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    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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les costumes de la chouannerie

Posté par francesca7 le 8 juin 2014

 

volatiliser1La chouannerie ne change pas de caractère en passant aux ordres de Puisaye : une guerre de clair de lune menée sur la bruyère au chuintement du hibou par des soldats fantômes, c’est la figure déjà connue et seulement intensifiée dans son expression, qu’elle va continuer de présenter jusqu’à La Mabilais. D’où la même difficulté pour la saisir, la fixer. On pense la tenir et elle échappe. Les généraux républicains, les représentants aux armées, les administrateurs, tous gémissent sur cette mobilité incroyable de l’adversaire, sur sa faculté presque fabuleuse de disparaître, de se volatiliser.

« Parti de bandits, écrivaient déjà sous la Terreur les délégués de la Convention, disséminés en pelotons plus ou moins forts, ils se répandent dans les campagnes, sur les routes et dans les champs. Sont-ils en nombre, ils attaquent nos postes ; sont-ils isolés, c’est à l’abri des haies qu’ils tirent leur coup de feu sur les voyageurs, et principalement sur nos soldats. Ils ont plutôt l’air d’agriculteurs que de brigands embusqués. Tel a été saisi, un hoyau à la main, qui avait caché son fusil derrière un buisson…

Un uniforme les trahirait. Les Bleus ont le leur. Même en haillons, quand l’habit n’a plus ni forme ni couleur, quand la guêtre ne tient plus au soulier rattaché par des ficelles, leurs baudriers en croix, leurs briquets à poignée de cuivre, le balai de crin rouge de leurs vieux tricornes, la cadenette qui leur tape le dos et leurs longues moustaches gauloises les dénoncent à trois cents mètres.

Mais les chouans ! Sauf les déserteurs, dont beaucoup portent encore l’uniforme de l’ancienne armée, les autres, ne sauraient en être distingué à l’oeil nu.

Le costume des campagnes semble avoir été d’ailleurs à cette époque beaucoup moins divers qu’aujourd’hui. Dans le Maine comme dans la Cornouaille, on retrouvait chez les paysans ce bonnet de laine bleue ou rouge d’où coulaient jusqu’aux épaules de longs cheveux plats ou bouclés et que remplaçait, les jours de fête, le grand chapeau à cuve, cette veste brune ou grise doublée en hiver par une peau de bique ou de mouton, ces braies courtes et larges de berlinge, nommées bragou-braz en Bretagne, ces guêtres de cuir jaune, ces jarretières de couleur tranchante, ces sabots ou ces souliers ferrés pour les longues marches.

C’était là indistinctement et à quelques nuances près le costume de toute la paysantaille masculine de l’Ouest. Rien là de militaire, rien de significatif. Dans les expéditions, dans la bataille seulement, les signes distinctifs du clan apparaissent : des parements mobiles de diverses couleurs, le Sacré-Coeur accroché sur la poitrine ou porté en brassard, le chapelet à la ceinture ou au gilet, la médaille ou la statuette bénite de plomb fixée au chapeau avec la cocarde blanche. Et le porteur de hoyau de tout à l’heure se révélait le fusil de chasse au poing et la poire à poudre en sautoir. Mais que la poursuite commence, que le détachement des Bleus ou des gardes nationaux franchisse la haie et tombe sur l’assaillant embusqué derrière, tout disparaît à la seconde, fusil, poire à poudre, cocarde, amulettes, Sacré-Cœur : il n’y a plus qu’un nigous quelconque qui, à toutes les interrogations, répond par son décourageant nentenket (« je ne comprends pas »).

Sur les camps ou campements chouans, il n’est pas plus facile de se faire une opinion précise que sur les costumes. Peut-on même dire que ce fussent là des camps ? Ce sont tantôt des carrières abandonnées comme les caves de Laudéan, dans la forêt de Fougères ; tantôt des souterrains de fraîche date comme ceux d’Hubert dans la forêt de Vitré, aménagés en dortoirs au revers d’une faible éminence et où l’on n’accédait « qu’après avoir marché plus de cent pas dans un ruisseau (Pontbriand) ; tantôt une série d’alvéoles « profondes, recouvertes de branchages » et creusées derrière le rempart de quelque talus, comme à Saint-Bily ; tantôt des « baraques de planches », sept ou huit, avec « chacune vingt-cinq couchettes », comme à Boscény ; tantôt enfin (mais seulement après des razzias républicaines ou en cas d’émigration) de vrais villages sylvestres comme celui qu’a décrit Souvestre sous le nom de Placis de la Prenessaye et où cent huttes de charbonniers, dans une clairière, entouraient quelque grand chêne druidique exorcisé par les saintes images et par l’autel de verdure qui s’adossaient à son tronc.

Mais la plupart du temps, quand le signal du rassemblement » les tirait de leurs chaumières, les chouans ne s’embarrassaient point de tout ce luxe : la nuit venue, si le temps était propice, ils se roulaient à la belle étoile dans leur peau de bique et, au cas contraire, empruntaient le paillis ou le grenier d’une ferme voisine. Des grand’gardes, on ne prenait même point toujours la peine d’en poster ; les enfants, alertés, surveillaient les routes et, au premier bruit d’une troupe en marche, détalaient vers le camp en criant : « la Nation ! »

 

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