La marquise Victoire de Donnissan
Posté par francesca7 le 31 mai 2014
Quand la Vendée se soulève en 1793, des comtesse, et marquises caracolent en amazone à la tête d’escouades à leur solde, des femmes du peuple, portant habit d’homme, se mêlent aux troupes. Nombre d’entre elles périrent sur le champ de bataille, d’autres furent guillotinées, certaines réussirent à échapper à la mort et nous laissèrent des témoignages.
Marie Louise Victoire de Donnissan, marquise de Lescure puis de La Rochejaquelein, devenue célèbre par ses infortunes et par la part qu’elle prit aux guerres de la Vendée, née à Versailles le 25 octobre 1772, est décédée le 15 février 1857 à Orléans.
Victoire de Donnissan, née au château de Versailles le 25 octobre 1772, fille unique du marquis de Donnissan, gentilhomme d’honneur du comte de Provence, frère du roi, épouse le 21 octobre 1791 son cousin germain Louis-Marie de Salgues, marquis de Lescure, gentilhomme poitevin, né en 1766, lui-même cousin d’Henri de La Rochejaquelein.
Au début de mai 1793, Lescure se joint, avec son beau-père, aux Vendéens insurgés et devient commandant de l’armée catholique du Poitou. Il prend part à toutes les campagnes de l’été 1793. Très grièvement blessé à la mâchoire le 15 octobre, l’avant-veille de la bataille de Cholet, il franchit la Loire sur un brancard, avec sa belle-mère, sa femme enceinte et leur fille d’un an (qui mourra quelques semaines plus tard). C’est en cet équipage que Victoire, qui a alors vingt et un ans, entame la virée de galerne.
Le 3 novembre, Lescure meurt près d’Ernée. Sa veuve participe à toute la suite de l’équipée. Le 22 décembre, elle réussit à se cacher, avec sa mère, dans une métairie de l’arrière-pays guérandais. C’est là que, le 19 avril 1794, elle accouche de deux jumelles, dont l’une mourra le 2 mai et l’autre dix-huit mois plus tard. Réfugiée quelque temps au château des Donnissan, près de Bordeaux, elle émigre en Espagne en 1797 et rentre en France en mai 1800. Le 1″ mars 1802, elle épouse Louis de La Rochejaquelein, frère cadet d’Henri (tué en janvier 1794), qui sera lui-même tué lors de l’insurrection de 1815.
C’est en Espagne qu’elle a commencé la rédaction de ses Mémoires, qu’elle achève en 1803. S’étant liée avec le jeune Prosper de Barante, sous-préfet de Bressuire en 1806, elle autorise celui-ci à publier, en 1814, son manuscrit, quelque peu remanié, sous le titre Mémoires de Mme la marquise de La Rochejaquelein écrits par elle-même, rédigés par M. le baron de Barante. Après plusieurs tirages de cette première version, l’édition la plus fidèle au manuscrit original est celle donnée en 1889 par le petit-fils de la marquise et que reprend, en 1984, celle du Mercure de France (présentation et annotation d’André Sarazin).
Ces Mémoires sont d’abord l’écho d’une certaine vision de la guerre de Vendée et de ses origines et, à ce titre, demandent à être soigneusement critiqués ; mais ils sont aussi le reflet fidèle des événements auxquels son auteur a elle-même participé, notamment la virée de galerne, et son récit constitue un témoignage de premier ordre sur la tragédie vendéenne.
Victoire de Donnissan, marquise de Lescure, puis marquise de La Rochejaquelein, est morte le 15 février 1857, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans.
Issue d’une famille influente à la cour de Versailles, elle était fille unique de Guy Joseph de Donnissan, maréchal de camp, grand sénéchal de Guyenne, et de Marie-Françoise de Durfort de Civrac (1747-1839) ; elle appartenait ainsi aux familles les plus distinguées. Élevée avec le plus grand soin, elle n’avait que dix-sept ans lorsque éclatèrent les premiers orages de la Révolution française.
À la fin de 1789, elle vient avec son père et sa mère s’établir au château de Citran, dans le Médoc ; c’est là qu’en 1791 elle épouse son cousin, Louis Marie de Lescure, jeune officier désargenté, dont le nom acquit une grande illustration. C’est à la fois un mariage d’inclination et de convenance. La situation politique de la France devenant de plus en plus critique, Lescure prend la résolution d’émigrer, et, dans ce but, se rend avec sa femme à Paris dans l’été de 1792. Le moment est terrible : il assiste à la journée du 20 juin et à celle du 10 août ; et dans cette dernière, lui et sa femme enceinte de sept mois, forcés de chercher un asile, courent de grands dangers. Renonçant au projet de quitter la France, Lescure pense que le parti le plus sage est de se retirer dans ses propriétés auprès de Bressuire, dans les Deux-Sèvres, au château de Clisson, commune de Boismé (ne pas confondre avec Clisson en Loire Atlantique). M. et Mme de Donnissan y accompagnent leur fille. Ce n’est pas sans de graves difficultés qu’on parvient à quitter Paris le 25 août, quelques jours avant les massacres de septembre, et à accomplir un long voyage au milieu de populations livrées à l’agitation la plus vive.
L’insurrection vendéenne
À Clisson, on se trouve dans une région tranquille ; mais le torrent révolutionnaire monte toujours. Louis XVI a péri sur l’échafaud. Des persécutions sont dirigées contre les prêtres ; le recrutement de 300 000 hommes est l’étincelle qui met le feu aux poudres : le Bocage se soulève ; toute la Vendée prend les armes et bientôt Lescure, suivi de son cousin Henri de La Rochejaquelein, qui est le premier à se mettre à la tête des paysans, Bonchamps,Charette, Elbée, Stofflet, Cathelineau se montrent à l’envi sur les champs de bataille, et la lutte acquiert des proportions gigantesques. Tant qu’elle est favorable aux Vendéens, Madame de Lescure reste éloignée de son mari, et retirée au château de la Boulaye.
Elle rejoint son époux, qui a eu le bras fracassé lors de l’attaque de Saumur ; elle l’accompagne dans ses courses périlleuses. Le château de Clisson est brûlé ; des flots de soldats républicains inondent la Vendée ; le combat de Torfou, funeste aux Mayençais, que commandait Kléber, et bien des rencontres ont lieu avec des succès partagés, lorsque le 17 octobre 1793, à la bataille de Cholet, Lescure reçoit une blessure des plus graves. Les Vendéens, écrasés sous le nombre, décident de chercher un refuge de l’autre côté de la Loire, résolution funeste, puisqu’en s’éloignant de leurs foyers, en s’aventurant dans un pays qui leur est hostile, en s’embarrassant d’une multitude de femmes et de fuyards, de non-combattants qui gènent leurs mouvements, ils ne peuvent échapper à de grands désastres. C’est la « Virée de Galerne ».
Madame de Lescure suit cette expédition avec sa petite fille âgée d’un an, marchant à pied à côté du brancard sur lequel son mari est transporté ; elle est enceinte, et ce n’est que par une sorte de miracle qu’elle survit à de si vives secousses. Le 4 novembre, le blessé expire. Sa veuve, abîmée de douleur, est entraînée dans la marche de l’armée vendéenne qui, après avoir tenté vers le littoral une pointe impuissante, après avoir vainement attaqué Granville, revient vers la Loire, s’efforçant sans succès de s’emparer d’Angers, livre dans les rues du Mans une bataille acharnée, et finit par voir ses débris succomber à Savenay en décembre 1793.
La mort de de Lescure
Pendant les six semaines qui s’écoulèrent depuis la mort de de Lescure jusqu’à la dispersion de l’armée vendéenne, sa femme eut à endurer le froid, la faim, la fatigue, la misère, les alarmes les plus cruelles ; dévorée par la fièvre, portant un costume de paysanne, pendant plusieurs jours elle n’eut pour nourriture que quelques oignons qu’elle arrachait dans les champs ; accablée de lassitude, elle prit parfois de courts moments de sommeil sur la paille, au bruit du canon dont les boulets tombaient près d’elle. Aux derniers instants de la déroute, elle fut obligée de se séparer de sa fille, qu’elle confia à une famille de paysans près d’Ancenis. À Savenay, elle s’éloigna de son père, qui peu de jours après, fut pris et fusillé ; et, déguisée ainsi que sa mère sous le costume de paysannes bretonnes, elle chercha un refuge dans une ferme écartée dans la région de Prinquiau.
Accueillie avec hospitalité, elle passa l’hiver de 1793 à 1794 avec des cultivateurs que leur pauvreté mettait à l’abri des poursuites révolutionnaires et qui étaient habitués à une vie de fatigues et de privations. Son aspect et celui de madame de Donnissan étaient si misérables, que ces femmes, qui avaient si souvent fait l’aumône, furent plusieurs fois exposées à la recevoir. Souvent obligées de prendre la fuite, de se sauver dans les bois afin d’échapper aux perquisitions des bleus, leur vie ne fut qu’un tissu d’inquiétudes incessantes, d’alertes, de périls, de terreurs de tous les moments. Ce fut au milieu de ces terribles épreuves que Madame de Lescure accoucha de deux petites filles ; elle passa ensuite un mois dans une chaumière inhabitée depuis plusieurs années, et dont elle avait soin de tenir la porte et les fenêtres fermées afin de ne pas attirer l’attention. Elle apprit dans cette misérable demeure la mort d’une des deux jumelles, et, tout en pleurant, elle ne put s’empêcher de dire :
« Elle est plus heureuse que moi ! »
Après bien des périls, après qu’elle eut erré d’asile en asile, le 9 thermidor, en faisant tomber le régime de la terreur, vint rendre quelque sécurité aux proscrits ; mais il fallut du temps pour que la réaction pénétrât dans des provinces écartées. Une amnistie fut enfin proclamée, et madame de Lescure se rendit à Nantes, où elle retrouva des personnes qui avaient éprouvé des malheurs aussi grands que les siens. Elle partit ensuite pour aller habiter le château de Citran dans le Médoc ; là se termina la partie active et pour ainsi dire militante de sa vie. Elle arriva dans sa nouvelle demeure au mois de février et presque aussitôt elle eut une autre mort à pleurer, celle de la petite fille qui lui restait.
L’exil
Après le 18 fructidor, il y eut une recrudescence de persécution contre les royalistes ; madame de Lescure, qui avait été inscrite sur la liste des émigrés, quoiqu’elle ne fût pas sortie de France, dut s’éloigner, et elle passa quelque temps en Espagne ; elle put revenir après le 18 brumaire, et elle rentra en possession de ceux de ses biens qui n’avaient pas été vendus, ainsi que de la fortune de son mari.
Marquise de La Rochejaquelein
Au mois de mars 1802, cédant aux instances de sa mère, elle épousa son cousin Louis de la Rochejaquelein, frère de Henri, le plus célèbre des généraux vendéens. Sa vie s’écoula alors paisiblement, soit à Citran, soit à Clisson, dans le Poitou. En 1808, elle avait déjà cinq enfants. Son mari se refusa à accepter toute fonction pendant l’empire, et, dans les premiers mois de 1814, il travailla à provoquer un soulèvement dans la Vendée ; il contribua puissamment au mouvement qui fit, le 12 mars, proclamer à Bordeaux le retour des Bourbons.
Elle laissait un livre remarquable, des Mémoires qu’elle avait commencés en Espagne et achevés durant les premières années de son second mariage. Communiqués en manuscrits à M. de Barante, alors sous-préfet à Bressuire, ils circulèrent dans quelques sociétés d’élite avant d’être livrés à l’impression, et ils produisirent une sensation profonde. Ils furent enfin imprimés en 1814, après la chute définitive de Napoléon Ier. Traduits en plusieurs langues, ils ont été souvent réimprimés. Une neuvième édition, mise au jour à Paris en 1862 est précédée d’une éloquente oraison funèbre prononcée par l’évêque de Poitiers le 28 février 1857, dans l’église de St-Aubin de Beaubigné. On trouve dans ces récits touchants de grands désastres et des misères infinies, des tableaux saisissants, des mots qui viennent du cœur, des traits qui peignent toute une situation. La franchise de la narration, la simplicité du style donnent un prix tout particulier à ces souvenirs qui ne sont pas une œuvre littéraire, mais qui resteront comme un éloquent témoignage des plus funestes guerres civiles dont l’histoire de la France conserve dans ses annales les fastes sanglants.
Un lien : Mémoires de Madame de La Rochejaquelein
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