Bonjour lunettes, adieu fillettes
Posté par francesca7 le 20 mai 2014
Il faut cesser de prétendre aux faveurs des jeunes filles, quand on commence à prendre les lunettes
On dit aussi : Les lunettes sont des quittances d’amour. Le conseil que donnent ces deux proverbes était juste et convenable autrefois où la chose n’arrivait guère qu’à un âge avancé ; il l’est beaucoup moins aujourd’hui qu’elle a lieu à une époque de la vie où l’on a le cœur en meilleur état que les yeux.
Ils font allusion aux vieux barbons qui, possédés de la manie de se poser en verts galants, reluquent sans cesse avec des lorgnons ou des binocles toutes les jouvencelles à qui ils savent si bien faire tourner la tête… de l’autre côté. On sent que l’application en serait déplacée à l’égard des jeunes gens pour qui les lunettes sont des objets de nécessité ou des objets de mode.
Ajoutons que la mode des lunettes fut très répandue en Espagne, au commencement du XVIIe siècle, sous le règne de Philippe III. Elles faisaient partie du costume des gens comme il faut qui croyaient, par cette nouvelle espèce d’insignes, se donner plus de gravité et obtenir plus de considération. Elles étaient proportionnées au rang des personnes. Les grands du pays en mettaient de magnifiques dont les verres présentaient une circonférence double de celle des piastres fortes, et ils y tenaient tant, dit-on, qu’ils ne les quittaient pas même pour se coucher.
Les dames, à leur tour, les avaient adoptées, parce que ce complément de leur parure signalait aussi la noblesse de leur condition, et surtout parce qu’il leur procurait une foule d’avantages qu’il serait trop long de spécifier ; bornons-nous à dire que quelques-unes les portaient afin de passer pour lettrées ou savantes (c’étaient les précieuses du temps), et presque toutes afin d’empêcher les curieux indiscrets de chercher à lire dans leurs yeux les sentiments dont elles étaient affectées. Il n’y en avait point de jeunes et jolies qui ne fussent dans cette catégorie.
On peut supposer que les diverses espèces de lunettes avaient des noms correspondant à leurs divers emplois. Un poète gongoriste — le gongorisme, qui tient son nom de l’Espagnol Góngora, est un style littéraire qui se caractérise par une certaine préciosité et l’abus de métaphores — appelait celles qui cachaient de beaux yeux, les couvre-feu de l’amour.
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