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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Frère Smaragde sauve une abbaye dans les Vosges

Posté par francesca7 le 6 avril 2014

 

Abbaye de Moyenmoutier (Vosges) sauvée
par ses cloches et le frère Smaragde en 984

(D’après « Le Pays lorrain » paru en 1907
et « Bulletin de la Société philomatique des Vosges » paru en 1888)

 
 
images (6)Lorsqu’en 983, durant la trouble minorité de l’empereur Othon III, le bruit se répandit dans les Vosges que l’armée du roi de France Lothaire, en marche vers la Germanie, allait trouver devant elle les troupes du duc de Souabe, Cuonon, l’émoi fut grand au couvent de Moyenmoutier

La douloureuse Lorraine, tour à tour ravagée par ses voisins de l’est et de l’ouest, récemment dévastée par les incursions successives des bandes hongroises, allait-elle offrir un nouveau champ de bataille au heurt des convoitises guerrières et conquérantes ?

Les saints refuges où le labeur pacifique des hommes, la contemplation et l’étude tentaient de s’organiser à l’ombre de la croix, allaient-ils être livrés à la brutalité des gens de guerre, violemment dépossédés de leurs richesses et des reliques de leurs fondateurs, et rendus, par l’effet d’un seul combat peut-être ou du simple passage des soldats victorieux, à la désolation et à l’abandon d’où il faudrait des années pour les tirer ensuite ?

C’est en 671 que saint Hydulphe (ou Hidulphe), originaire du Norique, ancienne province romaine, avait fondé l’abbaye. Né en 612, il étudia les lettres et embrassa la cléricature à Ratisbonne ; mais c’est à Trèves qu’il fit profession de la vie monastique, et fut rapidement associé au gouvernement du diocèse. Il y rencontra Gondelbert, archevêque de Sens, et Déodatus, évêque de Nevers, qui quittèrent le monde et cherchèrent un asile dans les montagnes des Vosges : ce fut probablement à la suite d’entretiens avec eux qu’Hydulphe forma lui aussi le projet de se réfugier dans la solitude et de s’établir dans la même vallée que saint Gondelbert, un peu au-dessous, à distance égale de Senones et d’Étival, à douze kilomètres de Jointures, fondé et gouverné par Déodatus.

Hidulphe arriva dans les montagnes des Vosges avec une suite de prêtres et de serviteurs, les solitaires de la région l’accueillant avec empressement, chacun des monastères de la vallée arrosée par le Rabodeau lui cédant une portion de son territoire. De généreuses libéralités, soit en Alsace, soit dans la vallée, complétèrent bientôt le domaine de l’abbaye qui devint et resta jusqu’à ses derniers jours une des plus opulentes de la contrée. Hydulphe s’établit sur la rive gauche du Rabodeau, au confluent du Rupt-de-Pierry, Rivus Petrosus, qui descend de La Chapelle et du Paire ; il imposa à son monastère le nom de Medianum Monasterium, dont nous avons fait Moyenmoutier, parce qu’il est situé à distance presque égale de Senones à l’orient, d’Étival au couchant, de Saint-Dié au midi, et de Bonmoutier au nord.

La légende rapporte que les miracles se multiplièrent à Moyenmoutier. A la prière d’Hydulphe, les aveugles voyaient, les estropiés étaient guéris, les démons prenaient la fuite. Il fallut construire en dehors de l’enceinte monastique pour accueillir la foule nombreuse, sous peine de troubler le recueillement de la jeune communauté. Le saint mourut le 11 juillet 707. Vers le milieu du Xe siècle, l’église d’origine, construite pauvrement et à la hâte, menaçait ruine. L’abbé Adalbert, probablement en 963, entreprit de la reconstruire sur de plus vastes proportions, exhuma le corps de saint Hydulphe et l’enferma dans une châsse de bois décemment ornée.

Un éclatant miracle signala cette cérémonie fixée au 7 novembre. Depuis un mois, des pluies continuelles désolaient la contrée, avaient détrempé le sol et ne permettaient pas de sortir des cloîtres. Rien ne présageait un temps serein. Cependant abbés et religieux assemblés pour la translation demandaient à se rendre avec la châsse, la croix, les cierges, les encensoirs et les ornements sacrés, de l’église monastique à l’église paroissiale. A peine eut-on soulevé le couvercle du cercueil, tout à coup le sol s’affermit sous les pieds, et le soleil, longtemps voilé, brilla radieux. La procession se fit avec pompe, et toute l’octave fut favorisée d’un ciel pur.

Vingt ans plus tard, le vieil abbé Adalbert, qui avait relevé de ses ruines le monastère de Moyenmoutier et y avait fait refleurir la règle bénédictine, voyait avec douleur en 984 les menaces que la cruauté des temps faisait pendre sur l’effort de toute sa vie. Frappé de paralysie et sentant prochaine une fin que ses membres perclus appelaient comme une délivrance, il passait ses journées et ses nuits en prières, affalé plutôt que prosterné devant la châsse de Saint-Hydulphe, et priant avec larmes le bienheureux fondateur d’écarter de son monastère le fléau du conflit opposant Lothaire et Cuonon, ou d’abréger les jours de l’abbé.

Dans les cellules des religieux, dans les ermitages et les manses qui dépendaient du couvent, la vie claustrale, les exercices de piété, les travaux de tout genre étaient abandonnés, laissant place à une désolation gémissante et vaine ou à des prières qui, malgré leur ferveur, tenaient bien plus d’une supplication d’enfant que d’un acte de foi de chrétien. Et c’est à peine si, dans le désarroi universel, un religieux songeait à célébrer la messe dans l’une des cinq églises encloses dans l’enceinte du monastère.

Dans ces conjonctures, le frère Smaragde eut une vision pendant son sommeil. C’était un homme simple, fils d’un tenancier du couvent, et que les moines avaient de bonne heure pris à leur service parce qu’il avait une âme fidèle et fruste. En témoignage de ces qualités qui brillaient d’une lueur paisible et calme pareille à l’éclat loyal de l’émeraude, ils lui avaient donné le nom de Smaragde, que ne semblaient guère appeler sa lourde encolure, la gaucherie de sa démarche et la rusticité de ses manières. Seul de tous les religieux et de leurs serviteurs, il avait continué ses occupations coutumières au milieu de l’inquiétude où s’affaissait le couvent tout entier.

De prime à none et de matines à complies, il n’était heure canoniale où il ne sonnât les cloches du monastère pour des offices le plus souvent négligés ; et, tour à tour, des cinq églises Notre-Dame, Saint-Pierre, Saint-Jean, Saint-Epvre et Saint-Grégoire

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, le tintement argentin qui s’échappe des campaniles sonores continuait par ses soins à clamer dans la solitude forestière la fraîcheur aigrelette du matin, la pleine saveur du milieu du jour, le recueillement du crépuscule. Il ne négligeait pas d’arroser, dans les coins perdus que laissait inoccupés l’enchevêtrement des cloîtres et des préaux, les légumes et les fleurs que chérissait son esprit rustique. Et son plaisir était toujours de guider, le long de minces cordelettes, l’enroulement des plantes grimpantes – comme si l’incendie et le pillage n’avaient pas menacé d’anéantir bientôt, sous l’injure des échelles dressées et la fumée des torches, la fragile croissance des liserons et des clématites.

Quand Saint Hydulphe apparut au frère Smaragde, il était revêtu de ses ornements épiscopaux et tenait son bâton pastoral à la main, tel que le figurait son portrait suspendu dans l’oratoire Saint-Epvre. Il sembla même au naïf garçon que la peinture qu’il avait si souvent contemplée dans le demi-jour de la chapelle représentait le saint fondateur sous des traits plus imposants, avec une auréole plus éblouissante ; une moindre magnificence lui paraissait émaner du personnage plus humain qui, cette nuit-là, vint interrompre son sommeil de bon et simple travailleur. Mais il n’eut pas le loisir de s’étonner, car le saint prit aussitôt la parole, et, après avoir évoqué la détresse des temps, demanda à frère Smaragde s’il était homme à sauver le monastère.

Malgré sa foi ingénue et l’attachement instinctif qu’il portait à cette abbaye où tenaient toutes ses racines, le frère Smaragde avait trop le sentiment de la hiérarchie pour accepter que le bienheureux patron de Moyenmoutier vînt proposer à un humble serviteur comme lui quelque chose qui, sans doute, ressemblerait fort à un miracle. Il répondit donc sans ambages : « Et comment, grand saint Hydulphe, ne vous adressez-vous pas à l’abbé lui-même ? N’est-ce pas lui qui fit déposer vos reliques dans notre plus chère église ? Et, le jour même où ces dépouilles sacrées y furent transportées, n’est-ce pas lui que vous honorâtes d’un éclatant miracle en faisant luire tout à coup, au ciel pluvieux de novembre, le soleil caché depuis deux mois, et en redressant toute droite, malgré la bise, la flamme courbée des cierges ? »

Frère Smaradge s’étonna dans son sommeil de sa soudaine éloquence. Lui qui d’ordinaire ne sortait de son mutisme coutumier que pour retomber bientôt, après un petit nombre de paroles, dans un silence plus obstiné, il sentit croître sa surprise quand, le saint lui ayant demandé une seconde fois s’il était prêt à sauver le couvent, il répliqua vivement : « Il y a encore, grand saint Hydulphe, le diligent Valcandus, qui est, dit-on, aussi savant que tous les autres moines réunis. Il ne sort guère de sa celle écartée que pour aller chercher, sur les rayons de la librairie, les livres les plus gros et les plus lourds qu’il peut trouver. Et il convient de ne pas oublier non plus le vénérable Tietfried. Vous savez qu’il a découvert jadis, grâce à une apparition de saint Boniface, les restes de ce glorieux martyr de la légion thébéenne. N’est-ce pas à lui que reviendrait, plutôt qu’à moi, l’honneur de sauver le monastère auquel il a donné ainsi un protecteur nouveau ? »

Et comme le saint réitérait son appel : « Notre prévôt Encibold, de qui je dépends pour toutes mes tâches domestiques, m’en voudrait certainement si j’étais l’artisan de salut choisi de préférence à lui. Vous ne sauriez croire, grand saint Hydulphe, quel homme ingénieux est le père Encibold. C’est lui qui a trouvé que l’abbaye de Moyenmoutier est au centre d’une croix formée par les cinq monastères du Val de Saint-Dié, et comme son office veut qu’il se tienne lui-même au milieu de ce couvent-ci, il dit en souriant qu’il est au centre de la chrétienté dans les Vosges. Il serait si heureux d’être l’instrument d’un miracle ! »

Smaragde fut lui-même effrayé d’en avoir tant dit, et d’avoir rappelé la plaisante vanité d’Encibold, dont s’égayait tout le monastère. Il vit d’ailleurs que saint Hydulphe le regardait sévèrement, et il ajouta avec humilité : « Mais si vous persistez, ô grand saint, à descendre jusqu’à moi, le plus infime de vos serviteurs, pour sauver le monastère que vous avez fondé, je suis prêt à donner ma vie pour vous obéir. »

Le saint lui répondit : « Ta résistance serait châtiée dès ici-bas si elle ne venait de ta grande ingénuité de cœur. Sache que tu as été choisi de préférence à d’autres parce que, seul de tous ceux du couvent, tu as marqué par la simple constance de tes occupations que tu croyais à ta manière au miracle dont tu vas être l’instrument. A ton réveil, tu prendras avec toi cinq chariots attelés de bœufs ; avec l’aide des bûcherons de la forêt, tu dépendras les cloches du monastère, et tu iras les cacher en divers lieux écartés. Laisse faire ensuite à Dieu et continue de le servir à ta façon. »

Smaragde se réveilla au point du jour et accomplit point par point les prescriptions du saint. Les cloches des cinq églises furent enlevées et placées sur des chariots, pour être transportées au pied de la Haute-Pierre, à Malfosse, à Coichot. La plus grosse de toutes et la plus aimée fut cachée sous le pont du Rabodeau : c’était celle dont jadis l’abbé Adalbert avait doté l’abbaye, et qui, cédée pour un temps à l’évêque de Toul, avait perdu la suavité de son timbre pendant toute la durée de son exil dans la ville épiscopale.

Et voici comment s’accomplit le miracle promis par saint Hydulphe. Le duc de Souabe, poursuivant jusqu’à la Meurthe le roi Lothaire qui battait en retraite, campa avec ses bandes non loin de Moyenmoutier, à la celle de Saint-Ehrhard, sur le ruisseau d’Hurbache. Ayant décidé de rançonner le couvent, il se mit en route dans la direction de la vallée de Rabodeau : le rapport de ses éclaireurs affirmait que la sonnerie des cloches du monastère suffirait à le guider dans les forêts d’alentour. Mais son armée, découragée, se débanda peu à peu à la suite d’un prodige inouï : pendant deux jours et une nuit, des tintements de cloches résonnèrent en cinq endroits différents de la montagne et de la vallée. Une large sonnerie de fête s’échappait des rives du Rabodeau, tandis que d’agiles carillons, des tocsins précipités se faisaient écho du sein des solitudes forestières.

On eût dit que cinq couvents célébraient à la fois toutes les cérémonies, appelaient à tous les offices, annonçaient toutes les heures du jour et de la nuit. Rien n’apparaissait cependant aux regards : mais une nappe sonore semblait sourdre en divers endroits de la terre, des rochers et des arbres. Les hordes du duc Cuonon, courant de l’un à l’autre de ces invisibles clochers, se remplissaient de colère et de confusion : peu s’en fallut qu’elles n’en vinssent aux mains avec elles-mêmes, et le chef souabe donna le premier l’ordre de la retraite pour éviter une mêlée fratricide.

Quant au frère Smaragde, il reprit sa vie laborieuse et simple et demanda comme unique faveur, lorsqu’il sentit sa mort prochaine, d’être enseveli près du pont de Rabodeau, à l’endroit où la plus harmonieuse de ses cloches avait, trente-six heures durant, vibré de tout son métal pour décevoir l’envahisseur barbare et l’écarter du monastère.

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les Églises fortifiées

Posté par francesca7 le 6 avril 2014

 

(par Robert Poujol)

 

 

          les Églises fortifiées dans EGLISES DE FRANCE  « Les Églises fortifiées de la Thiérache ne sont pas l’oeuvre d’une vie, mais la manifestation d’un « coup de coeur » », écrit Robert Poujol, qui a bien voulu donner son accord pour la publication de l’étude qu’il rédigea en 1959.

Situées sur un axe de tourisme international, à 170 km de Paris, les églises de la Thiérache demeurent encore aujourd’hui mal connues du public. Lieux de culte, à l’origine, elles se sont ornées de tours, de donjons et de mâchicoulis pour jouer un rôle militaire essentiel. Qui les a construites ? Pourquoi ont-elles été dotées de ces défenses ? C’est ce que tente d’expliquer l’auteur qui, alors sous-préfet de Vervins, visita ces étranges églises lors de ses traditionnelles tournées dans les mairies du terroir thiérachien.

La partie spécifiquement religieuse des édifices remonte très souvent du XIIe au XVe siècle ; la partie militaire date, neuf fois sur dix, du XVIIe siècle. En cas d’alerte, les habitants de la commune se réfugiaient dans le fort, avec vivres armes et munitions. Les animaux pouvaient même y être protégés. Les usages profanes des parties non militaires seront nombreux jusqu’au XIXe voire jusqu’au XXe siècle.

Partie intégrante de notre patrimoine historique et culturel, les églises fortifiées de la Thiérache témoignent avec force du passé et demeurent l’une de nos richesses…

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220px-Dugny-sur-Meuse_Exterieur dans EGLISES DE FRANCEPendant la période du Moyen Âge, les églises ont vu leur architecture adaptée aux désordres sociaux et politiques de l’époque. Les églises des territoires limitrophes ont été fortifiées de sorte que la population locale puisse s’y protéger lors des invasions et des guerres.

Les premières églises fortifiées datent du ixe siècle quand en 869 Charles le Chauve ordonne la construction d’un castellum à Saint-Denis et qu’en 883 l’abbaye Saint-Vaastd’Arras débute ses travaux de fortification.

Du xe siècle il nous est parvenu la mention en 919 de la construction de l’enceinte de Châteauneuf-les-Tours, en 920 du castellum de Saint-Martial-de-Limoges avec ses deux tours, en 923 des fortifications de Saint-Gery à Cambrai, Saint-Arnould à Reims, et en 933 de la fortification de l’église Saint-Hilaire le Grand de Poitiers. En 988 l’évêque Fortier fait enclore le monastère de Saint-Front, il en est de même pour l’abbaye de Saint-Victor dans le midi et pour l’abbaye Saint-Père de Chartres. Elle est munie d’un clocher porche défensif comme Saint-Germain-des-Prés et beaucoup d’autres églises.

Des églises fortifiées ont été bâties (certaines non fortifiées furent alors aménagées) en France, et dans les pays germanophones. On trouve généralement deux types de fortifications: complète ou uniquement sur une partie transformée en donjon, le chœur ou le portail (surmonté d’une « salle refuge »).

280px-Naours_église_1À chaque passage de troupes, la population se réfugiait dans un fort, une ville fortifiée, une église. En fait, les paroisses éloignées des quelques routes carrossables se trouvaient pratiquement hors d’atteinte des armées en campagne car les chemins de campagne étaient impraticables pour l’artillerie lourde. Par contre, elles étaient continuellement en butte aux entreprises de pillages .

Si de nombreux exemples existent dans le sud-ouest (régions Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes), c’est sans doute en Picardie, et plus précisément en Thiérache, que le terme « église fortifiée » prend toute sa spécificité. On notera qu’à la même époque, dans la même région-frontière, mais plus à l’ouest, dans l’Amiénois, les villageois se réfugiaient non en hauteur comme en Thiérache, mais sous terre, dans des souterrains-refuges (appelés localement « muches »), creusés à partir de l’église – comme à Domqueur - ou du moulin – comme à Naours, dans la Somme.

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Des traditions de loisirs prestigieux en Normandie

Posté par francesca7 le 6 avril 2014

 

La Normandie a conservé un ­certain nombre de ses traditions du 19e s., qui constituent aujourd’hui encore un attrait touristique majeur et original, indissociable de la région : nautisme, thermalisme et thalassothérapie, sports équestres, etc.

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L’engouement pour le nautisme

La Manche et le Calvados sont résolument tournés vers la mer. 470 km de côte, une longue tradition de navigateurs et de constructeurs de bateaux, un vent toujours soutenu : autant dire le paradis pour les amateurs de nautisme. La plaisance a particulièrement le vent en poupe depuis quelques années, à tel point que les 26 ports essaimés sur le littoral bas-normand affichent tous complet l’été, malgré leur capacité d’accueil de 10 098 places.

Les bateaux, pour la plupart des moins de 8 m, battent pavillon français pour moitié, puis anglais, néerlandais, belge ou allemand. Face à la demande croissante, la région devrait proposer 30 % d’anneaux supplémentaires d’ici 2015.

Les amateurs de sports nautiques ont l’embarras du choix : voile, plongée, canoë-kayak, kayak de mer, aviron, char à voile, planche à voile ou fly-surf, les clubs nautiques se multiplient le long de la côte, avec une concentration particulièrement forte à Ouistreham, Courseulles et Cherbourg.

Thalassothérapie et thermalisme

Thalassothérapie

Les vastes plages de sable blond, bordées d’une mer souvent fraîche et iodée, ont orienté la Normandie vers la thalassothérapie. Trois grands établissements ont pris pied sur les plus jolies plages de la côte : Granville, Ouistreham et Luc-sur-Mer.

Face à la baie du Mont-St-Michel, ­l’institut Prévithal à Granville est un important centre de rééducation qui a su valoriser cet environnement d’exception. L’institut de cure marine de Luc-sur-Mer existe depuis 1858 et a construit sa réputation sur les soins à base d’algues, coupées sur la plage à marée basse. Son hammam garantit un bon moment de détente dans une ambiance orientale.

Les thermes marins d’ Ouistreham se lovent dans les dunes de la vaste plage de Riva-Bella. Afin d’alimenter la piscine, l’eau de mer est puisée à 1 600 m au large avant d’être chauffée pour atteindre une température de 33 °C.

Thermalisme

Moins iodées mais tout aussi vivifiantes, les eaux de Bagnoles-de-l’Orne tirent leur réputation de la légende du cheval d’Hugues de Tessé. Ces thermes sont alimentés par une eau de roche très pure à 24,6 °C. Sa faible minéralisation et sa richesse en oligoéléments soulagent principalement les troubles de la circulation veineuse.

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Courses et haras : le royaume du cheval

Si la France est un pays de chevaux, la Normandie est sa province privilégiée. Les départements de l’Orne, du ­Calvados et de la Manche élèvent, dressent, entraînent et mettent en compétition depuis plus de six siècles des chevaux qui comptent parmi les plus beaux du monde.

Les haras nationaux

Longtemps « royaux » puis « impériaux », les haras nationaux représentent l’une des plus anciennes administrations françaises, créée par Colbert en 1665, sous le règne de Louis XIV.

Au service de l’État, les haras nationaux ont toujours pour mission de traiter l’ensemble des questions relatives à l’élevage des équidés, tout en s’ouvrant de plus en plus vers le grand public et le tourisme.

La Normandie abrite deux des plus beaux haras nationaux français. Construit au début du 18e s., entre 1715 et 1730, le haras national du Pin , à Exmès, dans l’Orne, est un véritable monument à la gloire du cheval. Le plus ancien des 23 dépôts d’étalons relevant du ministère de l’Agriculture est bâti sur un domaine historique de 1 100 ha et comprend l’Institut du cheval, l’École professionnelle des haras nationaux et l’hippodrome de la Bergerie. Il accueille un circuit de visite pédagogique et de nombreuses manifestations, notamment des spectacles et des démonstrations équestres.

Créé en 1806, le haras national de St-Lô , dans la Manche, fournit 20 % de la production française et 25 % des gagnants ! Également ouvert à la visite, il propose lui aussi des animations et spectacles équestres.

Le tourisme équestre

La Basse-Normandie propose ainsi de nombreuses manifestations en relation avec l‘élevage : les achats d’étalons à St-Lô, à l’occasion du Normandie Horse Show en août, ont une renommée internationale ; l’Euro-percheron au haras du Pin ne rassemble pas moins de 400 chevaux chaque année en septembre ; en octobre, les Équi’days à Caen célèbrent le cheval en Calvados, fier de ses 1 400 haras, pour ne citer que les plus importantes.

Insigne reconnaissance, la région a été choisie pour recevoir, en 2014, les Jeux équestres mondiaux, sous la houlette de la Fédération équestre internationale.

Outre ces grandes institutions et manifestations, la région, surtout dans l’Orne et le Calvados, compte nombre de petites structures consacrées à l’élevage et au tourisme, ouvertes aux amateurs passionnés ou aux cavaliers chevronnés.

Les courses

C’est à Cherbourg, en 1832, que furent organisées les premières courses de trot monté pour concurrencer l’élevage anglais. Très nombreuses aujourd’hui encore dans la région, elles font l’objet de paris. Les haras nationaux assurent la tutelle sur les courses, sous l’autorité du ministère de l’Agriculture, et le pari mutuel, sous le contrôle financier du ministère du Budget.

Les directeurs de haras autorisent les réunions, vérifient les comptes et veillent à l’équilibre du programme des courses sur les différents hippodromes. La redistribution de la part du prélèvement attribuée aux haras (autour de 1,5 %) permet d’aider les races de trait et de selle. Les villes d’Argentan, d’Alençon, de Domfront, de Granville, de Caen, de Vire ou de St-Pierre-sur-Dives sont les plus réputées pour leurs champs de courses.

 

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Grottes en pays ardéchois

Posté par francesca7 le 6 avril 2014

 

téléchargement (3)Les profondes entailles des vallées vives du Haut-Vivarais contrastent avec les vastes solitudes grises et pierreuses des plateaux du Bas-Vivarais. Cette sécheresse du sol est due à la nature calcaire de la roche qui filtre comme une éponge toutes les eaux de pluie. Grâce à elle, une intense et étonnante activité souterraine a pris forme, créant de mystérieux réseaux encore méconnus.

L’infiltration des eaux

La magie qui se dégage des grottes aux splendides décors fait souvent oublier le long travail de la nature.

Chargées d’acide carbonique, les eaux de pluie dissolvent le carbonate de chaux contenu dans le calcaire. Se forment alors des dépressions généralement circulaires et de dimensions modestes appelées cloups ousotchs . Si les eaux de pluie s’infiltrent plus profondément par les innombrables fissures qui fendillent la carapace calcaire, le creusement et la dissolution de la roche amènent la formation de puits ou abîmes naturels appelés avens ou igues .

Peu à peu, les avens s’agrandissent, se prolongent, se ramifient, communiquent entre eux et s’élargissent en grottes. Ils ont laissé circuler de véritables rivières souterraines qui ont creusé des salles et des tunnels. Ceux-ci se modifient toujours sous l’impulsion d’eaux d’infiltration depuis leur assèchement ; les deux plus importantes grottes de ce type dans la région sont celles de Marzal et d’Orgnac.

Les rivières souterraines

Les eaux d’infiltration finissent par former des galeries souterraines et se réunissent en une rivière à circulation plus ou moins rapide. Elles élargissent alors leur lit et se précipitent souvent en cascades. Lorsqu’elles s’écoulent lentement, elles forment de petits lacs en amont des barrages naturels tels les gours édifiés peu à peu par dépôt de carbonate de chaux. Il arrive qu’au-dessus des nappes souterraines se poursuive la dissolution de la croûte calcaire : des blocs se détachent de la voûte, une coupole se forme, dont la partie supérieure se rapproche de la surface du sol. C’est le cas de la gigantesque salle supérieure d’Orgnac, haute de 50 m et que quelques dizaines de mètres seulement séparent de la surface du causse.

Stalactites, stalagmites et excentriques

Au cours de sa circulation souterraine, l’eau abandonne le calcaire dont elle s’est chargée en pénétrant dans le sol. Elle édifie ainsi un certain nombre de concrétions aux formes fantastiques défiant quelquefois les lois de l’équilibre et aux couleurs variées : la grotte de la Madeleine hésite entre le blanc et le rouge, dans celle d’Orgnac, on trouve des touches d’ocre (venues du fer) et de vert (venues du cuivre).

Dans l’aven d’Orgnac, le suintement des eaux donne lieu à des dépôts de calcite (carbonate de chaux) qui constituent des pendeloques, des pyramides, des draperies. Les représentations les plus connues de ces concrétions sont les stalactites, les stalagmites et les excentriques. Les stalactites se forment à la voûte de la grotte. Chaque gouttelette d’eau qui suinte du plafond y dépose, avant de tomber, une partie de la calcite dont elle s’est chargée. Peu à peu s’édifie ainsi la concrétion le long de laquelle d’autres gouttes viendront s’écouler.

Les stalagmites sont des formations de même nature qui s’élèvent du sol vers le plafond. Les gouttes d’eau tombant toujours au même endroit déposent leur calcite qui forme peu à peu un cierge. Celui-ci s’élance à la rencontre d’une stalactite avec laquelle il finira par se réunir pour constituer un pilier reliant le sol au plafond.

La formation de ces concrétions est extrêmement lente ; elle est actuellement de l’ordre de 1 cm par siècle sous nos climats. Les excentriques sont de très fines protubérances, dépassant rarement 20 cm de longueur. Elles se développent dans tous les sens sous forme de minces rayons ou de petits éventails translucides. Elles se sont formées par cristallisation et n’obéissent pas aux lois de la pesanteur. L’aven d’Orgnac, celui de Marzal et la grotte de la Madeleine en possèdent de remarquables.

Les spéléologues découvreurs

téléchargement (4)À la fin du 19 e s., l’exploration méthodique et scientifique du monde souterrain, à laquelle est attaché le nom d’Édouard-Alfred Martel , a permis la découverte et l’aménagement touristique d’un certain nombre de cavités. Depuis, les recherches spéléologiques n’ont pas cessé. En 1935, Robert de Joly explore l’aven d’Orgnac et en découvre les richesses ; trente ans plus tard, la présence d’un « trou souffleur » dans l’aven conduit à la reconnaissance d’un immense réseau de galeries supérieures.

En 1994, une équipe constituée de Éliette Brunel , Christian Hillaire et Jean-Marie Chauvet pénètre une cavité des environs de Vallon-Pont-d’Arc. Les spéléologues y trouvent plusieurs centaines de peintures rupestres et marques digitales datant de plus de 30 000 ans. La « grotte Chauvet », comme on la nomme à présent, est le plus ancien site préhistorique « décoré » connu au monde.

 

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Des vins mythiques

Posté par francesca7 le 5 avril 2014

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Haut-Brion le plus ancien et Latour le plus bio figurent parmi les cinq grands vins répertoriés au classement de 1855. Leur histoire se lie comme une saga.

 

C’est un club très fermé : Lafite, Latour, Margaux, Mouton et Haut-Brion, que l’on cite toujours un peu à part. Et pour cause : les quatre premiers sont issus du Médoc, cette langue de terre entre estuaire et océan, tandis que le dernier se situe au sud-ouest de Bordeaux, entouré désormais par l’urbain et ses désagréments. Haut-Brion est un graves. Les autres sont de Pauillac pour Latour, Lafite et Mouton, de Margaux pour Margaux. Le classement de 1855, opéré à la demande de Napoléon III pour les crus du Médoc, a intégré Haut-Brion, qui n’en était pourtant pas un. Une raison à cela : l’ancienneté. Les courtiers et autres professionnels de la commercialisation de l’époque considéraient que ce cru était le premier à s’être exporté et à acquérir ainsi une notoriété internationale, et qu’à ce titre il avait toute sa place dans ce nouveau classement. Ils n’avaient pas tort. 

Haut-Brion 

Des vins mythiques   dans Les Vins 269px-Roman%C3%A9e-Conti_-_ton%C3%A9is_-_RC’est un cru qui a toujours de l’avance, qui est chaque année le premier à vendanger. Grâce à son sol épatant de graves profondes, mais pas seulement. Il possède son petit réchauffement climatique bien personnel. Quand Haut-Brion fut créé par Jean de Pontac, au XVIe siècle, il était entouré de bois, de prés, et ses voisins s’appelaient cerfs, biches, lièvres et sangliers. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est un cru au milieu de la ville, entouré d’habitations, de routes, d’une voie ferrée. Pour se rendre au château, le bus suffit. Bien des beaux domaines alentour ont disparu, bouffés par la cité à chaque poussée d’urbanisme ou de démangeaison économique. Haut-Brion doit à sa stature de premier historique sa capacité de résistance aux embuscades urbaines. 

Des cinq premiers cités, Haut-Brion est celui qui possède le plus de merlot. L’assemblage moyen tourne autour de 50 % de ce cépage, complété des cabernets. Pour se donner une idée, le 2005 était composé ainsi : 56 % de merlot, 39 % de cabernet-sauvignon, 5 % de cabernet franc. Tandis que le 2009 contenait 46 % de merlot, 40 % de cabernet-sauvignon, 14 % de cabernet franc. Ce millésime 2009, exceptionnel dans ce château, était marqué par une forte chaleur et un risque de voir les degrés d’alcool grimper très haut. Le cabernet, moins « alcoologène » que le merlot, s’imposait davantage, d’autant que les années chaudes lui assurent une parfaite maturité… 

Comment caractériser le rouge de Haut-Brion (on produit aussi du blanc, de façon plus confidentielle) ? Une certaine sévérité de jeunesse et des arômes particuliers quand le vin est adulte. On peut y déceler la fumée, le cuir, le havane, la truffe très présente les années chaudes comme 1989, qu’il faut citer comme une des grandes réussites du domaine. On ajoutera 2005 de très longue garde, 2009 et, dans les anciens, 1970 et 1982. Mais c’est dans les « petits » millésimes qu’il faut goûter la différence avec le commun. 2004, 2002 ou 2006, le mal jugé par la critique internationale, sont impeccables aujourd’hui. 

Latour 

Le domaine viticole de Latour resta dans la famille Ségur, grande famille noble fondatrice de presque tous les grands crus environnants (Lafite, Calon, Mouton, etc.), jusqu’en 1963. Cette année-là, les descendants du marquis de Ségur cèdent les actions au groupe Pearson, puis, après un passage dans l’escarcelle d’Allied Lyons, elles atterrissent en 1993 dans celle de François Pinault (également propriétaire du Point). François Pinault a réalisé de très gros investissements dans l’outil de 220px-Mosto dans Les Vinsproduction, qui ont permis à Latour de monter en qualité : nouveau chai souterrain, aires de stockage elles aussi souterraines, rénovation des chais et des bâtiments, du cuvier et des systèmes de vinification, etc. Moins visible, le travail dans le vignoble. La politique de Pearson était de ne jamais arracher mais de remplacer les pieds manquants afin de conserver au maximum les vieilles vignes. Sur le papier, l’idée était bonne, mais au final, cela se traduisait par un vignoble peu productif, avec des ceps fragilisés.

L’équipe actuelle a continué dans cette voie-là, où c’était nécessaire et possible, mais elle a aussi lancé un programme d’arrachage, de mise en repos des terres pendant cinq ans et de replantations. Parallèlement, une expérience de culture en biodynamie a été lancée dès 2008 sur certaines parcelles, afin d’étudier si cette pratique pouvait être généralisée à l’ensemble du vignoble. Non seulement l’expérience a réussi, mais Fréderic Engerer, le responsable du domaine, a décidé de passer la totalité de l’Enclos (le vignoble historique) en bio dès cette année et de travailler en biodynamie la partie est, celle qui regarde l’estuaire. Une partie est désormais travaillée au cheval : « Je n’avais pas mesuré l’impact social, le rapport des gens avec les chevaux. Ce n’est pas seulement le passage du tracteur, de la mécanique à l’animal, c’est autre chose : un cheval, c’est vivant, ça peut être malade, et les gens s’en informent dès l’embauche. »

Le grand vin est produit sur le terroir dit de l’Enclos, qui est constitué de trois grandes familles pédologiques : les graves argileuses, les sables graveleux, les argiles marneuses. Les sols et sous-sols de cet Enclos sont un modèle médocain, avec la couche de graves bien drainantes en surface. Les cailloux jouent également un rôle dans la maturité en accumulant la chaleur le jour pour la restituer la nuit. Mais les argiles en profondeur sont déterminantes. Ce sont elles qui vont fournir à la plante, l’été, une humidité et une nourriture suffisantes pour conduire les raisins jusqu’à la pleine maturité. Les parcelles extérieures à l’Enclos (et les jeunes vignes de celui-ci) produisent le second vin et un troisième, Pauillac, proposé à un prix plus accessible et souvent délicieux. Il n’y a pas de ratés dans les derniers millésimes et, si la critique est assez unanime pour souligner la qualité des grands millésimes comme 2000, 2005, 2010, on a parfois plus de plaisir avec des années comme 2001 ou 2002 (ici parfaitement réussi), qui nécessitent moins d’attente. 

parution : Le Point.fr 

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La mode avec le plateau fromage

Posté par francesca7 le 5 avril 2014

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Un fromage est un aliment moulé, obtenu à partir de la coagulation du lait suivie ou non de fermentation, et fabriqué dans une fromagerie ou fruitière. On fabrique du fromage à partir de lait de vache principalement, mais aussi de brebis, de chèvre, et de bufflonne. Il existe de nombreuses recettes au fromage dont la réalisation nécessite une bonne conservation du fromage.

Une règle d’or pour le plateau : les fromages doivent être consommés dans un ordre croissant de saveurs. Il est donc indispensable de les disposer en cercle sur le plateau, dans le sens des aiguilles d’une montre, du plus frais ou plus doux au plus fermenté ou plus fort. Espacez suffisamment les fromages pour faciliter la coupe sur le plateau. Surtout, ne les faites pas se toucher. 

WFromage.pngAvant de poser les fromages sur le plateau, enlevez les emballages et les étiquettes des fabricants, en conservant seulement les feuilles ou les herbes qui les recouvrent éventuellement. Disposez les Gruyères, Comté et autres pâtes cuites près du bord du plateau car ils sont plus dures à couper. Par contre, les Bleus humides et friables qui risquent de s’effriter seront placés plutôt au centre du plateau. Dans un coin du plateau, on mettra les petits fromages. Le plateau peut également être présenté sous une belle cloche à fromage. Sur votre table, certains ustensiles, comme la râpe à fromage  peuvent être trés utile.

Si vous le souhaitez, piquer une étiquette avec le nom et l’origine des fromages sur le plateau pour que les convives s’y retrouvent. Prévoyer un couteau par type de fromage afin que les saveurs ne se mélangent pas trop.

Cheese-picodon.pngPensez également à sortir les fromages du réfrigérateur au moins 1h30 avant le service pour que les arômes puissent se développer à température constante. Présenter les fromages sur un support naturel et vivant comme base du plateau : osier, bois, ardoise, marbre ou verre. Agrémenter le plateau de fromage de quelques feuilles de vigne ou de fougères et déposer quelques petits fruits pour donner de la couleur (groseilles, raisins, noix, physalis, caramboles,…). Pour réussir un plateau de fromage, il convient de jouer sur les formes et les couleurs des fromages.  Pour composer son plateau de fromage sans prendre de risque, il faut équilibrer les goûts en jouant sur tout le registre des différentes familles de fromages. Ainsi, les amateurs trouveront toujours de quoi ravir leur palais. Il est bien entendu primordial de tenir compte des saisons afin de proposer la quintessence des saveurs de chaque fromage. 

Pour bousculer les traditions, la tendance actuelle est de proposer un plateau « tout Bleu » , ou « tout chèvres » ou « tout pâtes molles ». Dans ce cas, sélectionnez avec votre fromager des fromages à divers degrés d’affinage pour pouvoir apprécier la différence. Tout un programme…

  N’hésitez pas à nous demander une idée de recette fromage ou des conseils pour la composition d’un buffet fromage complet  ou à commander un plateau de fromage dans l’une de nos boutiques.
Pour les entreprises : demander nous également des plateaux de fromage sur mesure.

image http://androuet.com/Buffet-de-fromage-6-repas.html

Votre maître fromager vous conseille aussi sur le choix entre vin et fromage

un site à visiter : http://androuet.com/

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Accommoder quelqu’un de toutes pièces

Posté par francesca7 le 5 avril 2014

 

 
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C’est nuire à la réputation de quelqu’un et le décrier de toutes les façons

Voici deux vers tirés de la comédie de Molière intitulée : l’Ecole des Femmes, 1662 (acte Ier, scène Ire), où l’auteur s’est servi de cette expression :

Est-ce qu’on n’en voit pas de toutes les espèces,
Qui sont accommodés chez eux de toutes pièces.

Le même auteur, dans son autre comédie ayant pour titre l’Avare, 1667 (acte III, scène VI), dit ceci : « Enfin, que voulez-vous que je vous dise ! On ne saurait aller nulle part où l’on ne vous entende accommoder de toutes pièces. Vous êtes la fable et la risée de tout le monde. »

 

Le verbe accommoder a signifié aussi habiller,arrangeréquiper, comme le prouve cette citation de l’historien Brantôme (XVIe siècle) : « Le marquis de Pescaire (gouverneur de Milan sous Charles-Quint) s’estoit accommodé d’un fort grand panache à salade (casque) si couvert de papillottes que rien plus, ainsi que les plumassiers de Milan s’en font dire de très bons et ingénieux maîtres et en avaient donné un de même au chanfrein (partie de la tête du cheval qui s’étend des oreilles au naseau) de son cheval ». Il pouvait donc se faire que l’on eût fait suivre le dit verbe accommoder de ce régime de toutes pièces pour signifier, dans le sens propre, qu’un chevalier était en possession de toutes les parties de son armure et qu’il ne manquait rien à son équipement.

Quant à l’origine de cette locution proverbiale, on pourrait la faire remonter aux temps de la chevalerie ; car, à cette époque, nos ancêtres, pour signifier armer quelqu’un chevalier, se servaient du mot adouber, qui voulait dire équiperhabiller. En voici un exemple tiré du roman d’Aubry :

Raoul l’adoube qui estoit ses amis
Premiers li chauce ses esporons massifs
Et puis li a li branc au costel mis.

(Raoul qui était de ses amis l’équipe ; le premier, il lui chausse ses éperons massifs et puis l’un et l’autre lui ont mis l’épée au côté.

Voici un autre exemple pris dans l’Ordene de Chevalerie de Barbazan (vers 254) :

Sire, chou est li remembranche
De chelui qui l’a adoubé
A chevalier et ordené.

(Sire, c’est le souvenir de celui qui l’a équipé et confirmé chevalier)

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Au royaume des aveugles les borgnes sont rois

Posté par francesca7 le 5 avril 2014

Au XVIe siècle, on disait « borgne est roy chez les aveugles ».
Mais, bien avant, il existait déjà le proverbe latin « Beati monoculi in terra caecorum ».

Cette expression suppose que celui qui est plus fort que les autres, dans un domaine ou un autre, peut les dominer ou passer pour un maître (ici, le borgne, malgré son seul oeil, voit, contrairement aux aveugles, ce qui est une force pour lui).
Mais c’est oublier que souvent les faibles se liguent contre l’intrus, celui qui est différent, et l’éliminent.

  
220px-Grandville_Cent_Proverbes_page25Entouré de personnes ignorantes ou stupides, un individu doué d’un maigre savoir ou d’une maigre intelligence fait figure de génie

Le texte exact ne porte pas au royaume des aveugles, etc., mais bien au pays des aveugles, etc., et la substitution qu’on fait du mot royaume au mot pays est une faute qui détruit le sel de ce proverbe traduit du grec par les Latins dans les termes suivants : in regione caecorum rex est luscus, mot à mot en français : au pays des aveugles, roi est le borgne.

Notre proverbe s’adresse aux gens d’un médiocre savoir que les ignorants admirent. Il est susceptible de l’application la plus fréquente, car on ne voit partout que des louches d’intelligence, des borgnes d’esprit ou des demi-savants dont la renommée extraordinairement surfaite s’accroît et se propage en proportion de l’imbécillité du public aveugle qui la proclame.

On pourrait leur appliquer aussi le dicton, non moins spirituel qu’original : ils ont étudié pour être bêtes, ou le mot de Rabelais sur les précepteurs de Gargantua : « leur sçavoir n’est que besterie. »

Ce proverbe est très ancien ; on le rencontre chez presque tous les peuples, même chez les Orientaux, exprimé de la même façon.

« Il évoque des pieds-noirs, soit-disant ingénieurs là-bas et qui ici ne se montraient pas du tout à ce niveau, même pour des tâches simples. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois ! »
René Domergue, Nelly Chapotte-Domergue, Luc Simula - L’intégration des Pieds-Noirs dans les villages du Midi

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Repères dans l’art des jardins de la Loire

Posté par francesca7 le 4 avril 2014

 

Un pays fleuri et cultivé au gré des modes : jardins médiévaux, inspirés de la Renaissance italienne, « à la française », « à l’anglaise » ou contemporains se succèdent comme autant de sources de plaisirs raffinés ou de pieuse méditation.

220px-Chateau_chenonceau_frLe jardin des origines

L’histoire se heurte à un obstacle majeur : le végétal est par essence éphémère. À part l’olivier qui peut collectionner les millénaires, les arbres vivent cent, cinq cents, exceptionnellement mille ans pour les ifs puis meurent. Et que dire des arbustes, des fleurs ou les légumes ? Reste-t-il quelque part dans le monde un jardin intact, un jardin des origines, ne serait-ce qu’un jardin romain, médiéval ou de la Renaissance ? Non. Ni en Val de Loire ni ailleurs. Justement, où les jardins sont-ils nés ? Étonnamment, l’étymologie, l’histoire et la Bible nous mènent vers une source plus ou moins commune des jardins d’Occident, qui est… un paradis ! Le mot paradis vient en effet du persan pairidaeza qui signifie jardin, enclos. Avec l’exil des Hébreux, ce mot donna pardes dans la Bible, puis paradeisos (notre paradis) en grec. Rappelons aussi que, dans la Bible, l’homme et la femme sont créés dans un jardin merveilleux, le paradis, planté d’arbres à fruits, abritant les animaux et d’où un fleuve, divisé en quatre bras (dont peut-être l’Euphrate), irrigue les quatre points cardinaux.

Le plan du paradis

Au-delà du mot, les origines de l’art des jardins se trouvent justement, via la Grèce antique et Rome, dans ces régions proches du Tigre et de l’Euphrate : elle passe par l’influence fondatrice de l’Égypte, où les tombeaux sont ornés de peintures idéalisées de jardins, avec leur technique d’irrigation et des plantes aux significations symboliques, puis par la découverte du pairidaeza, décrit pour la première fois par le Grec Lysandre au 5e s. av. J.-C. Ce visiteur émerveillé a pour guide le roi perse lui-même, Cyrus , présenté comme un roi jardinier, qui se préoccupe en personne de semer et de soigner ses arbres. Son jardin abrite entre ses murs des arbres fruitiers, baignés du parfum de multiples fleurs. Dans son palais d’Ispahan (6 e s. av. J.-C.), des fouilles ont mis au jour un de ces jardins clos, avec ses canaux et sa salle à colonnes, les tapis en reproduisant souvent le plan. De la même époque datent les célèbres jardins suspendus de Babylone . Quel lien le jardin occidental a-t-il avec ces lointaines descriptions ? Protégés dans un espace clos, les arbres et les fleurs, dont la vie en zone aride est conditionnée par l’irrigation, s’ordonnent le long de deux allées en croix bordées de canaux qui partagent l’espace du jardin en quatre. Ce plan traverse siècles et contrées de manière exemplaire : c’était vraisemblablement celui des Égyptiens, ce sera celui des jardins perses, babyloniens, grecs, romains, des jardins dits musulmans et des cloîtres monastiques !

Jardins des sens et sens du jardin

images (8)Ces jardins qui émerveillent les visiteurs naissent à la frange du désert et affirment dès l’origine toutes leurs fonctions actuelles. Leur mur protège des bêtes sauvages des arbres parfois rapportés de fort loin, portant des fruits comestibles. L’eau qui y coule avec un bruit charmant proclame une victoire de l’intelligence humaine sur la nature, l’ombre de ses arbres protège du soleil autant le visiteur qu’un second étage de végétation, qui compte des herbes aromatiques ou médicinales, des fleurs pour leurs couleurs et leur parfum, parfois aussi de beaux oiseaux. Bien-être, beauté, nourriture, soin, mais aussi science, pouvoir et prestige s’unissent pour combler les sens.

Jardin clos du Moyen Âge

« J’ai un jardin rempli de plantes parfumées où fleurissent la rose, la violette, le thym et le crocus, le lis, le narcisse, le serpolet, le romarin, le jaune souci, le daphné et l’anis. D’autres fleurs s’y épanouissent à leur tour de sorte qu’à Bourgueil le printemps est éternel… » écrit, en l’an 1100, l’historien et poète Baudry de Bourgueil à propos de son abbaye. Les sources en Val de Loire ne nous permettent pas de remonter au-delà du Moyen Âge, mais les abbayes de Bourgueil, Marmoutier ou Cormery possèdent un jardin. Traditionnellement, ces jardins monastiques sont divisés en parcelles carrées ou rectangulaires comprenant le potager (hortulus) , le verger(pomarius) , le jardin médicinal (herbularius) , et le cloître pour la méditation. S’y ajoute vers la fin du Moyen Âge un jardin clos (hortus conclusus) , image de la Vierge. Les fleurs – aux vertus symboliques – servent à fleurir les lieux saints. Les nobles possèdent aussi des jardins d’agrément, clôturés et divisés selon les mêmes principes, auxquels s’ajoutent de vastes parcs, avec bois et étangs.

Les méthodes de culture utilisent le plessis (tressage du bois surélevant, drainant et réchauffant le sol), la taille, le tressage des végétaux vivants. Les jardins comptent des banquettes de verdure où s’asseoir, des tonnelles, des prairies fleuries.

Quelques créations contemporaines permettent d’imaginer ces lieux. Le jardin en terrasses du château de Bloisa été aménagé par Gilles Clément en un jardin des fleurs royales (lis, iris et hémérocalles) et un jardin des simples (plantes aromatiques et médicinales). À St-Cosme , où Ronsard fut prieur, la rose est omniprésente : huit espaces y déclinent l’art du jardinage du Moyen Âge à la Renaissance.

Renaissance et perspective

Avec la Renaissance, les jardins, comme les autres arts, s’imprègnent d’influence italienne, qui passe d’abord par les récits admiratifs des voyageurs puis par la traduction d’ouvrages. Au 15 e s., les « carreaux » fleuris, installés par le roi René dans ses manoirs d’Anjou et par Louis XI au Plessis-lès-Tours, présentent des berceaux de feuillage et des fontaines à l’intersection des allées qui dispensent une douce fraîcheur au promeneur, distrait en outre par des animaux élevés en liberté ou gardés dans des ménageries et des volières. Charles VIII, enthousiasmé par les jardins qu’il découvre lors de sa campagne en Italie (1495), fait venir le jardinier napolitain Pacello de Mercogliano , qui aménage les jardins d’Amboise puis, plus grands et plus modernes, ceux de Blois. Entre 1553 et 1557, Diane de Poitiers fait réaliser les premiers jardins de Chenonceau (11 000 jours de travail, 7 000 tombereaux de terre transportée), qui mélangent arbres fruitiers, légumes et fleurs.

Si les techniques (tressage, taille) et la division des espaces restent les mêmes qu’au Moyen Âge, la distribution dans le plan s’ordonne et s’imprègne peu à peu de symétrie. Plus vaste que celui des jardins clos, il s’articule autour d’un axe principal incluant les bâtiments. Les jardins s’affirment en effet comme un prolongement de l’architecture des châteaux, dans une mise en scène toute théâtrale recelant des statues antiques. L’ eau , qui s’anime de canaux, jets, bassins, miroirs et cascades (à partir du 16 e s.) devient un élément central… Dans le même temps, l’art se veut plus proche de la nature et les jardins intègrent progressivement l’idée de perspective : même s’ils restent composés d’espaces clos, ils peuvent s’étager à flanc de coteau et ouvrir par quelques percées sur le paysage alentour. Les espèces cultivées restent les ifs, les buis et les charmes qui se prêtent à la taille sculpturale des jardiniers. S’y ajoutent des plantes nouvelles : un des premiers bigaradiers (oranges amères) français est offert en cadeau de mariage à Louis XII, la tulipe venue de Turquie éblouit les Flandres pour provoquer, un siècle plus tard, un fantastique mouvement de spéculation financière. Ces plantes exotiques alignées dans les parterres sont objets d’admiration au même titre que les statues ou bassins.

Au château d’Angers, l’actuel petit jardin méditerranéen rappelle ce goût des plantes exotiques , tandis que les jardins de Chenonceau, de Villandry, de Chamerolles et ceux en terrasses de Valmer évoquent les jardins Renaissance.

Le labyrinthe végétal

Généralement dessiné par des ifs, il apparaît dans les jardins à la Renaissance. Si au 16e s. il s’élève au niveau du genou, il se fait beaucoup plus haut à partir du 17e s., cachant dans ses méandres des jeux galants, une grotte… On en retrouve dans de nombreux jardins : Villandry, Chenonceau, Chamerolles…

Jardin « à la française »

images (9)En France, le 17 e et le 18 e s. poussent à leur paroxysme les principes et techniques de la Renaissance. Le plan d’ensemble du jardin dégage de vastes perspectives . Les bosquets et parterres ne sont plus seulement symétriques, ils sont aussi redistribués suivant leur fonction : le potager est caché, voire relégué, le verger aussi, sauf si ses arbres sont conduits en espalier (les techniques de taille atteignent un summum à Versailles). Lesparterres dessinés sont bordés de bosquets boisés, percés de larges allées en étoiles. L’ art topiaire , déjà présent dans les galeries, les haies, les pergolas, les charmilles, trouve une scène de choix dans les parterres de broderies, dont les arabesques de végétaux taillés se détachent sur fond de sable ou de gravier. Canaux, fontaines, bassins s’intègrent dans cette symétrie, de même que les fleurs exotiques, toujours présentes et mises en valeur dans des parterres légèrement surélevés. La rigueur triomphe, la nature est contrôlée, dominée, architecte et maître jardinier travaillent de concert. La mode des jardins « à la française » gagnera l’ensemble de l’Europe, du Portugal à la Russie, en passant par l’Angleterre, l’Autriche et la Hongrie.

Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, livre un atout horticole majeur au Val de Loire. Installé à Blois, celui-ci possède en effet le palais du Luxembourg et sa collection botanique. Par lui, les nouvelles introductions arrivent à Blois, dans un jardin hélas disparu aujourd’hui.

Jardin « à l’anglaise »

Promis à la même expansion que les jardins « à la française », les premiers parcs paysagers font leur apparition dans les années 1710 en Angleterre. Rompant avec l’accentuation perpétuelle de la géométrie, le plan simule au contraire un naturel trompeur fait de pittoresques allées tortueuses, de pelouses ondulées, de ruisseaux sinueux, de pièces d’eau, ruines, bancs, rochers, statues, bosquets… dont l’agencement très étudié semble l’œuvre du hasard. Les acclimatations d’arbres et de plantes exotiques continuent, mais doivent elles aussi s’intégrer de manière naturelle au site.

Les jardins romantiques ou « anglo-chinois » connaissent en France une grande vogue à la fin du 18 e s., stoppée par les troubles révolutionnaires. Des « fabriques » ou « folies » agrémentent ces parcs : imitations de ruines antiques, pyramides égyptiennes, pagodes chinoises, kiosques ottomans… La pagode de Chanteloup(1775-1778), imitation de celle des jardins royaux de Kew, à côté de Londres, et la rotonde de l’Abondance, construite par Soufflot pour faire la jonction entre l’orangerie et le château de Ménars, en sont de beaux exemples.

Le 19 e s. voit aussi la naissance des parcs urbains et un engouement pour les jardins de fleurs, favorisés par la production en serres. Le jardin du Mail d’Angers (1859) est un jardin public de style néoclassique, exceptionnellement fleuri à la belle saison, avec kiosque à musique et statues. Citons également le jardin d’horticulture du Mans, créé au 19 e s. par Jean-Charles Alphand, auteur des parcs parisiens des Buttes-Chaumont, Montsouris et Monceau.

L’éclectisme et l’exotisme sont à la mode à la Belle Époque, comme en témoigne le parc de Maulévrier (1899-1913), le plus grand jardin japonais d’Europe, œuvre d’Alexandre Marcel.

Les créations contemporaines

Peut-être parce qu’il reste trop proche, le 20 e s. donne l’impression d’avoir nourri de multiples tendances parmi lesquelles il est difficile de reconnaître un axe majeur. Par le thème de ses expositions (« Acclimatations », « Jardin des curiosités », « Potager », « Mosaïculture », etc.) le Festival international des jardins à Chaumont-sur-Loire , créé en 1992, offre un bon reflet de cette multiplicité. Avec plus de 160 000 visiteurs chaque été, c’est aussi la première manifestation française dans l’art des jardins et l’une des plus importantes d’Europe.

En Val de Loire, le jardin du 20 e s. s’est beaucoup tourné vers les reconstitutions historiques, dont Villandry est le précurseur (1906).

Les collections de plantes s’avèrent aussi un axe important. Retenons celles, nationales, du Pré de Culands (houx), du parc floral de la Source, à Orléans (iris, clématites), ou des Grandes Bruyères (roses à parfum, magnolias, cornouillers de Chine et d’Amérique).

Le paysagiste Gilles Clément (jardins du château de Blois et du musée du Quai-Branly à Paris) met en avant une autre tendance contemporaine, qui est comme une prolongation très radicale du tournant pris au 18 e s. par les parcs à l’anglaise. Ce principe, baptisé par lui « jardin en mouvement », prône une intervention minimale dans le jardin : les plantes meurent et se ressèment naturellement, le jardinier n’intervient que pour les contrôler ou favoriser leur croissance. Ce principe, qui requiert du jardinier la capacité à identifier toutes les plantes et une conception du site sans cesse en évolution, est appliqué dans quelques rares jardins (une partie du parc André-Citroën à Paris, parc Matisse à Lille, quelques lycées horticoles dont celui de St-Herblain près de Nantes).

 

 

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Une maison de fous par Arago

Posté par francesca7 le 4 avril 2014

 

(Maison du Docteur Blanche)
par

Jacques Arago

~*~

         

images (4)Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dans notre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous.

De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensés qui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ; ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblent moins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré, assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leur est permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de la soutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ils résistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force… Ce sont presque des hommes.

Dites-moi la vie des fous qui naissent et meurent dans les palais des rois ; moi, je vous dirai celle des êtres qui s’agitent dans des cabanons. Il y aura peut-être de la morale dans mon récit. Je les ai vus d’abord avec effroi, puis avec intérêt, plus tard avec un sentiment de commisération qui n’était pas sans douceur. La raison nous est souvent funeste, en ce qu’elle nous éclaire sur nos maux, sans avoir la puissance de nous en guérir… Ces gens ne sont donc pas tant à plaindre, puisqu’ils n’ont pas toujours le sentiment de leur infortune.

Qui n’a point d’égal n’a point d’ami ; c’est un axiome, vrai seulement pour ceux qui voient loin dans le coeur humain. Un ami me souriant d’un sourire de protection, me serrerait le coeur ; je ne l’aimerais plus. Tant pis pour moi si je suis ainsi organisé. De l’amour, de l’amitié, voilà ma vie.

L’historique d’une maison de fous, tracé par un fou, est une chose assez bizarre. J’étais fou quand j’ai écrit ces pages… Ma raison revenue, j’ai voulu les lire… Tout y est vrai, précis ; il m’a semblé sage de n’y rien retrancher ; c’est un portrait que je gâterais en le corrigeant ; je vous le livre.

M. Blanche a trente-cinq ans. Sa taille est moyenne, son embonpoint atteste un corps robuste. Il a le verbe bref, rapide, acerbe. Un homme en parfaite santé serait toujours prêt à lui demander raison de la crudité de certaines expressions dont il a l’habitude de se servir ; un fou les redoute et se tait devant les menaces. Une blessure grave reçue à l’oeil droit donne à son regard un caractère équivoque, de sorte qu’on dirait qu’il médite, qu’il étudie, quand il en fait que voir. Il produisit sur moi une fâcheuse impression ; cela devait être : je me sentis sous sa verge de fer, moi qui n’ai jamais su obéir qu’à une volonté de femme…

Elle est grande, svelte, blonde, un peu pâle. Son regard est plein de bienveillance, il rassure. Le son de sa voix console ; il y a de la poésie dans son langage. Elle a vu tant de misères, elle a entendu tant de gémissements ! Elle sait plaindre. Ce n’est point une mère tendre ; son âge vous défend cette douce illusion ; ce n’est pas simplement une amie ; vous éprouvez pour elle plus que de l’amitié, moins que de l’amour… Parlons peu de l’amour. J’ai habité plus de deux mois la maison du docteur Blanche ; fou et raisonnable, j’ai pu apprécier les qualités de la femme modeste et généreuse dont je vous parle. Cette femme est l’épouse du docteur. Vous voyez qu’on peut garder quelque souvenir aimable d’une maison de fous.

[…] Cependant nous arrivâmes à la porte de la maison de santé ; et je me rappelle les plus petites circonstances de ces lentes heures qui me torturaient si cruellement. Nous avons tant de fibres pour la douleur ! Je croyais entrer chez un juge d’instruction, chez un procureur du roi. On me l’avait vingt fois répété en route, en me parlant de poignards, d’incendie, de meurtres. J’écoutais mes gardiens en homme qui regrette de n’avoir pas fait assez pour justifier les rigueurs dont il est l’objet ; et quand j’interrogeais mes souvenirs confus, j’étais presque furieux d’avoir eu assez de raison pour ne pas briser tous les liens qui m’attachaient à la société. Le désespoir, comme la douleur, a ses degrés.

Après avoir traversé une petite cour ombragée par quelques arbres au feuillage triste et sombre, je pénétrai dans une vaste salle, occupée presque en entier par une table en fer-à-cheval. Je supposai, au premier coup d’oeil, que c’était la salle de la question, et je cherchais déjà, d’un regard curieux et ferme, les instruments des tortures… On me pria poliment d’avancer.

Quel tableau !… Des figures souffrantes, des figures hébétées, des figures riant sans gaîté, pleurant sans larmes, une seule figure de pitié, celle de madame Blanche ; et tout cela aggloméré pour ainsi dire dans un espace de dix pieds carrés… Ma tête n’y était plus, je crus rêver ; je voulais savoir, je craignais d’apprendre ; vous voyez que j’avais un peu de raison.

J’eus le temps d’observer. La faiblesse de mon corps donnait, je crois, de l’énergie à mon âme. Un petit homme, rond, rouge, bourgeonné, étendu sur un fauteuil, me regardait avec des yeux stupides, et riait de mon teint cadavéreux. De quoi riait-il ? Déjà deux fois j’avais détourné ma vue de cette figure bêtement moqueuse, ignoblement sardonique, tandis que mon homme me lorgnait toujours en souriant. Je crus à une lâche provocation, et déjà ma main de fer planait sur sa joue, quand une voix douce et compatissante me pria de m’asseoir. Une voix de femme pouvait seule avoir de l’empire sur moi ; j’obéis, mon courroux s’éteignit, et j’écoutai, assez calme, la fin d’une sonate qu’exécutait sur un piano une pensionnaire d’une vingtaine d’années. Madame Bel… était folle quand elle ne jouait pas du clavecin. Je l’appris plus tard.

[…] J’eus honte, je pleurai… Non, ce n’était pas de honte, c’était encore d’amour ; et, quand je me vis là, là, seul, en face de cette croisée à barreaux, en face de ces deux figures sans amitié comme sans haine, en face de tous mes souvenirs de bonheur et de regrets ; quand j’eus reconnu la puissance de ceux qui m’enchaînaient et la faiblesse de la victime ; lorsque, calculant la longueur des heures, l’éternité des minutes, et que ces murs froids, insensibles, m’eurent répondu : Voici ta place ! je me vis fou, fou à tout jamais, fou par elle, fou d’amour, la plus épouvantable, la plus poignante, la plus hideuse des folies….

Je me rappelai alors tout ce qui m’avait attiré là, et je fus étonné de ne pas me sentir les bras liés, les pieds liés, la gorge dans un collier de force. J’étais fou furieux.

images (5)Oh ! qu’il n’avoue point sa folie, celui à qui l’ambition bouleverse les idées ! qu’il cache avec soin son délire frénétique, celui que l’avarice, la haine, la soif de la vengeance conduisent à Charenton, à Bicêtre, ou chez le docteur Blanche !… Mais moi, fou d’amour, je puis le dire, je puis l’avouer sans rougir. Voyez aujourd’hui ; je suis calme, je raconte mes maux passés ; et il faut que la violence de mon mal ait été bien grande, pour que les plus légères impressions y aient laissé des traces si profondes. C’est un cauchemar qui brûle même après le sommeil ; c’est une balle qui vous brise un membre, et dont vous ne ressentez l’atteinte que long-temps après la blessure… Aux jours de la raison, les instants de la folie se retracent comme dans un miroir…. Ne dites point que cela ne peut être ; je l’ai senti, éprouvé.

M. Blanche entra…. Je me préparai courageusement aux douches ; car son langage, loin de me rassurer, glaça le peu de sang qui me restait. Il me parla de meurtre, d’assassinat, d’incendie ; c’étaient les mots donnés…. Je le crus fou lui-même ; et, toujours fidèle à mon naturel compatissant, je le plaignis, moi, moi que personne ne semblait plaindre.

Toute la nuit un homme cria à mes côtés ; c’était un fou qui demandait sa liberté… Moi, je regardais les murs, les barreaux, et j’avais mille vies pour souffrir, pas une main pour briser.

Cette nuit dura je ne sais combien de siècles ; le plus léger mouvement de mes gardiens me faisait tressaillir dans mon lit…. Je me levai. L’on me mit dans un bain ; et, pour la première fois depuis long-temps, mes yeux s’arrêtèrent sur une glace. Ma figure, entièrement bouleversée, me causa une émotion indéfinissable. Je pleurai ; je sentis des larmes de feu sillonner mes joues ; et quand je pensai qu’on était sans pitié pour de pareilles souffrances, la rage me saisit au coeur…. Je ne me rappelle plus rien, sinon que je revis encore madame Blanche, que ma rage s’éteignit, que mes larmes coulèrent moins amères, moins brûlantes, et que je demandai des livres. J’aurai eu du plaisir à parcourir un dictionnaire, les chiffres d’une table de logarithmes, des mots sans suite, des phrases privées de sens, comme celles des êtres qui m’entouraient, qui m’entourent encore aujourd’hui, et pour lesquels j’éprouve une pitié si vraie, hélas ! et si stérile.

M. Blanche revint auprès de moi. Ses paroles de raison calmèrent un peu l’effervescence de mes idées : je ne pensai plus au suicide ; et pourtant, à mes côtés, réfléchissait tristement, enveloppé dans un manteau brun, un homme de vingt-cinq à trente ans, que le feu de deux pistolets n’avait pu tuer. Les balles avaient traversé la mâchoire supérieure et étaient sorties entre les deux yeux…. Il y a des êtres cruellement poursuivis par le destin ! Cet homme vit encore.

[…] Presque chacune des chambres du local que je visite rappelle des drames à déchirer le coeur. Ici a gémi pendant longtemps, et gémit encore, un Portugais de naissance, dont le frère, âge de douze ans, fut pendu à Coïmbre, complice d’un projet tendant à renverser la forme du gouvernement. – Que ferons-nous de cet enfant ? dit le grand-juge à une femme ; il n’a que douze ans. – Douze ans ! répondit-elle ; tant mieux ! qu’on le pende vite, il ira souper avec les anges…. mais son frère, un peu plus âgé que lui, assiste au supplice, au pied de l’échafaud…. La femme qui commandait cet assassinat était la mère de don Miguel. L’enfant fut pendu ; et le frère, témoin de cet horrible spectacle, en perdit la raison. Les soins et l’habileté de M. Blanche lui rendirent la santé, qu’il reperdit plus tard, sans cesse poursuivi par le cadavre de son frère cadet balancé dans les airs.

Voici encore une chambre historique…. Elle a gémi, pendant de longs jours et d’éternelles nuits, entre ces quatre murs sans ornements, une femme héroïque, qui devint folle à force de bonheur… Madame Lavallette a pleuré là, sur cette couche de misère. Sir Robert Wilson, Bruce et Hutchinson arrachèrent le mari au plomb royal…. Gloire à eux ! le comte est mort aujourd’hui, et madame de Lavallette doit à M. Blanche une guérison presque miraculeuse.

Voyez-vous cette jolie cellule, au rez-de-chaussée, donnant sur le jardin ? regardez cet homme qui la parcourt d’un pas égal et précipité, c’est le général Travot. Condamné à mort au retour des Bourbons, il dut à leur clémence* une commutation de peine, une prison à perpétuité. Sa raison s’alinéa ; il prit en haine le genre humain, et le voilà maintenant rudoyant qui le touche, heurtant qui lui parle, se fâchant aussi contre le docteur, et sifflant sans cesse les airs patriotiques de la révolution de 93… C’est tout ce qui lui reste de ses souvenirs… Ne présentez pas la main au général Travot ; il vous frappera.

Ce jeune homme à la figure mélancolique, et pourtant spirituelle, est un idiot. Maître d’une fortune considérable, il se précipite avec bienveillance vers toutes les personnes qui l’entourent : Comment vous portez-vous ?… Très-bien… Moi aussi ; j’en suis enchanté*… et il vous quitte. Un peu de raison et moins de fortune, voilà un homme ; aujourd’hui c’est un idiot.

Quant à son voisin, c’est le recueillement du chartreux accroupi à côté de sa fosse ; c’est le dernier adieu de la vierge amoureuse, qui quitte le monde pour le cloître ; c’est la stupidité de la brebis qu’on porte à l’abattoir, c’est la dernière réflexion du misanthrope qui va se suicider…. Il regarde ses pieds, et le voilà, toute la journée, le front baissé et l’oeil fixe. Il lève la tête, et pendant des heures entières sa tête et son corps sont immobiles…. S’il marche, on dirait un automate mû par des ressorts cachés ; quand il s’assied, c’est que l’horloge n’est plus montée…. Ce jeune homme s’appelle Adolphe ; il est riche aussi. Selon toutes les apparences, il vivra long-temps, et il mourra comme il a vécu, sans regret, sans soucis, sans amour. Qu’a-t-il fait pour être ainsi favorisé du ciel ?

[…] On déjeune à dix heures, on dîne à cinq. Des mets sains et choisis sont servis par M. ou madame Blanche. C’est un pensionnat, moins le brouhaha de nos colléges. Le maître seul a la parole ; le reste se tait. Les sourds-muets n’observent pas un silence plus religieux ; les frères de la Trappe ne devaient pas manger autrement. Il y a des exceptions ; mais alors les gardiens font leur devoir, et les camisoles et les douches ramènent l’ordre.

Après le repas, on se réunit ordinairement dans un vaste salon, où le fils de Jésus-Christ et de Joséphine fait de la musique. Là encore vous retrouvez, étendu sur un fauteuil, et riant d’un rire malin, comme s’il venait de gagner un prix à une course de New-Market, cet Anglais blafard et bourgeonné que j’eus tant envie de souffleter le jour de mon arrivée. On dirait un pacha qui attend sa favorite ; on jurerait un auteur après un premier succès au Gymnase ou au Vaudeville : mais point. Cet homme croit qu’on lui parle sans cesse à voix basse, et rit des propos qu’il entend…. Heureuse folie qui ne se nourrit que d’idées gracieuses !…

Que de douleurs corrosives ont hurlé dans ces chambres à barreaux de fer ! que de misère humaine s’est dessinée avec sa hideuse nudité dans ce jardin aujourd’hui sans verdure ! Il y a plus de dix ans que cet homme le parcourt chaque matin et chaque soir, à certaines heures indiquées, et de longues années encore sont promises à ses forces physiques. Son oeil est vif, ses mouvements rapides, son corps robuste également insensible aux chaleurs de l’été et aux vents glacés de l’hiver. Pour lui il n’y a qu’une saison, celle de la souffrance. Une âme ardente a dévoré sa raison. Il voulait soulager le genre humain, l’arracher à ses calamités ; c’était son rêve de toutes les minutes ; il devait devenir fou. Le voilà aujourd’hui ; il ne caresse plus sa chimère ; au contraire, il a les hommes en horreur, il les fuit, il les repousse, il les croit tous ses ennemis. Celui qui le regarde l’outrage ; celui qui l’interroge irrite ses muscles, fait battre violemment ses artères. Le malheur des autres a fait son malheur… Cette folie est rare, n’est-ce pas ?… Une vie séculaire attend ce misanthrope : cent ans de souffrances, quand on peut tant souffrir en une minute !!! Oh ! quelle éternité de joies pourra jamais le payer !

Je voulais consigner dans cette rapide analyse une foule d’anecdotes intéressantes dont chaque mur et, pour ainsi dire, chaque pierre de la maison que j’ai habitée gardent le souvenir. Je voulais vous parler aussi de cette madame de Cal……, dont le talent sur le piano est égal à celui de nos plus habiles professeurs, et qui dépense en imprécations, sous des barreaux, depuis bien des années, une vie forte et courageuse. Elle donnait un bal ; en reconduisant une de ses amies, elle fit un faux pas et roula le long de son escalier. Le lendemain, elle cessa de sourire, de donner des fêtes… Ne pourrais-je pas aussi jeter quelques larmes sur cette bonne madame***, mère d’un brave général, aide-de-camp du ministre de la guerre ? Sa folie est périodique : pendant six mois, c’est la douceur, la bonté et la religion dans ce qu’elles ont de plus touchant et de plus suave ; une heure suffit pour porter le désordre le plus épouvantable dans une tête et dans un coeur auprès desquels vous étiez à l’instant si bien à l’aise. Misère humaine !

Écoutez cependant une anecdote dont tous les personnages vous sont connus, à vous qui hantez les grandes maisons et assistez à de brillantes fêtes. Je tais les noms de mes héros ; c’est tout ce qu’ils ont droit d’exiger de ma discrétion.

Rosalie (elle ne s’appelait point Rosalie) fut conduite ici, il y a quelque temps, par un homme d’une trentaine d’années et confiée aux soins spéciaux de M. Blanche. Il n’y avait point de délire dans sa tête, et la fréquence de son pouls n’était pas assez grande pour faire supposer au docteur que l’indisposition annoncée par le battement des artères, fût la cause première de l’arrivée de la jeune femme… Le lendemain, la raison de Rosalie disparut, et M***, qui l’avait conduite la veille, pria M. Blanche d’essayer quelques remèdes. Celui-ci, étonné de la recommandation, engagea le protecteur à s’en rapporter à ses soins, et commença un traitement.

[…] Ils furent exacts. M. Blanche leur reprocha la cruauté de leurs procédés envers une infortunée qu’ils avaient voulu perdre après l’avoir déshonorée ; il accusa le plus jeune des deux frères d’une coupable condescendance à de funestes conseils, reprocha à l’aîné ses persécutions amoureuses auprès de Rosalie, même après avoir appris qu’elle était déjà victime du lâche amour de son frère, et leur déclara que si le lendemain, à la même heure, ils ne lui apportaient pas 40,000 francs, comme un bien faible dédommagement des malheurs de Rosalie, il prendrait, lui, une détermination qu’il avait d’abord repoussée, pour ne pas vouer au mépris général un nom jusque-là recommandable. Du reste, ajouta M. Blanche, vous avez à opter entre cette proposition et votre mariage avec la jeune femme que vous avez séduite. Vous la connaissez, vous savez si elle fera céder son indignation à ses devoirs, ou peut-être encore à son amour, et je ne doute point qu’en prenant ce dernier parti vous ne me remerciiez un jour de vous l’avoir généreusement proposé.

Les conseils du frère aîné l’emportèrent sur les exhortations de M. Blanche, et le lendemain, en effet, celui-ci reçut quarante billets de banque de mille francs qu’il se hâta de présenter à Rosalie.

Non, monsieur, lui dit la jeune délaissée ; je sais être pauvre et malheureuse ; je ne veux point d’argent, je n’en accepterai pas. Si M*** me refuse sa main, mon parti est pris irrévocablement, je me tuerai.

Cette réponse fut sur-le-champ rapportée à M***. M. Blanche y ajouta quelques nouveaux conseils qui déterminèrent enfin une résolution équitable. Le séducteur de Rosalie épousa sa victime ; et tous deux aujourd’hui, heureux du présent, tranquilles sur l’avenir, n’interrogent le passé que pour en effacer les heures d’alarmes. Rosalie se souvient toujours qu’elle a été folle d’amour ; elle le dit à ses amies, elle leur raconte ses émotions, ses minutes d’espérance, ses journées d’angoisses, et je lui ai entendu souvent répéter qu’une pareille vie n’était pas sans quelque douceur… Ne la croyez pas ; elle ment pour épargner des remords à son mari.

Maintenant votre coeur ne se serrerait-il pas à la vue de cette salle triste, silencieuse, où arrivent, agités par de brûlantes convulsions, ou inaccessibles aux plus violentes secousses, une douzaine d’hommes (sont-ce des hommes ?) qui se retrouvent chaque jour sans joie, sans sourire, sans pitié les uns pour les autres ?… Voyez ce corps maigre et élancé, c’est celui de monsieur Four…, docteur habile et studieux, que l’amour de la science et des voyages entraîna dans les forêts et les savanes de l’Amérique, et qui, riche de ses souvenirs et de ses précieuses collections, fut arrêté par des sauvages, pillé, maltraité, laissé pour mort sur le sable. Plus tard, il arriva à New-York, privé de sa raison. L’effroi, et le regret d’avoir perdu le fruit de tant de peines, tuèrent les brillantes facultés de Four… ; il fut enfermé dans les cabanons de New-York, où le général Lafayette, dans son dernier voyage aux Etats-Unis, le reconnut pour le fils d’un de ses amis, et d’où il le ramena en France. Le voilà aujourd’hui, l’oeil fixé vers le ciel, le sourcil menaçant, les bras croisés sur la poitrine, immobile, et dans l’attitude d’un homme de coeur qui attend le coup de la mort. Ses accès de rage sont fréquents, et la vigueur de plusieurs gardiens est nécessaire pour l’assujettir à la camisole de force… Je voyais Four… presque tous les jours ; et, presque toutes les nuits, lorsque je me trouvais seul dans ma chambre, c’était lui sur qui je reportais le plus de pitié.

Un mulâtre, jeune et vigoureux, est également renfermé dans ce salon de misère et d’abrutissement ; son amour désordonné pour l’architecture l’a conduit à la maison Blanche, d’où il ne sortira que pour être porté dans le champ voisin, semé de dalles de marbre et de petites croix noires, qu’il peut voir à toute heure de sa croisée à barreaux. La folie de cet homme est extraordinaire ; il ne se plaît que debout sur une chaise, ou hissé sur l’âtre de la cheminée. L’en faire descendre, c’est exciter sa colère et vous exposer à sa fureur ; laissez là cet infortuné ; son sourire est l’indice d’une douleur aiguë, ses caresses, le prélude de violences extrêmes ; ne le voyez point sourire, empêchez qu’il vous tende la main.

images (6)Voici encore un jeune homme, qu’un second mariage de sa mère a arraché à la société. Il était amoureux et jaloux de celle qui lui avait donné le jour ; il a mérité sa place ici. C’est un rusé adolescent sur qui l’oeil des gardiens doit être constamment ouvert. Hier en passant dans la cour, il aperçut la porte de la grille entr’ouverte ; aussitôt, se débarrassant de ses satellites sans défiance, il s’élance vers la rue, et se sauve dans la campagne. Mais les domestiques de la maison sont lestes aussi, et peu de temps après, le fugitif se trouva sous une douche rapide et glacée qui lui fit doublement regretter le peu de succès de son escapade. – Où alliez-vous ? lui dis-je. – J’allais me noyer. – Où donc ? – Oh ! je vois le canal tous les jours. – Et pourquoi vous noyer ? – Parce que je suis malheureux. – Vous sentez donc votre malheur ? – Que trop ! – Qui le cause ? – Des souvenirs. – Lesquels ? – Vous êtes un scélérat, si je vous tenais sous ma main, je vous étranglerais. – Vous êtes bien honnête. – Laissez-moi, je vous prie. – Je ne veux rien faire qui puisse vous affliger ; adieu. – Au diable ! – Merci…

Il y a dans le salon de Four… un vieillard qui ne sourit que lorsqu’on lui gratte la tête. Il cesse d’être fou pendant l’opération, hors de là c’est un idiot, et parfois un furieux. Presque toujours j’ai trouvé à ses côtés un original fort paisible, sans cesse armée d’une poignée de petites verges qu’il regarde avec amour. Vous croyez peut-être que c’est un vieux maître d’école veuf de ses jeunes élèves ; point. Sa folie est cela ; sans but, sans souvenir, sans suite dans ses sensations, il demande en se levant une poignée de baguettes, et il y aurait de la cruauté à les lui refuser, puisque sans elles il est bruyant, brutal et quelquefois même dangereux.

D’autres fous sont là, sur des chaises, sur des canapés. Le fils de Jésus-Christ, qui se dit depuis quelques jours le père de Dieu, vient les voir souvent, et les égayer par les accords de son violon. J’ai remarqué que les fous sont sensibles à la musique ; à moi elle me déchirait le coeur.

Curieux, détournez vite vos regards de l’appartement des femmes ! ma plume se refuse à retracer tant de misère, tant de douleurs. Si vous allez visiter la maison Blanche, fuyez d’un pied rapide cette salle hideuse, où la faiblesse se trouve aux prises avec ce que les passions ont de plus corrosif…

Croyez-vous aussi que je veuille vous conduire dans tous les sentiers de cette maison de deuil pour quelques-uns, d’espérance pour beaucoup d’autres ? Non ; la maison Blanche a ses secrets que tout le monde ne doit pas connaître, et je ne peux pas trahir des secrets confiés à ma raison, car ma raison revint tout entière un beau jour. Un seul remède avait la puissance d’opérer le miracle : ce remède, c’est elle qui me l’apporta ; et depuis lors, sans honte, sans regrets, j’ai dit tout ce que j’avais éprouvé.                           

 JACQUES ARAGO

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