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    « La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. » citation Charte de Venise, art. 9, ICOMOS, 196.

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    Citation sur la France.
    !!!!
    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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D’où vient l’expression Rire jaune

Posté par francesca7 le 21 avril 2014

 

 
téléchargement (2)Rire de manière forcée, en dissimulant mal un mécontentement, un dépit, une gêne

On connaît la signification de cette expression proverbiale, pour peu qu’on ait observé son visage, sous l’impression de quelque trouble de l’esprit qu’on aura voulu dissimuler agréablement.

En effet, rire jaune se dit d’un homme qui s’efforce de rire, quand il a quelque motif d’être vexé, de s’indigner, de se mettre en colère, mais qui par prudence, par peur ou par bienséance, concentre sa bile, et feint une gaieté qu’il ne ressent pas. La bile lui monte alors à la figure, et selon qu’il est plus ou moins affecté, lui donne cette teinte jaune qui fait un si plaisant contraste avec la dilatation musculaire occasionnée par le rire.

Tels même, qui au fond de l’âme sont ulcérés, ne se refusent pas en pareil cas la plaisanterie, et il n’est pas rare qu’ils s’en fassent eux-mêmes l’objet. Mais il faut pour cela beaucoup d’esprit, un grand usage du monde, et une certaine dose d’effronterie. Celle-ci toutefois n’est pas indispensable. Cicéron n’était point un effronté, mais il était extrêmement spirituel, et avait cette expérience des hommes qui s’acquiert au maniement des grandes affaires et au spectacle des révolutions. Combien de fois, dans le cours de sa vie si pleine et si agitée, n’eut-il pas à dissimuler les souffrances de son orgueil et de son patriotisme ?

Aussi, non-seulement lui est-il arrivé plus d’une fois de rire jaune, mais encore il nous a transmis l’expression par laquelle il rendait l’état de son esprit dans ces circonstances critiques. Cette expression, qui semble avoir été proverbiale à Rome, comme elle est chez nous, est ridere in stomacho.

Racontant à Célius (Ep. Fam., II, 16) les motifs de son indignation, à l’aspect de la ruine de la constitution romaine, il parle des hommes qui sont à l’affût des faveurs, de César, et citant entre autres Curtius qui comptait sur le manteau de double pourpre, c’est-à-dire le manteau augural, il dit : « Mais le teinturier (entendant César) le fait attendre ; » Sed eum infector moratur. Et il ajoute : Hoc adspersi, ut scires me in stomacho solere ridere.

Nos pères avaient a priori quelque connaissance de cette formule, quoiqu’ils ne paraissent pas l’avoir exprimée comme on l’exprime aujourd’hui. Mais chez eux, la couleur jaune était mal notée, et l’emblème du mensonge. Guillaume de Machault, dans le Remède de la Fortune :

Le noir se monstre en la coulour
Signifiance de dolour ; 
Blanc, joie ; vers, nouvelleté ;
Et le jaune, c’est fausseté.

Le rouge trahit les impressions que le jaune dissimule. C’est lui qui dépose contre les femmes, les enfants, et contre ceux particulièrement qui, au milieu de leurs erreurs et de leurs fautes, gardent un fond d’honnêteté et de pudeur. Mais tout le monde ne sait pas la cause de cet attribut compromettant. Les médecins du corps l’expliquent à leur façon : voici un grand et éloquent médecin des âmes qui l’explique à la sienne.

Grégoire de Nazianze, prêchant un jour contre la coquetterie des femmes, leur reprochait avec véhémence de se teindre la figure, afin d’en rehausser l’éclat, et de s’attirer les compliments des hommes. De là, selon lui, à l’adultère la distance était courte.

« Écoutez, dit-il, un apologue ; il se rapporte au désordre que je signale et qui fait votre honte. Si grande était jadis la confusion parmi les hommes, que les meilleurs n’y étaient aucunement distingués des plus mauvais. Un très grand nombre d’honnêtes gens passaient pour injustes et pour criminels, tandis que quantité de sots et de pervers étaient hautement estimés. La gloire était aux plus infimes, aux plus abjects, le mépris aux plus excellents.

« Mais Dieu s’apercevant enfin que la condition des méchants sur la terre était la meilleure, en fut indigné, et dit : Il n’est pas juste que le partage soit égal entre les bons et les mauvais, c’est pourquoi je leur mettrai un signe qui les fera distinguer les uns des autres, sans qu’il soit possible de s’y tromper. Ayant ainsi parlé, il ordonna que le sang paraîtrait à travers la peau sur le visage des bons, toutes les fois qu’ils seraient sur le point de commettre quelque acte honteux. Il voulut que le rouge, effet de ce sang injecté, se montrât plus éclatant chez les femmes, parce qu’elles ont le cœur plus sensible et la peau plus transparente. Mais il condensa le sang chez les méchants et le tint immobile à l’intérieur ; d’où il advint qu’ils n’ont honte de rien et ne rougissent jamais. »

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La canne des soldats

Posté par francesca7 le 20 avril 2014

pourquoi tant de soldats avaient-ils une canne ?

article Le Point.fr 

Il y a un siècle, la Première Guerre mondiale éclatait. Un ouvrage répond aux questions que cet incroyable conflit continue de soulever. Extraits.

Grande Guerre : pourquoi tant de soldats avaient-ils une canne ?

Dans les brocantes et les ventes aux enchères, on découvre encore très souvent des cannes datant de la Grande Guerre. Certaines sont de véritables oeuvres d’art. Épousant les tourments du bois, torsadées comme un serpent, elles sont souvent ciselées avec une grande habileté. Bien entendu, ce ne sont pas des objets réglementaires. Dans l’armée française, seuls les chasseurs alpins et les troupes alpines possédaient des piolets, des bâtons ou des cannes simples. Les longues marches et les manoeuvres dans les montagnes en expliquaient la présence et l’utilité.

Mais dès l’entrée en guerre, les régiments avancent, reculent, certains parcourant trois cents à quatre cents kilomètres en quelques semaines. Ces déplacements sous la chaleur sont harassants, les pieds peu habitués aux chaussures en cuir sont meurtris : tout en progressant le long des routes et des chemins, les hommes vont vite ramasser un vigoureux morceau de branche pour s’en servir comme d’un précieux bâton de marche. Arrive ensuite le temps des tranchées. Donc de l’ennui, de la lassitude et, pour beaucoup, de la mélancolie. C’est l’époque où commence à se développer l’art des tranchées (voir question 39). Quoi de plus facile pour un homme de la terre que de retrouver une occupation qu’il connaît bien ?

 
 

Sauver sa peau

Avant la guerre, ce bâton avait eu de multiples usages : manier le troupeau, effrayer le chien, marcher jusqu’au canton le jour des comices agricoles, jauger les mensurations d’une bête avant de l’acheter et… revenir des comices agricoles. Sculptés d’un nid avec deux oisillons et offerts à une jeune fille, certains se transformaient même en demandes en mariage. Pour le travailler, un bon couteau suffit. Il ne reste qu’à trouver dans les bois environnants la branche qui pourra faire l’affaire.

Mais le soldat fait vite face à une difficulté : conserver son oeuvre. Quand la relève arrive et que le régiment rejoint à pied son cantonnement, il est d’usage qu’à l’approche d’un village encore habité le colonel regroupe ses hommes. Ordre est alors donné de se débarrasser de ce compagnon peu martial. C’est à regret que le bâton est jeté dans le fossé. Mais le soldat prend l’habitude de repérer l’endroit pour revenir plus tard le chercher. Et c’est musique en tête, pas cadencé et tête haute que les hommes orphelins de leur bâton défilent crânement devant d’autres unités au repos et le plus souvent moqueuses.

Mais le bâton ne sert pas seulement à tromper son ennui ou à établir un lien avec le monde d’avant. Pour l’homme de corvée et tous ceux qui retrouvent la fange des premières lignes, il y a cette boue gluante qui aspire, retient, absorbe, une boue traîtresse qui trompe, emprisonne, engloutit. C’est souvent grâce à son bâton que le soldat va réussir à s’en extirper et à sauver sa peau. Autant d’histoires de survie que racontent ces humbles bâtons. On comprend donc un peu mieux que les musées les recherchent et que les collectionneurs se les disputent.

 

 

100 questions sur la Grande Guerre de Jean-Pierre Verney, éditions La Boétie 

 

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Acheter chat en poche

Posté par francesca7 le 20 avril 2014

180px-Cat_in_ZanzibarC’est conclure un marché sans voir l’objet de l’acquisition et sans en connaître la valeur ou bien terminer une affaire sans l’examiner

Le mot poche que quelques paysans français prononcent encore pouche est ici le synonyme de sac ; c’est comme si l’on disait : Acheter un chat enfermé dans un sac, c’est-à-dire sans le voir, ce qui est le fait de quiconque commet une imprudence ou agit avec simplicité.

L’usage de ce proverbe doit remonter au XVIe siècle, où l’on disait alors : Folie est d’achepter chat en sac. A la même époque, Montaigne, dans ses Essais (chap. Ier) disait à propos d’un cheval  : Vous n’achetez pas chat en poche ; eh bien, si vous marchandez un cheval vous luy ostez ses bardes (lui ôtez ses harnais), pour le voir nud et à descouvert (nu et à découvert). Plus récemment, Molière, dans sa comédie de M. de Pourceaugnac, 1669 (acte II, scène 7), fait dire à l’acteur : Vous êtes-vous mis dans la tête que Léonard de Pourceaugnac soit un homme à acheter chat en poche.

Les Allemands disent : Die Katze in Sacke kaufen (acheter). Les Espagnols : Comprar (acheter) gato in sacco, et les Italiens : Comprare il gatto nel sacco ; toutes expressions similaires.

Quant à l’origine du proverbe, il doit provenir de l’usage, du reste, fort prudent, adopté dans tous les pays, de renfermer dans un sac le chat que l’on veut vendre ou donner. Mais, à défaut d’origine moderne, on pourrait encore l’attribuer aux Latins qui disaient : Emere catulum in sacco, voulant dire : Acheter un petit chien en sac. Les Anglais se servent d’une expression qui est l’équivalent de notre proverbe et que voici : To buy a pig in poke, qui signifie : Acheter un cochon en sac.

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À propos de bottes

Posté par francesca7 le 20 avril 2014

          

 

220px-FieldbootsSignification : Se fâcher sans raison valable, sans aucun à-propos

Origine : Expression française du milieu du XVIIème siècle dont les origines ne sont pas très claires. Selon certaines interprétations, « à propos de bottes » viendrait d’une autre expression plus ancienne à savoir « s’en soucier non plus que de ses vieilles bottes » synonyme de ne pas attacher d’importance à un fait ou une chose. De ce fait si les bottes sont comparées à des futilités ou des objets sans valeur, cela reviendrait certainement exactement au fait de se mettre rapidement en colère sans raison valable.

Exemple d’utilisation : Tous parlent de l’honneur à propos de bottes, citent leurs ancêtres à propos de rien, racontent leur vie à propos de tout. (G. de Maupassant : Yvette)

Expression française synonyme : Sauter du coq à l’âne

 

Parler aussi mal à propos que si, en parlant de bottes, on abordait à brûle-pourpoint une autre question tout à fait étrangère au sujet de la conversation

Il serait difficile de préciser l’époque à laquelle cette locution proverbiale a pris naissance.

On la retrouve toutefois dans une pièce de 1617, intitulée la Comédie des Proverbes (acte Ier, scène Ire).

Au XVIe et au XVIIe siècles, il existait une expression analogue à celle dont il s’agit ici, c’était à propos de truelle. Voici un exemple pris dans le Pantagruel de Rabelais (livre III, chap. 18) où cette ancienne expression est employée : Oh ! le beau mot. Vous interprétez à batterie et à meurtrissure. C’est bien à propos de truelle, Dieu te guard (garde) demain masson (maçon).

Mais cette expression ne nous est pas restée comme celle-ci, à propos de bottes, qui rend mieux encore la situation faite à un interlocuteur dont la parole est, pour ainsi dire, coupée.

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Les loups dans les villes

Posté par francesca7 le 18 avril 2014

 

chauffeursLa chasse ayant été suspendue depuis 1792, les loups se sont multipliés et, aussi affamés que les hommes, ils attaquent jusque dans les maisons. Pour stimuler les battues, des arrêtés sont publiés et des primes versées à chaque prise : 10 livres pour un adulte, 3 pour un louveteau. Le 10 Messidor an V, on les porte à 40 F pour un loup et une louve non pleine, 60 F pour une louve pleine et 20 F pour un louveteau. Pour toucher cette prime, il faut apporter comme preuve une tête coupée, l’oreille gauche ou les deux.

Cependant, tous les gouvernements ne se sont pas montrés sourds aux plaintes de la Vendée militaire. Au gré des hommes politiques, certaines propositions pour venir en aide aux Vendéens sont faites, comme la création de greniers, la reconstitution de l’outillage et des cheptels. Les départements accordent des primes et des encouragements.

Certains, comme un ingénieur nommé Cavoleau, propose des solutions concrètes ; il s’agirait de choisir une riche terre et de la faire régir pour le compte et aux frais de la nation : « les premiers frais de l’établissement seraient douze boeufs choisis parmi ceux appartenant à la nation, vingt belles brebis, les deux plus beaux taureaux, deux beaux étalons, quelques belles juments, quatre ou six béliers avec de belles brebis de Montagne et la plus grande espèce de cochon »… Ce cheptel s’agrandissant se perfectionnerait de son produit : « Partant de ce foyer, se propageraient de proche en proche les bonnes méthodes de cultures, les beaux types d’animaux et les grains dont l’expérience aurait démontré l’utilité. La nouveauté n’inspirerait plus de défiance parce qu’on serait rassuré par le succès »…

Ce projet n’est pas unique, certains mêmes se proposant de nationaliser les terres et d’y établir un kolkhoze avant l’heure.
En fait, il faudra attendre la prise du pouvoir par Bonaparte pour que le gouvernement prenne des mesures d’aide concrètes et à grande échelle.

Les gros bourgs ou les petites villes comme Clisson, Cholet, Mauléon sont dévastés. Les grandes villes sont pareillement touchées, notamment Nantes : « Assiégée depuis trois ans, frappée par les actes les plus atroces de la tyrannie, soumise à toutes les charges militaires, elle a vu ses négociants emprisonnés ou contraints d’aller chercher ailleurs la paix, la liberté qui conviennent à l’industrie, ses marchandises enlevées au maximum, ses vaisseaux mis en réquisition, ses capitaux perdus par l’insurrection des colonies, son commerce anéanti par la guerre maritime. »

A la famine, à la misère, aux maladies vénériennes s’ajoute un fléau nouveau : « les chauffeurs de pieds ». Des troupes de malfaiteurs composées de laboureurs affamés, d’anciens soldats se livrent au vol, au viol, à la torture, à l’assassinat.

A Frossay, comme partout ailleurs, les maires se plaignent qu’il leur soit impossible de faire la moindre police : « en dehors des bourgs, les brigands volent, pillent, assassinent toutes les nuits et souvent le jour ». Dans les Deux-Sèvres « le système de pillage et d’assassinat y prend un caractère alarmant ».

Parfois ce sont de véritables bandes de 1 500, voire même 2 000 hommes qui se constituent : alors, elles n’hésitent pas à menacer les bourgs comme Parthenay. Partout, ce sont les mêmes scènes : on pille, on lacère les papiers de l’administration. Les meuniers sont souvent visés car on les accuse d’abuser de la situation.

Face à cette situation, les populations désarmées sont la plupart du temps livrées à elles-mêmes. Certaines pour s’autodéfendre prennent les mesures qui s’imposent : en Brière, par exemple, les habitants fabriquent trois canons de bois liés de fer.

Des milices sont réquisitionnées, des gardes de nuit créées. Cependant, toutes ces mesures se révèlent insuffisantes comme s’en plaint le maire de Salartenne : « La famine ne tardera pas à faire sentir ses funestes effets dans le pays sans un meilleur ordre des choses… On ne souffre pas le cultivateur dans sa chaumière, sa fille et sa femme sont violées devant lui. On le rend témoin et quelquefois complice de cette infamie. La mort le poursuit de toutes parts et le désespoir le fait abandonner ses terres. Bientôt, ses champs seront couverts de ruine au lieu des belles moissons qu’ils produisaient autrefois. »

Pour affronter ces dangers, l’administration exhorte les Vendéens à la seconder. Cependant, elle continue à ne pas faire la distinction entre les criminels de droit commun et les rebelles politiques : « Savez-vous, citoyens, qui sont ceux qui violent vos asiles, portent une main criminelle sur vos prisonniers et vos propriétés ? Ce sont les émigrés, les prêtres qui se cachent pour méditer de nouveaux forfaits et leurs satellites… »

Elle pousse à la délation : « Arrêtez, dénoncez tous les individus qui se cachent ou qui vous sont inconnus » et menace : « Si vous ne prenez pas cette ferme résolution (…) votre sang coulera encore et nous aurons la douleur de ne pouvoir l’arrêter »…

 

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La HONTE DES LUCS BOULOGNE (Vendée)

Posté par francesca7 le 18 avril 2014

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C’est, le 28, le drame — la honte, la plus grande parmi toutes la honte des Lucs-de-Boulogne, non loin de Legé. Hommes, femmes et enfants ont cherché refuge dans la vénérable église Notre-Dame. aussi modeste qu’une chapelle, située au Petit-Luc, dans un tenare paysage. L’église est bien trop petite pour les contenir tous — ils sont près de six cents. Beaucoup se sont tassés autour du sanctuaire, n’essayant même plus de se cacher dans les fourrés du tertre voisin. L’arrivée, soudain, des Bleus, et le massacre. Sabres, baïonnettes, pics, crosses, souliers, frappent partout avec fureur, égorgent, éventrent, écrasent ; puis, d’une hauteur proche, le tir de canons fait s’écrouler l’église sur les suppliciés. Quatre-cent-cinquante-huit noms sont connus, parmi lesquels ceux de cent-dix enfants de moins de sept ans. Ils sont inscrits sur les murs de l’église actuelle, élevée sur les plans de la précédente. On y voit des familles entières : M. et Mme Renaud, par exemple, et leurs cinq enfants, de dix-sept, quinze, douze, six et quatre ans ; ou M. et Mme Métaireau et leurs sept enfants, de vingt-et-un, treize, dix, sept, six ans, de quinze mois, de quinze jours. D’autres et d’autres encore…

Cependant, timidement, quelques municipalités républicaines commencent à réagir : Fontenay-le-Peuple (ci-devant Fontenay-le-Comte), Les Sables-d’Olonne, Luçon, s’indignent auprès de la Convention des « tueries dont même les patriotes sont victimes Il faut dire en effet que nul n’échappait, en général, à la fureur des Colonnes.

Des maires se portant au devant des tueurs furent souvent massacrés, quelquefois même après leur avoir offert des vivres pour essayer de les amadouer. A une réclamation des deputés du Maine-et-Loire, le représentant Bourbotte avait répondu « que les maisons des patriotes étant toujours devenues des repaires de brigands, devaient ètre détruites puisque l’intérêt public le commandait Et rappelons l’ordre du jour de Grignon, que nous avons précédemment cité : « Je sais qu’il peut y avoir quelques patriotes dans ce pays, c’est égal, nous devons tout sacrifier ”.

Aux réactions des municipalites vont bientôt s’ajouter celles de quelques représentants, Lequinio principalement, député du Morbihan à la Convention après l’avoir été à la Législative. Lequinio s’était pourtant avéré un impitoyable bourreau lorsque, quelques mois auparavant, il n’avait pas hésité à faire fusiller, à Fontenay-le Peuple, quelque cent prisonniers, en tuant un de sa main ; Lequinio qui avait écrit : ‘< Si la population qui reste sur les territoires en insurrection n’était que de quarante mille personnes, le plus court serait de tout égorger ! » Eh bien Lequinio va devenir le grand adversaire de Turreau dans un rapport au Comité de Salut public en date du 12 germinal (1er avril) avec le récit des crimes les plus accablants des Colonnes infernales et en mettant lui aussi l’accent sur les actions contre les patriotes.

Et les sentiments du Comité et de la Convention vont se préciser chaque jour davantage. Ainsi Faurès, député des Sables. s’écrie à la tribune de l’Assemblée :

— Il ne cesse de nous parvenir des détails. plus affreux les uns que les autres, sur les crimes dont se sont souillés quelques généraux indignes de servir la République. Je vous dis, citoyens, qu’il est de l’intérêt de la Nation d’en effacer jusqu’au souvenir. »

turreauBarère à présent, Barère, l’homme du 1er août :
Le Comité de Salut public espérait toujours que l’armée de l’Ouest s’occuperait bien plus de détruire les brigands que de sacrifier les habitants et détruire les fermes, les villages et les récoltes et la troupe royaliste, naguère éparse, s’est grossie de tous les mécontents que l’on doit à l’exécution barbare d’un décret dans un pays qu’il fallait seulement désarmer et administrer avec les bras nerveux d’un pouvoir militaire et révolutionnaire.
Ainsi Barère, fort hypocritement, désavouait les terribles mesures qu’il avait préconisées.

Le comité de subsistance et les colonnes infernales ont été particulièrement efficaces : « Elles ont incendié, se lamente un observateur, toutes les bourgades et chaumières, massacré une partie du reste des laboureurs, brûlé dans les greniers, ou dans les aires, le blé ou les herbes ; égorgé ou dévoré une quantité innombrable de brebis, de moutons et de boeufs, emmené ou détruit tous les chevaux et mulets ; consumé dans les flammes les laines, les lins, les chanvres et tout le mobilier. » La misère du pays est totale. Certes, quelques troupeaux errants ont survécu, mais ils sont ravagés par une épizootie. Les rescapés dépérissent faute de nourriture.

L’eau, déjà traditionnellement de mauvaise qualité, est inutilisable en raison du nombre de cadavres en décomposition qui s’y trouvent. En fait, toutes les descriptions sont identiques : le pays est ruiné, la population décimée connaît la famine à laquelle s’ajoute un autre mal méconnu jusqu’à présent — le mal bleu, entendons les maladies vénériennes.

On dispose de maints témoignages sur l’état extrême dans lequel se trouve la Vendée. Celui du maire de Machecoul ( au dessus ) est éloquent :

« Nos administrateurs vivent dans la détresse pour ne rien dire de plus. Il n’y a rien d’exagéré ni dans le tableau des dévastations que nous avons essuyées, ni dans celui de la dépopulation, ni dans l’idée qui a pu être fournie de la diminution des revenus des immeubles. Nous pouvons vous assu’ rer qu’il est un très grand nombre de propriétés qui n’ont rien produit de net depuis la guerre et pour lesquelles il faut payer des impositions. Ce sont particulièrement les maisons de Machecoul, lesquelles, n’ayant pas été totalement dévastées ont été rendues habitables au moyen de réparations qui ont absorbé les revenus de plusieurs années. Plusieurs propriétaires, qui n’avaient rien touché pendant l’insurrection et qui manquaient de moyens pour réparer, ont affermé ces maisons pour un grand nombre d’années à condition que les locataires emploieraient le montant du prix des loyers de toutes les années à rétablir et réparer.

« Les propriétaires des vignobles non cultivés pendant la guerre qui ont eu l’espoir de les rétablir et les moyens de l’entreprendre sont à peu près dans le même cas. Ils ont beaucoup de peine, n’en ont pour ainsi dire encore rien retiré et courent le risque d’en retirer peu pendant plusieurs années.

«.Les terres du haut comme du bas marais de la commune de Machecoul ne produisent encore rien cette année. Ces terres sont sous les eaux depuis plusieurs mois. Les bleds se trouvent pourris comme l’an dernier. Cependant, lorsque ces terres ne sont point submergées ou ne le sont que momentanément elles sont les plus productives. Mais il y a tout lieu de craindre que les fermiers ne puissent encore payer cette année leur fermage et qu’ils ne recueilleront presque rien. »

La situation générale de la Vendée militaire est identique à cette description locale. De l’aveu même du ministère : « Toutes les campagnes ont été dévastées. Elles ont perdu dans des incendies leurs villages, leurs bâtiments d’exploitation, tous leurs instruments aratoires, dans les combats une grande partie de leurs bestiaux, un tiers de leur population. Les vignes qui couvrent les coteaux de la Sèvre et les deux rives supérieures de la Loire ont péri faute de culture et chargent encore la terre d’un bois inutile faute de bras pour les arracher. Les champs, privés pendant trois ans de labour, sont incultes ou très imparfaitement défrichés. Les cultivateurs de ce département, forcés de venir acheter aux marchés de Nantes leurs denrées de première nécessité, ne se consolent de tant de privations que dans l’espoir toujours éloigné de recevoir des dédommagements et secours (…). »

 

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Le coq de mon voisin

Posté par francesca7 le 18 avril 2014

téléchargement (7)

par Jean-Claude Kaufmann

Mon voisin vient d’acheter un coq. J’habite à la lisière de la ville, là où les jardins peuvent prendre un petit air de campagne. Mais cela reste la ville malgré tout, avec ses codes, ses impératifs, sa culture. Concernant le bruit, par exemple. Dans la ville, il y a toutes sortes de bruits, les marteaux-piqueurs, les voitures dans les rues, les cris des fêtards. Des bruits que l’on tolère parce qu’ils font partie de cette culture urbaine. Naples ne serait pas Naples sans son ambiance (très) sonore ; Amsterdam ne serait pas Amsterdam sans le bruissement de ses bicyclettes. Mais le bruit que l’on tolère doit être un bruit urbain, consubstantiel à sa ville, un bruit non déviant. Soit qu’il soit trop fort, inutile, agressif ; soit qu’il soit le signe d’une autre civilisation ou d’un temps révolu.

Prenez les cloches. Elles scandaient heure par heure le temps des sociétés traditionnelles, annonçant à tout le village les décès (glas) ou les dangers (tocsin). Aujourd’hui, les plus beaux carillons peuvent se métamorphoser en nuisances. Un habitant de Vence a récemment porté plainte contre les cloches matinales de la cathédrale. Trop tôt, l’angélus ! Par arrêtés municipaux, elles sont progressivement réduites au silence. Mais ce n’est pas des cloches que je veux vous parler, c’est du coq de mon voisin. Commençons par les poules, si vous le voulez bien. La société se convertit tranquillement à l’écologie, et c’est une très bonne chose. L’agriculture productiviste, les élevages en batterie font peur, et l’on souhaite recycler davantage ses déchets. Or, élever quelques poules chez soi permet de jouer gagnant sur les deux tableaux. De ne plus remplir les sacs poubelles avec les restes de salade et de se régaler d’œufs « super-bio-maison » comme ceux d’autrefois. La mode des poules en ville est donc en train d’exploser. Bref, les poules, c’est très bien.

Mais un coq ? À quoi ça sert, un coq ? À féconder les poules ? On ne les élève pas pour avoir des poussins, seulement des œufs ! Un coq, ça sert uniquement à faire joli, à faire du bruit (ou à embêter son voisin). Un coq, ça ne sert à rien ! Si ! Si ! diront certains. Alphonse Allais avait rêvé de construire les villes à la campagne. Mais pourquoi ne pourrait-on pas réinventer la campagne dans la ville ? Voilà une révolution écologique ! Avec beaucoup plus d’arbres, des potagers, des poules, des vaches, des cochons. Et des coqs ! Pourquoi le chant d’un coq serait-il plus pénible qu’un marteau-piqueur en action ? Pourquoi ne pas retrouver les saveurs acoustiques des villages d’antan ? Qui ne rêverait d’être réveillé au chant du coq ? Sauf que celui de mon voisin a totalement perdu les rythmes du village, qu’il chante à toute heure. Et faux, d’une voix éraillée. Si nous voulons réinventer le village en ville, il faut quand même y mettre les formes !

 http://www.psychologies.com/Planete mars 2014

 

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Claude Monet, figure emblématique de l’impressionnisme

Posté par francesca7 le 16 avril 2014

(Extrait de « Le Gaulois » du 6 décembre 1926)

Claude Monet, figure emblématique de l’impressionnisme dans FONDATEURS - PATRIMOINE 318px-Claude_Monet%2C_Saint-Georges_majeur_au_cr%C3%A9puscule 

 

 
Au lendemain de la mort de Claude Monet survenue le 5 décembre 1926, Louis Gillet, historien d’art et de la littérature ayant rencontré le célèbre peintre à Giverny et qui l’avait encore croisé une semaine auparavant, évoque ce « dernier survivant d’un monde disparu » que révulsaient le snobisme et le charlatanisme en quelques lignes poignantes : au simple égrenage d’événements émaillant son existence, à l’énumération froide des œuvres de cette figure emblématique de l’impressionnisme, il préfère un portrait empreint de poésie, frappé au coin de la nostalgie et pétri de sensibilité

Claude Monet est mort. Depuis huit ou dix jours, je le savais indisposé. Mais il était encore si robuste, il respirait une telle santé, que je ne voulais pas croire qu’il fût vraiment malade. Une grippe ne pouvait avoir de prise sérieuse sur un tel homme. Ses quatre-vingt-six ans l’avaient un peu tassé, sans parvenir à courber cette tête et ces épaules puissantes. Levé à l’aurore, l’année dernière, je le voyais courir encore dans son jardin : je dis courir, du moins l’espace de quelques pas, et se retourner ensuite, du haut du petit perron, un sourire sur sa large face, en plein soleil, dans la gloire de son immortelle vieillesse.

 Claudemonetparbulloz

Claude Monet

 

Rien en lui ne sentait le déclin. L’âge s’ajoutait à sa personne comme une majesté de plus. Le souvenir de sa longue vie, radieuse aujourd’hui, mais longtemps combattue des orages, grandissait sa figure indomptée par les ans. J’avais beau le savoir souffrant, sa vigueur me donnait confiance. Sa mort étonne autant qu’elle afflige : elle me surprend comme si j’apprenais l’écroulement d’un roc, la disparition de ces falaises d’Etretat dont il a tant aimé les formes tourmentées, assiégées par la vague et assaillies par les tempêtes.

Il habitait depuis quarante ans, à une lieue de Vernon, dans la vallée de l’Epte, une maison rendue célèbre dans l’univers par ses peintures et par l’arabesque charmante d’un quatrain de Mallarmé

Claude Monet que l’hiver ni
L’été sa vision ne leurre,
Habite en peignant Giverny,
Sis auprès de Vernon, dans l’Eure.

Je me rappellerai toujours la première visite que je lui fis. C’était à la fin de l’hiver, un jour éclatant de février. Les rivières débordaient, la campagne était inondée. Pour arriver jusqu’au village il fallut faire un long détour par-dessus le plateau. Les collines calcaires du Vexin nageaient seules au milieu des cultures noyées, comme sur un lac resplendissant. Tout avait ce jour-là un aspect sans âge, le sourire d’une nature éblouissante de jeunesse, telle qu’elle pouvait être il y a plusieurs millénaires, à l’aurore du monde primitif : plus rien de mesquin, de caduc ; on ne voyait que les grands traits de la création, la magnifique ampleur de l’ancien golfe de la Seine, avant l’homme et les premiers siècles de l’histoire. Et le vieillard, au milieu de ce monde rayonnant, où il n’y avait de vivants que le soleil et les eaux, semblait le dieu du paysage.

C’est l’été qu’il fallait le voir, dans ce fameux jardin qui était son luxe et sa gloire et pour lequel il faisait des folies, comme un roi pour une maîtresse. Ce jardin de miracle se divisait en deux parties devant la maison ; le parterre s’inclinait doucement en pente vers la rivière. Quatre carrés, séparés par une allée de roses, y formaient autour de pelouses des cadres d’une seule fleur. De quinzaine en quinzaine, à partir du printemps, on renouvelait ce tapis, c’étaient autant de tableaux qui se succédaient dans cet espace, autant de fêtes que le maître se donnait à lui-même, une suite d’enchantements qu’il s’offrait dans ce parterre de Klingsor. Qui n’a pas vu le jardin de Giverny au mois de juin dans le grand flamboiement d’or et le délice des iris, ignore une des féeries des Mille et une Nuits.

De l’autre côté du chemin de fer, que suit la ligne de Gisors, s’étendait un second jardin, d’un caractère tout différent : un bocage, un bosquet touffu, de grands arbres, des ombres où se suspend un clair obscur ému, et, parmi ce demi-jour, une lueur secrète, un miroir de bronze noir réfléchissant le ciel, ce ;jardin d’eau, l’étang des nymphéas. C’était là le joyau du maître, sa passion, la nymphe dont il était épris. Pour agrandir cet étang. il avait dépensé sans compter, élargi son domaine, détourné quatre fois le cours de la rivière.

Deux jardiniers, (il y en avait six à demeure chez Claude Monet) passaient deux heures matin et soir à faire la toilette de cet étang, à ôter les mauvaises herbes, à enlever les feuilles mortes. Tous les jours, le maître descendait là et s’absorbait quelques heures dans une contemplation muette : surface liquide, immobile, où traînaient des ciels à la renverse, des reflets de nuages, de couchants et de crépuscules, miroir des phénomènes, image de l’abîme incertain de la vie, à la surface duquel s’épanouit quelques moments la fleur de songe, le divin rêve du lotus.

D’autres diront la vie de Claude Monet, ses oeuvres admirables, les premières toiles « impressionnistes » (on sait que c’est de Monet que le nom a pris naissance, à cause d’un tableau intitulé Impression soleil levant) ; on dira ces ouvrages, tant bafoués naguère et devenus illustres, la Robe japonaise, la Gare Saint-LazareVétheuilAntibes, la Côte NormandeBelle-lsle, et les étonnantes séries », les Meules, les Cathédrales, les Peupliers au bord de l’Epte, ces poèmes de l’atmosphère, où le grand peintre réussit à fixer l’impalpable, à faire le portrait de l’immatériel, à décomposer le monde solaire en analysant le rayon, et à découvrir cette nuance que chaque heure ajoute à la teinte des choses, cette nuance propre de la lumière que les vieux conteurs appellent la couleur du temps.

Je sais qu’en ces dernières années il était bien porté de médire de l’impressionnisme. Mais je ne veux parler que de l’homme : il était le dernier survivant d’un monde disparu. Né la même année que Rodin, il demeurait seul, après Renoir, après Degas, d’une génération héroïque, une des plus brillantes qu’il y ait eu en France depuis le temps des Boucher et des Fragonard. Par-dessus les faux classiques de l’école impériale, il tendait la main à la pure tradition de chez nous : c’était le même sang qui coulait dans ses veines, la race et le sourire de la France, avec un lyrisme de plus, je ne sais quoi d’inspiré qu’on ne connaissait plus depuis Delacroix et Watteau. Cette impression de continuité, on l’avait en l’écoutant parler : entendre ses récits de jeunesse, entendre parler un homme qui avait connu Courbet et vu peindre Delacroix, qui parlait de ces grands morts comme de maîtres toujours présents, donnait une sensation singulière de grandeur.

 282px-Monet-Etretat-Lyon dans FONDATEURS - PATRIMOINE            182px-Claude_Monet_-_The_Manneporte_near_%C3%89tretat        276px-Claude_Monet_-_Regnv%C3%A6r%2C_Etretat_-_Google_Art_Project

Les Falaises à Etretat, par Claude Monet (1885)

 

Parvenu à l’âge du Titien, il continuait à peindre, toujours avec la même angoisse, le même tremblement, les mêmes accès de désespoir qu’éprouve un débutant qui ne sait rien de l’art. Dans ses dernières années, sa vue s’était trouvée menacée. Il avait subi deux fois l’opération de la cataracte. Il peignait cependant des paysages égarés, d’un aspect de plus en plus fiévreux, halluciné, dans des gammes impossibles, toutes rouges ou toutes bleues, mais d’une tenue magnifique ; on sentait toujours la griffe du lion.

Il était le dernier de sa génération. La gloire était venue, sans qu’il lui eût fait jamais une concession. Les mœurs nouvelles l’étonnaient. Le snobisme, le charlatanisme lui causaient une espèce de scandale et froissaient en lui je ne sais quelle intransigeance d’amour. Il n’aimait pas l’argent. « D’abord, la peinture se vend trop cher ! » s’écriait-il un jour, et il y avait dans sa voix du mépris et de la colère. Il lui semblait que la beauté vaut la peine qu’on souffre pour elle, et que c’était là sa dignité. Tout un hiver il avait vécu de pommes de terre, qu’il faisait pousser lui-même dans son jardin d’Argenteuil : c’est le souvenir dont il était le plus fier.

Dans ce monde moderne auquel il tournait le dos, il se trouvait désormais seul. De rares amis venaient le distraire dans sa retraite de Giverny ; le plus fidèle était M. Georges Clemenceau. On imagine sur le petit banc, au bord de l’étang des nymphéas, la méditation silencieuse des deux vieillards, et le ton dont le grand Vendéen pouvait dire au grand Normand : « Il n’y a plus que nous ! »

M. Clemenceau a fermé aujourd’hui les paupières de son ami. Il a fermé ces yeux qui auraient su voir dans la nature des merveilles nouvelles et arracher des voiles à ce vieil univers. Au bord de l’étang plein de songe, sa rêverie mélancolique se promena solitaire. Pleurez, ô nymphéas ! le maître n’est plus qui venait épier sur vos ondes, parmi les reflets du ciel et des eaux, la figure du rêve éternel de la vie.

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Comment Chaplin est devenu Charlot

Posté par francesca7 le 16 avril 2014

 

 

Il est né le 7 février 1914, dans « Charlot est content de lui ». Par quel prodige ? Et comment a-t-il conquis les foules ? Interview Le Point.fr.

220px-Charlie_Chaplin_portraitIl porte déjà la redingote et le melon, mais, sous le lourd maquillage noir, ses yeux n’ont pas encore la naïveté feinte qui les rendra si beaux. Ce 7 février 1914, avec Kid Auto Races at Venice, c’est déjà Charlot qui apparaît : un personnage tout entier collé au dieu du mime qui l’a fait naître, un « vagabond » admirable, suprêmement drôle, capable de transformer les ficelles les plus grosses en prodiges de finesse. Bientôt il mangera un à un ses petits pois sous l’oeil terrible du serveur qui lui présente la note, fera danser des petits pains, manquera d’étouffer sous une poitrine trop opulente. Puis mourra, de son propre chef, en laissant la grande histoire prendre l’avantage : c’est Le Dictateur, où Chaplin se met à parler. Christian Delage, historien et réalisateur, auteur de Chaplin, la grande histoire(éditions Place, 2002), explique comment Charlot est né, et pourquoi il a su, comme nul autre, soulever l’amour des foules.

Le Point.fr : Comment Chaplin construit-il Charlot ? 

Christian Delage : Par tâtonnements. Au début, son personnage de vagabond porte un frac et un haut de forme. Il est très élégant, mais, alternativement, il apparaît aussi comme mal fagoté. Chaplin va hésiter un moment avant de le définir par son chapeau melon, son pantalon trop grand, les chaussures qui le font marcher en canard. De la tête à la ceinture, il est très bien habillé ; de la ceinture aux pieds, c’est un traîne-misère. Lorsqu’il crée sa société de production, il tourne d’ailleurs un film où on le voit arriver dans ses bureaux et vérifier dans son coffre-fort que ses chaussures y sont bien conservées – serait-ce là un signe de la richesse de son personnage ou de son créateur ? La carrière de Chaplin peut aussi se comprendre comme un écart progressif entre le milieu pauvre dont il est issu et qui inspire Charlot, et l’embourgeoisement très rapide qu’il vit par ailleurs : en quelques années, il devient l’homme de cinéma le plus riche des États-Unis.

REGARDEZ un extrait du Kid :

Image de prévisualisation YouTube

http://youtu.be/Xh3z89u1NtY

D’où vient-il ? 

Photographie de Charlot l'air énervé tenant la main à un petit garçon en haillons

Né en 1889 à Londres, plusieurs fois placé en hospice, en particulier à Lambeth, Chaplin a grandi dans un milieu d’artistes, de saltimbanques. Il commence très tôt, sur le tas, et apprend alors deux choses essentielles : la pantomime, et le travail du corps lié à l’art du cirque. Il répète ses gestes jusqu’à la perfection. Il est extrêmement agile, extrêmement gracieux. C’est un point important : son personnage sera celui d’un vagabond, mais qui, en toutes circonstances, conservera une élégance presque aristocratique. 

Qu’est-ce qui, selon vous, le définit le mieux ? 

La centralité. Charlot est au centre, tout le temps, et très souvent il regarde la caméra. C’est le cas dès son premier film, Charlot est content de lui (Kid Auto Races at Venice) : il est au bord d’un circuit automobile et vient sans cesse au milieu de la piste. Charlot est ainsi. Il dérange les autres, irrite les gros, les grands, les puissants, provoque plus fort que lui, resquille, pince les fesses des femmes. À la différence du timide Buster Keaton, il n’est pas entièrement positif. C’est sans doute pour cette raison que le public se retrouve en lui.

REGARDEZ un extrait de Charlot est content de lui : 

 

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http://youtu.be/FfJmkwJT56A

Le succès est-il immédiat ? 

Oui, et international. Grâce à la pantomime, en effet, Charlot peut s’adresser au monde entier. Charlot soldat, en 1918, est distribué dans une vingtaine de pays. Les Français y sont particulièrement sensibles, et aussi bien les milieux populaires que les avant-gardes – comme Blaise Cendrars ou Fernand Léger. 

Comment l’expliquez-vous ? 

Il y a quelque chose dans son rapport au corps qui tient à l’épure, à la transformation d’un espace ordonné en un espace aux lignes brisées : une esthétique qui intéressait beaucoup les artistes des années 10 et 20. Mais cela est balancé par la grande perspicacité de Chaplin à l’égard des changements de la société. Comme le fordisme, comme la montée du nazisme. On lui a reproché de faire rire d’Hitler. Cela n’a pas de sens ! Avant même le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, Chaplin comprend au contraire que ce qui est en train de se produire va atteindre à l’humanité tout entière. Et il le donne à voir, comme toujours, à travers le double personnage qu’il joue : la fragilité du barbier, mais celle aussi du dictateur, qui s’effraie lui-même et finit débordé par sa propre folie. 

Le Dictateur est aussi le premier film parlant de Chaplin. C’est aussi la fin de Charlot ? 

Le parlant arrive dès 1927 et, jusqu’en 1940, tout l’enjeu pour Chaplin est de retarder son hégémonie. Dans Les Lumières de la ville, il met en scène cette contrainte : son personnage échoue à chanter. Ce qui est magnifique, c’est qu’il se résout à prendre la parole au moment de l’hitlérisme, et à faire de cette prise de parole un des noeuds de l’oeuvre : le dictateur s’exprime par onomatopées, par éructations. Le film rassemble, je crois, sa carrière tout entière.

REGARDEZ un extrait du Dictateur :

Image de prévisualisation YouTube

http://www.youtube.com/watch?v=xfVNyMLOYGQ

Comment voulait-il être perçu ? 

Il était très soucieux de son succès et, à la tête de sa maison de production, contrôlait absolument toutes les étapes des films. Il organisait notamment des pré-projections pour voir où les gens riaient, où ils ne riaient pas, et ajuster au besoin. Tout passait par le personnage. Ce qui explique aussi qu’il ait toujours repoussé les avances de mouvements politiques. 

Il a pourtant été victime de ses opinions. 

Il y a là une convergence malheureuse de plusieurs éléments. D’une part, ses prises de position qui, dès les années 30, conduisent le FBI à le surveiller. D’autre part, les déboires conjugaux qui menacent de l’envoyer régulièrement devant les tribunaux. Sa rencontre avec la toute jeune Oona O’Neill, et leur mariage alors qu’elle est à peine âgée de 18 ans, provoque le scandale. Chaplin se retrouve avec, aux trousses, une presse peu amène à son égard. Puis apprend, alors qu’il est sur un bateau en direction de Londres, que son retour aux États-Unis est compromis. Il se replie en catastrophe en Angleterre, puis en Suisse. Certes, il va vivre dans une belle maison, auprès de ses huit enfants. Mais l’artiste est amer et isolé. Peu de temps avant sa mort il est rappelé en Californie pour recevoir un oscar d’honneur. Il joue le jeu, remet son melon, fait deux pas en Charlot. En faisant l’éloge de leur nation, il met les Américains devant leurs responsabilités, eux qui, après l’avoir adulé, l’avaient rejeté.

REGARDEZ Charlie Chaplin recevoir un Oscar d’honneur :

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http://youtu.be/J3Pl-qvA1X8

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LE PERSONNAGE DE GARGANTUA

Posté par francesca7 le 16 avril 2014

 

1311525-François_Rabelais_Vie_inestimable_du_Grand_Gargantua__Gargantua_visite_Paris

La naissance de Gargantua, telle qu’elle est relatée dans les Chroniques, mobilise une nuée de personnages, accourus de divers horizons mythologiques : «  Tous dieux, semi-dieux, nymphes, paranymphes, déesses et autres se montrèrent fort serviables audict enfantement  »MorganeCybèle, Proserpine, Ysangrine et Cornaline reçoivent l’enfant. Le soleil, la lune, le vent, les feuilles des arbres même suspendent un temps leur mouvement. Ysabelle et Philocatrix – l’aïeule de Mélusine - baignent le bébé. Et sont aussi présents FaunusSilvanus, ainsi qu’une floppée de satyres et de lutins.

A sa mort, Gargantua ira rejoindre en Féerie le roi ArthurMorganeOgier le Danois et Huon de Bordeaux.

Est-ce là le signe de l’importance du personnage ? Il faut bien sûr faire la part de la fantaisie du récit. Il n’en reste pas moins que notre géant national, dont Rabelais a su extraire la substantifique moelle, s’inscrit d’emblée au coeur d’un univers mythologique polymorphe : celui qui anime le territoire français et certaines régions des pays limitrophes.

Son nom pourtant reste ignoré jusqu’aux années 1630. Ou du moins, on n’en relève aucune trace littéraire, ni iconographique. Enfoui dans le secret des traditions populaires, ce n’est que bien plus tard qu’il apparaît sous la plume des folkloristes qui sont allés le dénicher dans les légendes locales et dans les toponymes.

Et là c’est une révélation : on le découvre quasiment partout, inscrit dans la mémoire collective. Il est omniprésent dans les paysages. Il s’affirme comme un personnage essentiel de l’imaginaire local. L’impressionnant relevé de ce qui est parvenu jusqu’à nous – et qui, de façon évidente, ne doit que très peu à Rabelais – est là pour en témoigner.

C’est donc tout naturellement que l’on est amené à s’interroger sur la nature de ce volumineux personnage. Il paraît bien téméraire pourtant de chercher à le cerner, à en esquisser le portrait. Et il convient de rester très prudent. Ce qui n’empêche pas d’imaginer ce qu’il peut avoir représenté, de proposer des pistes, de lancer des hypothèses : en dépassant le premier degré des grosses plaisanteries – encore que … ; en enquêtant sur les traces qu’il a laissées ; en scrutant ses faits et gestes, les lieux qu’il a marqués, les thèmes récurrents, les mots eux-mêmes.

Son personnage ne s’appuie pas sur un récit chronologique, biographique, mais plutôt sur une accumulation de faits qui se répètent de lieu en lieu. Il apparaît comme un être intemporel, qui manifeste sa présence et son pouvoir ici et là.

Avant tout c’est un géant, et il rentre par là dans une catégorie bien définie de l’imaginaire. Mais, contrairement à la majorité des géants, il n’est en rien méchant, ni menaçant, même si, du fait même de sa taille, on préfère plutôt le voir s’éloigner. Et, s’il lui arrive de faire des dégâts, c’est bien malgré lui, et il se montre souvent prêt à réparer. De même, contrairement à la plupart des géants, il n’est pas attaché à un lieu particulier : il ne cesse de voyager, de parcourir, d’ »arpenter » à grandes enjambées le territoire, dans sa quasi totalité.

Gustave Doré, illustration pour <i>Vie inestimable du Grand Gargantua</i>C’est ainsi que Dontenville a pu suggérer que Gargantua réalise « à grande profondeur, notre unité nationale ». Il apparaît de fait, à la façon du dieu gaulois Teutatès, dans un rôle de protecteur de la communauté : c’est un guerrier, spécialement missionné par Merlin auprès d’Arthur pour le défendre contre ses ennemis. Il lutte contre les envahisseurs, contre les armées ou les géants qui mettent en péril le pays, ou bien d’une certaine façon contre le christianisme, la nouvelle religion qui menace les anciennes croyances (ne serait-ce qu’en ingurgitant périodiquement des moines, même si c’est par inadvertance, mais toujours en faisant honneur à l’esprit « gaulois »).

Et pourquoi après tout ne pas y voir une préfiguration d’Astérix, consolidé par Obélix pour la force et la manie de porter des mégalithes. Bourquelot ne parlait-il pas de lui en ces termes : «  Peut-être Gargantua doit-il être regardé comme une sorte de personnification de la race gauloise en lutte contre les Romains. Les peuples italiques avaient paru aux Gaulois, lors de leur invasion au-delà des Alpes, de petits et chétifs soldats ; c’est par cette idée qu’on pourrait expliquer le type de Gargantua comme représentation de la force celtique.  »

Son gigantisme l’impose comme un être supérieur, dont la tête peut se perdre dans les nuages, et qui prend plaisir à s’asseoir sur les plus hautes montagnes et sur les tours des cathédrales pour prendre des bains de pied dans les lacs ou les fleuves. Un être qui domine toutes choses, protéiforme et omniprésent, qui passe sans transition ni contradiction de la taille humaine à celle des montagnes. Cela répond bien sûr aux nécessités du récit, mais traduit aussi un caractère surnaturel, divin, omnipotent, à la fois proche des hommes et dominant l’Univers. Et cela contribue à en faire un dieu suprême et miséricordieux. S’agit-il pour autant du dieu unique d’un probable monothéisme gaulois ?

Dontenville, lui, le voit accouplé à Mélusine. Mais il n’y a pas nécessairement simultanéité. G.-E. Pillard explique qu’il serait «  inutile de chercher une quelconque parédrie : Gargantua « solaire » serait le successeur de Mélusine devenue « lunaire ». Et, dans ce cas, Gallemelle pourrait recouvrir l’image de Mélusine devenue, dans la légende, la « mère » de Gargantua. En réalité, elle ne lui a pas donné naissance, mais elle l’a précédé.  »  Il a été qualifié de dieu solaire : il fait régulièrement le tour du monde, et son premier voyage, accompagné de ses parents, et guidé par la Grant Jument dont ils tournent la tête vers l’ouest, le mène d’un lointain Orient jusqu’au Mont-Saint-Michel. Et c’est là, au bord de la mer Occidentale, qu’il finira par s’éteindre, ou bien qu’il s’embarquera pour les îles enchantées. Selon Gaidoz, le caractère dévorant, avaleur, de Gargantua conserverait le souvenir de sacrifices humains autrefois adressés au dieu solaire. Dontenville, lui, en fait un dieu du soleil couchant, associé en une sorte de triade, à Orcus, le dieu de la nuit, et à Belenos, celui de la lumière solaire.

Gargantua en tout cas ne s’impose pas vraiment comme un véritable démiurge, mais bien plutôt comme l’ordonnateur du cosmos ; il se contente d’aménager le paysage : les cailloux coincés dans ses bottes ou sa pierre à affiler forment les menhirs ; les palets avec lesquels il joue deviennent les tables des dolmens ; la terre décollée de ses sabots, et les produits de ses vomissures ou de sa défécation génèrent tertres et collines ; il tarit les rivières en buvant, et engendre les fleuves en urinant … Joueur maladroit, il ne se fait remarquer ni par son adresse, ni par sa précision, ce qui permet d’expliquer les irrégularités et bizarreries de la nature. Son caractère mal dégrossi, à l’emporte-pièce, et sa dépendance vis-à-vis des contingences naturelles, peuvent suggérer un regard pour le moins sceptique quant à la perfection de la nature humaine, voire divine. On est bien loin de l’harmonie des sphères célestes … Est-ce là la trace d’une véritable vision du monde, ou bien le résultat du long déclin d’une religion oubliée ?

L’activité de Gargantua se recentre souvent sur ses fonctions digestives, de l’ingestion à la régurgitation ou à la défécation. Cela pourrait le définir comme un dieu du temps, de la mort, qui dévore tout sur son passage. Il se bat volontiers en lançant des raves, légume souterrain, associé aux morts. Et Pillard parle de son « énorme bouche qui ressemble à un gouffre », à la gueule de l’Enfer, et il suggère que sa dent creuse, où ceux qu’il ingurgite trouvent régulièrement refuge, peut être considérée comme un« véritable purgatoire ». Tout cela en ferait un psychopompe, un passeur vers l’autre monde. Autre rôle qui renvoie à l’archange solaire saint Michel, auquel il est si souvent géographiquement associé.

Ses perpétuelles pérégrinations, ses traversées de cours d’eau, peuvent aussi suggérer un parcours initiatique, tandis que l’engoulement et le retour à la lumière du jour de ceux qu’il avale semblent représenter une épreuve marquée par la mort et la résurrection. G.E. Pillard suit cette piste : «  Les « tombes » de Gargantua figureraient très bien les lieux de célébration de « mystères », avec épreuves initiatiques, les déplacements de Gargantua matérialiseraient des itinéraires sacrés reliant des lieux de pèlerinage, et les dépattures en marqueraient les principales étapes.  »

Gargantua pourrait aussi être un dieu de la génération : on a observé des rites de fécondité autour de pierres qui lui sont dédiées, et il est tentant de donner une interprétation phallique aux épisodes qui évoquent sa « troisième jambe ».

Henri Fromage, quant à lui, a exploré, à la suite d’Henri Dontenville, quelques thèmes sonores qui reviennent en leitmotiv dans les épisodes légendaires : mul/mun (meule, moulin, meunier, moine …) qui ferait référence au dieu gallo-romain Mars-Mullo ; pal(palet, pelles …) qu’il rattache au latin spelunca, « caverne, grotte, entrées du monde souterrain » et qui serait à rapprocher de Mercure ; boui (bouillie, boeufs, boue, bois …) qui renverrait au dieu Apollon-Borvo des sources bouillonnantes. Ainsi Gargantuaassurerait à lui seul les fonctions propres à Mars, Mercure et Apollon

Enfin, parmi les multiples conjectures que suscite ce personnage, un récit le montre naissant à Plévenon, pas plus gros qu’une équille, mais très long, au point que sa tête sortait de la bouche de sa mère. Et cela nous mettrait sur la piste d’un dragon, également « à grand gosier », selon les mots de Dontenville qui est tenté de le voir représenté sous la forme du serpent à tête de bélier de l’iconographie gauloise : «  On peut soupçonner un Gargantua primitif d’avoir eu partiellement forme de serpent, d’avoir été le géant anguipède, mieux encore, de s’être transformé complètement, selon des rites perdus, de serpent en géant.  »

Gustave Doré, illustration pour les <i>Œuvres</i> de François RabelaisMais, si Gargantua est si important, pourquoi a-t-il été si longtemps entouré de silence ? Pourquoi est-il resté dans l’ombre ? On peut supposer qu’il était en fait trop dérangeant, en tant que représentant d’une religion qu’il fallait effacer de la mémoire. Dans ses Légendes rustiques, George Sand disait de Georgeon que «  ce nom terrible qui présidait aux formules les plus efficaces et les plus secrètes, ne devait être confié aux adeptes de la sorcellerie que dans le pertuis de l’oreille …  » Georgeon, un avatar de Gargantua ? En tout cas, les dieux anciens furent diabolisés ; et sans aucun doute parla-t-on longtemps de Gargantua sous le nom du « Diable« . D’autre part, le nom de « Gargantua » ne semble pas très ancien. Il pourrait s’agir d’un qualificatif pour un dieu au nom volontairement caché, non nommé, et peut-être même sans nom. Tout simplement, « celui du mont Gargan », de ces monts sacrés, désormais dédiés à saint Michel ou bien associés à d’anciens cimetières, que l’on retrouve un peu partout sur le territoire, et même hors de nos frontières, notamment en Italie avec le Monte Gargano (près duquel Florimont tue le géant Garganeüs), ainsi que, semble-t-il, sur le mont Ararat.

Et l’on peut tout simplement envisager Gargantua comme une figure composite, englobant toutes les anciennes divinités diabolisées sous ce nom par la nouvelle religion.

Pour tout savoir, visitez : http://www.mythofrancaise.asso.fr/mythes/figures/GAmytho.htm

 

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