Histoire des Grands Ducs de Bourgogne
Posté par francesca7 le 16 mars 2014
C’est sous la dynastie des Valois, branche cadette de la dynastie capétienne, que la Bourgogne devient en un peu plus d’un siècle (1361-1477) une puissance politique de premier plan. À Dijon, les grands-ducs d’Occident mènent un train fastueux. Leur prestige est d’autant plus grand que la monarchie française est affaiblie par la folie de Charles VI et la guerre de Cent Ans. Cependant, tout s’effondre à la mort de Charles le Téméraire, qui s’est fait nombre d’ennemis : c’en est fini de l’État bourguignon.
Philippe II le Hardi, le bien nommé (1363-1404)
Lors de la bataille de Poitiers contre le Prince noir (1356), Philippe, âgé d’à peine 15 ans, combat héroïquement aux côtés de son père, le roi de France Jean le Bon. Il se voit qualifier de « hardi » lorsque, blessé et emprisonné avec son père, il assène un soufflet à un gentilhomme anglais qui tient des propos désobligeants pour le roi. Lorsqu’il fait son entrée solennelle à Dijon en novembre 1364, ses titres de courage lui ayant valu le duché, Philippe est un beau chevalier, aimant le jeu, le luxe et les femmes, ne négligeant rien pour servir les intérêts de sa maison.
Par son mariage en 1369 avec la veuve de Philippe de Rouvres, Marguerite de Flandre , il hérite à la mort du comte de Flandre en 1384 d’un important territoire : Nivernais, comté de Bourgogne, Franche-Comté, Artois et Flandre, qui fait de lui le plus puissant prince de la chrétienté.
Dans le palais qu’il a fait reconstruire à Dijon, il convie peintres et sculpteurs de son domaine de Flandre. Il est toujours somptueusement vêtu et son chapeau est garni de plumes, douze d’autruche, deux de faisan et deux d’oiseaux des Indes. Un collier d’or avec un aigle et un lion portant sa devise, « En loyauté », des rubis, des saphirs, des perles à profusion constituent sa parure habituelle.
Soucieux d’assurer à sa dynastie une nécropole royale, Philippe, premier pair de France, fonde la chartreuse de Champmol et charge le sculpteur Jean de Marville des plans de son tombeau. Les plus beaux marbres sont apportés de Liège, les pierres d’albâtre de Gênes. À sa mort, il a dilapidé sa fortune au point que ses fils doivent, pour payer les funérailles, mettre en gage l’argenterie ducale. Selon la coutume de Bourgogne, sa veuve vient, en signe de renonciation à la succession mobilière, déposer sur le cercueil sa bourse, son trousseau de clés et sa ceinture.
Jean sans Peur (1404-1419)
Né à Dijon en 1371, chétif et laid, mais brave, intelligent et ambitieux, Jean de Nevers s’illustre en avril 1396 par une grande parade à Dijon, pour fêter son départ en croisade contre les Turcs, cette dernière tournant au désastre à Nicopolis. Il n’est libéré qu’au prix d’une rançon astronomique.
Succédant à son père, Philippe le Hardi, mais plus prudent et rusé que lui, il reprend la lutte au Conseil royal face au parti de son cousin et ennemi Louis d’Orléans, frère du roi dément Charles VI, et prône des réformes administratives. Il espère en toute simplicité régner sur la France. Comme Louis a pour emblème un bâton noueux, Jean adopte un rabot, signifiant par là qu’il saura bien un jour « planer ce bâton ». Ce qu’il réalise en commanditant l’assassinat de son rival le 23 novembre 1407. Il quitte aussitôt Paris.
Avec la paix de Chartres et le pardon du roi, Jean sans Peur regagne la capitale, mais il est violemment combattu par la faction des Orléans, que dirige désormais, à la place du nouveau duc Charles, captif des Anglais depuis Azincourt (1415), le beau-père de celui-ci, Bernard d’Armagnac. Ce triste conflit des Armagnacs et desBourguignons dresse les Français les uns contre les autres (entre 1411 et 1435), en pleine guerre de Cent Ans, au profit des envahisseurs anglais.
Après le massacre des Armagnacs, fin mai 1418, Jean fait son entrée triomphale à Paris le 14 juillet au bras d’Isabeau de Bavière . Henri V d’Angleterre ayant pris Rouen, « le Renard de Bourgogne » recherche un accord avec le dauphin, le futur roi Charles VII. Lors de leur entrevue au pont de Montereau, le 11 septembre 1419, il est « traytreusement occis et murdry » d’un coup de hache par un proche du dauphin.
Philippe III le Bon (1419-1467) et la Toison d’or
Par esprit de vengeance, mais aussi pour préserver la Bourgogne, Philippe III le Bon, fils unique de Jean sans Peur, s’allie aux Anglais. Il est l’un des signataires du traité de Troyes en 1420, par lequel le dauphin est déchu de ses droits.
Lors de l’entrée de Philippe le Bon à Dijon en 1422, les Bourguignons fidèles au roi de France prêtent hommage à Henri V d’Angleterre tout en précisant dans les textes que c’est simplement par respect de la volonté du duc. Dix ans plus tard, sur les instances de Jeanne d’Arc, Charles VII est sacré à Reims et tente de reconquérir son royaume. En réaction, Philippe le Bon cherche à s’allier la noblesse en fondant, à l’occasion de son mariage à Bruges avec Isabelle de Portugal (janvier 1430), l’ordre souverain de la Toison d’or.
La même année, Jeanne d’Arc est capturée à Compiègne par le Bourguignon Jean de Luxembourg, puis livrée aux Anglais pour 10 000 écus d’or. Par le traité d’Arras (1435), dans la crainte de se retrouver isolé, Philippe change d’alliance, se réconcilie avec Charles VII et agrandit en contrepartie son domaine (comtés d’Auxerre et de Mâcon, villes de la Somme à titre précaire). Dijon, qui a perdu un peu de son lustre au profit de Bruges et de Bruxelles, devient cependant la capitale d’un puissant État qui comprend une grande part de la Hollande et de la Belgique, le Luxembourg, la Flandre, l’Artois, le Hainaut, la Picardie et le territoire compris entre la Loire et le Jura. Cinq grands officiers, le maréchal de Bourgogne, l’amiral de Flandre, le chambellan, le grand écuyer et le chancelier Nicolas Rolin , des poètes et des artistes comme Van Eyck entourent le duc, qui possède l’une des cours les plus fastueuses d’Europe. Souvent vêtu de noir, le prince n’en aime pas moins les pierres précieuses, les joutes, les banquets et les femmes : on lui connaît une trentaine de maîtresses. Ce déploiement de luxe engendre quelques tensions : en 1453, l’année qui met un terme à la guerre de Cent Ans, les états généraux à Dijon s’insurgent contre les privilèges outranciers des commensaux de Philippe, la cour étant installée à Bruxelles.
Charles le Téméraire (1467-1477)
Le dernier des ducs Valois de Bourgogne, peut-être le plus célèbre, grand, fortement charpenté, vigoureux, aime la chasse et les exercices violents. Dès 1465, son père lui a confié le commandement des armées de Bourgogne. C’est aussi un esprit cultivé qui connaît le flamand, l’anglais, le latin et consacre du temps à l’étude ; l’histoire surtout le passionne. Il est audacieux, orgueilleux et dévoré d’ambition et, comme dit de lui le perspicace Commynes (historiographe passé de son service à celui du roi) : « Il désiroit grant gloire, qui estoit ce qui plus le mectoit en ces guerres que nulle autre chose et eust bien voulu resembler à ces anciens princes dont il a tant esté parlé après leur mort. »
Puisque son père a porté le même nom que Philippe de Macédoine, il rêve de devenir un nouvel Alexandre. Lors de ses rares venues à Dijon, de grandes fêtes sont organisées autour de la mythologie grecque.
Le rêve de conquête du Téméraire, c’est de rattacher les moitiés nord et sud de ses principautés afin de créer un royaume. Pour cela, et pour lutter contre les rébellions que suscite son très habile rival Louis XI , il soutient des guerres continuelles. Il est proche de la réussite lorsque, en 1475, il conquiert la Lorraine, mais ses troupes sont épuisées et subissent des défaites contre les Suisses. Il meurt en assiégeant Nancy (envisagé comme capitale), défendue par René d’Anjou, duc de Lorraine, qui avait repris la ville trois mois plus tôt. Son corps est retrouvé dans un étang glacé, le visage rongé par les loups, ses ennemis l’ayant dépouillé « en la trouppe, sans le congnoistre ». À propos de la triste fin de la dynastie, Olivier de La Marche parle du « grand trabuchement » de 1477.
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