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    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Un roman journalistique d’émile Zola

Posté par francesca7 le 7 mars 2014

 

extrait dans :  Les sources de L’Argent

150px-Zola_LeandreCe roman a sans doute beaucoup coûté à Zola parce que le sujet lui était peu familier. Si le lecteur curieux parcourt les premières listes de 1870 constituant l’architecture de la saga des Rougon-Macquart, il s’étonnera de ne trouver aucune mention de l’Argent. Pourtant les aspects financiers étaient déjà bien présents dans la Curée par exemple. Mais, dans ce roman, la focalisation portait moins sur le désir effréné de richesse monétaire ou les spéculations foncières que sur la pourriture d’un monde sans foi ni loi. Zola a pris conscience peu à peu qu’il devait écrire cette enquête sur l’argent moderne, une des causes principales de la chute du régime impérial honni. Par ailleurs l’observateur naturaliste connaissait bien les deux ressorts de l’âme humaine soulignés dans ses Notes : « II n’y a que l’amour et l’argent ». La seconde forme essentielle du désir, surtout dans ses aspects contemporains du pouvoir des énormes sommes mystérieusement brassées loin du public, n’avait jamais été réellement et méthodiquement abordée.

Il convient de noter que la jeune IIIe République est traversée par quelques scandales financiers retentissants dont le Bel-Ami de Maupassant paru cinq ans plutôt s’était déjà fait l’écho lui aussi. L’affaire de la « dette tunisienne » devenue marocaine sous la plume de Maupassant n’est pas sans rappeler le coup fourré de Sadowa dans l’Argent. Au moment où Zola écrit son roman le scandale de Panama bat son plein. Rappelons que Ferdinand de Lesseps, pour subventionner un projet mal évalué au départ, a massivement fait appel aux capitaux des petits épargnants (le fameux « bas de laine »), en recourant à des hommes d’affaires qui soutiennent la publicité de l’investissement en achetant largement des journaux peu consciencieux. C’est cette stratégie payante que reprend d’ailleurs Saccard.

Zola est démuni face aux questions financières, au droit des sociétés, aux cotations boursières. Il n’a même pas de compte bancaire. Son éditeur, Fasquelle, lui avance au fur et à mesure l’argent dont il a besoin. Il va donc constituer un dossier de plus de mille pages pour combler ses connaissances lacunaires avouées à demi-mot, à deux reprises, dans le premier chapitre du roman : « ce mystère des opérations financières où peu de cervelles françaises pénètrent » ; « ce mystère des opérations financières, d’autant plus attirant pour les cervelles françaises que très peu d’entre elles les pénètrent ». Zola a donc consulté plusieurs ouvrages pour s’initier à cette religion de la finance. Il a lu les Mémoires d’un coulissier de Feydeau, l’ouvrage de Mirecourt sur La Bourse et celui d’Aycard sur Le Crédit mobilier. Il bénéficie des leçons de son éditeur, qui a pratiqué le métier d’agent de change avant de se lancer dans la librairie. Il s’est surtout beaucoup inspiré du krach de l’Union générale survenu en janvier 1882. Le polytechnicien Bontoux avait repris en 1878 cette banque qui avait connu des difficultés. Par une gestion audacieuse, il avait fait grimper la valeur de l’action jusqu’à des hauteurs insoupçonnées, enrichissant tout un petit peuple d’actionnaires. C’est que Bontoux avait eu la lumineuse idée de drainer l’épargne religieuse vers sa banque catholique. Pourtant au début de 1882, ce fut l’effondrement du cours, l’action perdant les neuf dixièmes de sa valeur. Poursuivi pour escroquerie, le banquier se réfugia en Espagne d’où il rédigea, pour sa défense, une apologie qui parut en librairie en 1888. Zola a de plus étudié dans les numéros du Droit les comptes rendus d’audience du procès Bontoux qui s’acheva sur la condamnation de l’intéressé à cinq ans de prison en 1883. L’opinion française est alors travaillée par l’ouvrage antisémite de Drumond, la France Juive. Bontoux, lui aussi, invoque un complot des Juifs et des francs-maçons pour expliquer la déroute de son œuvre bien-pensante et, de fait, lui et ses actionnaires avaient bien été ruinés en partie par la spéculation des Rothschild. Ces accusations vont d’ailleurs resservir à l’occasion du scandale de Panama, permettant à plusieurs personnalités d’échapper à la vindicte populaire. Elles contribueront à faire enfler notablement le ressentiment antisémite à l’occasion de l’Affaire Dreyfus. Elles sont bien présentes dans le roman de Zola.

Plus anecdotique, la scène scabreuse qui oppose Saccard à Delcambre à propos de l’entretien de la baronne Sandorff tire son origine d’un fait divers de l’époque : Edwige Sapia fut bien l’objet d’une empoignade de mauvais garçons entre deux notabilités, le banquier Jules Mirès (condamné à cinq ans de prison en 1861 pour la faillite de la Caisse générale des chemins de fer) et Gustave Louis Chaix d’Est-Ange, avocat et homme politique français.

Un roman journalistique d’émile Zola dans FONDATEURS - PATRIMOINE 150px-Zola_1870Le personnage de Saccard a plusieurs origines : d’abord le père de Zola, trop tôt disparu lors des sept ans d’Émile. Le fils a gardé de lui le souvenir ébloui d’un entrepreneur moderne, hardi, engagé dans le progrès social. Zola a également été marqué par le spéculateur et industriel Hector de Sastres, qui fut l’ami et le protégé du ministre Jacques Louis Randon. Bien sûr, Saccard a hérité aussi de quelques caractéristiques de Paul Eugène Bontoux. Zola a donné à Saccard la confiance en soi, l’optimisme chevillé au corps, l’esprit visionnaire, le sens des opportunités économiques de ces personnalités. Notons également que quelques traits de Bontoux et du père ont été attribuées à Hamelin, l’ingénieur brillant, appliqué, utopiste.

Zola a donc réuni plus de mille pages de notes pour rédiger son roman. Il s’est livré à une étude du dossier comme un journaliste moderne. Si ses confrères se sont parfois montrés très critiques à l’égard de ces compilations laborieuses qui, selon eux, cachaient un manque d’inspiration ou d’audace créatrice, il nous faut bien reconnaître que Zola se présente comme un écrivain moderne, scrupuleux, appliquant à la fiction romanesque les méthodes du journalisme d’investigation

Lire la suite sur : http://www.etudes-litteraires.com/zola-argent.php#ixzz2lIh0Vb94

Émile Zola (à l’état civil Émile Édouard Charles Antoine Zola) est un écrivain et journaliste français, né à Paris le 2 avril 1840 et mort dans la même ville le 29 septembre 1902. Considéré comme le chef de file du naturalisme, c’est l’un des romanciers français les plus populaires , les plus publiés, traduits et commentés au monde. Ses romans ont connu de très nombreuses adaptations au cinéma et à la télévision.

150px-ZOLA_1870 dans LITTERATURE FRANCAISEEn 1888, alors que Zola s’interroge sur le sens de son existence à la veille de la cinquantaine, sa vie bascule brutalement. N’avait-il pas soufflé à Goncourt : « Ma femme n’est pas là… Eh bien je ne vois pas passer une jeune fille comme celle-ci sans me dire : « Ça ne vaut-il pas mieux qu’un livre ? » » ? Par ailleurs, il est présenté à la Société des gens de lettres par Alphonse Daudet en 1891, et accueilli en son sein « exceptionnellement par acclamation et à main levée à l’unanimité. » Il est élu au comité, puis élu et réélu président de l’association de 1891 à 1900. Il exerce très sérieusement ses fonctions : il intervient dans la presse pour présenter son organisation et ses valeurs, il fait reconnaître la société comme établissement d’utilité publique, le droit de la propriété littéraire et la défense des auteurs en France progressent sous son autorité, des conventions avec des pays étrangers, comme la Russie, sont signées.

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Le Géant de la forêt de Brocéliande

Posté par francesca7 le 6 mars 2014

Le Géant  de la forêt de Brocéliande

confronté
au pouvoir des fées

(D’après « Revue du traditionnisme », paru en 1908)

180px-Brocéliande166Amené à rencontrer le géant de la forêt de Brocéliande à la disposition duquel il se met en échange d’une vie insouciante durant un an, Jean Le Gouic renonce bientôt à sa vie débauchée et se promet de vivre en honnête homme. Trop tard… Le géant entend bien profiter du pacte, et lui demande des services surhumains dont le jeune breton ne s’acquitte que grâce à l’intervention d’une fée devenue elle-même l’esclave du magicien de Brocéliande. S’ensuivent ruses et courses effrénées pour échapper au géant et tenter de le terrasser…

Voici longtemps, rapporte au début du XXe siècle Etienne Péan, sabotier dans le bois de la Fleuriais, à Ercé-en-Lamée, un jeune homme de Plélan dans le pays Gallo, dissipa, en quelques années, une fortune péniblement gagnée par des parents laborieux. Une fois ruiné et abandonné de tous ceux qui l’avaient aidé à manger son bien, il n’eut pas assez de courage pour se mettre au travail, et, ennuyé, résolut d’en finir avec la vie.

Afin d’exécuter son dessein, il s’en fut dans la mystérieuse forêt de Brocéliande où, jadis, l’enchanteur Merlin et la fée Viviane se donnaient rendez-vous. Là, errant tristement près de la fontaine de Barenton, sous les vieux chênes, il se vit arrêté soudain par un Géant, qui se campa fièrement devant lui en disant : « Jeune homme, je sais ce que tu viens faire ici ; je connais aussi bien que toi l’état de ta bourse, aussi je vais t’offrir !e moyen de te tirer d’embarras. Ecoute-moi bien : si tu consens à revenir ici, dans un an, te mettre à ma disposition, tu pourras jusque-là continuer ta vie de plaisir. – J’accepte, répondit l’étourdi. Donnez-moi de l’or et dans un an je serai votre esclave. – Cherche dans ta poche, reprit le Géant, tu as des louis, et il y en aura toujours. Va, amuse-toi, mais reviens ici à l’époque convenue. »

Jean Le Gouic – c’était son nom – recommença à semer l’or à pleines mains. Mais les plaisirs qui le charmaient autrefois finirent par le fatiguer et l’ennuyer. Les idées sérieuses s’emparèrent de son esprit. Il délaissa ses-compagnons de débauche et rentra dans la voie du devoir. Les bons principes que sa mère lui avait inculqués dans son enfance, germèrent enfin dans son cœur, nous apprend encore la légende. L’or, qui provenait d’une source douteuse, fut désormais employé à secourir les malheureux, et croyant que le géant en voulait à ses jours, il résolut de vivre en honnête homme et de mourir en chrétien.

Le temps s’écouta vite, et le jour fatal arriva. Brave comme un breton qu’il était, il n’appréhenda point la mort, et se rendit sans crainte au rendez-vous. De retour dans les sentiers de la grande forêt, Jean aperçut un homme qui venait vers lui, courant à toutes jambes, et emportant dans ses bras une robe rose qu’il cherchait à cacher sous sa blouse. Reconnaissant aux allures de cet homme un voleur, Le Gouic se précipita sur lui, le saisit au collet, et lui arracha le vêtement des mains, en lui demandant où il l’avait pris. Le fripon, surpris au moment où il y pensait le moins, perdit contenance, se jeta aux pieds du jeune homme et lui demanda grâce en lui racontant qu’il avait dérobé cette robe à des jeunes filles qui étaient à se baigner dans un étang voisin.

Jean, d’un air de mépris, repoussa du pied le voleur, s’empara du vêtement et s’empressa d’aller le rapporter aux baigneuses de l’étang. Il les découvrit, cachées sous les oseraies, au nombre de trois, jolies à ravir et couronnées de fleurs. Deux d’entre elles parées, l’une d’une robe blanche comme la neige, l’autre d’une robe d’un bleu d’azur, étaient occupées à remplacer le vêtement absent de leur sœur par des feuilles de roseaux et des guirlandes da myosotis. Elles jetèrent de légers cris en apercevant l’étranger ; mais rassurées en le voyant s’avancer timidement vers elles, tenant son chapeau d’une main et de l’autre la robe dérobée qu’il leur offrit en expliquant comment elle était en sa possession.

Après avoir remercié le jeune homme du service qu’il venait de leur rendre, elles lui exprimèrent leur crainte de le voir en ces lieux. « Vous ignorez, sans doute, lui dirent-elles, que vous êtes sur les domaines du géant de la forêt de Brocéliande, et que s’il vous voit, c’en est fait de votre liberté. – Hélas ! je ne le sais que trop, répondit-il, je lui appartiens corps et âme, et c’est ici qu’il m’a donné rendez-vous. » Il leur dit en deux mots son histoire, et les engagements qu’il avait contractés. Elles le plaignirent sincèrement, et lui promirent de faire tout ce qui dépendrait d’elles pour lui être utile. « Nous aussi, ajoutèrent-elles, nous sommes ses esclaves ; mais filles d’un magicien, moins puissant que le géant, nous possédons cependant des talismans qui pourront peut-être vous servir dans les épreuves que vous fera subir le maître de ces lieux. » Elles lui promirent de revenir le lendemain, au même endroit, et s’éteignirent dans la crainte d être surprises par le géant.

Le Géant  de la forêt de Brocéliande  dans BretagneCelui-ci arrive bientôt et félicita Jean de son exactitude. « Je vois bien, dit-il, que je n’ai pas affaire à un ingrat, aussi je veux bien faire quelque chose pour toi. Je te récompenserai selon tes désirs, si dans trois mois tu m’as construit sur les landes incultes que tu aperçois du côté de Concoret. une ferme avec des étables pouvant contenir un troupeau de trois cents têtes, et si tu as transformé le sol en prairies, étang et terres labourées. – Ce que vous exigez est impossible, lui répondit tristement Le Gouic. La vie entière d’un homme ne suffirait pas pour créer ce que vous demandez. – Rien n’est impossible à l’homme courageux et bien doué. D’ailleurs c’est ton affaire ; réfléchis et mets-toi à l’œuvre ou sinon tu iras pour le reste de tes jours, augmenter !a nombre de mes serviteurs. »

Le géant s’en alla, laissant le pauvre garçon tout penaud de ce qu’il venait d’entendre. Jean passa la journée à gémir sur son sort, et le lendemain, la jeune fille à la robe rose le trouva au même endroit, plus accablé que la veille. Elle releva son courage, l’assurant que ce qu’on lui demandait n’était pas impossible. En effet, trois mois n’étaient pas écoulés, qu’à la place du sol ingrat qui ne produisait que des bruyères et des ajoncs, s’élevait une ferme magnifique avec jardin, prairies, étang et terres en plein rapport. Rien ne manquait. Ce prodige était dû, il est vrai, au pouvoir de la jaune fille. Le géant, prévenu de la transformation de son domaine, vint féliciter Jean et lui dit : « Je suis content de toi ; mais cela ne suffit pas. Il faut encore que tu abattes, dans l’espace de quinze jours la moitié de la forêt qui est devant toi. – Vos exigences n’ont pas de bornes, répondit le jeune homme indigné. Je le vois bien, vous en voulez à ma vie. Prenez-la plutôt à l’instant et que ce soit fini. »

Le magicien ne répliqua pas et s’éloigna. Grâce encore au concours de l’enfant à la robe rose, la forêt fut abattue dans le délai fixé. Le géant, ravi et étonné en même temps, supposa que Le Gouic possédait un talisman, et voulut se l’attacher. Tiens, lui dit-il, je veux être généreux envers toi, je te rends la liberté. Cependant, si tu voulais encore essayer de ravir à un magicien de mes ennemis, un oiseau d’une rare beauté, qu’il tient enfermé dans une tour et que je convoite depuis des années sans pouvoir réussir à m’en emparer, je te donnerais pour femme la plus jolie créature du monde. »

Jean songea aussitôt à sa protectrice et répondit : « Maître, je veux bien essayer ; je ne réponds pas de réussir, mais je promets de faire tout ce qui dépendra de moi. – Va, lui dit le géant, si tu parviens à satisfaire mon désir, je n’aurai rien à te refuser. » Jean Le Gouic, effrayé de son audace, attendit avec impatience le moment où il pourrait revoir celle qu’il aimait plus qu’il n’osait se l’avouer à lui-même. Il s’en alla l’attendre sur les bords de l’étang où elle le rejoignit bientôt. En apprenant ce dont il s’agissait, elle rougit, devinant le motif qui avait guidé le jeune homme ; mais promptement remise de son émotion, elle lui dit : « La tâche que tu as acceptée est vraiment téméraire. Il y va de notre vie à tous les deux. Je crains bien que nous ne réussissions pas mais puisque tu as promis d’essayer, mettons-nous à l’ouvrage. »

Ils se dirigèrent vers la tour renfermant l’oiseau tant désiré. Malheureusement ils avaient été devancés par le géant qui passait sa vie à rôder autour de la demeure de son ennemi. En l’apercevant, la jeune fille s’écria : « Nous sommes perdus, si le magicien nous voit ensemble. Il m’exilera dans un pays où tu ne pourras me retrouver, aussi n’hésite pas, coupe-moi bien vite par morceaux et enfouis moi sous le gazon de la forêt. Seulement n’oublie aucune partie de mon corps, car autrement quand je reviendrai à la vie, il me manquera la partie de moi-même que tu auras néglige d’enterrer. »

Bien qu’il lui en coûtât de déchirer le corps de la charmante enfant, il fit ce qu’elle lui demandait, et cacha, au pied d’un arbre, sous les feuilles et la mousse, les membres chéris de sa bien-aimée. Le géant, qui l’aperçut, vint le remercier de l’empressement qu’il mettait à accomplir son dessein. « Je réfléchis, répondit Jean, aux moyens à employer pour m’emparer de l’oiseau ; mais pour cela j’ai besoin d’être seul afin de me recueillir. » Le magicien lui renouvela ses promesses et prit congé de lui.

Le malheureux jeune homme était fort inquiet. Aussi, dès que le géant eut disparu, s’empressa-t- il de déterrer le corps de son amie. Il rapprocha les uns des autres les membres déchirés. les oignit d’un onguent que la jeune fille lui avait remis à cet effet, et sa joie fut extrême lorsqu’il la vit renaître et s’animer. O ciel ! Dans sa précipitation, il avait oublié d’enfouir l’un des doigts de la main gauche, et déjà sans doute, un animal carnassier l’avait emporté, car il fut Impossible de le retrouver. Les deux amoureux étaient désolés. Malgré tout son pouvoir, l’infortunée magicienne ne pouvait remplacer le doigt perdu. Elle oublia néanmoins son chagrin pour consoler Jean, et afin de le distraire elle lui parla des moyens à employer pour ravir l’oiseau.

 dans LEGENDES-SUPERSTITIONS« Ecoute bien, lui dit-elle, je vais te changer en milan. Ainsi métamorphosé, tu t’en iras tournoyer au-dessus du donjon, assez loin pour éviter tes flèches des gardiens, et cependant assez près pour attirer leur attention. Moi, ajouta-t-elle, je vais prendre la forme d’une souris pour me glisser dans la tour. Une fois là, je deviendrai un aigle, et de mes serres puissantes je saisirai la cage d’or qui renferme l’oiseau, que j’enlèverai dans les airs, si les gardiens m’en donnent le temps. Maintenant à l’oeuvre et du courage ! Si je réussis, j’irai m’abattre au bord de l’étang, témoin de notre première rencontre. Si au contraire j’échoue et je succombe, pense quelquefois à moi, et sauve-toi au plus vite car le géant exaspéré te ferait un mauvais parti. »

Voyant que Jean s’attendrissait à l’idée de ne plus la revoir, elle ajouta : « Le moment est venu d’agir, du courage et en avant ! » De sa baguette magique, elle le toucha et aussitôt un terrible milan s’éleva dans les airs et s’en alla planer au-dessus du château. Les gardiens lui lancèrent des flèches qui ne l’atteignirent pas.

Pendant que le milan faisait ses évolutions, une toute petite souris montait prestement les degrés de ta tour, et se glissait dans la pièce où se trouvait l’oiseau dans sa cage d’or. Tous les gardiens étaient sur la plate-forme, essayant d’atteindre le milan. Prompte comme l’éclair, la souris se changea en aigle, enleva la cage et l’oiseau, en passant par-dessus la tête des hommes qui, tellement surpris, ne songèrent même pas à tirer sur le ravisseur. L’aigle alla s’abattre au bord de l’étang. Le milan l’y suivit. Tous les deux reprirent leur forme première, et vraiment heureux de leur succès, s’embrassèrent avec effusion. « Il n’y a pas un instant à perdre, dit la jeune fille, nous pourrions être poursuivis ; porte cet oiseau au géant, et profite de sa joie pour obtenir ce que tu désires, car bientôt il n’y consentirait plus. »

Jean s’empressa d obéir. Le magicien, en apercevant l’objet de ses rêves, devint fou de bonheur. Il embrassait Jean et prodiguait à l’oiseau les noms les plus tendres. Il dansa autour de la cage comme un insensé. Le Gouic lui rappela sa promesse. « Oui, répondit le géant, je consens à te donner pour femme l’une de mes trois jolies esclaves. Je vais les faire venir, recouvertes d’un voile qui leur cachera la figure. Le hasard décidera de ton sort. » Le jeune homme allait protester contre cette manière de faire, lorsqu’il aperçut sa bonne amie derrière la porte qui, un doigt sur la bouche, lui faisait signe de se taire en lui montrant sa pauvre main mutilée. « C’est vrai. pensa-t-il, je la reconnaîtrai toujours, et il accepta l’offre du maître. »

Les trois jeunes filles furent introduites, recouvertes d’un voile qui les dérobait à tous les regards. Une main seule paraissait. L’amoureux n’hésita pas et se précipita aux pieds de la jeune fille en disant au géant : « Voici celle que mon cœur a choisie ! » Le magicien avait une préférence marquée pour cette esclave et sembla contrarié. Il ne sut même pas cacher son mécontentement et répondit d’un air de mauvaise humeur : « Jeune homme, tu as la main heureuse ! »

Cependant les fiançailles eurent lieu le-jour même, et la noce fut fixée à bref délai. Après la fête, les deux jeunes gens se rendirent au jardin pour causer de leur bonheur. La jeune fille fit remarquer à son fiancé la contrariété du maître.

– C’est vrai, répondit Jean tout à sa joie, mais maintenant il n’y pense plus.
Tu ne le connais pas encore, reprit la magicienne. Heureux aujourd’hui d’avoir obtenu un oiseau qui n’a pas son pareil au monde, demain il aura oublié ce qu’il te doit et suscitera des empêchements pour retarder notre union.
– Alors que faire ? Partons ! Fuyons cet être fantasque et méchant.
– C’est le seul parti raisonnable. Allons chez mon père qui est roi d’un pays lointain. Ce pauvre vieillard est dans les larmes, depuis le jour où ma sœur et moi avons été enlevées à sa tendresse, par le géant jaloux du bonheur des autres.
– Fuyons au plus vite, répétait Jean.
– Oui, mais pour cela, reprit la jeune fille, il faut profiter des ténèbres, et exécuter fidèlement ce que je vais te dire.
– J’écoute, répondit l’impatient amoureux.
– Lorsque la nuit sera venue, tu te glisseras dans l’écurie du géant, et là tu prendras et selleras le cheval le plus laid, le plus maigre, le plus misérable que tu rencontreras.
– Pourquoi cela ?
–Je n’ai pas le temps de te répondre. Cours, pendant que je vais, de mon côté, tout préparer pour notre départ.

Le soir même, Jean se rendit à l’écurie du géant, et remarqua dans un coin, une pauvre vieille haridelle qui n’avait que les os et la peau, et paraissait incapable de faire un pas, tant elle était éreintée. Au lieu de suivre les conseils de sa fiancée, Jean crut qu’il valait mieux, pour eux, prendre le cheval fort et vigoureux qui se trouvait placé à côté du premier ; cet animal semblait, en effet, devoir dévorer l’espace. Son choix fait, il rejoignit la jeune fille qui, selon son habitude, lui avait donné rendez-vous au bord de l’étang. Celle-ci jeta les hauts cris en voyant la bête, et reprocha à son ami de n avoir pas eu confiance dans ses paroles. « Le cheval que tu as pris, lui dit-elle, serait bon dans une autre occasion ; mais il ne pourra jamais lutter de vitesse avec celui dont tu as fait fi, et qui, tâtonna par le géant, fera ses vingt lieues à l’heure. Néanmoins, ajouta-t-elle, contentons-nous de ce que nous avons, et sauvons-nous au plus vite ! »

Jean s’élança sur le coursier. La jeune fille prit place en croupe derrière lui et ils partirent au galop, voyageant ainsi toute la nuit. Le matin, lorsque le soleil commença a briller, le cheval déjà fatigué ralentit le pas, et la peur d’être poursuivis s’empara des cavaliers qui osaient à peine se communiquer les tristes pressentiments qui les obsédaient. Leurs craintes ne se réalisèrent que trop tôt, et un nuage de poussière qu’ils aperçurent derrière eux vint confirmer leur appréhension. Pour comble de malheur, une rivière leur barra le chemin, et à la suite de pluies torrentielles, le passage à gué, qui existait en cet endroit, n était plus praticable.

La jeune fugitive recouvra son sang-froid ; elle eut recours à la baguette magique qui lui avait été donnée par une fée sa marraine, en toucha son compagnon, et tous les deux, abandonnant le cheval à lui-même, furent immédiatement changés en ablettes qui se précipitèrent dans la rivière. Le géant avait tout vu. Une fois sur le bord de la rivière, il prit la forme d’un brochet, et continua sa poursuite au fond de l’eau. Malgré leur agilité, les petits poissons auraient sans doute été dévorés par le monstre, s’ils ne s’étaient rapprochés de la rive et métamorphosés en rats des champs, qui se sauvèrent à travers les foins. Le brochet, à son tour, se changea en belette, et la chasse recommença de plus belle.

Les malheureux rats sentaient leur poil se soulever sous le souffle de l’animal qui les poursuivait, lorsqu’ils prirent soudain la forme de deux alouettes qui montèrent dans l’air comme une fusée. La belette devint faucon et s’élança dans les nuages. Les petits oiseaux se laissèrent tomber comme une balle au milieu d’un buisson touffu qui les déroba à l’œil de l’oiseau de proie. Une fois sur le sol, ils se changèrent en vers de terre, se blottirent sous une motte de gazon, et purent ainsi échapper à leur ennemi. Celui-ci chercha vainement sans pouvoir deviner ce qu’ils étaient devenus. Il avala même des cailloux, supposant que ce devait être eux, puis enfin de guerre lasse s’en alla, croyant les avoir mangés.

Lorsque Jean Le Gouic et sa fiancée eurent la certitude d’avoir échappé aux poursuites du géant, ils reprirent la forme humaine et continuèrent leur voyage. Ils arrivèrent dans la ville où Jean était né, et où il avait une sœur qu’il aimait tendrement. Manifestant le désir de la voir, il pria la princesse de l’accompagner. « Non, répondit-elle, je ne veux être présentée à ta famille que lorsque je serai devenue ta femme. » Jean insista mais sans succès. « Conduis-moi dans une hôtellerie où tu viendras me reprendre, lui dit ta jeune fille. Seulement n’oublie pas encore les recommandations que je vais te faire, il y va de notre bonheur. Tu ne peux être embrassé par aucune femme, pas même par ta sœur, sous peine de perdre la mémoire. Tu oublierais tout ce qui s’est passé, et tu ne songerais même plus que je t’attends pour me conduire chez mon père. »

Jean, bien que surpris, jura de ne se laisser embrasser par aucune femme, et se rendit chez sa sœur. Cette dernière, en revoyant l’enfant prodigue qu’elle croyait perdu, voulut s’élancer à son cou mais il sut éviter ses caresses en se précipitant sur ses neveux qu’il dévora de baisers. La jeune femme fut très contrariée de voir que son frère cherchait à la fuir, n’en faisant rien paraître cependant, et la journée se passa en festins pour célébrer le retour du voyageur. Le soir venu, il se retira dans la chambre qu’il habitait autrefois et où rien n’avait été changé parce qu’on espérait toujours son retour. Exténué de fatigue il se coucha et s’endormit presque aussitôt. Sa sœur voulant avoir une explication au sujet de la froideur de Jean, se rendit dans sa chambre, mais le trouvant endormi, ne voulut pas le réveiller et, s’approchant doucement de son lit, l’embrassa sur le front, comme elle le faisait lorsqu’il était enfant.

Le lendemain, Jean se réveilla tard. Il lui sembla avoir fait un singulier rêve, se rappelant confusément un voyage dans une forêt, la rencontre d’un géant et de magiciennes roses, blanches et bleues ; mais tout cela était tellement vague dans son esprit qu’il n’y fit pas grande attention. Sa sœur désira le garder près d’elle, et comme il était intelligent et instruit, son beau-frère lui procura un emploi suffisamment lucratif et qu’il remplit consciencieusement. Des mois et des années s’écoulèrent ainsi. Un jour que Jean était allé à la chasse, par une chaleur excessive, il fut pris d’une soif inextinguible qui l’obligea à chercher une ferme pour se rafraîchir. Dans la métairie où il entra, ce fut une servante fort jolie qui lui servit à boire. Il regarda attentivement la figure de cette jeune fille, lorsque, soudain, la main mutilée qu’il aperçut lui rappela tout son passé.

Il se mit à pleurer comme un enfant, et se jeta aux genoux de sa fiancée pour lui demander pardon. « Relève-toi. Jean, lui dit-elle. Tu n’as pas manqué volontairement à ta promesse, la fatalité seule est cause de notre malheur. » Elle lui raconta alors ce que lui-même ignorait, c’est-à-dire le baiser de sa sœur, et par suite l’oubli complet de tout ce qui lui était arrivé.

– Et toi, lui dit-il, qu’es-tu devenue depuis notre séparation ?
– Je suis restée aussi longtemps que mes ressources me l’ont permis dans l’hôtellerie où tu m’avais conduite. Puis, n’ayant plus d’argent, il me fallut chercher une occupation pour pouvoir vivre. J’aurais peut-être pu m’en aller, en mendiant, jusqu’aux états du roi mon père, mais je n’ai pas eu le courage de quitter le pays que tu habitais. Je vins ici, sous des habits de paysanne, demander à entrer comme servante ; on m’accepta et j j’y suis restée. »

Sans plus tarder, Jean Le Gouic voulut partir pour le pays du père de sa bien aimée. Ils achetèrent un cheval pour continuer leur voyage comme ils l’avaient commencé, et, cette fois, le trajet se fit sans encombre. L’infortuné roi, en revoyant sa fille, versa des larmes de joie. Lorsqu’il eut connaissance des projets formés par les deux jeunes gens, il en fut ravi, espérant bien trouver dans son gendre un fils dévoué et soumis. Le mariage eut lieu ; et aussitôt après, sur les conseils de sa femme, Jean enrégimenta des soldats, les forma à tous les exercices de la vie militaire, et ne tarda pas à avoir une armée assez forte pour lui permettre d’aller combattre, avec des chances de succès, le géant de la forêt de Brocéliande, afin de délivrer les deux autres princesses.

La nouvelle épouse voulut accompagner son mari pour l’aider de son pouvoir. Le roi, fier de leur audace, les encouragea, et le moment de la séparation arrivé, leur donna sa bénédiction. L’entreprise réussit. Le Gouic et le géant combattirent corps à corps. Le jeune breton prouva, par son courage et son sang-froid, qu’il était de noble race. Il parvint, après une lutte qui dura plus d’une heure, à terrasser son ennemi. Les jeunes filles furent ainsi délivrées et ramenées à leur père. Par reconnaissance, le roi se démit de sa couronne en faveur de son gendre, qui n’accepta que sur les instances de toute la famille. Son règne fut des plus heureux, et l’union la plus parfaite ne cessa d’exister à la cour du jeune roi breton.

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Benodet un petit port du Finistère

Posté par francesca7 le 6 mars 2014

Arrivée_course_croisière_à_Bénodet_en_aout_1936

A 15 km de Quimper, Benodet se présente comme un petit port de charme et une station balnéaire familiale. Le slogan de la ville est « Bénodet. Bonne idée ! » auquel s’est récemment ajouté « la station cinq étoiles ». C’est une station balnéaireclassée. La commune se dénommait Perguet jusqu’en 1878

Le 5 mai 1597 des bateaux appartenant à la troupe du soldat ligueur et brigand Guy Éder de La Fontenelle, qui prend ce jour-là momentanément Quimper avant d’être repoussé, attendaient dans le port de Bénodet pour prendre part au pillage, mais « frustrés de leurs espérances, s’en retournèrent à vide comme ils étaient venus » écrit le chanoine Moreau12.

 Des annotations de Berthou de Launay jointes à une carte datant de 1723 met en avant les qualités nautiques du site de l’estuaire de l’Odet (l’orthographe de l’époque a été respectée):

« Dans les marées ordinaires, il reste dans le canal de la rade cinq ou six brasses d’eau, la brasse de cinq pied de Roy. La coste du bon mouillage depuis l’anse de Sainte-Maraine du costé de Combrit jusqu’à l’anse de la Vieuville est roide (…), ayant au pied des roches qui se découvrent dans les basses mers deux ou trois brasses d’eau, on y pouroit fabriquer de beaux quays et de beaux magazins, la pierre étant sur les lieux. Pareillement depuis la pointe nommée pointe de la Pierre jusqu’à l’autre pointe du nord-est contigu, (…), où on pouroit fabriquer des quays de carrénage et de beaux magazins, ayant la pierre sur l’endroit, et même étant proche de la belle pierrière du manoir de Kergos et des anses du dit Kergos et de Penfoul, où on pouroit former des chantiers de construction et de radoub. Dans le bourg de Saint-Thomas [il s'agit de Bénodet], il y a plusieurs maisons ruinées qu’on pouroit rétablir, outre celles qui sont sur pied qui sont logeables, avec de beaux emplacements pour bâtir. On peut mettre facilement ce port hors d’insulte, bâtissant sur les pointes de saint Gildas et du corps de garde de Combrit des batteries de 30 canons de 24 et en augmentant le fort de 20 pièces de 36 (…). Outre que l’on pourrait fermer le port en cas de nécessité, de bonnes estacades en forme de « V », liées de grosses chaînes dans l’espace de la Pointe du Coq à l’autre pointe oposée du coté de Combrit, qui ne contient de distance que 130 toises. (…) »

Au xviie siècle, Bénaudet (orthographe utilisée à l’époque) est sous la mouvance des seigneurs de Bodigneau (Bodinio) en Clohars-Fouesnant, mais fait partie de la paroisse de Perguet : plusieurs actes notariés des juridictions de Kemper-Corentin et de la baronnie du Pont attestent de l’existence du village à cette époque.

Benodet un petit port du Finistère dans Bretagne 220px-B%C3%A9nodet_au_d%C3%A9but_du_XX%C3%A8me_si%C3%A8cleLe 5 août 1669, Nicolas Euzenou, chevalier, capitaine garde-côte de Bénodet et de l’Île-Tudy, seigneur de Kersalun et du Cosquer (en Combrit), marié avec Claude Guégant de Querpiguet, demande, tant pour lui que pour ses héritiers dont René Euzenou, chevalier, seigneur de la Vieuville, son fils aîné à être reconnus comme « nobles, issus d’ancienne chevalerie et extraction noble ». C’est lui qui fut pendu le 23 juin 1675 à une fenêtre de son château du Cosquer par des paysans révoltés lors de la révolte du papier timbré. Sauvé momentanément par un paysan de Combrit, Mathieu Mendez, il mourut le 1er juillet 1675 à Pont-l’Abbé des suites de ses blessures.

Le bailli de Quimper François-Marie de Kerguélen de Penanjeun écrit en 1709 : « Le port de Benodet est très mal gardé, qu’il vient tous les jours des battaux pecheurs se rendant à Quimper qui y acheptent des blets, du pain et des provisions qu’ils vendent aux grenesiens (Guernesiais) et cela de nuit et de jour. Il parait, Monseigneur, qu’il seroit à propos de faire aborder au fort tous les bataux entrant et sortant. Comme se sont quatre ou cinq péïsants des paroisses voisines mal disciplinés qui montent à leur tour cette garde, si sa Majesté le juge à propos, j’aurez le soin d’en faire la visite toutes les semaines et de remédier à ce désordre, sans en atteindre aucune rétribution que l’honneur de vous en rendre compte, et de marquer par là à votre Grandeur le zèlle que je conserverai toujours pour les intérêts du Roy ».

600px-Plage-Avant-apres-2 dans Finistère

Benjamin Girard, dans son livre « La Bretagne maritime », publié en 1889, décrit ainsi Bénodet les siècles précédents :

« Bénodet était il y a trois siècles un hameau habité par quelques familles de pêcheurs. Dès cette époque, son mouillage offrait un abri précieux aux navires surpris par le mauvais temps entre les Glénan et Penmarc’h. (…) Pendant les guerres du Premier Empire, un grand nombre de navires, chargés d’approvisionnements divers à destination de Brest, purent aborder à Bénodet, en échappant à des croiseurs anglais, obligés, par les dangers de la côte, à se tenir au large. Une corvette de la marine impériale s’y réfugia ; bientôt attaquée par des péniches anglaises armées d’artillerie légère, elle repoussa cette attaque grâce à l’appui des batteries de côte dont les défenseurs furent efficacement secondés par les habitants du pays. (…) Bénodet est un lieu de relâche très fréquenté : le mouillage y est excellent et on y trouve, à certains endroits, plus de 10 mètres d’eau à mer basse. La Compagnie des Indes eut, dit-on, le projet d’y faire un port. Deux fanaux, l’un à la pointe du Coq, l’autre à la Pyramide, indiquent la direction à suivre pour entrer dans l’Odet. Un troisième feu, situé sur la rive de Combrit, près du sémaphore, sera prochainement allumé. (…) Les ouvrages du port actuel comprennent un quai de 53 mètres de longueur et une cale perpendiculaire à ce quai, dont la longueur est de 66,50 mètres. À l’extrémité de cette cale les navires trouvent, à haute mer 4 m en vive eau ordinaire et 2,83 m en morte eau. Le commerce local consiste en quelques expéditions de poteaux de mines vers l’Angleterre et de bois à brûler pour les ports voisins ; 18 chaloupes y font la pêche côtière, principalement celles du congre et duhomard. »

Le bulletin du Conseil général du Finistère de décembre 1877 écrit : « Le conseil municipal de Perguet demande que la commune soit autorisée à échanger le nom de Perguet contre celui de Bénodet » ; le Conseil général donne un avis favorable dans sa séance du 23 décembre 1877.

La commune de Bénodet est née le 15 mars 1878 par décret du Président de la République, maréchal Mac Mahon. Jusqu’à cette date, elle s’appelait Perguet, du nom de la paroisse de Perguet qui, jusqu’au début du xixe siècle, se composait d’une multitude de petits hameaux agricoles, constitués de fermes et de penty à l’intérieur des terres, et d’un hameau de pêcheurs et de marins pratiquant le cabotage, constitué autour de la chapelle Saint-Thomas, au port.

C’est au cours du xixe siècle que ce hameau de pêcheurs devient le centre névralgique de la commune avec la construction de la mairie, de l’école mixte et l’agrandissement de l’ancienne chapelle Saint-Thomas, élevée au rang d’église paroissiale. Bénodet comptait environ 150 habitants en 1878. C’était la seule agglomération de la commune et seules quelques routes encaissées y menaient.

Marius Sepet visite Bénodet en 1894 et en fait cette description : « Environné de belles habitations, Bénodet est fréquenté par les Quimperrois (sic), qui se baignent sur une plage de sable en arc de cercle (grandes cabines), située en avant du petit fort, ou batterie de Bénodet. Deux phares, l’un à feu fixe rouge et haut de 10 mètres, l’autre à feu fixe blanc et haut de 17 mètres, signalent l’entrée de l’Odet. Il existe en outre un sémaphore sur la rive droite. Ce ne sont plus seulement les Quimperrois qui fréquentent la plage de Bénodet et la riante verdure qui la couronne, elle est en train de devenir, grâce aux facilités de circulation, une station recherchée de loin, même des Parisiens et des Parisiennes ».

Cette autre description de Bénodet date de 1899 :

« Bénodet, modeste village, assis au pied des collines de la rive gauche de l’Odet et près de l’embouchure de ce fleuve, n’a été pendant longtemps fréquenté que par les habitants de Quimper ; mais, attirés par ce site ravissant et un climat doux et régulier, des visiteurs de plus en plus nombreux viennent chaque année passer la saison ici ; un très confortable hôtel et plusieurs villas ont été construits de sorte que Bénodet est en passe de devenir une plage à la mode ; il le mérite à tous égards. »

500px-Archives_bac_B%C3%A9nodet dans VILLAGES de FRANCE

En 1890 la mise en service de deux bacs charretiers de 10 mètres de long et trois mètres de large est un grand progrès ; un essai de service assuré par une régie départementale échoue et le bac est à nouveau affermé (à Pierre Caoudal); en 1902 l’un des bacs fait naufrage en raison de son manque d’entretien et de sa vétusté sans faire de victimes et est renfloué, reprenant du service jusqu’en 1905, le second continuant toutefois à fonctionner. En 1906, Adrien de Baroncelli écrit : « Au hameau de Sainte-Marine, un grand bac à rames permet de traverser l’embouchure de l’Odet. Ce bac transporte au besoin des automobiles, néanmoins l’embarquement et le débarquement ne sont pas commodes ; enfin si plusieurs voitures doivent passer, on risque d’attendre longtemps son tour ». Le tarif est alors de 5 centimes pour les piétons, 10 centimespour les bicyclettes, 2 francs pour les automobiles et la durée de la traversée est estimée à six minutes. En 1908, Gordon Sturrock note que le tarif de la traversée est de 30 centimes par personne, mais que ce prix ne comprend pas le passage de la bicyclette.! La différence de tarif indiquée par ces deux auteurs, à deux ans d’intervalle, est surprenante.Le premier bac à vapeur, long de 15 mètres et large de huit mètres, est mis en service le 1er août 1911 : il est tracté par des chaînes mouillées s’enroulant autour d’un tambour, mais il doit cesser son fonctionnement dès 1925 car le mécanisme a mal vieilli et les pannes étaient trop fréquentes.

André Chevrillon décrit ainsi le départ du bac en 1920 :

« Maintenant le bac va partir. Il est amarré à la grève ; on a mis des planches sur les goémons pour que deux chars à bancs qui attendent puissent embarquer. C’est très difficile de caser ces deux hautes voitures, avec leurs chevaux, dans le radeau creux où de massives bigoudens, des pêcheurs avec leurs paniers de poisson, doivent aussi trouver place. Les passeurs crient, les cochers huent en faisant « culer » leurs bêtes : Zous ! An dré ! Chom azé (…) L’ordre est fait ; le calme règne. Les bons chevaux patients sont installés avec les charrettes paysannes dont le devant est peinturluré de fleurs naïves. Il reste même un peu de place entre les coffres et les redoutables bigoudens. Nous embarquons. Penchés en arrière, appuyant ensemble d’un grand effort sur leurs longues gaffes, les rameurs « poussent ». »

Un nouveau bac à vapeur est inauguré le 26 juillet 1929, mais coule lors d’une tempête (le patron aurait oublié de fermer l’un des hublots !) dans la nuit du 4 au 5 décembre 1929 dans le port de Bénodet ; il est renfloué et reprend du service après réparations le 20 avril 1930 jusqu’au 11 octobre 1944, jour où les Allemands le dynamitent. Une vedette à moteur, puis un chaland provisoire en bois le remplacent alors, la liaison n’étant rétablie avec une véritable bac qu’en 1951 : ce bac peut charger un maximum de 20 voitures et, très vite, est engorgé, principalement en saison estivale, en raison de l’accroissement du trafic (28 000 véhicules en 1951, 135 000 en 1964, 290 000 en 1971, le bac fonctionnant alors 18 heures par jour). Le temps d’attente avant d’embarquer peut être supérieur à une heure et de nombreux automobilistes, ainsi que les poids lourds, doivent faire le détour par Quimper où la rocade sud et le pont de Poulguinan (qui permet de traverser l’Odet juste en aval de Quimper) n’existent pas encore (mis en service en 1974).

Bénodet, aujourd’hui station balnéaire réputée de la côte de Cornouaille, a toujours été un lieu reconnu pour son intérêt géographique d’embouchure de l’Odet, navigable jusqu’à Quimper. Sa situation lui vaut son nom en breton de  » tête de l’odet « . Pendant tout le Moyen âge, Bénodet servit d’avant port commercial à Quimper pour le trafic des céréales, vins, toiles, bois, poissons et autres matières de cabotage vers l’Espagne, Bordeaux, l’Angleterre ou les Pays-Bas.

L’essor actuel de Bénodet débuta au début du siècle dernier par le développement du tourisme et la vogue des bains de mer puis du nautisme. Ses charmes alliant les douceurs champêtres de sa rivière à la rudesse de l’océan donnent à Bénodet son climat spécifique si apprécié par tous ceux qui le découvrent.

Des écrivains de talent comme Emile Zola, André Suarez, Frédéric le Guyader, Guillaume Apollinaire y ont traduit leurs émotions. De nombreux artistes-peintres ont idéalisé ces moments de lumière et d’émotions comme André Dauchez, Lucien Simon, Eugène Boudin.

 

L’église Notre Dame de la Mer située sur le port est dédiée à Saint-Thomas Becket. Edifiée au XIIIe siècle, elle ne comptait à l’origine qu’une nef et un petit clocher. Elle fut agrandie au cours du XVIe puis remaniée au XIXe avec réemploi d’éléments anciens.

Eglise d’architecture contemporaine, construite en 1968 sur l’avenue de la Mer.

Curiosité : Une piéta en bois de la fin du XVe siècle.

Musée du Bord de Mer

Un voyage dans le temps est proposé au visiteur pour découvrir la Belle Plaisance, les origines du yachting à Bénodet, ainsi que la magie de l’estuaire de l’Odet.

Exposition permanente : Art de vivre à la mer

Dans une ambiance marine, découvrez le monde des loisirs au bord de mer. Bains de mer, tourisme et hôtellerie se développent au début du XXéme siècle. Films inédits, photos d’époque, bateaux modèles et tableaux des peintres officiels de la marine agrémentent le parcours du visiteur. Un lieu à découvrir en famille!

Nouvelle exposition : A bord des paquebots

Embarquement immédiat pour 2 années de voyage avec l’association French-Lines pour  découvrir l’art de vivre A BORD DES PAQUEBOTS.

Jusqu’au printemps 2014, documents iconographiques, films et maquettes feront revivre au public cette fantastique épopée dans une reconstitution ludique accessible à toute la famille. Les loisirs à bord seront évoqués durant 2012, l’art de la table et la gastronomie à partir d’avril 2013.

Port de Bénodet vu de Sainte Marine.Exposition produite et réalisée par la ville de Bénodet et l’association French-Lines avec le concours de Franck Senant, ingénieur du patrimoine, spécialiste de l’histoire des paquebots.
Le musée est ouvert tous les jours (sauf mardi et mercredi) de 10h à 13h et de 14h à 18h. Ouvert tous les jours en Juillet-Août.

Exposition permanente sur le thème de la Belle Plaisance.

phare de la Pyramide

D’une hauteur de 48 mètres, il fut construit en remplacement d’une ancienne balise en bois en forme de pyramide qui servait d’amer aux marins pour l’entrée de l’Odet.

 

Phare du Coq

Balisage par alignement avec le phare de la Pyramide à l’entrée de l’Odet, il doit son nom à une roche immergée dont la forme étrange évoque un coq.

 

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Église Saint-Lazare d’Avallon

Posté par francesca7 le 5 mars 2014

Image illustrative de l'article Église Saint-Lazare d'Avallon

La jolie petite ville d’Avallon se situe au centre de la Bourgogne sur un éperon rocheux dominant la vallée du Cousin. C’est au cœur de la ville ancienne, entourée de remparts et de tours, que se trouvent la tour de l’horloge et la collégiale Saint-Lazare, édifice roman remarquable. L’église occupe l’emplacement d’un lieu de culte très ancien, dédié à Notre-Dame, dont subsiste une crypte inaccessible d’époques différentes. L’église, ayant obtenu les reliques de Saint-Lazare, est reconstruite vers 1100 et c’est de cette époque que datent ses trois absides. La grande nef qui descend jusqu’au chœur beaucoup plus bas, date du milieu du 12e siècle. Elle s’est inspirée de la Madeleine de Vézelay par son élévation à deux étages et son voûtement. Cependant, l’architecture diffère de celle de sa grande voisine : à Avallon, le profil des arcades et des doubleaux est brisé et les arêtes sont montées d’assises concentriques, structure qu’on appelle parfois “cupiliforme”. La nef possède une belle suite de chapiteaux à décor végétal. Au chevet on admire quelques modillons étrangement sculptés. Mais ce qui est à juste titre la merveille de Saint-Lazare, c’est la façade dotée de deux portails d’une richesse ornementale grandiose. Bien que très mutilés pendant la Révolution, ces portails montrent une décoration abondante, datant de l’apogée de l’art roman bourguignon. Le portail central à perdu son tympan au Christ en gloire, son linteau et son trumeau, mais conserve ses voussures richement décorés et une belle statue-colonne ressemblant à celles du portail royal de Chartres. Le portail sud a conservé son tympan, son linteau doté de scènes historiées à peine lisibles, ses magnifiques voussures, ses colonnes, ses piédroits et ses chapiteaux. Le troisième portail a été détruit quand le clocher s’est effondré au 17e siècle.

220px-Avallon_St_Lazare_(9)On peut reconnaître le style architectural de l’école de Bourgogne du xiie siècle, ou école de Cluny, remarquable par l’élégance des sculptures décoratives. Victor Petit y voyait d’ailleurs le travail de « colonies d’ouvriers venus de Cluny ou d’Autun« .

La voûte en cul-de-four qui termine l’abside est caractéristique de cette période, tandis que les fresques qui l’ornent sont du xixe siècle.

Une particularité de Saint-Lazare apparaît sur le plan : la façade n’est pas perpendiculaire à l’axe de la nef. Une autre irrégularité attend le visiteur ou le fidèle : le chœur se situe 2,50 m en dessous du portail, différence de niveau rattrapée par 17 marches et de grands paliers obliques

La chapelle à droite du chœur comporte des stalles destinées aux chanoines, elle est ornée de peintures en trompe-l’œil du xviiie siècle.

Dans le bas-côté sud, on peut voir une statue en pierre de saint Michel terrassant le dragon (xive siècle), une sculpture en pierre représentant Sainte-Anne et la Vierge (fin xve siècle), des statues en bois peint du xviie siècle.

Dans la tribune qui surplombe la nef, on remarque un grand buffet d’orgue sculpté en 1864.

L’édifice est classé au titre des monuments historiques en 1840. Ce bâtiment faisait partie des institutions religieuses composées de chanoines. « On les appelait des Chapitres ou des Collégiales ».

D’origine ancienne, elle était le chef-lieu d’un archidiaconé de l’évêché d’Autun. Le comte Gérard ou Girard aurait voulu sa création. Comme il était d’usage, l’église se trouvait dans l’enceinte du château pour prévenir tout coup de force. De cette église primitive du ve siècle, placée sous le vocable de Notre-Dame, il ne reste qu’une petite crypte retrouvée en 1861 sous le chœur.

Peu après l’an 1000, elle reçoit d’Henri le Grand, duc de Bourgogne, une relique de Saint-Lazare. Elle conserve le nom de « Notre-Dame » jusqu’en 1146, avant de prendre celui de « Saint-Lazare » (on parlait de saint-Ladre au xive siècle). La collégiale vit alors affluer les pèlerinsen route vers Saint-Jacques de Compostelle, attirés par la relique de Saint-Lazare. Elle vit également affluer les dons : les ducs de Bourgogne augmentèrent les prébendes jusqu’à 24, les seigneurs de Chastellux, de Villarnoult, de Vésigneux firent preuve de largesses.

En 1080, l’édifice est reconstruit et son plan rappelle celui des anciennes basiliques. « De cette époque date le chœur voûté en quart de sphère… des arcades en plein-cintre, les deux chapelles, en demi-cercle, et une partie des bas-côtés »3. C’est le pape Pascal II qui vient en personne consacrer la nouvelle église en 1106.

Au xiie siècle, l’abbaye de Cluny, dont dépendait l’église d’Avallon, fit construire une très belle façade dont ne restent que deux portails. Sur ceux-ci, à côté des bas-reliefs et des statues colossales, on peut admirer des colonnes torses parfaites.

Des calamités naturelles vont s’abattre sur cette église : en 1589, la foudre brûle le clocher. En1601 le vent détruit trois des quatre clochetons de pierre. En 1633 la tempête renverse la grande tour ainsi que le clocher, tandis que la première voûte intérieure de la nef s’effondre, remplissant le cimetière de décombres. Le chapitre de la Collégiale s’efforça de relever, tant bien que mal, le haut du portail et fit édifier en 1670 la tour visible aujourd’hui.

En 1860-65 des travaux importants de restauration ont été entrepris : déblaiement du sol, vieilles tombes replacées, installation d’un grand buffet d’orgues sculpté.

Il subsiste aujourd’hui deux portails, le portail Nord ayant disparu lors de la chute de la tour. L’historien Victor Petit les qualifiait en 1870 de « chefs-d’œuvre de la sculpture décorative ».

On peut notamment admirer les colonnes torses qui alternent avec les colonnes droites, les voussures à cinq cordons sculptés du grand portail et leur décor d’inspiration végétale, l’élégance des nombreuses statuettes.

Voici ce qu’écrit l’architecte Eugène Viollet-le-Duc, qui séjourna dans l’Avallonnais en 1840 afin de restaurer la Basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay :

« Le portail de l’église de Saint-Lazare d’Avallon, qui est un des exemples les plus remarquables de l’architecture fleurie du xiie siècle, possède des colonnettes à pans, torses, taillées avec une rare perfection dans un seul morceau de pierre. L’imagination des derniers architectes romans va très-loin dans l’ornementation des colonnettes, et jusqu’à leur donner l’apparence d’un corps élastique, flexible. Sur les ébraiements de cette même porte de Saint-Lazare d’Avallon, nous voyons un fût de colonnette torse qui présente un réseau de cordelettes. »

Une grande statue-colonne du xiie siècle, haute d’environ 2m, est visible sur le jambage de droite du grand portail. Avec ses fines draperies de pierre, elle représente un prophète et provient de l’ancien portail. Depuis le xviie siècle, elle avait été placée comme meneau dans les abats-son de la tour, elle fut descendue en 1907.

Église Saint-Lazare d'Avallon dans EGLISES DE FRANCE 320px-Avallon_011Un moulage du grand portail est présenté dans l’aile Est du palais de Chaillot qui abrite la Galerie des moulages du Musée des monuments français, ouvert au public depuis le 19 septembre 2007.

Le petit portail, qui fut fermé probablement vers la fin du xvie siècle, est surmonté d’un linteau et d’un tympan dont les sculptures ont beaucoup souffert : abîmées par les intempéries, mutilées lors de la Révolution française.

La plus grande partie du parvis actuel était occupée par le cimetière paroissial, supprimé en 1724.

L’église Saint-Lazare est ouverte souvent mais irrégulièrement.

Le Musée de l’Avalonnais se visite de Mai à Octobre, 10-12h et 14-18h, sauf le mardi.

Pour en savoir plus sur Avallon, vous pouvez visiter les sites Internet suivants:

Site sur Avallon et l’Avallonnais: http://www.avallonet.com/.
Autre site sur Avallon: http://www.ville-avallon.fr/.
Site de l’Office de Tourisme de l’Avallonnais: http://www.avallonnais-tourisme.com/.

 

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Cafetier au CAFES DE PARIS

Posté par francesca7 le 5 mars 2014

 

Café Procope (Le) à Paris, accueillant
les grandes figures des arts et lettres

(D’après « Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Paris », paru en 1862)

 
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L’établissement des cafés de Paris ne date que de la moitié du XVIIe siècle, et c’est en 1686 que le Sicilien Procope, après avoir travaillé pour un cafetier du nom de Pascal, rachète un établissement rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, qu’il ouvre trois ans plus tard et qui devient l’un des cafés littéraires les plus en vogue, où se rendent Rousseau, Voltaire, Saint-Foix ou encore Crébillon

En 1669, Louis XIV régnant, un ambassadeur de la Sublime Porte, Soliman-Aga, introduisit dans cette ville l’usage du café, dont il était fait depuis longtemps une si grande consommation en Orient, et un Arménien, Pascal, en tint bientôt débit dans une boutique de la foire Saint-Germain.

Mais le café menaçait de passer, comme toutes choses à la mode, et de donner ainsi raison à la moitié de la prédiction de madame de Sévigné, lorsqu’un Sicilien, qui portait le même nom que le secrétaire de Bélisaire, Procope, imagina de recommencer la tentative de Pascal, rue des Fossés-Saint-Germain-des-Prés, où venaient de déménager le théâtre de la Comédie-Française —, d’où par la suite, rue de l’Ancienne-Comédie.

Cafetier au CAFES DE PARIS dans ARTISANAT FRANCAIS 240px-Cafe_Procope_barLe café ouvert par Procope en face du théâtre, au n°13 de la rue, n’avait pas tardé à être fréquenté par la meilleure compagnie et par la plus illustre — des gardes du roi et des philosophes, des gentilshommes et des académiciens. Les écrivains, c’étaient Voltaire, Destouches, Piron, J.B. Rousseau, Danchet, Ducastre d’Auvigny, Richer, Tronchin, Guyot de Merville, Lachaussée, Facarony, Fontenelle, Crébillon, Saint-Foix, Diderot, Lemierre, De Belloy, Chauveau, Voisenon, etc.

Etait-ce à cause du délicieux poison noir que venaient là ces gens de lettres ou de génie ? Oui, quant aux uns ; non, quant aux autres. La Comédie-Française était en face, et il était naturel que ceux qui vivaient d’elle ou qui la faisaient vivre demeurassent le plus longtemps possible dans son voisinage, et passassent leurs journées au café Procope, foyer de nouvelles et de cancans de toutes sortes — même après le départ de la Comédie pour l’autre rive de la Seine.

P.L. Buirette de Belloy, membre de l’Académie française, avait fait jouer par messieurs les comédiens français trois ou quatre tragédies, une Gabrielle de Vergy, un Titus, une Zelmire, un Siège de Calais ; Lemierre, autant de tragédies, un Artaxerce, une Hypermnestre, unBarnevelt, un Idoménée ; Prosper Jolyot de Crébillon, père, autant de tragédies, un Catilina, un Idoménée, un Xercès, une Electre ; Bernard Le Bouvier de Fontenelle, autant de tragédies, un Bellérophon, un Brutus, un Énée ; Rousseau, autant de tragédies, un Jason, uneMarianne ; Alexis Piron, autant de tragédies, un Fernand Cortez, un Gustave Wasa, unCalisthène ; Poullain de Saint-Foix, quelques comédies, la ColonieDeucalion et Pirrhale Financierles Veuves turques ; Denis Diderot, deux drames, le Fils naturel et le Père de famille ; Chauveau, une comédie en cinq actes et en vers, l’Homme de cour.

Au café Procope venaient aussi des fermiers généraux amants des Muses et des comédiennes, par exemple Mgr J.J. Leriche de la Popelinière, qui, à ses heures de loisir, subsevivae horae, daignait écrire tout comme un autre, et nous en a laissé, comme preuve, une Daïra, tirée à un très petit nombre d’exemplaires, et des Dialogues dans le goût du Portier des Chartreux, tirés à un seul exemplaire.

Les gardes du roi se mêlaient, au café Procope, aux « gardes d’Apollon », en petite quantité, mais ils s’y mêlaient. Il y a, à ce propos, une anecdote qu’on a beaucoup racontée, et qui mérite de l’être encore.

Un jour Saint-Foix entre chez Coltelli dans de mauvaises dispositions ; il avait sans doute été sifflé la veille. Derrière lui entre un garde du roi qui demande une tasse de café au lait et un petit pain, pour « dîner ». « Alors, murmure Saint-Foix, une tasse de café au lait et un petit pain, cela fait un fichu dîner ! »

D’abord le garde du roi n’entend pas, ou ne veut pas l’entendre. Saint-Foix, ainsi que cela arrive aux gens qui sont distraits et qui s’ennuient, répète sa phrase plusieurs fois, et chaque fois plus haut. Le garde du roi se fâche et le regarde avec une sorte de colère, comme pour l’inviter à se taire.

« Vous ne m’empêcherez pas, répondit Saint-Foix, de trouver qu’une tasse de café au lait avec un petit pain ne fasse un fichu dîner !… Oui, répéta-t-il avec plus de chaleur encore, une tasse de café au lait avec un petit pain fait un fichu dîner !… » Le garde du roi, justement impatienté, se lève alors et fait à Saint-Foix un signe sur lequel il n’y avait pas à se méprendre. En ce temps-là ce n’était pas comme aujourd’hui, chacun portait une épée au côté et la peau répondait de l’intempérance de la langue.

Le garde du roi et Saint-Foix sortent donc du café Procope et s’en vont à quelques pas de là, dans le jeu de paume, qui est devenu le passage du Commerce. Saint-Foix est blessé au bras ; son adversaire s’approche courtoisement de lui ; il lui répète, avec cette obstination qu’on a quelquefois, on ne sait pourquoi : « Oui, monsieur, je soutiens qu’une tasse de café au lait

Le garde du roi va se fâcher de nouveau. On s’attroupe autour des deux adversaires qui veulent remettre l’épée à la main ; et alors surviennent deux gardes des maréchaux de France qui s’attachent à chacun des combattants et les conduisent devant le duc de Noailles, doyen des maréchaux de France. Il faut s’expliquer. Le garde du roi dit que Saint-Foix l’a insulté à plusieurs reprises, même après le premier coup d’épée. Saint-Foix s’écrie brusquement :

« Monseigneur, je n’ai point prétendu insulter M.&nsbp;le garde du roi, je le tiens pour un galant homme et un brave militaire ; mais votre grandeur ne m’empêchera pas de dire qu’une tasse de café au lait avec un petit pain ne soit un fichu dîner !… »

Le duc de Noailles rit, tout le monde rit, Louis XV rit, et l’affaire en resta là, heureusement. Saint-Foix avait raison pourtant : c’est un maigre dîner qu’une tasse de café au lait avec un petit pain, un triste dîner, car beaucoup de gens de lettres aujourd’hui, beaucoup de savants même, de ceux qui viennent au café Procope, ne peuvent s’en payer un plus confortable et plus réconfortant.

File:Cafe Procope plaque.jpgLe café Procope fut un peu dédaigné par les lettres, car les lettres émigrèrent vers les hauteurs de Montmartre. Il demeura cependant parmi les habitués fidèles de cet établissement historique des noms qui, pour n’avoir pas le retentissement de ceux des habitués du café des Variétés ou de la Brasserie des Martyrs, n’en appartiennent pas moins à d’estimables personnes, comme : le savant Desprez, qui, le soit, y faisait de la copie savante ; Coquille, un rédacteur de feu l’Univers, journaliste qui écrivait beaucoup et qui parlait peu ; le commandant Couturier de Vienne, fort joueur d’échecs ; Bernard, la bête noire de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, n savant professeur qui consacra quarante années de sa laborieuse carrière à un traité organique de la latinité ; Renard, libraire, féroce joueur de dominos, dont on cite une partie qui dura deux ans avec Dantzell, graveur de la Monnaie.

Citons encore Montferrand, un avocat ; Catelan, un professeur ; Galtier, Castelnau, Adam et Blatin, médecins ; puis un administrateur du bureau de bienfaisance, un greffier de justice de paix, quelques libraires, quelques rentiers, etc. N’oublions pas l’homme au thé, un respectable et mystérieux gentleman qui, chaque soir, à minuit sonnant, avalait méthodiquement plusieurs tasses de thé Souchon et de thé Hyswen mêlés, préparées par lui.

 

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Châtillon sur Seine et son cratère

Posté par francesca7 le 5 mars 2014

Châtillon sur Seine et son cratère dans Bourgogne

 

Cette coquette petite ville baignée par la Seine encore chétive, reçoit les eaux abondantes de la Douix, source vauclusienne émergeant au cœur de la cité. Son autre grande curiosité est le cratère de Vix. 

Le nom de la ville Châtillon sur Seine et simplement Dérivé de « château ». La ville s’est en effet développée au 9ème siècle, autour d’une forteresse, qui servira plus tard d’avancée au duché de Bourgogne. Les habitants, les châtillonnais, la Dame de Vix non comprise. Une place porte le nom d’Auguste de Marmont, né à Chatillon en 1774. Il fut un fidèle de Napoléon (aide de camps en Italie, fait duc de Raguse en 1808 et maréchal d’Empire l’année suivante) jusqu’aux Cent Jours. Fin mars 1814 il conclut sous son propre chef un cessez-le-feu pour les troupes qu’il commande avant de rejoindre Talleyrand. Sa tombe se trouve au cimetière près de St Vorles. 

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Pour comprendreCent ans après : A un siècle d’intervalle, Châtillon a vécu des heures historiques. En février 1814, alors que Napoléon 1er défend pied à pied les approches de la capitale, a lieu à Châtillon un congrès entre la France et les puissances alliées – Autriche, Russie, Angleterre, Prusse. Napoléon repousse les propositions qui lui sont faites (les coalisés demandent les frontières antérieures à 1792) ; la lutte reprend et se termine par la chute de l’empire.

En septembre 1914, les troupes françaises battent en retraite devant la violente poussée des Allemands. Le général Joffre, commandant en chef des armées françaises, a installé son quartier général à Châtillon sur Seine ; c’est de là qu’il lance son fameux ordre du jour du 6 septembre : « Au moment où s’engage une bataille dont dépend le salut du pays, il importe de rappeler à tous que le moment n’est plus de regarder en arrière… » L’avance allemande est stoppée e  la contre-attaque française sur la Marne prend l’ampleur d’une grande victoire. 

Se promener à la Source de la Douix – Elle jaillit dans un site ravissant, au pied d’un escarpement rocheux, haut de plus de 30 m, environné de verdure. Cette source vauclusienne collecte les eaux d’autres résurgences et les infiltrations du plateau calcaire. Le débit normal est de 600 l par seconde mais peut atteindre 3 000 l en période de crue. La promenade aménagée sur la plate-forme rocheuse est agréable. La source des Ducs coule à l’ombre de magnifiques marronniers. De la promenade, on découvre une jolie vue sur la ville, la vallée et la piscine.

 

 dans VILLAGES de FRANCEL’Eglise Saint Vorles – L’édifice a plus de 1000 ans. De sa structure originelle, il a conservé quelques archaïsmes carolingiens (double clocher, double transept, chapelle haute). Le chœur a un aspect typiquement roman et en maints endroits on peut voir des arcatures lombardes. La chapelle basse St Bernard garde le souvenir de saint Bernard qui y vécu le « miracle de la lactation » devant la statue de Notre Dame de Toutes Grâces. Le bras Nord du transept renferme une Mise en tombeau Renaissance. 

A châtillon sur Seine : un MUSEE DU CHATILLONNAIS 

Installé depuis 1950 dans la maison Philandirer, jolie demeure d’époque Renaissance, il fut déménagé en 2001 dans l’ancienne abbaye Notre Dame. Des fouilles pratiquées depuis plus de cent ans dans la région, notamment à Vertault (20 km à l’Ouest de Châtillon), avaient déjà mis au jour les vestiges d’une agglomération gallo-romaine – poteries, vases, statuettes – exposées dans ce musée, lorsqu’en janvier 1953 eut lieu près de Vix, au mont Lassois, une extraordinaire découverte archéologique. 

Le Trésor de Vix : L’ensemble de la sépulture a été reconstitué dans une vaste vitrine. C’est au pied de l’ancien oppidum du mont Lassois que MM.Moisson et Joffroy découvrirent sous un tumulus une tombe princière du 1er âge du fer (vers 500 avant JC). Près des restes d’une jeune Celte d’environ 30 ans furent mis au jour un char d’apparat, des éléments de vaisselle en bronze , en céramique ou en argent, un splendide troque (collier) de 480 gr en or, et surtout un gigantesque cratère à volutes en bronze, le plus grand vase métallique de l’Antiquité qui nous soit parvenu, qui prouve la vitalité des échanges avec le monde méditerranéen. La richesse de sa décoration – frise sculptée faite de motifs d’appliques en haut relief figurant une suite de guerriers sculptés et de chars, têtes de Gorgone sur les anses – permet de le rattacher aux œuvres les plus abouties des bronziers de la Grande Grèce au VIè avant J.C . 

Les autres salles du musée présentent les découvertes des nombreux sites archéologiques de la région. Le site de Verrault a livré de nombreux objets qui illustrent la vie quotidienne et l’artisanat à l’époque gallo-romaine. Cette période est également représentée par une remarquable collection d’ex-voto anatomiques en pierre provenant notamment des sanctuaires du Tremblois et d’Essarois.

 

Fêtes et manifestations locales

  • Tape Chaudron : Chaque année, le 3e samedi de mars, la ville organise une sorte de carnaval local durant lequel un défilé de chars est accompagné des habitants tapant sur des chaudrons. Cette tradition remonterait au ve siècle elle était destinée à chasser l’hiver. Les villageois descendaient dans les rues en tenue de « chienlit » longue chemise de nuit et bonnet de nuit. Le son des chaudrons était censé chasser l’hiver. Tombée en désuétude,une habitante de la ville, Germaine Collard l’a remise sur les rails. Pendant quelques années, on a revu avec plaisir les « chienlits » en ville. La fête s’est transformée et a été remplacée sous le mandat de Hubert Brigand par un classique défilé de chars. La fête a perdu son âme mais s’est transformée en action de promotion pour le Crémant de Bourgogne.
  • L’Estival de la Compagnie des Gens : Depuis 1989, pendant 5 semaines entre la dernière semaine de juin et la première d’août, la troupe de théâtre de la Compagnie des Gens propose une nouvelle création artistique mélangeant comédiens professionnels et bénévoles, dans le cadre verdoyant de la salle Kiki de Montparnasse.
  • Troisième week-end de juin : fête patronale Saint-Vorles.
  • Dernière semaine d’août : Semaine musicale de Saint-Vorles et du Châtillonnais.
  • Elections Miss Côte d’Or.

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Saint Valentin à l’origine

Posté par francesca7 le 3 mars 2014

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Décapité le 14 février 268 en représailles des conversions au christianisme qu’il suscita suite à la guérison d’une jeune fille aveugle, saint Valentin doit à son nom, qui signifie santé et vigueur, le fait que les fiancés, les jeunes gens à marier, ceux qui craignent les atteintes de la peste, les personnes, enfin, qui sont sujettes à l’épilepsie et aux évanouissements se sont placés sous son patronage.

La vertu de saint Valentin, prêtre, était si éclatante, et sa réputation si grande dans la ville de Rome, qu’elle vint à la connaissance de l’empereur Claude II, qui le fit arrêter, et, après l’avoir tenu deux jours en prison, chargé de fers, le fit amener devant son tribunal pour l’interroger. D’abord il lui dit, d’un ton de voix assez obligeant : « Pourquoi, Valentin, ne veux-tu pas jouir de notre amitié, et pourquoi veux-tu être ami de nos ennemis ? » Mais Valentin répondit généreusement : « Seigneur, si vous saviez le don de Dieu, vous seriez heureux et votre empire aussi ; vous rejetteriez le culte que vous rendez aux esprits immondes et à leurs idoles que vous adorez, et vous sauriez qu’il n’y a qu’un Dieu, qui a créé le ciel et la terre, et que Jésus-Christ est son Fils unique ».

Un des juges, prenant la parole, demanda au Martyr ce qu’il pensait des dieux Jupiter et Mercure. « Qu’ils ont été des misérables » répliqua Valentin, « et qu’ils ont passé toute leur vie dans les voluptés et les plaisirs du corps ». Là-dessus, celui qui l’avait interrogé s’écria que Valentin avait blasphémé contre les dieux et contre les gouverneurs de la république. Cependant le Saint entretenait l’empereur, qui l’écoutait volontiers et qui semblait avoir envie de se faire instruire de la vraie religion ; et il l’exhortait à faire pénitence pour le sang des chrétiens qu’il avait répandu, lui disant de croire en Jésus-Christ et de se faire baptiser, parce que ce serait pour lui un moyen de se sauver, d’accroître son empire et d’obtenir de grandes victoires contre ses ennemis.

L’empereur, commençant déjà à se laisser persuader, dit à ceux qui l’entouraient : « Ecoutez la sainte doctrine que cet homme nous apprend ». Mais le préfet de la ville, nommé Calpurnius, s’écria aussitôt : « Voyez-vous comment il séduit notre prince ! Quitterons-nous la religion que nos pères nous ont enseignée ? »

Claude, craignant que ces paroles n’excitassent quelque trouble ou quelque sédition dans la ville, abandonna le Martyr au préfet, qui le mit à l’heure même entre les mains du juge Astérius, pour être examiné et châtié comme un sacrilège. Celui-ci fit d’abord conduire le prisonnier en sa maison. Lorsque Valentin y entra, il éleva son coeur au ciel, et pria Dieu qu’il lui plût d’éclairer ceux qui marchaient dans les ténèbres de la gentilité, en leur faisant connaître Jésus-Christ la vraie lumière du monde.

Astérius, qui entendait tout cela, dit à Valentin :
« — J’admire beaucoup ta prudence ; mais comment peux-tu dire que Jésus-Christ est la vraie lumière ? »
« — Il n’est pas seulement », dit Valentin, « la vraie lumière, mais l’unique lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde »
« — Si cela est ainsi, dit Astérius, j’en ferai bientôt l’épreuve : j’ai ici une petite fille adoptive qui est aveugle depuis deux ans ; si tu peux la guérir et lui rendre la vue, je croirai que Jésus-Christ est la lumière et qu’il est Dieu, et je ferai tout ce que tu voudras ». La jeune fille fut donc amenée au Martyr, qui, lui mettant la main sur les yeux, fit cette prière : « Seigneur Jésus-Christ, qui êtes la vraie lumière, éclairez votre servante ».

A ces paroles, elle reçut aussitôt la vue, et Astérius et sa femme, se jetant aux pieds de leur bienfaiteur, le supplièrent, puisqu’ils avaient obtenu par sa faveur la connaissance de Jésus-Christ, de leur dire ce qu’ils devaient faire pour se sauver. Le Saint leur commanda de briser toutes les idoles qu’ils avaient, de jeûner trois jours, de pardonner à tous ceux qui les avaient offensés, et enfin de se faire baptiser, leur assurant que, par ce moyen, ils seraient sauvés. Astérius fit tout ce qui lui avait été commandé, délivra les chrétiens qu’il tenait prisonniers, et fut baptisé avec toute sa famille, qui était composée de quarante-six personnes.

L’empereur, averti de ce changement, craignit quelque sédition dans Rome, et, par raison d’Etat, il fit prendre Astérius et tous ceux qui avaient été baptisés, puis les fit mettre à mort par diverses sortes de tourments. Pour Valentin, le père et le maître de ces bienheureux enfants et disciples, après avoir été longtemps en une étroite prison, il fut battu et brisé avec des bâtons noueux ; enfin, l’an 268, le 14 février, il fut décapité sur la voie Flaminienne, où, depuis, le pape Jean Ier fit bâtir une église sous son invocation près du Ponte-Mole.

 

 Saint Valentine

 

Cette église ayant été ruinée, le pape Théodose en dédia une nouvelle, dont il ne reste plus de traces non plus. La porte appelée plus tard du Peuple portait anciennement le nom du saint Martyr. On garde la plus grande partie de ses reliques dans l’église de Sainte-Praxède. Les autres furent apportées en France, en l’église Saint-Pierre de Melun-sur-Seine, mais elles ne s’y trouvent plus aujourd’hui.

Saint Valentin est nommé, avec la qualité d’illustre Martyr, dans le Sacramentaire de saint Grégoire, dans le Missel romain de Tommasi, dans les divers martyrologes et calendriers : les Anglais l’ont conservé dans le leur.

Saint Valentin a été représenté : 1° tenant une épée et une palme, symboles de son martyre ; 2° guérissant la fille du juge Astérius. Cette circonstance de la guérison d’une jeune fille, et plus encore son nom de Valentin, qui signifie santé et vigueur, explique pourquoi les fiancés, les jeunes gens à marier, ceux qui craignent les atteintes de la peste, les personnes, enfin, qui sont sujettes à l’épilepsie et aux évanouissements se sont placés sous son patronage.

Plusieurs siècles après sa mort, Valentin fut canonisé en l’honneur de son sacrifice pour l’amour. La fête de la Saint-Valentin fut instituée pour contrer la Lupercalia, fête païenne donné le jour de la fertilité et dédiée à Lupercus, dieu des troupeaux et des bergers, et Junon, protectrice des femmes et du mariage romain. L’événement le plus marquant de ces réjouissances était la course des Luperques : des hommes mi-nus poursuivaient des femmes et les frappaient avec des lanières de peau de bouc, les coups reçus assurant fécondité et grossesse heureuse à celles-ci.

Une autre origine est attribuée aux festivités de la Saint-Valentin. On prétendait en effet que, sous certains climats, les oiseaux s’appariaient pour la belle saison prochaine, à la Saint-Valentin, comme il est reçu qu’en d’autres pays plus froids ils s’apparient à la Saint-Joseph. Prenant exemple sur eux, les hommes auraient trouvé ce jour propice à la déclaration amoureuse. Dans les anciens calendriers, à une époque où les devoirs de la vie civile se confondaient avec ceux de la vie religieuse, chaque jour y était marqué par un signe qui parlait immédiatement aux yeux des initiés.

C’est ainsi que la Saint-Valentin était marquée par un soleil dans la main du saint, ou par un gaufrier : un soleil, parce qu’il était censé reprendre sa force à cette époque, qui est à peu près celle des Quatre-Temps du printemps, et que les fleurs les plus précoces (amandiers, noisetiers, etc.) commencent à se montrer dans une partie de l’Europe ; un gaufrier, pour annoncer les réjouissances de Carnaval.

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Mythologie et Réincarnation

Posté par francesca7 le 3 mars 2014

 

 

par Isabel de la Cruz
Toutes les civilisations ont créé des mythes décrivant la création du monde et retraçant l’origine de leur existence. Dans ces récits, la plupart du temps, “l’humain” se confronte à une situation insoluble ou à une épreuve surhumaine qui lui demande de faire appel à quelque chose de plus élevé en lui, à une identité supérieure qui lui permettra de trouver une réponse au-delà des limites de ce monde. Les mythes reflètent des moments essentiels de notre évolution personnelle et décrivent les moments clés de l’évolution d’une civilisation. Ils nous invitent à une vision plus large de l’histoire de l’humanité.

170px-Herakles_and_Telephos_Louvre_MR219La mythologie est considérée de nos jours comme un ensemble de récits fabuleux et de contes, ou tout au mieux comme des textes renfermant une symbolique universelle. Plus la distance est grande – dans l’espace et le temps – avec une civilisation, plus l’ensemble des récits mythiques qui lui sont propres parait perdre le lien avec une quelconque réalité. Ce phénomène est surtout une caractéristique du monde occidental. Pourtant, l’Occident, ou plus précisément le système de croyances dans lequel l’homme occidental baigne, est en lien direct avec certaines mythologies, dont les plus importantes sont : la mythologie égyptienne (puis son héritière, la gréco-romaine), la mythologie celtique, et la plus récente, la mythologie hébraïque. 

Et si tous ces récits mythiques étaient la chronique de véritables évènements historiques ?

 Chaque culture et chaque peuple de la Terre possède sa propre mythologie. Nous pouvons ainsi dire qu’une mythologie définit une civilisation au même titre que son organisation sociale, son activité artistique, le savoir scientifique et technologique qu’elle développe. Seulement, en parcourant les différentes mythologies de la planète, il est possible de remarquer certaines similitudes entre les récits issus de toutes les grandes civilisations, même éloignées géographiquement et surtout dans le temps. Il est en effet très intéressant d’observer une récurrence infaillible dans toutes les traditions, aussi bien anciennes et élaborées que plus récentes. Toutes coïncident à retracer l’origine d’une culture et son évolution première grâce à l’aide “d’êtres venus du ciel”, apportant un savoir essentiel à son développement : l’agriculture, la construction, le tissage, la musique, l’écriture. Chaque civilisation naissante cherche ainsi, à travers sa mythologie, à perpétuer une vision du monde, de ses origines, de son vécu. En fait, elle apporte une réponse aux grandes questions existentielles. 

D’où venons-nous ? Pourquoi sommes-nous ici ? Vers où allons-nous ?

 La culture occidentale a toujours porté un intérêt, qui devient de plus en plus important actuellement, aux recherches archéologiques, et pour cause : le lien avec sa tradition mythique et son vrai sens a été perdu. Par ce geste de découvrir, de dévoiler le passé, l’homme occidental cherche à retrouver ses origines. Tout comme un orphelin chercherait à découvrir qui sont ses vrais parents. D’autre part, lorsqu’à un niveau individuel nous nous sentons appelés à chercher des réponses à ces mêmes questions essentielles sur nos origines, nous arrivons assez vite à l’idée de la réincarnation. En introduisant cette nouvelle variable, celle de la possibilité pour l’âme d’évoluer grâce à de multiples expériences, il est alors possible de commencer à percevoir la vie et le monde de manière non linéaire, mais plutôt multidimensionnelle, de la même manière que la physique actuelle (théorie des cordes, théorie quantique) commence à décrire l’Univers : un système de synchronicités parfaitement orchestrées à différents niveaux et en interaction constante. 

Dieux, anges, et êtres venus du ciel. C’est ainsi que toute une civilisation, vue comme une famille d’âmes, naît dans ce monde, grandit, mûrit et quitte ce plan terrestre en laissant le fruit de son expérience pour les civilisations héritières à venir. Si ce point de vue est exact, alors ces “dieux”, “êtres venus du ciel”, “anges” dont parlent les mythes sont probablement différents noms donnés aux mêmes personnes. Des êtres que nous pourrions appeler aujourd’hui frères de l’espace, êtres de lumière, ou encore maîtres ascensionnés. Tous des noms différents pour appeler ceux qui, faisant partie d’une civilisation ancienne, sont partis de cette réalité pour vivre sur d’autres espaces des multiples dimensions planétaires, afin de continuer leur évolution. Les mêmes qui non seulement ont laissé leur savoir inscrit avant de partir (Guizeh, Chichen-Itza, …), mais aussi maintiennent un lien de fraternité et d’aide envers leurs cadets (sauf quelques-uns qui ont commis des erreurs d’évolution par superbe : mythe d’Hercules/Héraclès ou autres), et qui parfois reviennent achever des expériences propres à notre dimension (acquisition d’une conscience de la réalité sensible), comme les “anges déchus”. Petit à petit, nous observons que les différents mythes, au-delà de leur symbolique certaine et de l’idée religieuse qu’ils véhiculent, correspondent avant tout à une chronique d’évènements historiques clés, riches en enseignements initiatiques. Ils contiennent la mémoire de l’évolution de l’humanité, à travers des civilisations qui se succèdent et se chevauchent, parfois violemment (génocides, cataclysmes, …), pour donner toujours une nouvelle opportunité d’apprendre aux nouvelles et aux anciennes âmes. Par exemple, celui qui a participé à l’extermination de groupes indiens pourrait bien aujourd’hui être l’un d’eux, et vivre dans sa propre chair une situation qu’il a lui-même aidé à mettre en place. 

Les mythes, témoignages de l’invisible et du monde spirituel.<Pensons par exemple à l’échelle de Jacob : ce mythe sur la création et le fonctionnement du monde dans l’Ancien Testament, qui parle des anges, explique que celui qui est plus proche du Ciel aide celui qui est immédiatement en dessous à monter, à s’élever, à ascensionner sur le chemin vers le Ciel. Cette description pourrait bien nous donner de bonnes raisons de concevoir l’existence d’une aide apportée par des êtres plus évolués technologiquement et spirituellement, et qui seraient en réalité des “anciens”, des “grands frères” qui nous montreraient l’exemple de la tolérance et de la solidarité comme moyen de vivre. Cette vision de la diversité et de la multiplicité de la réalité, intégrée à notre vie quotidienne, en commençant par nous-mêmes, est un des cadeaux que nous apportent les mythes.

 Isabel de la Cruz organise et anime des stages et des formations basés sur une approche quantique de la santé et une vision multidimensionnelle de l’Être humain.www.etoileduberger.com  

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La Folle de Tréhoudy

Posté par francesca7 le 3 mars 2014

près de la Mettrie (Mayenne)

(D’après « La Tradition », paru en 1904)

 
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Près de Mayenne, au delà du village de la Mettrie, il existait sur les bords de l’Aron, un moulin appelé « Tréhoudy », qui a été détruit depuis des siècles. Ce nom serait même perdu, s’il n’était resté attaché à une planche, qui permet de franchir la rivière en cet endroit et à la légende mettant en scène deux enfants du même village amoureux depuis leur plus jeune âge.

Jardiau et Blouette étaient enfants du même village, de la monnerie de Tréhoudy et s’aimaient depuis le berceau, pour avoir, ensemble, joué, ri et pleuré, cherché des nids, cueilli des mûres, mordu tour à tour aux mêmes fruits. Il était grand, aussi fort qu’un bâton de mêlier ; elle, petite et mincette. Quand, pour lire dans « la Croi de Dieu », ils allaient au bourg d’Aron, par le chemin de la Mettrie, il la passait sur son dos aux mauvais pas, ou bien avançait son sabot pour qu’elle y posât le pied. Tous deux se regardaient : Jardiau était fier, Blouette souriait.

Jardiau eut dix-huit ans, Blouette seize, et ils continuaient de s’aimer : l’amour avait, à leur insu, cheminé du cœur de l’un au cœur de l’autre. Elle était brune et jolie, mais le regard qui jaillissait de ses prunelles un peu fauves, avait parfois des langueurs troublantes, qu’il fut perdu dans le bleu du ciel ou abaissé sur les bouleaux, dont le reflet grêle trempait dans le bief du moulin.

D’ordinaire, pensive, Blouette parlait peu et n’avait que des éclairs de gaieté. D’aucuns l’appelaient : « la belle qui dort » ; d’autres : la belle qui soupire », et personne ne la recherchait, quoiqu’elle fût bonne et douce. On n’aime chez nous que les filles qui ont le sang aux joues et le rire aux dents. Elle ne levait pas les yeux quand Jardiau l’abordait. Quelquefois, lorsqu’elle revenait de la fontaine, à la chute du jour, il la rejoignait à la dérobée et se chargeait de sa buire, qu’il portait jusqu’à l’entrée du village. Ils n’échangeaient que quelques paroles rapides, indifférentes, et se quittaient par un « bonsoir Blouette, bonsoir Jardiau », sans plus, mais leurs cœurs, un instant rapprochés, avaient battu plus près l’un de l’autre et c’était assez pour leur joie d’un ou deux jours.

Cet amour de jouvenceau qui n’ose, de jouvencelle pudique, dura plusieurs années. Un dimanche pourtant que Blouette cueillait des brindilles de genêts pour s’en faire un balai, et que, près de là, Jardiau, par passe-temps cherchait des noisettes, il vint à elle et lui dit : « Quand nous marierons-nous ? » Elle répondit : « Quand nous pourrons ! » et devint plus rouge qu’un coquelicot.

Les voisins plaisantaient de cette affection discrète et silencieuse. Qu’attendaient nos amoureux pour s’épouser ? Qu’ils eussent gagné cinquante écus, afin de se mettre en ménage. L’argent était rare autrefois et Blouette ne gagnait que quelques deniers par jour : pourtant elle filait du lever au coucher du soleil. Ils souffraient dans l’espoir d’un bonheur à venir, sans se douter qu’ils caressaient une chimère.

L’espérance est une molle berceuse, qui endort l’homme dans la quiétude et le réveille souvent dans les tourments. Jardiau reçut l’ordre de se rendre à l’armée du roi, et il lui fallut en trois jours dire adieu à père, à mère, à frères, à sœurs, à l’âtre de sa chaumière, aux grands arbres de la fontelaie, aux ajoncs et aux bruyères de la lande, et le vin que lui versa le sergent du roi ne le consola point.

La veille de son départ, il vint, sur le soir, trouver Blouette à la fontaine. En s’abordant, leurs yeux roulèrent des larmes. Ils allèrent l’un près de l’autre, le long du bief, sans parler, lui tremblant, elle frissonnante.

— M’attendras-tu, lui dit Jardiau ?

— Oui, reprit-elle.

Et leurs regards se marièrent un instant, ce qu’ils n’avaient pas fait depuis qu’ils étaient petits. Il ajouta en avançant les lèvres : « Veux-tu ? » et avant qu’elle n’eût répondu, il la serra dans ses bras et lui donna un long baiser sur la joue. Elle, prit la main de son fiancé et y déposa deux pièces d’argent et une médaille de la Vierge qu’elle portait à son cou : c’était tout ce qu’elle possédait. Puis, ils se quittèrent en se disant : Nous nous aimerons toujours !

Le lendemain, Jardiau s’en alla à Mayne (forme ancienne du nom de Mayenne), accompagné de ses frères, et Blouette qui le guettait, blottie derrière une haie du chemin, le vit passer. Il chantait, le soldat du roi, puis s’arrêtait par instant pour étouffer un sanglot et s’essuyer les yens du revers de la main.

Après le départ de son promis, Blouette devint plus blanche que les liserons des bois, mais, chose étrange, la joue sur laquelle avait été déposé le baiser de Jardiau, resta empourprée comme d’une fleur de pommier. Les jours et les semaines passèrent et cette efflorescence demeura : l’empreinte avait été frappée au feu brûlant des lèvres de son ami.

Les commères des alentours la plaisantèrent, et l’une d’elle avança qu’elle avait une marque du diable. A ces moqueries, Blouette ne répondait rien, joyeuse en son âme de porter cette fleur de baiser, qui était un souvenir toujours vivant de la tendresse de son bien-aimé.

Jardiau et Blouette ne devaient plus se revoir. Lui fut tué à l’armée du roi et la nouvelle en arriva au pays. Blouette l’apprit et ses yeux s’ouvrant démesurément, elle regarda fixement devant elle et ne ne pleura pas. Elle ne pleura jamais, mais n’eut plus pour personne le moindre sourire. La douleur figea ses joues, tarit ses larmes et peu après elle perdit la raison.

La Folle de Tréhoudy dans LEGENDES-SUPERSTITIONS 220px-Dauborn_BrunnenTous les soirs, en allant à la fontaine, elle s’arrêtait longtemps à l’endroit où Jardiau lui avait dit son dernier adieu, et là elle écoutait. Son oreille troublée s’emplissait confusément de plaintes, de soupirs, de bruits de baisers, alors que dans le calme de la fin du jour, on n’entendait que les pleurs du gâtoir du moulin et le cri des orfraies.

Pendant le jour, elle errait çà et là, la tête penchée et dolente, fuyant le monde, cueillant des fleurs, ou se faisant des colliers et des couronnes de torsades de houblons et de clématites sauvages. Dans les ombres du crépuscule, elle découvrait, disait-elle, le visage de Jardiau, le mirodait au clair de lune, jusque dans les ondes moirées d’argent des remous de la rivière. Sa figure s’empourprait alors un instant, puis s’éteignait dans une pâleur livide.

Un soir, l’infortunée crut l’apercevoir mouvant et voltigeant dans un feu follet. Elle se précipita vers l’apparition, sans songer au danger qui l’environnait et poussa tout à coup un grand cri. Elle était tombée dans le bief. On l’en retira, mais quelques jours après, la vie s’échappait de ses lèvres au moment où elle venait de prononcer le nom de son fiancé et celui de la Vierge Marie.

C’est ainsi que Blouette mourut de mal d’amour, disait la vieille paysanne, qui nous contait cette légende. Elle ajoutait : « On laisse trop les petits enfants s’amignonner, et l’on en rit. En grandissant, il arrive que leurs cœurs se prennent, se serrent et s’unissent à ne pouvoir les séparer. Ce sont des branches nouées ; lorsqu’on coupe l’une d’elles, l’autre périt. »

Depuis ce temps-là, quand une fille d’Aron est garçonnière ou a des tendresses trop tôt écloses, sa mère ne manque pas de lui dire : « Malheureuse, tu me fais honte, tu finiras comme la folle de Tréhoudy ! »

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Le garçon de café par A.Ricard

Posté par francesca7 le 2 mars 2014

 
par Auguste Ricard en 1840

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téléchargement (4)UN homme porte des chemises en toile de Hollande, des bas de Paris ; ses souliers vernis ont été faits sur les dessins d’un bottier de la rue Vivienne ; il n’emploie, pour sa barbe, que du savon onctueux, pour ses mains que de la pâte d’amandes douces ; ses dents sont entretenues par Desirabode, sa chevelure par Michalon ; il a appris l’art du sourire perpétuel dans la classe d’un vieux mime de l’Opéra ; il est patient, poli, aimable…..

Vous croyez qu’il est question d’un grand-écuyer de prince, d’un diplomate, d’un chanteur de romances ?

Du tout, il s’agit d’un garçon de café.

On est assez généralement garçon de café de père en fils. Tel homme qui sert des glaces au Café de Foi, ou des cerises à l’eau-de-vie chez la mère Saguet, à la barrière du Maine, avait un trisaïeul dans la carrière qu’il exploite, comme aujourd’hui, un Séguier, un Molé, un Crillon, dans l’armée ou dans la magistrature. L’art de verser le café, la liqueur, de marcher au pas de charge, à travers des allées de tables et de tabourets, en portant dans la main droite des buissons de sorbets, un thé complet, ou une phalange de carafes d’orgeat, cet art-là demande une longue habitude. Pour faire un bon garçon de café, il faut avoir été pris tout petit, il faut avoir commencé ses exercices sous les yeux d’un père.

Cependant il est quelques exceptions à cette règle : on rencontre, dans l’intéressante classe qui nous occupe aujourd’hui, plus d’un praticien qui n’a pas été bercé avec les traditions de café, et qui, à l’âge de quinze ans, n’eût pas su laver une tasse sans en faire des morceaux. C’est une variété de l’espèce, chez laquelle le génie a lui tout d’un coup. Les antécédents de ceux qui la composent se perdent dans les brouillards d’un passé orageux, dans la fumée de cent estaminets, dans la chronique de la Chaumière et de la Courtille. Ces garçons de café-là ont, pour la plupart, hérité jadis d’un parent de la Normandie, ou du Perche. Alors ils ont roulé dans les cabriolets de régie pendant les jours gras de telle année ; ils ont joué du cor chez tous les marchands de vin de la rue Montorgueil ; ils ont fatigué le sol historique du bois de Romainville avec leur danse passionnée, puis, un beau jour, ils ont porté leur dernier écu au bureau de placement. Ils sont devenus garçons de café.

Ceux-là ne sont pas les moins habiles. Leur vieille expérience en fait d’excellents arbitres dans une discussion de billard, de dames ou de dominos ; ils savent, de longue date, ce qui plaît aux viveurs sortant d’un bon repas, et ils n’ont pas peur des ivrognes.

Quels que soient d’ailleurs ses précédents, le garçon de café typique est toujours un homme probe et bien portant : la vigueur de constitution et l’honnêteté d’âme sont deux qualités sans lesquelles il ne saurait être. L’oeil du maître, on le comprend, ne peut toujours planer sur les flacons, les carafes, les tasses et les cafetières du laboratoire. Rien de facile comme de détourner, au milieu de la consommation gigantesque de certains établissements, quelques gouttes de cet océan de rafraîchissements et de liqueurs, quelques fractions de ce total que le patron compte tous les soirs, à la grande mortification du mauvais sujet retardataire échangeant sa dernière pièce de dix sous, à minuit, contre une bouteille de bière blanche. Le garçon est donc, et de toute nécessité, un honnête homme. Depuis le lever du soleil jusqu’à l’extinction du gaz, il manipule le numéraire de son prochain : c’est un serviteur de confiance, c’est un garçon de recettes à domicile.

Vigueur de constitution : vous allez voir qu’elle est indispensable au garçon de café. Le jour paraît ; le garçon de café qui, la veille, a dû se coucher tard, doit se lever de bonne heure. Il n’y a guère d’éveillés à Paris que les fruitières, les balayeurs et les porteurs d’eau ; eh bien ! lui, homme élégant, lui qui passe son temps au milieu d’épicuriens, lui qui fait incontestablement partie de la civilisation avancée, de la vie de luxe, il faut qu’il s’arrache aux douceurs du repos. Tous les jours le bien vivre l’entoure de ses séductions, de ses parfums, de ses joies, et lui, il doit vivre de la vie rude de l’ouvrier ; son maître veut qu’il ait, à la fois, l’élégance coquette d’une jolie perruche et la vigilance pénible du coq. Il s’éveille donc, il étend les bras, et ses doigts allongés vont frapper les pieds des tables entre lesquelles il a jeté son matelas la veille, ou bien ils labourent le sable que l’on sème tous les jours dans la grande salle. Car, voyez-vous bien, il est condamné à se nourrir, à se reposer dans cet espace où il fait son état ; comme le soldat en campagne, il couche sur le champ de bataille. Mais, en vérité, mieux vaut souvent le bivouac, sur lequel la neige et la pluie ne tombent pas toujours, quoi qu’en disent les Victoires et Conquêtes et les vaudevilles militaires.

Au bivouac, l’air pur du matin, les feux du soleil levant, le chant des oiseaux du ciel raniment le guerrier. Le garçon de café, à son grand lever, ne trouve qu’une atmosphère lourde et tout imprégnée des émanations trop connues du gaz, auxquelles se mêlent les odeurs, hermétiquement renfermées par les volets de l’établissement, du punch, du vin chaud et du haricot de mouton, que le propriétaire du lieu a partagé à minuit avec tout son monde, sur la table numéro 1, c’est-à-dire celle la plus rapprochée du comptoir. La seule clarté qui vienne égayer le garçon de café à son réveil, est celle du quinquet inextinguible qui veille toujours dans le laboratoire avec l’obstination du feu de Vesta. Quant à ces harmonies matinales, qui signalent le retour de la lumière, le garçon de café est tout à fait libre de prendre pour telles les cris du chat, ou les sifflements aigus des serins de madame qui pressentent le passage prochain de la marchande de mouron.

Mais le piétinement du maître qui, à l’entresol, cherche ses bretelles et sa cravate, fait trembler le plafond. En un clin d’oeil les matelas de tous les garçons sont enlevés. Ce travail demande peu de force, car ces petits meubles qui tiennent beaucoup du silex pour la dureté, participent encore plus de la plume pour la légèreté de poids. Tout cela est jeté, pêle-mêle, derrière une vieille cloison, avec des queues de billards au rebut, les arrosoirs d’été, des damiers cassés et l’antique comptoir que le patron a jadis acheté avec le fonds. Les volets sont détachés, la laitière arrive, le chef descend de sa chambre avec un sac de monnaie sous le bras, madame songe à sa toilette, les pains de beurre s’éparpillent dans des soucoupes, le garçon de fourneau allume son feu, toutes les abeilles de cette ruche sont en mouvement, l’heure du travail a sonné. Après ce premier coup de collier, le garçon de café jouit, dans presque tous les quartiers de Paris, de quelques instants de repos ; en attendant la pratique, il arrache la bande des journaux et il étudie la situation des choses dans le grand format, la littérature dans le petit. Assez généralement le garçon de café marche avec le gouvernement et la garde nationale en politique ; en littérature il est d’une force gigantesque sur la charade et le cours de la Bourse.

De huit heures à dix, les cafés au lait occupent entièrement le garçon. Cette première vente apporte peu de monnaie dans le tronc bronze et or du comptoir. Les déjeuneurs au café se composent en général d’employés, de vieux garçons et de provinciaux logés dans les petits hôtels du voisinage. Ces trois espèces d’individus ont une foule de raisons toujours prêtes pour prouver l’utilité de l’économie. Le garçon de café tient à ces clients-là comme à un casuel certain, mais il est avec eux d’une politesse froide ; il leur dit toujours que le Corsaire et le Charivari sont en main, et, lorsqu’ils prennent place devant la table de marbre, il n’a à leur service qu’un très léger coup de serviette. Il en donne deux pour le café avec un beurre, trois pour un café complet. C’est le tarif.

Mais, de midi à deux heures, le café noir, l’eau-de-vie, le rhum et le kirch absorbent toute son attention, toute sa politesse. Les consommateurs de cette seconde période de la journée sont doucement échauffés par le Chablis et le Grave que le restaurateur du quartier leur a servis. Ce sont des citoyens dont l’unique métier est de joyeusement vivre, ou bien des militaires qui se sont liés de coeur et d’âme au camp de Compiègne, des commis-voyageurs qui ont fait avantageusement l’article à Reims ou à Sédan, des jeunes gens de famille qui se sont battus le matin, et à trente-cinq pas, avec des pistolets de poche. De pareils personnages paient sans compter, parce qu’ils sont heureux ; ils appellent le garçon « mon cher, » ils lui demandent du tabac et l’analyse de l’analyse de la pièce nouvelle dont les journaux ont dû rendre compte. Quand ils quittent le café, ils se tiennent immobiles une seule minute et, dans ce court espace, le garçon les habille de leur paletot, manteau ou redingote, il les coiffe de leur chapeau, il leur met gants et canne à la main et il termine par une de ces révérences qu’on ne saurait rencontrer autre part qu’à Paris. Ajoutez un peu plus de générosité d’un côté, un peu plus d’empressement de l’autre et vous aurez une idée exacte des rapports du garçon avec les consommateurs de café à l’eau après dîner.

Les moeurs, les habitudes, la toilette du garçon de café varient selon le quartier où il travaille. Au Palais-Royal, sur les boulevards, depuis la Madeleine jusqu’au faubourg du Temple, dans une partie du faubourg Saint-Germain, le garçon de café est élégant, aimable, attentif ; la chemise de toile de Hollande ne lui suffit plus ; il y fait adapter une chemisette en batiste ; il change de tabliers comme on change de ministres ; de ses cheveux, toujours taillés à la mode qui vient de naître, s’exhalent les odeurs les plus douces et, par conséquent, du meilleur goût ; sa veste se venge de n’être qu’une veste par la finesse de son tissu, par la grâce exquise de sa coupe ; ses mains sont fines, délicates ; il a du ventre le moins possible. Ce garçon de café-là n’emploie que des expressions choisies ; il lit dans de jolis in-18 dorés sur tranches et reliés en maroquin ; quand on se plaint à lui du café qu’il a servi, il lève les yeux au ciel, il soupire, il vous donne une autre tasse et vous apporte la même cafetière en téléchargement (5)disant : – Cette fois, monsieur sera content ! – Si un habitué entre en bâillant ou en accusant une migraine ou des douleurs rhumatismales, le garçon de café réplique avec consternation : – Que voulez-vous ? nous avons une si odieuse température ! Monsieur prend-il du rhum ?… Doué d’une imagination vive, d’un vaste amour-propre, de maux de nerfs, d’une grande flexibilité d’esprit, de tout ce qui constitue, enfin, l’homme infiniment civilisé, il prend les locutions, les manières, l’humeur des individus qu’il sert habituellement. Le garçon de café du boulevard Saint-Martin, un peu égrillard, parce que la Courtille n’est pas loin, affecte, cependant, des airs d’homme confortable. Il est extrêmement littéraire, parce qu’il apporte tous les jours des rognons à la brochette aux fournisseurs ordinaires de l’Ambigu, de la Gaieté et de la porte Saint-Martin. Il sait sur le bout du doigt le nombre des représentations de Gaspardo et du Sonneur de Saint-Paul ; il a l’honneur d’être tutoyé par quelques dramaturges, il vous dira tous les bons mots de M. Harel, il a parlé deux fois à mademoiselle Georges, et il prête souvent sa tabatière à Bocage. Le garçon de café du boulevard Saint-Martin est, surtout, policé depuis que les marchands de chevaux de la rue de Lancry sont allés faire leurs élèves aux Champs-Élysées.

Au café de Paris le garçon connaît tous les détails, toute la mise en scène d’une course au clocher ; il accable de son mépris un pantalon sans sous-pieds, un chapeau de soie ; il exècre le boeuf bouilli ; Duprez commence à ne plus lui plaire, il dit : aller en véhicule, au lieu de : aller en cabriolet et, dans ses jours de sortie, il ne fume que des cigares à quatre sous.

Jadis, le garçon du café Desmares était prodigieusement militaire. Il connaissait tous les officiers supérieurs de la garde royale, tous les on dit de la caserne d’Orsay et de Belle-Chasse. Il a perdu cette couleur martiale, mais il est resté aristocrate. Il soupire, il s’ennuie. Comme le faubourg Saint-Germain, il attend.

Les garçons de café du quartier Latin ont aussi leur physionomie à part. Les écoles, la science, la chambre des pairs ont depuis longtemps façonné leur intelligence et leurs goûts. Ils sont de première force aux dominos.

Le café de Foy est l’établissement où le garçon fait le plus vite fortune ; c’est, du moins, ce que l’on dit partout. Quoi qu’il en soit, il faut convenir que nulle part l’éducation de l’homme au tablier blanc n’est aussi parfaite. Le garçon du café de Foy, empressé comme celui du café Lemblin, coquet comme celui des boulevards, a, de plus qu’eux tous, un certain air de dignité, de politesse diplomatique qui annonce un contact plus fréquent avec la vraie bonne compagnie. Le garçon du café de Foy ne ressemble pas aux autres : il est tout à fait lui. Vous remarquerez, en entrant dans l’enceinte où il fonctionne, que toujours il est d’une taille élevée. On dit dans l’arrondissement du Palais-Royal : « Grand comme un garçon du café de Foy. » Militairement parlant, on pourrait établir que les garçons de salle de Paris forment un bataillon dont la compagnie de grenadiers est au café de Foy. Rien de plus modeste, d’ailleurs, que les lambris sous lesquels il sert les amateurs de café. Les dorures, les peintures, les glaces immenses, ne scintillent pas autour de lui ; le luxe ne peut pas lui monter à la tête. Il va et vient dans une salle mesquinement décorée, soutenue par de tristes piliers et chauffée par un poêle qui n’a rien de remarquable que son ampleur. Sous le rapport de la décoration, le café de Foy vit tranquillement, depuis des années, sur la renommée d’une caille, peinte autrefois, par Carle Vernet, au plafond sur lequel elle vole encore à l’heure qu’il est. C’est une vieille maison de la bonne roche, où le garçon est toujours un homme choisi. Il vient là tout jeune, il y grandit, il y blanchit. Il met toute sa vie entre ces vingt pieds carrés dans lesquels un public d’élite s’assied tous les jours. Ne pas confondre avec les fumeurs de cigares qui, pendant l’été, entourent les tables du jardin : nous parlons de l’intérieur, et il est bien convenu que, nous autres amateurs du tabac de la Havane, nous sommes des gens mal élevés.

Il y avait une fois un baron. Pauvre gentilhomme ! il était bien à plaindre. Son vieux castel de Bretagne avait été vendu comme propriété nationale ; ses bons chevaux de bataille avaient été tués dans les guerres de l’émigration ; il avait mis ses diamants en gage chez un juif allemand pour prêter de l’argent à un prince français qui ne le lui avait pas rendu, selon l’usage. Il ne restait au baron de K…… qu’une rente de 1,200 livres et la liberté de vivre, que Bonaparte, premier consul, lui avait fait expédier par la poste, dans un moment de bonne humeur. De retour à Paris, M. de K…… avait sagement arrêté avec lui-même qu’il n’irait plus à l’Opéra, qu’il ne jouerait plus au pharaon, qu’il achèterait un parapluie et qu’il mangerait chez un gargotier. Mais, quoi ! le bon compatriote de Bertrand Duguesclin n’avait pu renoncer à son cher café à l’eau après le dîner : il y tenait comme à sa croix de Saint-Louis, comme à son opinion politique. Brossé, ciré, propre comme un vieux soldat, il venait tous les soirs au café de Foy prendre sa demi-tasse ; c’était sa seule joie au milieu des grandes joies de cette époque, où la France fêtait Marengo et le repos de la guillotine. Il avait adopté une table devant laquelle il prenait place toujours. Par suite, il était toujours servi par le même garçon, chacun des servants d’un café ayant une ligne de tables à surveiller. M. de K……, élevé au sein de l’opulence, avait contracté l’usage de l’or depuis ses dents de sept ans. Il était habitué à payer, et à payer richement. Entraîné par cette douce routine, il entra un soir au café de Foy sans un sou dans sa poche, et il prit son café comme à l’ordinaire ; puis, quand il voulut partir, il tira sa bourse ! Le garçon vit tout de suite, dans les traits consternés de l’émigré, le funeste état des choses, et, en desservant sa pratique, il dit à voix basse : « C’est payé ! » En effet, il paya la demi-tasse. Oh ! il faudrait un litre d’encre, un paquet de plumes et deux rames de papier pour peindre les combats que se livra M. de K…… le lendemain quand l’heure du café sonna au cadran de ses habitudes, car le lendemain, comme la veille, le pauvre soldat de Condé était, comme on dit, à sec. Que vous dirai-je ? il entra, possédé par ce besoin aussi terrible que la faim peut-être, ou du moins qui est une faim d’un autre genre. Son café fut payé encore par le garçon. Il le fut pendant plusieurs années, et le comptoir ignora toujours ce détail de la grande salle. Seulement, le maître du lieu ne cessait de s’extasier sur l’exquise politesse du ci-devant, qui n’entrait, ne sortait jamais sans lui faire deux révérences d’ancienne cour. Hélas ! le vieux gentilhomme croyait saluer son créancier, et son vrai créancier c’était le garçon, dont la discrète bonté ne se démentit jamais, qui supportait patiemment les rebuffades du baron quand le café était moins chaud que de coutume, et qui portait tous les soirs à la dame du comptoir l’argent de la demi-tasse comme s’il venait de le recevoir.

On sait que les émigrés furent indemnisés, un peu chèrement même ! Un jour celui dont il est question arriva au café de Foy avec une énorme cocarde blanche et un portefeuille garni de billets de banque. Il demanda son compte, et on lui dit qu’il ne devait rien. Étonnement, stupéfaction. Le garçon fut appelé.

Le brave homme avoua, en rougissant, que, depuis des années, il payait sans rien dire le café du baron, et le baron pleura, et il embrassa devant tout le monde le garçon de café en disant : « Et toi aussi, mon enfant, tu étais un courtisan du malheur ! »

M. le baron de K…… a dépouillé le garçon de café de la serviette et de la veste, et il lui a donné les fonds nécessaires pour acheter un établissement.

N. B. Ce garçon de café-là était bonapartiste.

Les physionomies du garçon de fourneau et du garçon de billard forment deux types à part et qui n’ont rien de commun avec celle du garçon de salle. Ce dernier, serviteur de tout le monde, est connu de tout le monde ; les deux autres sont cloués à une place unique : l’un devant le feu où il prépare le café, le chocolat, etc. ; l’autre à un billard, qu’il prend comme fermier au maître de la maison, et avec lequel il spécule sur les passions des habitués de la poule. La physiologie de ces deux individus ne peut être traitée que par un alchimiste et un joueur de billard consommé. Or, je ne saurais mettre de l’eau en ébullition sans me brûler les doigts, et je n’ai jamais fait au billard qu’un doublé, encore était-ce un raccroc. Non sum dignus.

téléchargement (7)Le garçon de café – genre moderne – ne s’embarrasse pas sitôt d’une famille. Comme il est, de toute rigueur, bien fait et bien élevé, il vit en sultan au milieu d’un nombre imposant de demoiselles de comptoir. Il n’a, l’heureux homme, qu’à leur jeter le mouchoir, – je veux dire la serviette. – Ce sont elles qui font plisser ses chemises, qui harcellent la blanchisseuse pour que celle-ci tienne toujours le linge d’Oscar ou de Frédéric dans un état de blancheur entière. Confiant dans leur zèle, dans leur économie, le garçon de café leur abandonne souvent, même, le soin de payer les mémoires. Quand cet Alcibiade en tablier a trente ans, il songe à l’avenir. Il achète un habit noir pour les jours de sortie, il mange de la pâte de Regnault et il place ses économies. L’ambition éclot dans son coeur, il destitue les inspectrices de sa lingerie, et, dans son sommeil tourmenté, il ne rêve plus qu’établissement à son nom, que grande salle toute d’or comme les palais des Mille et une Nuits, avec un comptoir en bois de citronnier, des torrents de gaz et de peintures de Cicéri. Dès ce moment le garçon de café se fait inscrire dans une compagnie de la garde nationale ; il cherche une femme et une maison neuve formant coin de rue. Quand il a trouvé l’une et l’autre, il s’entoure des artistes les plus distingués, comme les vieux Médicis quand ils faisaient construire leurs palais ; et il fait travailler peintres, doreurs et mouleurs dans le rez-de-chaussée qu’il a loué à raison de 20,000 francs chaque année, sans compter le pot de vin. Les pots de vin se fourrent partout aujourd’hui. A sa voix la palette de vingt Raphaëls s’épuise ; ces murailles nues, que les lourds Limousins construisaient encore il y a trois mois, se chargent de fresques étincelantes. A la place des Napoléons à petit chapeau et des inscriptions érotiques tracées naguère au charbon par les gâcheurs, vous voyez de riches et beaux Indiens, – des Indiens d’opéra, – poursuivre le tigre royal sur leurs chevaux de race ; vous voyez un tournoi où messire Bertrand Duguesclin emporte le prix devant toute la noblesse de Bretagne ; vous voyez des nymphes nues, une Psyché qui s’envole, un Mercure qui porte dans les airs les ordres de son patron ; vous voyez des oiseaux de toutes les nuances, des fruits de toutes les couleurs.

Le comptoir, chef-d’oeuvre de l’ébénisterie moderne, se dresse dans une niche dorée. Il est orné déjà de coupes en vermeil que Ben-Venuto Cellini n’eût pas désavouées, et une beauté de choix a été retenue d’avance pour occuper chaque jour, à raison de 100 francs par mois, ce trône magnifique. Le garçon de café, devenu maître à son tour, a obtenu un crédit chez les négociants qui vendent en gros les objets de consommation qu’il va donner en détail au public. Une douzaine de réclames, dans lesquelles les courtiers d’annonces citent, à leur manière, les palais d’Armide et de Cléopâtre, sont lancées dans les journaux. Le jour de l’ouverture arrive enfin.

L’établissement nouveau fait 6,000 francs de recettes. Le propriétaire fait mettre des jabots à toutes ses chemises, il marchande un tilbury et il se demande déjà s’il achètera un château en Beauce ou en Normandie. Il jure sur son fourniment de garde national qu’il ne céderait pas son fonds à moins de 600,000 francs, et il dit à tout propos cette phrase qu’il s’est fait faire par un homme lettré de ses amis : Le bouge qui s’appelle le café de Foy !

Mais un autre fou ouvre dans le voisinage un café plus riche encore. Il y a jeté 100,000 francs de dorures, de peintures et de glaces. Le public qui aime à rire va s’engouffrer tous les soirs dans ce nouveau palais de fée, et l’autre palais, comme celui d’un ministre disgracié, devient une solitude.

Le maître du lieu, alors, est entièrement libre de déposer son bilan et de donner trois pour cent à ses créanciers. Il met à couvert le plus de fonds possible et quant il a satisfait aux exigences de la loi qui régit les faillites, il va vivre de son revenu au pays natal. Mais il n’est qu’un petit rentier, il n’a qu’une maison chétive, deux carrés de choux, une marre pour ses canards de Barbarie. La maladie des rois détrônés le saisit un jour, et il meurt d’ennui au milieu d’une famille inconsolable.

Le garçon de café rococo – celui que ses camarades intitulent dédaigneusement perruque –, a, presque toujours, une femme légitime et des enfants en chambre dans le voisinage. La femme fait ordinairement des gilets ou des pelottes médicamenteuses pour messieurs les chirurgiens herniaires. Chaque tête de cette famille-là, possède à son nom un livret à la caisse d’épargne. Le chef met patiemment sou sur sou pendant des années, et il crie toujours misère, puis un beau matin, il prend aussi un établissement. Mais il ne perd ni son temps ni son argent, à créer un palais de merveilles. A l’affût des faillites, il en trouve une sur son chemin qui lui donne, à un rabais fabuleux, pour 80,000 francs de glaces, de peintures, avec un fonds bien commencé et un matériel tout neuf. Assis sur les ruines des autres, le garçon de café achalande tout doucement la maison dont il est devenu maître. En quatre ans il arrive au chiffre de fortune qu’il a toujours ambitionné. Joueur prudent il cesse alors de tenter le destin et il vend fort cher ce qu’il a acheté presque pour rien. Vous le voyez ensuite faire l’usure dans une petite maison isolée, dont la porte est garnie de ferrures et la cour ornée d’un chien de montagne, toujours de mauvaise humeur.

Parvenu à cet apogée, il est facile à reconnaître : dans les cafés, il paie toujours sa demi-tasse sans rien donner au garçon ; il loge au Marais ou rue de Charonne, et aux Batignolles surtout ; il a un col de chemise très-haut, l’accent de la basse Normandie et un regard à quinze pour cent.

Tolérant, laborieux, fidèle, de bonne compagnie, le garçon de café supporte, sans hausser les épaules, les façons départementales de certains consommateurs qui lui demandent effrontément le bain de pied et boivent dans leur soucoupe ; il est debout du matin au soir et souvent, par sa manière de servir, il achalande la maison pendant que le maître joue aux dominos, ou à la hausse et à la baisse ; témoin, instrument des bénéfices énormes de ce patron, il amasse sans envie des pièces de deux sous à côté de ce tas d’argent qui grossit tous les jours ; il oublie, il ignore que le tronc touche à la caisse ; il peut, dans l’occasion, répondre convenablement à l’homme du monde qui est venu seul au café et qui aime mieux la conversation que la liqueur. Concluons donc, en présence de tant de qualités et de vertus, qu’une foule d’hommes considérables dans l’armée, la magistrature, la littérature, l’administration… dans l’instruction publique, surtout… ne seraient pas dignes de porter le tablier blanc.

AUGUSTE RICARD.
source : http://www.bmlisieux.com/

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