Produire BIO. En France
Posté par francesca7 le 2 mai 2014
Des plantations de nectarines et d’abricots à n’en plus finir. Des cerisiers et des pommiers à perte de vue. Et, au bout d’un sentier, une pancarte qui annonce : « Le temps bio ». Au-dessous, on peut lire : « Agriculture biologique : je protège mon environnement ». Nous sommes, ici, en territoire protégé, en plein coeur de la vallée de la Têt, à Saint-Féliu-d’Avall, sur l’exploitation de Dominique Courtial. Ce soir, après les travaux des champs, il a convoqué d’autres producteurs, bio comme lui. De retour de Paris, où il s’est rendu au siège du distributeur Biocoop, il a une bonne nouvelle à leur annoncer : « Cette réunion est une belle avancée : la bataille des marges de la grande distribution, nous la remporterons. Ce prix moyen d’achat, nous le fixerons », leur lance-t-il, optimiste.
Ces petits producteurs, à la tête d’exploitations familiales de 2 à 5 hectares, pour la plupart issus de l’agriculture conventionnelle, sont membres deTerroirs bio Languedoc-Roussillon, une association créée en 2003 sous l’impulsion d’Alterbio, un bureau de vente et d’expédition associé à Biocoop. L’intérêt ? Écouler, sous une même marque, Couleur Midi, et selon un strict cahier des charges, leur production, à travers 340 magasins en France. « Cette organisation nous assure la possibilité de vivre dignement de notre travail », confie Vincent Mignot.
Ce maraîcher de Thuir, qui produit 150 000 pieds de salades, 30 tonnes de tomates, 25 de concombres, 20 d’aubergines, 15 de céleri, et même des blettes, du chou-rave et du fenouil, se souvient, il y a vingt ans, de sa décision de se lancer dans le bio : « On nous traitait de fous, personne n’y croyait. Et surtout pas les banques. » Depuis, les temps ont changé : la filière a fructifié et nombreux sont les candidats à vouloir les rejoindre. »Nous accompagnons 30 à 40 conversions chaque année », confie Patrick Marcotte, à la tête de Civam bio 66, l’association qui, chargée de promouvoir l’agriculture biologique dans les Pyrénées-Orientales, fédère 300 producteurs. »Ceux qui ne sont attirés que par des raisons économiques ne tiennent pas longtemps », prévient-il.
Ingéniosité.
L’agriculture biologique est une lutte quotidienne, un combat acharné contre les éléments naturels. Autant dire que, cette année, Dame nature n’a pas été tendre : il y a eu les inondations automnales, les neiges hivernales, le gel tardif du printemps. Et c’en était fini des pieds de salades et brocolis de Jacques Ey, producteur à Banyuls-dels-Aspres. « Sans produits chimiques et pesticides comme béquilles, nous sommes plus vulnérables aux attaques », dit-il. Jacques aurait pu baisser les bras. Et pourtant, il croit dur comme fer à sa petite affaire. »Comme ces marins qui malgré les tempêtes aiment la mer, nous aimons notre terre », justifie-t-il. Vincent Mignot, plus rationnel : « En vingt ans, il n’y a pas eu le moindre signe d’essoufflement, juste quelques petits phénomènes conjoncturels, ici et là. »
Alors, les producteurs bio retroussent leurs manches sans moufter. Et même, cela leur plaît. »Dans l’agriculture conventionnelle, nous appliquions machinalement les calendriers de production, pondus par la chambre d’agriculture et les fabricants de pesticides. Notre métier n’avait plus de sens, déplore Vincent Mignot.En agriculture biologique, les défis sont permanents et notre savoir-faire est constamment sollicité. » Pour venir à bout des ravageurs, ils ont trouvé l’Amblyseius swirskii, un acarien, prédateur de thrips, une petit cigale dévastatrice, et l’Aphidius colemani, la star des parasitoïdes. Voilà deux ans, en coopération avec le réseau d’expérimentation transfrontalier Redbio, Vincent Mignot a accueilli des populations de Tuta absoluta, un ravageur de solanacées qui fait des miracles.
Préservation.
Et puis, il y a ces méthodes pleines de bon sens, des anciens, qu’ils se sont réappropriées. A commencer par la rotation des cultures, qui protège les sols des maladies, et la solarisation triennale, dont Vincent Mignot est un expert : « Elle permet de diminuer sensiblement le stock de graines adventices et de limiter les pathogènes », assure-t-il. Hier, il a fait le plein en eau de sa parcelle en prévision du jour où l’ensoleillement sera le plus fort : il la couvrira alors d’un film plastique qui chauffera le sol et anéantira les indésirables. Tous ont compris la nécessité de replanter des haies pour protéger leurs vergers des vents et attirer de nouveaux prédateurs, comme les mésanges bleues, capables d’anéantir jusqu’à 15 kilos d’insectes. »Ecoutez donc ce battement d’ailes, se félicite Alain Pigeon, au milieu de ses 3 hectares de terres maraîchères, à Argelès-sur-Mer. Cela signifie que mes nichoirs ont bien fonctionné. » Au déversement systématique d’engrais et de pesticides ils ont préféré le laisser-faire et l’observation. Et ne le regrettent pas : « La nature est bien faite et nous y sommes plus attentifs », ajoute Alain Pigeon, fier de participer à la préservation de l’environnement. »La filière bio, nous l’exploitons jusque sous nos serres, assure Vincent Mignot,l’arrosage se fait au goutte-à-goutte et nos tuteurs sont couverts de ficelle biodégradable. » L’avenir ? Ils l’envisagent avec optimisme. »Avec cette agriculture pleine d’espoirs, nous pouvons nous projeter », assurent-ils. Dominique Courtial vient d’intégrer une Amap pour développer des circuits courts ; Alain Pigeon, lui, projette de lancer une nouvelle production de plantes aromatiques et médicinales ; Vincent Mignot, d’accroître ses productions. Cette année, il a même monté de nouvelles serres, avec l’aide… de son banquier.
Le boom du bio
En agriculture biologique, on comptait 25 producteurs, en 1980, dans le département. Aujourd’hui, ils sont 500. Avec 2200 exploitations, 74596 hectares (dont 48 316 certifiés bio et 26280 en conversion), 8% de sa surface agricole en bio, le Languedoc-Roussillon est la deuxième région bio en France. C’est aussi le premier vignoble bio, avec 1000 viticulteurs et 16500 hectares de vignes, et la première région de production pour les fruits à noyaux: en 2013, la production régionale d’abricots, pêches et nectarines devrait atteindre 6000 tonnes. Parmi les légumes, il existe des produits leaders comme la salade, dont 10 millions de pieds sont produits chaque hiver.
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