuits. Rien n’était perdu de ce don que la nature faisait au chasseur et à sa famille.

La corne est arrivée dans nos régions grâce au commerce avec les vikings.
Durant le Moyen-âge, on croyait dur comme fer qu’il s’agissait d’une corne de licorne.

La licorne, un animal fabuleux, qui ressemble à un cheval et qui tient sa force de sa corne. Les témoignages concordent pour affirmer que lorsque la licorne est poursuivie par des chasseurs, elle se précipite du haut d’un précipice en se recevant sur la corne qui grâce à sa force fabuleuse amortit la violence de la chute.

La corne de licorne est une panacée. Non seulement une fois réduite en poudre (attention ça coûte très cher) elle est capable en présence d’un plat empoisonné de se mettre à fumer pour prévenir qu’il ne faut pas le consommer. Mais elle peut également servir de remède universel puisqu’elle est capable de guérir de tous les poisons.
La dent de narval se vendait plusieurs fois son poids en or. On raconte qu’au 16ème siècle, la reine Elizabeth en acheta une pour 10 000 livres de l’époque, soit le prix d’un château entier.

Evidemment, avec les avancées des explorateurs, la vérité sur l’origine de cette corne fut dévoilée. C’est Olaus Magnus, un auteur Suédois du 16ème siècle, qui en publia le premier un dessin et l’identifia sous le terme de « narwal », un mot d’origine scandinave.

Dans le dictionnaire de Trévoux au 18ème siècle on peut lire : « C’est une grosse baleine qui vit de cadavres… La corne sert d’arme pour attaquer les grosses baleines et il la pousse avec tant d’impétuosité qu’il peut transpercer un fort gros navire« .

 

De nos jours, le narval est toujours chassé par les Inuits
Certains chasseurs du Groenland utilisent encore des méthodes traditionnelles, c’est-à-dire harpon et kayak, mais ils sont de plus en plus rares.

Le plus souvent, on préfère une embarcation rapide et une carabine. Une chasse qui ne laisse aucune chance à l’animal et ne recherche que l’efficacité.

On pense que la population de narval continue de baisser mais il est très difficile d’imposer aux peuples de l’Arctique de ne plus chasser l’animal. Les rares essais de sensibilisation n’ont pratiquement pas eu de résultats. Il faut dire que rien n’est perdu lorsqu’un narval est capturé. Les os sont utilisés comme outils. La peau et la graisse crues constituent un plat particulièrement apprécié des Inuits, le Mattak.
Le narval est également utilisé pour nourrir les chiens de traineau, ce qui montre que l’animal est loin là-bas d’être une licorne, c’est juste une proie au service de l’homme et de ses convives. La sympathie qu’inspirent les cétacés auprès du public occidental n’a pas atteint les habitudes plus en prises avec les réalités quotidiennes des peuples Inuits.

Néanmoins, une telle chasse pourrait mettre en danger l’espèce, dont le mode de vie risque déjà d’être fortement perturbé par la fonte des glaces. Une des grandes préoccupations est l’ouverture, suite à la fonte des glaces, de la région arctique aux pêcheurs professionnels.
Si le phénomène devait se poursuivre il s’en suivrait une raréfaction des proies, pas seulement pour le narval, mais pour tous les cétacés et pinnipèdes de ces régions.

Le retour de la corne de la licorne
Les occidentaux aimeraient voir l’animal protégé, particulièrement les scientifiques, chez qui on retrouve un intérêt pour cette dent gigantesque.
Aux dernières nouvelles, cette dent hautement innervée pourrait avoir un rôle sensoriel, permettant à l’animal de repérer ses proies. Cette hypothèse s’oppose au fait que seuls les mâles possèdent normalement cet appendice. Or, les femelles ne semblent pas plus maladroites que les mâles dans leur chasse ou leurs déplacements. Bref, ce caractère sexuel n’est probablement qu’un attribut lié aux relations sociales, mais la « corne » n’a pas finit de susciter des interrogations. Pour cette raison, on aimerait que le narval ait un véritable avenir, mais sa relation à l’homme et les changements climatiques ne sont pas des points positifs pour la pérennité de l’espèce.

Etymologie

Le mot narval est d’origine scandinave, et signifie « corps » ou « cadavre », en relation avec la peau grisâtre de l’animal, qui fut images (6)comparée à celle d’un homme noyé. Le nom scientifique est plus terre à terre. Monodon signifie « une dent » et monoceros veut dire « une corne ». Le nom de genre du narval est utilise comme genre-type de la famille, d’où le nom monodontidés.

Les synonymes
On pouvait s’en douter, un des autres noms communs du narval est licorne de mer. Il n’en reste pas moins que le nom narval, certes un peu moins imagé, est préférable, et internationalement utilisé. On dit ainsi « narwhal » en anglais.

Où rencontrer des narvals ?

Le narval se rencontre dans la région arctique, aussi bien en Atlantique que dans les zones russes. On les trouve ainsi sur les côtes du Groenland, dans la baie d’Hudson, ou encore le long de la côte nord-est de la Russie. Néanmoins, c’est au nord du Canada et le long du Groenland que vit l’essentiel des 75 000 individus estimés de cette espèce. L’observation la plus nordique du narval s’est faite à une latitude de 85° Nord, faisant du narval le champion des eaux polaires.
Pour l’observation côtière, il faudra se rendre sur place durant l’été. Cette espèce migratrice se rapproche des côtes à cette saison. Les narvals vont plus au large lorsque la banquise se forme, se regroupant dans des fissures de la glace pour prendre leur respiration.

Article réalisé par Arnaud Filleul.

Publié dans FAUNE FRANCAISE | Pas de Commentaire »

Condamnation de Souris au XVIIIe siècle

Posté par francesca7 le 15 juin 2014

 

(D’après « Le Pays Lorrain », paru en 1925)

 

 
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En 1733, le territoire de Contrisson (Meuse), village situé à quatre kilomètres de Revigny, était désolé par les ravages de souris innombrables qui, après avoir causé un dommage « très considérable » aux moissons, menaçaient de détruire les semailles en blés, seigles et autres céréales, et de ne laisser aucun espoir de récolte prochaine, incitant les habitants à assigner en justice les dévastateurs

Des prières et des processions publiques avaient été faites en vain. Au lieu « de s’être diminuées » les bestioles s’étaient « extrêmement augmentées » et le préjudice « aux semailles publiques et générales » semblait de jour en jour devenir plus considérable. Il est probable qu’on avait eu aussi recours à des moyens moins orthodoxes que les prières et processions, et que les conjureurs de sort avaient été priés d’intervenir. Leurs incantations et leurs formules n’avaient point produit d’effet.

C’est alors que les gens de Contrisson résolurent d’user des grands moyens, ils s’adressèrent au sergent de justice Etienne Griffon et le prièrent d’assigner en justice les dévastateurs. Griffon ne s’étonna point. Peut-être même avait-il conseillé ces mesures juridiques qui devaient lui procurer quelques honoraires, assez rares en temps ordinaire, étant donné que le tribunal, auquel il était attaché, devait juger des causes peu nombreuses. Le sergent lança son assignation qui fut régulièrement contrôlée, c’est-à-dire enregistrée, au bureau de Revigny.

Il y avait urgence et la cause fut appelée aussitôt par devant « Jean Miras, mayeur en la justice pour Son Altesse royale de Lorraine à Contrisson, comme aussi en présence de Nicolas Mordillat, mayeur en la justice foncière dudit lieu ». Remarquons que, selon la jurisprudence alors en usage en Lorraine, ce n’est pas à un tribunal ecclésiastique que les villageois de Contrisson ont recours, mais à une juridiction civile. Une ordonnance de René Ier, du 27 juin 1445, avait nettement délimité les pouvoirs des officialités. N’ayant aucun évêché sur leur territoire, les ducs se défendirent, plus âprement encore que d’autres souverains, contre les empiétements des juridictions ecclésiastiques. Le sieur Châtel greffier, devait prendre les notes obligatoires. Me Jacques Collinet, substitut du procureur général de Lorraine et Barrois, occupait le siège du ministère public et déposa ses conclusions pour les Syndics et habitants, demandeurs en la cause.

Il exposa les ravages causés « par la quantité prodigieuse de souris qui sont répandues sur le finage de ce lieu », montra que les moyens habituels avaient été inutiles et termina en demandant, non la mort des coupables, mais leur bannissement : « à ces causes il vous plaira ordonner sur ladite remontrance qu’il soit ordonné que les dits insectes et souris faisant des dégâts par cy-devant et par cy-après seront condamnés à se retirer hors l’étendue des lieux et finage dudit lieu, dont ils ont fait tant de dégâts, dans les retraites où il vous plaira leur ordonner. C’est à quoi ledit substitut conclut pour les habitants et espère en parvenir ». Il ne semble pas que les accusés aient été contraints de comparaître en personne. On n’amena au banc des accusés aucun représentant de la gent souricière. Ainsi cependant avait été exigée la présence de sangsues citées en justice par le curé de Berne en 1481. Néanmoins, ainsi que nous l’avons dit, les animaux ne pouvaient être condamnés sans être défendus. On avait donc, selon l’usage, désigné un avocat à nos bestioles.

C’était Me Jean Griffon, sans doute parent du sergent qui avait dressé l’exploit d’assignation. Il remplit son rôle avec conscience et dignité. Il n’imita point Barthélemy de Chasseneuz, célèbre défenseur des rats d’Autun, et n’usa point des artifices de procédure qu’il avait à sa disposition, tels qu’exceptions dilatoires « pour donner le temps à la prévention de se dissiper », il ne soutint pas que les souris étaient toutes dispersées, et qu’une simple assignation n’avait pas été suffisante pour les avertir toutes. Il n’excusa pas le défaut de ses clients en s’étendant sur la longueur et difficulté du voyage, sur les dangers que les chats faisaient courir aux intimés, les guettant à tous les passages. Il dédaigna toutes ces arguties de Chasseneuz et se contenta de dire de ses clients « que comme ce sont des animaux que Dieu peut avoir créés sur terre et que images (4)cependant, nonobstant les dégâts causés par elles sur ledit finage, on ne peut point les détruire, ni leur ôter les aliments qui leur sont propres pour la conservation de leur vie, c’est pourquoi (…) pour elles demande qu’il leur soit indiqué un endroit où elles puissent se retirer hors de l’étendue dudit finage et où il (sic) puisse prendre leur nourriture nécessaire tant qu’il plaira à Dieu de les laisser. C’est à quoi ledit Griffon persiste et prétend y parvenir ».

Concluant ainsi, Me Jean Griffon montrait une parfaite connaissance de la doctrine et de la jurisprudence en la matière. Cette dernière, depuis très longtemps, avait estimé, en effet, qu’on ne pouvait prononcer une telle sentence de bannissement sans donner à « des créatures de Dieu » le moyen de poursuivre leur vie. Déjà au temps de Charlemagne, l’évêque d’Aoste, saint Grat, avait permis aux taupes, qui ravageaient la Vallée, de creuser leurs galeries dans un rayon éloigné de trois milles. Guillaume d’Ecublens, évêque de Lausanne de 1221 à 1229, avait relégué dans un coin nettement indiqué du lac Léman les anguilles qui infestaient ses eaux. Plus tard les juges locaux de Coire avaient cantonné, dans une région forestière et sauvage, des larves malfaisantes. Et peu d’années avant l’affaire de Contrisson, les chenilles qui désolaient Pont-du-Château en Auvergne, avaient été excommuniées par le grand-vicaire et renvoyées, par lui, devant le juge du lieu. Celui-ci en condamnant les insectes leur avait assigné un territoire inculte expressément désigné.

Le substitut, Jacques Collinet, ne pouvait que s’incliner devant de tels précédents. Me Griffon les avait peut-être invoqués dans une plaidoirie dont nous n’avons malheureusement conservé que le sec résumé transcrit plus haut. L’attitude de Me Collinet nous est ainsi rapportée : « Ledit substitut pour les habitants n’empêche qu’il y ait indication donnée par les sieurs mayeurs sans que néanmoins elles puissent nuire, ni préjudicier dans l’étendue dudit finage dudit lieu. C’est à quoi il prétend, ni entend autrement pour lesdits insectes ».

Tout le monde semblant donc d’accord, les mayeurs prononcèrent avec gravité le jugement suivant : « Vue par nous le plaidoyer ci-dessus et la plainte des habitants y jointe, nous ordonnons que dans trois jours, date de la signification de la présente sentence, lesdits insectes et souris se retireront et auront pour pasture et aliment les bois joignant et contigus le finage de Contrisson, ensemble les rivières et bornes d’icelles de quatre pieds de longueur, afin qu’à l’avenir elles ne puissent nuire, ni préjudicier, aux biens de la terre de quelle nature ce puisse être. Ce à quoi nous les condamnons ». Autant qu’on peut en juger par ce texte obscur, il était enjoint aux « insectes et souris » de ne plus franchir ni la Saulx ni l’Ornain, pas plus que les rus de Rennecourt et de Sereinval. Leur « retraite » était limitée, semble-t-il, dans les bois de Danzelle, de la Haie Herbelin et du Faux-Miroir, sis au nord et au nord-ouest de Contrisson. Peut-être y ajoutait-on libéralement des forêts d’autres bans voisins comme ceux d’Andernay, Mognéville, Sermaize, etc.

Quoi qu’il en soit, l’avocat Griffon continua à montrer son dédain d’une inutile chicane. Craignant peut-être la vindicte des gens de Contrisson, au milieu desquels il vivait et peut-être aussi ayant souffert dans ses biens des ravages de ses clients, il ne chercha pas à retarder l’exécution de la sentence. Il n’essaya pas de porter appel au Parlement de Paris ainsi que peut-être il en avait le droit, Contrisson étant dans la « mouvance ». Il ne discuta pas la commodité du cantonnement assigné aux bestioles. Il n’imita pas son confrère de Saint-Julien-de-Maurienne qui, en 1587, dans une instance contre les charançons, qui ravageaient les vignes, prétendit que les terrains boisés et herbus offerts en pâture à ses clients ne pouvaient être acceptés par eux, car ce n’était qu’une lande stérile et inculte où ils ne pourraient trouver à vivre. Il exigea la nomination d’experts. Nous ignorons ce qu’ils décidèrent.

Notre document ne nous indique pas comment fut faite la signification de l’arrêt par le sergent Etienne Griffon. Nous ne saurons jamais, d’autre part, si les condamnés s’inclinèrent devant le jugement des hommes, comme les taupes du Val d’Aoste aux temps carolingiens, et déguerpirent dans les trois jours fixés. Ce document, trouvé au début du XXe siècle par Pierre Lœvenbruck dans le dépôt d’Archives du Ministère des affaires étrangères, est une copie certifiée par le greffier Chatel et délivrée par lui le 21 octobre 1733. Les acteurs de cette comédie judiciaire ont réellement existé, car on a retrouvé aux archives de la Meuse mention de Mordillat, de Griffon, de Collinet ayant vécu à Contrisson à l’époque indiquée.

Dans ce village la haute justice appartenait bien au duc de Lorraine et à côté de celle-ci existait une justice foncière. D’après un dénombrement du 17 août 1735, cette dernière appartenait à l’époque du jugement à Charles-Bernard Collin, seigneur du lieu, écuyer, commandant des ville et château de Ligny où il demeurait. Pour l’exercice de la « moyenne justice, basse et foncière », il avait droit « d’établir un mayeur, lieutenant, procureur d’office, greffier, sergent et autres officiers, lesquels connaissaient de toutes causes civiles tant réelles que personnelles et mixtes, jusqu’à appel avec pouvoir de condamner les délinquants à l’amende de 60 sols et au-dessus », révèlent les archives de la Meuse. Signalons que le jugement, rédigé conformément à toutes les règles, n’est point différent, en son jargon, de ceux rendus dans des causes semblables et dont images (5)quelques-uns sont datés de peu d’années avant 1733.

Cette sentence contre des animaux n’est pas la dernière qui ait été rendue. Le savant Dr Cabanès en signale à des époques peu éloignées. Le 28 brumaire an II (18 novembre 1793) fut exécuté, à Paris, le chien de l’invalide Saint-Prix, condamné à mort la veille, avec son maître, pour avoir trop bien défendu celui-ci contre les recherches de la police. Il y a mieux : en mai 1906, le tribunal de Delémont condamnait également à mort un chien complice de deux meurtriers qui s’en tirèrent avec la détention perpétuelle. Et de nos jours, si l’on n’ose plus mettre en branle l’appareil judiciaire contre les animaux ravageurs, sommes-nous bien sûrs que, dans des coins reculés de nos campagnes, certains pseudo-sorciers n’emploient pas encore, contre les insectes et les bestioles, des conjurations pour les faire fuir loin du pays ou les détruire ?

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Préjugés des Anciens sur les Salamandres

Posté par francesca7 le 15 juin 2014

 

 
 
La salamandre, pour la définir tout de suite familièrement, est une sorte de crapaud ayant une queue. Les mœurs de cet animal ne présentent aucune propriété extraordinaire, et cependant, sur la foi de quelques observations d’une très faible portée, il s’est accumulé peu à peu autour de son nom une réputation immense, notamment celle de posséder la vertu d’éteindre le feu.

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Lorsqu’on blesse ou qu’on irrite ce petit animal, il suinte de sa peau, visqueuse comme celle du crapaud, une humeur laiteuse, amère, d’une odeur forte et tout à fait repoussante. Cette propriété est fort simple, et évidemment destinée dans le plan de la nature à écarter de lui les ennemis que la paresse de sa marche ne lui permet pas de fuir. C’est là cependant ce qui est devenu le principe de toutes les fables qui se sont répandues sur le compte de la salamandre.

D’abord, il est incontestable que cette humeur est légèrement vénéneuse : elle fait périr, en effet, les insectes et les petits animaux ; mais on s’est assuré, par des expériences positives, qu’elle est sans aucune action délétère sur l’homme et sur les animaux d’une certaine taille. Cependant, chez les anciens, son poison a passé pour un des plus redoutables du monde. Pline assure qu’il suffit que la salamandre ait touché un fruit en passant pour que ce fruit se change aussitôt en un poison violent. Je croirais volontiers que dans l’empire romain on en était venu à forger une multitude de poisons que l’on rapportait à la main de la nature précisément parce qu’il y en avait un trop grand nombre qui ne sortaient que de celle des hommes.

Quoi qu’il en soit, cette mauvaise réputation de la salamandre, qui n’aurait guère le droit de régner que parmi les mouches et les autres insectes, s’est conservée dans nos campagnes. La salamandre est rangée presque partout par les paysans parmi les animaux les plus venimeux, et quand on en découvre quelqu’une on s’en débarrasse aussitôt avec une sorte d’horreur. Elle ne mérite cependant pas une réprobation plus énergique que le crapaud, car à l’égard des mœurs et de son venin elle est presque en tout pareille.

Mais cette faculté d’empoisonnement n’est que la moindre merveille de la salamandre. Sa plus fameuse propriété est d’éteindre le feu ; et l’on a vu au Moyen Age des savants qui, se fondant sur cette antipathie naturelle, prétendaient éteindre les incendies en jetant au milieu des flammes des salamandres. Ce préjugé a ses racines dans l’Antiquité. « La salamandre, dit Pline, est un animal si froid que rien qu’à toucher le feu il l’éteint comme le ferait de la glace. » Aristote enseigne à peu près la même chose, mais avec plus de réserve : « Cet animal, dit-il, à ce que l’on prétend, éteint le feu lorsqu’il y entre. »

Il y a là quelque vérité, mais il faut la bien préciser pour ne s’y point méprendre. Il est certain que si l’on met une salamandre sur quelques charbons, comme il se dégage immédiatement de son corps cette humeur laiteuse dont nous avons parlé, les charbons qui la touchent, s’ils ne sont pas trop forts et trop ardents, s’éteignent promptement ; mais cela ne tient nullement à la froideur de l’animal, car cette humeur serait toute chaude qu’elle n’éteindrait pas moins le feu sur lequel elle se répandrait, comme l’eau qui n’éteint pas moins le charbon quand elle est bouillante que quand elle est à la glace.

Mais de ce fait si simple, grâce aux exagérations de la théorie des sympathies et des antipathies, si puissante dans l’ancien état de la science, est sortie l’idée que la nature de la salamandre était antipathique à celle du feu, et de là la persuasion que la salamandre repoussant absolument le feu, cet agent ne saurait la consumer. Telle a été l’opinion vulgaire au Moyen Age ; et, pour la détruire, il a fallu que les savants de la Renaissance se livrassent à cet égard à des expériences positives.

Mathiole rapporte qu’il vit une salamandre mise dans un brasier et brûlée en très peu de temps. Picrius et Amatus font des déclarations semblables. Galien, chez les anciens, avait observé la même chose, car il dit que la salamandre supporte à la vérité l’action du feu, mais qu’elle finit bientôt par y être consumée ; et il recommande même ses cendres comme un médicament utile.

Certes, une si grande autorité aurait dû mettre entrave à l’exagération ; mais le merveilleux, une fois né, s’arrête rarement avant d’être parvenu au terme de la carrière. L’incombustibilité de l’animal une fois implantée de cette manière dans les imaginations, on a oublié bien vite la pauvre petite salamandre des fossés et des caveaux humides, et l’on est allé jusqu’à donner à l’animal lui-même une organisation franchement fantastique. On lui a attribué le feu pour séjour habituel, comme l’eau aux poissons ou l’air aux papillons ; on a voulu qu’il y puisât sa nourriture ; on lui a fait souffler et vomir la flamme ; on lui a supposé des ailes pour se mouvoir plus à l’aise dans cet élément subtil ; on lui a ôté son humble figure, et on en a fait un dragon : voilà la généalogie de cette furieuse salamandre du blason de François Ier.

téléchargement (6)Il se conçoit que l’on ne se soit pas arrêté en si beau chemin. Les voyageurs, qui pouvaient prétendre avoir rencontré des salamandres aux pays lointains, n’avaient pas à se faire grand scrupule de rapporter des preuves matérielles de leur mensongère trouvaille. Aussi vit-on circuler pendant un temps, dans le commerce des curiosités naturelles, des étoffes faites avec de la laine de salamandre : on en était venu à donner de la laine à ce dragon. Cette laine, ou plutôt encore cette soie, était blanche, fine, d’une assez grande souplesse, et résistait en effet parfaitement bien à l’action du feu le plus ardent. On pouvait en faire des tissus, et, à l’aide de ces tissus, braver non pas la violence du feu, mais le danger de voir les vêtements s’enflammer au simple contact de la flamme : aussi la laine de salamandre eut-elle un moment une célébrité rare.

Le fait est que si l’on avait dû juger de l’incombustibilité de la salamandre d’après celle de cette prétendue laine, il aurait fallu regarder l’animal comme réellement doué de la propriété prodigieuse que le vulgaire lui attribuait. Mais cette substance provenait-elle réellement d’un animal ? Là était la question, et, malheureusement pour les amis du merveilleux, il s’est trouvé que la laine de salamandre était tout simplement un minéral filamenteux bien connu des naturalistes, et connu même des anciens sous le nom d’asbeste.

 

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