Mouton-Rothschild grand nom
Posté par francesca7 le 30 mai 2014
Propriétaire : Philippine de Rothschild. Un nom et peut-être plus encore un prénom. Philippine, c’est du tempérament, un caractère bien trempé comme l’était celui de son père Philippe, qui, le premier, imposa la mise en bouteille au château en 1926. Jusque-là, c’était au négociant qu’échoyait ce rôle et les dégustateurs de l’époque comparaient telle mise à une autre, élevage soigné ou pas, avec ajout parfois d’autres vins en provenance de la vallée du Rhône nord ou d’ailleurs quand le millésime était déficient. Ce Brane-Mouton, comme il s’appelait autrefois, relève davantage d’un tumultueux bélier que d’un gentil ovidé juste bon à la tonte. Bien géré mais de loin par quelques générations de Rothschild, il prend sa véritable identité en 1922 avec l’arrivée de ce jeune homme fougueux âgé de 20 ans, Philippe de Rothschild. En 1945, il crée la fameuse étiquette avec le V de la victoire illustré par Philippe Jullian. Depuis, chaque année, un nouveau peintre réalise la nouvelle étiquette du millésime. En 1973, il obtient l’impensable : la révision du classement de 1855 et l’accession au rang de premier cru classé de Mouton.
Ambassadrice infatigable de son domaine, Philippine a poursuivi l’oeuvre du baron. Avec le recrutement de Philippe Dhalluin comme directeur technique, Mouton a franchi un nouveau pas qualitatif. Davantage de pureté et de définition, plus de réussite dans les millésimes moyens. Surtout, une sélection beaucoup plus sévère qu’autrefois. Mouton a réduit sa production de moitié ou presque. La création de Petit-Mouton, le second vin, a contribué à cette hypersélection. Puis chaque cuve abrite désormais des parcelles bien précises qui sont écoulées « quand chacune semble à son optimum », dit Philippe Dhalluin.
Le nouveau chai, prévu, discuté, minutieusement étudié car sa réalisation nécessitait la démolition d’une bonne part des bâtiments actuels, a été inauguré en juin dernier lors de Vinexpo. Il apporte encore plus de précision sans gommer toutefois ce qui a donné sa célébrité à Mouton : son nez. Ah, le nez de Mouton, comme celui de Cléopâtre, a beaucoup occupé les esprits ! Certaines années, les plus réussies en général, il développe des arômes de café, de moka, qui ne sont pas sans rappeler les odeurs que peuvent apporter les élevages en barriques fortement chauffées. Le nez de Mouton, disaient certains, c’est de la triche, de l’artifice, quelque chose que l’on rajoute et qui n’est pas inhérent au vin. La vérité est à mi-chemin : « Ce sont des parcelles dans le coeur historique du vignoble qui développent ça. On le trouve aussi sur une parcelle d’Armailhac, sans que l’on puisse trouver une explication technique. Cela se sent dès la vinification ! » commente Dhalluin. Mais, autrefois, les anciens maîtres de chai avaient repéré que cette nuance était présente sur les bons millésimes. Alors, pour forcer le destin, ils n’hésitaient pas à utiliser des barriques bien chauffées, toastées, qui, au moins sur les vins jeunes, donnaient l’illusion du moka en conférant au vin la petite touche café… Mouton, particulièrement réussi en 2012, a également à son palmarès un monument : le 2006, composé à 87 % de cabernet-sauvignon et à 13 % de merlot. « Nous n’avons pas utilisé les cabernets francs. Ils avaient beaucoup de fruit, mais ils conféraient au grand vin comme un petit creux en bouche », commente Philippe Dhalluin. L’équipe technique a choisi de procéder à des extractions et à des macérations assez courtes. « Nous savions que les tanins étaient présents et se libéraient facilement dans le vin. Simplement, il fallait les gainer, leur donner de la chair, sinon ça pouvait ressembler aux vins de 1994 ou de 1996, un peu sévères », complète le responsable technique, Éric Tourbier. Autre belle réussite récente, le 2008, d’une parfaite élégance, et le solaire 2009, qui, en vieillissant, perd un peu de son exubérance au profit d’une assise solide et raffinée.
article LePoint.fr
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