les Églises fortifiées
Posté par francesca7 le 6 avril 2014
(par Robert Poujol)
« Les Églises fortifiées de la Thiérache ne sont pas l’oeuvre d’une vie, mais la manifestation d’un « coup de coeur » », écrit Robert Poujol, qui a bien voulu donner son accord pour la publication de l’étude qu’il rédigea en 1959.
Situées sur un axe de tourisme international, à 170 km de Paris, les églises de la Thiérache demeurent encore aujourd’hui mal connues du public. Lieux de culte, à l’origine, elles se sont ornées de tours, de donjons et de mâchicoulis pour jouer un rôle militaire essentiel. Qui les a construites ? Pourquoi ont-elles été dotées de ces défenses ? C’est ce que tente d’expliquer l’auteur qui, alors sous-préfet de Vervins, visita ces étranges églises lors de ses traditionnelles tournées dans les mairies du terroir thiérachien.
La partie spécifiquement religieuse des édifices remonte très souvent du XIIe au XVe siècle ; la partie militaire date, neuf fois sur dix, du XVIIe siècle. En cas d’alerte, les habitants de la commune se réfugiaient dans le fort, avec vivres armes et munitions. Les animaux pouvaient même y être protégés. Les usages profanes des parties non militaires seront nombreux jusqu’au XIXe voire jusqu’au XXe siècle.
Partie intégrante de notre patrimoine historique et culturel, les églises fortifiées de la Thiérache témoignent avec force du passé et demeurent l’une de nos richesses…
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Pendant la période du Moyen Âge, les églises ont vu leur architecture adaptée aux désordres sociaux et politiques de l’époque. Les églises des territoires limitrophes ont été fortifiées de sorte que la population locale puisse s’y protéger lors des invasions et des guerres.
Les premières églises fortifiées datent du ixe siècle quand en 869 Charles le Chauve ordonne la construction d’un castellum à Saint-Denis et qu’en 883 l’abbaye Saint-Vaastd’Arras débute ses travaux de fortification.
Du xe siècle il nous est parvenu la mention en 919 de la construction de l’enceinte de Châteauneuf-les-Tours, en 920 du castellum de Saint-Martial-de-Limoges avec ses deux tours, en 923 des fortifications de Saint-Gery à Cambrai, Saint-Arnould à Reims, et en 933 de la fortification de l’église Saint-Hilaire le Grand de Poitiers. En 988 l’évêque Fortier fait enclore le monastère de Saint-Front, il en est de même pour l’abbaye de Saint-Victor dans le midi et pour l’abbaye Saint-Père de Chartres. Elle est munie d’un clocher porche défensif comme Saint-Germain-des-Prés et beaucoup d’autres églises.
Des églises fortifiées ont été bâties (certaines non fortifiées furent alors aménagées) en France, et dans les pays germanophones. On trouve généralement deux types de fortifications: complète ou uniquement sur une partie transformée en donjon, le chœur ou le portail (surmonté d’une « salle refuge »).
À chaque passage de troupes, la population se réfugiait dans un fort, une ville fortifiée, une église. En fait, les paroisses éloignées des quelques routes carrossables se trouvaient pratiquement hors d’atteinte des armées en campagne car les chemins de campagne étaient impraticables pour l’artillerie lourde. Par contre, elles étaient continuellement en butte aux entreprises de pillages .
Si de nombreux exemples existent dans le sud-ouest (régions Midi-Pyrénées et Poitou-Charentes), c’est sans doute en Picardie, et plus précisément en Thiérache, que le terme « église fortifiée » prend toute sa spécificité. On notera qu’à la même époque, dans la même région-frontière, mais plus à l’ouest, dans l’Amiénois, les villageois se réfugiaient non en hauteur comme en Thiérache, mais sous terre, dans des souterrains-refuges (appelés localement « muches »), creusés à partir de l’église – comme à Domqueur - ou du moulin – comme à Naours, dans la Somme.
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