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Expression : Paris vaut bien une messe

Posté par francesca7 le 25 février 2014

 
citation apocryphe, attribuée à
Henri IV lors de son abjuration

(D’après « Erreurs et mensonges historiques » (Tome 2) 2e éd., paru en 1879)

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Edouard Fournier, l’auteur de recherches ingénieuses, savantes et souvent heureuses sur les mots prétendus historiques, rapportant le célèbre « Paris vaut bien une messe » dont la popularité est si grande et si déplorable, écrit dans son Esprit dans l’Histoire, recherches et curiosités sur les mots historiques : « C’est à mon sens un mot très imprudent. Si Henri IV en eut la pensée, lorsqu’il prit la résolution d’abjurer, pour en finir avec les difficultés qui lui barraient le libre chemin du trône et l’entrée dans sa bonne ville, il fut certes trop adroit pour le dire. »

Ce mot, qui est un vrai propos de corps de garde, n’a pu être tenu par Henri IV ; pour le démontrer sans ré-plique, il suffit de prouver que ce prince s’est sincèrement converti. Comme toute erreur a sa source quelque part et comme aussi tout mensonge a une sorte de raison d’être, il faut d’abord, en peu de mots, rechercher la source de cette erreur et la raison de ce mensonge, et il ne nous sera pas difficile de les trouver dans les divers aspects sous lesquels, jusqu’à ce jour, on avait envisagé Henri IV.

Comme l’a fort judicieusement constaté Berger de Xivrey : « Au XVIIIe siècle, on s’occupa surtout du prince galant et spirituel… Les premières années de notre siècle admirèrent avant tout dans Henri IV la bonté du cœur » (Recueil des Lettres missives de Henry IV, publié dans la Collection de documents inédits sur l’histoire de France). Il était réservé à notre temps de chercher et de retrouver dans le premier des Bourbons l’homme tout entier, le grand homme, c’est-à-dire, l’homme dont la franchise ne s’est jamais démentie un seul instant. C’est sous cet aspect qu’au XVIIe siècle, l’évêque Hardouin de Péréfixe (Histoire du roi Henri le Grand), précepteur de Louis XIV, s’était attaché à représenter — l’histoire à la main — la noble figure du prince le plus justement populaire.

 

 « Cependant, oserons-nous le dire, peu de règnes sont moins connus, et cette longue popularité semble plutôt une idée confuse de ce que ce prince a dû être qu’une notion exacte de ce qu’il a été. Le mouvement des circonstances et l’inclination particulière des esprits ont mis successivement en relief certains côtés de son caractère ; peut-être ne les a-t-on jamais tous indiqués ni tous embrassés dans leur ensemble. La bonhomie du roi Henri a nui à sa grandeur. La légende a amoindri l’histoire. Elle a retiré au génie du souverain ce qu’elle prêtait au charme de l’homme, et en le faisant aimer, elle l’a fait moins admirer. Exagération bientôt suivie de retours contraires !…

« Le premier historien de Henri IV, c’a été jusqu’ici Henri IV lui-même, dit Mercier de Lacombe, dans une remarquable étude sur ce prince intitulée La politique de Henri IV (parue dans le Correspondant de 1857) ; — le mot est aussi vrai que spirituel. Il est quelquefois dangereux pour les grands hommes de se montrer à découvert. Leur âme n’égale pas toujours leur génie. La mémoire de Henri IV n’a point eu à redouter ce péril… La publication des Lettres de ce prince confiée par M. Villemain aux soins éclairés de M. Berger de Xivrey, a plus fait pour Henri IV que les plus ardents panégyriques. »

C’est à ce recueil que nous allons demander le récit plein d’intérêt de la conversion de Henri IV, des causes qui la déterminèrent. Les Lettres de ce prince confirment l’authenticité des récits de Palma Cayet, d’Hardouin de Péréfixe et de de Bury (Histoire de la vie de Henri IV, roi de France et de Navarre), que nous reproduirons en tout ce qui concerne l’histoire de la conversion du premier des Bourbons.

L’homme ne s’étant jamais démenti dans Henri IV, il n’est pas sans intérêt et surtout sans utilité de rechercher quels liens retinrent si longtemps ce prince dans le sein du protestantisme. Né d’un père et d’une mère catholiques, Henri entra, dès sa naissance, dans l’Église catholique par le baptême qu’il reçut des mains du cardinal d’Armagnac, évêque de Rodez et vice-légat d’Avignon. Ses deux parrains (Henri II, roi de France, et Henri d’Albret, roi de Navarre, son grand-père) ainsi que sa marraine (Madame Claude de France) étaient catholiques. Nous insistons sur ces particularités, parce que le souvenir de son baptême catholique influa toujours sur Henri IV et ne fut pas un des moindres motifs qui déterminèrent sa conversion.

Né en 1553, ce prince perdit son père en 1562. Ce ne fut qu’à son retour de la cour de France en Béarn que Jeanne d’Albret, sa mère, « embrassa ouvertement le calvinisme ; mais elle laissa son fils auprès du roi (Charles IX), sous la conduite d’un sage précepteur, nommé la Gaucherie, lequel tâcha de lui donner quelque teinture des Lettres, non par les règles de Grammaire, mais par les discours et les entretiens. Pour cet effet il lui apprit par cœur plusieurs belles sentences, comme celle-ci : Ou vaincre avec justice, ou mourir avec gloire ; et cette autre : Les princes sur leur peuple ont autorité grande, / Mais, Dieu plus fortement dessus les rois commande. »

Le jeune prince n’avait que treize ans lorsque la Gaucherie mourut (1566) ; sa mère le fit revenir en Béarn et elle lui donna pour précepteur « Florent Chrétien,… tout à fait huguenot, et qui selon les ordres de cette reine, éleva le prince dans cette fausse doctrine », écrit Hardouin de Péréfixe. A l’âge de seize ans, il fut mis à la tête du parti protestant et apprit l’art de la guerre sous la conduite de Coligny. La sagesse de Henri lui acquit l’estime et la confiance de Charles IX et d’Henri III ; mais, trop de périls l’environnant à la cour de France, il s’enfuit, rentra dans le parrti huguenot, le seul parti qu’il pût avoir ; et quittant l’Église catholique, professa de nouveau sa première religion. Il est à croire, dit Péréfixe, qu’il le fit parce qu’il était persuadé qu’elle était la meilleure ; ainsi sa faute serait en quelque façon digne d excuse, et l’on ne pourrait lui reprocher que de n’avoir pas eu les véritables lumières. »

téléchargement (5)Il n’était pas aveuglément fanatique, car en 1577, les députés des États de Blois l’engagèrent à rentrer dans la religion catholique, il répondit à l’archevêque de Vienne qui portait la parole, « qu’il n’était point opiniâtre sur l’article de la religion ; qu’il avait toujours cru que celle qui lui avait été annoncée dès son enfance était la meilleure ; que la voie la plus sûre pour lui persuader le contraire n’était pas la guerre dont on le menaçait et qui achèverait la désolation du royaume », rapporte de Bury.

Quelques années après, lorsque Henri III envoya le duc d’Epernon à ce prince, pour l’assurer de son amitié et de ses bonnes intentions, l’inviter à venir à la cour et lui persuader que l’unique moyen de faire avorter les desseins de la Ligue était de changer de religion, Henri de Navarre lui répondit « qu’il conserverait inviolablement toute sa vie l’attachement et la reconnaissance dont il était pénétré pour Sa Majesté ; (…) qu’à l’égard de la religion, il n’était point opiniâtre sur cet article ; que lorsqu’on l’aurait convaincu qu’il était dans l’erreur, il ne balancerait pas à changer, n’ayant rien de plus à cœur que de contribuer de tout son pouvoir à la tranquillité de l’État. » Dès cette époque, et comme sous l’empire d’un pressentiment prophétique, le pape Sixte-Quint, si bon connaisseur en fait d’hommes, disait : « La tête de ce prince est faite exprès pour la couronne de France. »

Cependant, Henri III est frappé par le poignard de Jacques Clément ; le roi de Navarre accourt recueillir son dernier soupir et témoigne la plus grande douleur à la vue d’un si horrible attentat. « Il faudrait, dit de Bury, un peintre bien habile pour nous représenter d’un coup d’œil, dans un tableau, la scène qui se passait dans la chambre de Henri III. On verrait le roi de Navarre pénétré de la plus grande affliction, à genoux près du lit du roi, tenant entre ses mains celle de ce prince, qu’il arrosait de ses larmes, sans pouvoir proférer une seule parole ; Henri III, moribond, lui montrant d’un côté le corps de Notre-Seigneur entre les mains du ministre de l’Église, et de l’autre la couronne de France, pour faire connaître à Henri qu’elle serait toujours vacillante sur sa tête, s’il ne la faisait soutenir par la religion catholique, à laquelle il l’exhortait de se soumettre. On verrait les seigneurs catholiques, dans une contenance respectueuse, approuver par leurs gestes les discours du roi. »

Le 2 août 1589, vers quatre heures du matin, le roi de Navarre, âgé de trente-cinq ans, devint roi de France, par la mort de Henri III. Le même jour, il adressait aux principales villes du royaume une circulaire, où nous lisons ces lignes dignes de remarque : « Il a plu à Dieu nous appeler (…) à la succession de cette couronne, ayant bien délibéré aussi de donner tout le meilleur ordre que faire se pourra, avec le bon conseil et avis des princes et autres principaux seigneurs, à ce qui sera du bien et conservation de l’Etat, sans y rien innover au fait de la religion catholique, apostolique et romaine, mais la conserver de notre pouvoir, comme nous en ferons plus particulière et expresse déclaration » (Lettres missives de Henri IV).

A la suite d’une assemblée, la noblesse de France fit promesse à Henri de le reconnaître pour roi, à ces conditions : « 1° Pourvu qu’il se fît instruire dans six mois ; car, on présupposait que l’instruction causerait nécessairement la conversion. 2° Qu’il ne permît aucun exercice que de la religion catholique. 3° Qu’il ne donnât ni charge, ni emploi aux huguenots. 4° Qu’il permît à l’assemblée de députer vers le pape, pour lui faire entendre et agréer les causes qui obligeaient la noblesse de demeurer au service d’un prince séparé de l’Église romaine

« (…) Le roi leur accorda facilement tous les points qu’ils demandaient, hormis le second. Au lieu duquel il s’engagea de rétablir l’exercice de la religion catholique, par toutes ses terres, et d’y remettre les ecclésiastiques dans la possession de leurs biens. Il fit dresser une déclaration de cela, et après que les seigneurs et gentilshommes de marque l’eurent signée, il l’envoya à cette partie du Parlement, qui était séante à Tours, pour la vérifier », nous apprend Péréfixe.

Henri IV aurait peut-être dès lors change de religion, pour donner aux seigneurs catholiques la satisfaction qu’ils demandaient : il était assez éclairé pour connaître celle qui était la véritable ; mais, la politique l’obligeait d’avoir de la condescendance pour les huguenots. Leur parti était trop considérable, pour qu’on ne le ménageât pas. D’ailleurs, dès lors, —comme par le passé, — il parlait toujours avec respect du pape et des prêtres, rapporte de Bury. Plus nous avançons et plus nous recueillons des preuves de la foi et de la piété de ce grand cœur, si plein de noblesse et de franchise.

Sur le champ de bataille d’Ivry (14 mars 1590), au moment d’engager le combat, « il leva les yeux au ciel, et joignant les mains, appela Dieu à témoin de son intention, et invoqua son assistance, — le priant de vouloir réduire les rebelles à reconnaître celui que l’ordre de la succession leur avait donné pour légitime souverain. Mais, Seigneur (disait-il), s’il t’a plu en disposer autrement, ou que tu voies que je dusse être du nombre de ces rois que tu donnes en ta colère, ôte moi la vie avec la couronne ; agrée que je sois aujourd’hui la victime de tes saintes volontés ; fais que ma mort délivre la France des calamités de la guerre, et que mon sang soit le dernier qui soit répandu en cette querelle », nous révèle Péréfixe.

On sait quelle fut l’issue de cette glorieuse journée. Vainqueur de ses ennemis, Henri IV rapporta tout l’honneur de l’avantage à Dieu seul. « Il a plu à Dieu — écrivait-il le soir même de la bataille d’Ivry — de m’accorder ce que j’avais le plus désiré : d’avoir moyen de donner une bataille à mes ennemis ; ayant ferme confiance que, en étant là, il me ferait la grâce d’en obtenir la victoire, comme il est advenu cejourd’hui… La bataille s’est donnée, en laquelle Dieu a voulu faire connaître que sa protection est toujours du côté de la raison. C’est un œuvre miraculeux de Dieu, qui m’a premièrement voulu donner cette résolution de les attaquer, et puis la grâce de le pouvoir si heureusement accomplir. Aussi à lui seul en est la gloire, et de ce qu’il en peut, par sa permission, appartenir aux hommes, elle est due aux princes, officiers de la Couronne, seigneurs et capitaines (…) Je vous prie surtout d’en faire rendre grâce à Dieu, lequel je prie vous tenir en sa sainte garde. » Le même jour, il écrivait au duc de Longueville : « Nous avons à louer Dieu : il nous a donné une belle victoire… Dieu a déterminé selon son équité (…) Je puis dire que j’ai été très bien servi, mais surtout évidemment assisté de Dieu, qui a montré à mes ennemis qu’il lui est égal de vaincre en petit ou grand nombre. »

A un vaillant capitaine, il dit : « Monsieur de La Noue, Dieu nous a bénis… Dieu a montré qu’il aimait mieux le droit que la force (…) Que nous puissions cueillir les fruits de la guerre que le bon Dieu nous a faits. » Le 18 mars, il écrit au maire et aux jurats de Bordeaux : « Nous avons voulu vous faire part de cette nouvelle, pour vous exhorter premièrement en rendre grâces à Dieu, à qui seul en est la gloire, ayant par plusieurs effets particuliers et admirables témoigné en cette occasion qu’il est toujours protecteur des bonnes causes et ennemi des mauvaises, et avec les actions de grâces y joindre vos dévotes prières, à ce qu’il lui plaise continuer sa bénédiction sur notre labeur jusqu’à la perfection de notre dessein, qui n’est que la paix et union universelle de tous nos sujets et la tranquillité en tout ce royaume. »

La clémence et la générosité d’Henri IV furent égales à sa bravoure, « et la manière dont il usa de la victoire fut une preuve certaine qu’il la tenait de sa conduite plutôt que de la fortune », rapporte Péréfixe. Des bataillons suisses avaient combattu contre lui dans les rangs de ses ennemis ; non seulement il leur pardonna, mais encore il les fit reconduire dans leur pays, adressant aux cantons de bonnes paroles qui les touchèrent profondément et dont ils se montrèrent toujours reconnaissants. Il tint la même conduite généreuse à l’égard des Français, ses adversaires, qu’il venait de vaincre. « Il n’eut rien plus à cœur que de faire connaître à ses sujets qu’il désirait épargner leur sang, et qu’ils avaient affaire à un roi clément et miséricordieux, non pas à un cruel et impitoyable ennemi. Il fit crier dans la déroute : Sauvez les Français… Il prit à merci tous ceux qui demandaient quartier, et en arracha tant qu’il put des mains des soldats, acharnés à la tuerie ».

Et combien religieuse fut la conduite d’Henri IV, lorsqu’en 1589, étant entré dans Paris, il empêcha le pillage et la profanation des églises ; c’était le jour de la Toussaint : grâce à l’ordre parfait que le roi sut faire régner, les offices eurent lieu au milieu du plus grand calme, et les catholiques de son armée y assistèrent pieusement avec les Parisiens. Malheureusement Henri IV fut obligé de s’éloigner, et ce ne fut que l’année suivante qu’il put revenir sous les murs de la capitale. En peu de temps, Paris fut réduit aux horreurs de la famine ; « le cœur du roi fut tellement serré de douleur (à cette nouvelle), que les larmes lui en vinrent aux yeux, et s’étant un peu détourné pour cacher cette émotion, il jeta un grand soupir avec ces paroles : O Seigneur t tu sais qui en est la cause ; mais, donne-moi le moyen de sauver ceux que la malice de mes ennemis s’opiniâtre si fort à faire périr.

« En vain les plus durs de son conseil, et spécialement les huguenots, dit Péréfixe, lui représentèrent que ces rebelles ne méritaient point de grâce ; il se résolut d’ouvrir le passage aux innocents. Je ne m’étonne pas (dit-il), si les chefs de la Ligue et si les Espagnols ont si peu de compassion de ces pauvres gens-là, ils n’en sont que les tyrans ; mais, pour moi qui suis leur père et leur roi, je ne puis pas entendre le récit de ces calamités sans en être touché jusqu’au fond de l’âme et sans désirer ardemment d’y apporter remède. Je ne puis pas empêcher que ceux que la fureur de la Ligue possède ne périssent avec elle ; mais, quant à ceux qui implorent ma clémence, que peuvent-ils mais du crime des autres ? Je leur veux tendre les bras. »

Ce jour-là même, plus de quatre mille malheureux sortirent de Paris, et dans le transport de leur reconnaissance, ils criaient : « Vive le roi ! » A l’exemple de Henri IV, ses officiers et ses soldats firent passer des vivres aux Parisiens et sauvèrent la vie à une foule de pauvres familles. La conduite du roi fut empreinte d’un caractère tout particulier de respect à l’égard des prêtres catholiques.

Le moment approchait où les bonnes dispositions de Henri IV et sa piété allaient le préparer à écouter la voix de l’Église catholique. Les huguenots, effrayés de la perspective de cette conversion qui ruinait leurs projets ambitieux, sollicitèrent Elisabeth et les princes protestants d’Allemagne « de lui envoyer de grandes forces », par le moyen desquelles ils croyaient le faire venir à bout de la Ligue, « après quoi il n’aurait plus besoin de se convertir, et a que cependant ils le tiendraient toujours obsédés a par ces troupes étrangères. En effet, Elisabeth, qui avait une extrême ardeur pour la religion protestante, s’intéressa fort dans la cause de ce roi, l’assista toujours généreusement, et sollicita avec chaleur les princes d’Allemagne d’y concourir avec elle. Au même temps (1591), les huguenots pressaient à toute force qu’on leur donnât un édit pour l’exercice libre de leur religion. Ils le poursuivirent si fortement, qu’il fallut le leur accorder, et on l’envoya au parlement séant à Tours ; mais, on ne put jamais obtenir qu’il le vérifiât qu’avec ces mots : « par provision seulement ; se montrant aussi ennemi de cette fausse religion, qu’il l’était des factions de la Ligue. »

téléchargement (6)Sur ces entrefaites mourut Sixte-Quint, dont Henri IV appréciait le caractère et dont il avait reçu plus d’une invitation paternelle de se convertir. Enfin, en 1593, le roi consentit à se faire instruire « par des moyens qui ne fissent point de tort à sa dignité et à sa conscience », et il permit aux catholiques de son parti de faire savoir au pape (Grégoire XIV) quelles étaient ses dispositions. « Il ne faut pas douter — dit de Bury, — que ce prince, après ce qui s’était passé depuis la mort de Henri III, et la promesse qu’il avait faite aux seigneurs catholiques de son parti de se faire instruire, n’eût fait les plus sérieuses réflexions sur ce qui concernait sa conscience ; il était trop instruit pour n’avoir pas reconnu la différence qu’il y avait entre les deux religions.

« La religion catholique était si ancienne et si authentiquement établie par une suite de miracles incontestables et par une tradition non interrompue depuis tant de siècles… qu’il n’était pas possible à un cœur droit, qui cherche la vérité, de ne la pas préférer à une religion toute nouvelle dont les auteurs n’avaient donné aucune preuve de leur mission, et étaient connus pour n’avoir agi que par des mouvements purement humains et intéressés, et dans le dessein d’anéantir la hiérarchie ecclésiastique. Henri avait été témoin de tout le sang que le protestantisme avait fait répandre dans le royaume et des désordres qu’il y avait causés.

« La politique, dont Dieu permet quelquefois que les hommes se servent pour accomplir les desseins qu’il a sur eux, empochait Henri de se livrer à ce qu’il entrevoyait lui être plus utile. Elle lui avait servi pour retenir les Huguenots dans son parti et lui aider, par leur secours, à venir à bout de ses ennemis : elle lui faisait appréhender que s’il quittait cette religion, ils ne l’abandonnassent et ne l’empêchassent de terminer une guerre longue et cruelle, qui réduisait à la dernière misère des peuples qu’il chérissait et qu’il voulait rendre heureux. Enfin, la providence, secondant la bonté de son cœur et la droiture de ses sentiments, lui inspira le désir de rentrer dans la religion catholique, en lui faisant connaître tous les avantages que ses sujets en retireraient et la gloire qu’il acquerrait lui-même.

« Il prit donc la ferme résolution de quitter la religion protestante ; et pour cet effet, il écrivit à plusieurs archevêques, évêques et doctes personnages du royaume des lettres de cachet, pour les prier de se rendre auprès de lui, le 15 juillet, désirant d’être instruit par eux dans la religion catholique, apostolique et romaine, à quoi il promettait qu’ils le trouveraient tout disposé, ne cherchant que la voie la plus sûre pour faire son salut », écrit de Bury. C’est alors qu’eut lieu au village de Suresnes, près de Paris, une fameuse Conférence au sujet de l’instruction et de la conversion du roi, entre l’archevêque de Bourges, MM. de Chavigny, de Rambouillet, de Schomberg, de Bellièvre, de Pontcarré, de Thou, Revol et de Vic, pour Henri IV ; et d’autre part l’archevêque de Lyon, l’évêque d’Avranches, l’abbé de Saint-Vincent, MM. de Villars, Averson, Jeanin, de Pontarlier, de Montigny, du Pradel, Le Maistre, Bernard, Dulaurens et de Villeroi, de la part des États.

Parcourons la correspondance de Henri IV, à cette époque, pour y trouver l’expression franche et sincère de ses sentiments religieux. Le 8 mai 1593, il écrivait au duc de Nivernais, pair de France : « Lesdits députés de part et d’autre promettent beaucoup de fruit de ladite conférence, ce que je désire plus que chose du monde, pour le repos général de mon royaume : à quoi je tiendrai la main et apporterai de ma part tout ce que je pourrai pour le repos de mon royaume et le contentement de tous mes sujets catholiques. »

Et deux jours après, il dit au prince de Conti, que les partisans de l’Espagne essaient de paralyser, de toutes les manières possibles, l’heureux effet de la nouvelle de son retour à la foi catholique, qu’ils prétendent n’être qu’une feinte et une tactique toute politique de sa part pour se maintenir sur le trône de France. « Je vous prie de vous trouver (le 10 juillet prochain), pour mettre la main à un si bon œuvre, si profitable, avec l’aide de Dieu, qui en fera, s’il lui plaît, sortir le fruit conforme au désir des gens de bien. »

Henri IV s’ouvre entièrement et sans réserve à l’évêque de Chartres (le 18 mai) : « Le regret que je porte des misères où ce royaume est constitué par quelques-uns qui, sous le faux prétexte de la religion, duquel ils se couvrent, ont enveloppé et traînent lié avec eux en cette guerre le peuple ignorant leurs mauvaises intentions, et le désir que j’ai de reconnaître envers mes bons sujets catholiques la fidélité et affection qu’ils ont témoignées, et continuent chaque jour, à mon service, par tous les moyens qui peuvent dépendre de moi, m’ont fait résoudre, pour ne leur laisser aucun scrupule, s’il est possible, à cause de la diversion de ma religion, en l’obéissance qu’ils me rendent, de recevoir au plus tôt instruction sur les différends dont procède le schisme qui est en l’Eglise, comme j’ai toujours fait connaître et déclaré que je ne la refuserai ; et n’eusse tant tardé d’y vaquer, sans les empêchements notoires qui m’y ont été continuellement donnés. Et bien que l’état présent des affaires m’en pourrait encore juste ment dispenser, je n’ai toutefois voulu différer davantage d’y entendre, ayant à cette fin avisé d’appeler un nombre de prélats et docteurs catholiques, par les bons enseignements desquels je puisse, avec le repos et satisfaction de ma conscience, être éclairci des difficultés qui nous tiennent séparés en l’exercice de la religion. »

« Et d’autant que je désire que ce soient personnes qui, avec la doctrine, soient accompagnées de piété et prudhommie, a n’ayant principalement autre zèle que l’honneur de Dieu, comme de ma part j’y apporterai toute sincérité, et qu’entre les prélats et personnes ecclésiastiques de mon royaume, a vous êtes l’un desquels j’ai cette bonne opinion ; à cette cause, je vous prie de vous rendre près de moi en cette ville (de Mantes), le 15e jour de juillet, où je mande aussi à quelques autres de votre profession se trouver en même temps, pour tous ensemble tendre à l’effet les efforts de votre devoir et vocation ; vous assurant que vous me trouverez disposé et docile à tout ce que doit un roi très-chrétien, qui n’a rien plus vivement gravé dans le cœur que le zèle du service de Dieu et le maintien de sa vraie église. »

Et dans une lettre circulaire, qui fut très répandue, Henri IV répétant les mêmes protestations de sa sincérité, ajoute : « Nous sommes très disposé à recevoir et suivre ce que par bons enseignements l’on nous fera connaître appartenir à la vraie piété et religion. » La franchise du roi le porta à avertir ses coreligionnaires de l’ouverture de la conférence de Suresnes, et tout en leur faisant pressentir l’issue probable de cette conférence, il les assura de son affection et de sa bienveillance, comme par le passé (lettre du 25 mai). Le 30 mai, écrivant au grand-duc de Toscane, le roi de France lui montre son désir de plus en plus ardent de rentrer dans le sein du catholicisme, n’imputant son retard à le faire qu’à la difficulté des temps et à la mauvaise volonté de certains chefs de la Ligue :

« Quoique les mêmes empêchements qui continuent toujours la part de mes ennemis, avec la même animosité et rigueur qu’ils ont accoutumé, me pourraient encore justement excuser de cette action, si j’avais intention de la tirer en longueur, ou frustrer mes dits bons sujets de leur désir et attente, ainsi que mes ennemis en veulent faire valoir l’opinion, à la justification de leurs faux prétextes, toutefois, je me suis résolu de surmonter les susdites incommodités pour accélérer le contentement des uns, faire voir à découvert les mauvaises intentions des autres (…) ; et à cet effet j’ai convoqué auprès de moi, au 20e de juillet prochain, plusieurs prélats et docteurs catholiques, pour mon instruction et me résoudre avec eux des points qui nous ont jusques ici tenus séparés les uns des autres, en la foi et créance de la religion, espérant que Dieu assistera de sa grâce par son Saint-Esprit, cette mienne résolution selon le saint zèle que j’y apporte, qui ne tend qu’à embrasser et suivre la vraie voie de mon salut. »

L’opposition systématique de certains chefs de la Ligue continuait toujours à l’endroit de Henri IV ; ils n’épargnaient rien pour semer dans l’esprit du peuple le doute et la défiance au sujet des intentions du roi, — comme le prouve une longue lettre d’Henri IV au marquis de Pisany. On y voit la prudence, la sagesse, la franchise et surtout la patience inaltérable de ce prince en face des odieuses menées de ses ennemis et de ceux de la France. Il avait été à même d’apprécier la conduite pleine de tact de René Benoît, curé de Saint-Eustache, un des hommes les plus savants de cette époque ; il l’appela à Mantes près de lui, pour être un des docteurs qu’il chargeait du soin de l’instruire dans la vraie foi :

« Dès l’heure que j’ai eu la volonté de penser à ma conversion, j’ai jeté l’œil sur vous pour être l’un de ceux desquels j’aurai l’assistance fort agréable à cette occasion. La réputation de votre doctrine, laquelle est suivie d’une vie non moins louable, me fait espérer de recevoir beaucoup de service et de contentement de vous, si j’en suis assisté. Ce qui est cause que je vous fais ce mot pour vous faire connaître combien je l’aurai agréable ; même que vous prépariez, à cet effet, quelques-uns de votre collège, que vous connaîtrez avoir la crainte de Dieu et être accompagnés d’esprit doux, et aimant le bien et repos de mes sujets… » En attendant, « que j’aie part en vos prières. »

Dans les premiers jours de juillet de la même année, le roi exprimait à l’archevêque de Bourges son vif désir de rentrer dans le sein de l’Église catholique, en dépit de la difficulté des temps et des complots de ses ennemis : mon intention serait plutôt de devancer la conférence que de la reculer, tant j’en désire les effets, espérant bien que ceux qui publient que ce que je propose faire est à fard et à feintise auront toute occasion de s’en dédire, et les effets contraires à leurs opinions se reconnaîtront si près d’eux que, s’ils n’en veulent être les témoins, ils en pourront au moins avoir souvent de bien certaines nouvelles (…) J’espère que Dieu me fera la grâce d’y porter l’esprit vide de toute autre passion que ce qui est de sa gloire, de mon salut et du bien de cet État. »

Le 12 juillet, Henri IV écrivit au consistoire de Nîmes, à propos des complots formés contre la France par les protestants, qui prenaient prétexte de la prochaine abjuration du roi, pour troubler le pays. Malgré ce nouvel embarras, le 16 juillet il mandait M. de Rambouillet : « Vous savez que le 20e de ce mois approche, qui est le jour auquel j’ai assigné la convocation que je fais faire à Saint-Denis pour y recevoir l’instruction à laquelle je me suis disposé dès mon avènement à cette couronne. Et, comme aussitôt après, je délibère de m’y faire sacrer et couronner, suivant les anciennes coutumes observées par les rois mes prédécesseurs, et qu’en une si célèbre solennité que sera celle-là, il faut que les choses se fassent avec les mêmes cérémonies qui, de tout temps, ont été gardées en pareil cas, etc. »

Ici, laissons parler un témoin oculaire, un contemporain non suspect, l’ex-ministre protestant Palma Gayet, qui assista aux conférences que nécessita l’instruction du roi. « Dieu depuis longtemps avait touché le roi sur la réalité au sacrement de l’Eucharistie, et qui, toutefois, était encore en doute sur trois points, savoir ; de l’invocation des saints, de la confession auriculaire et de l’autorité du pape. » A l’ouverture de la conférence, le roi disait à M. d’Ossat : « Vous savez la déclaration que j’ai faite, à mon avènement à la couronne, de me laisser instruire en la religion catholique et romaine. Vous savez aussi l’intention pour laquelle j’ai permis que les princes et seigneurs catholiques aient envoyé des ambassadeurs et des agents vers le pape, pour aviser au moyen de mon instruction et de ma conversion. »

Puis, apprenant à M. d’Ossat son intention de se faire instruire en la foi catholique, il ajouta : « J’espère que Dieu nous regardera de son œil de miséricorde, et donnera à mon peuple le fruit de la paix tant désirée. Je sais que les rois qui ont plus de pitié de leurs peuples s’approchent aussi plus près de Dieu, qui fera réussir mon dessein à sa gloire… Nul ne peut douter que quand même je me fusse déclaré catholique dès mon avènement à cette couronne, que, pour cela, mon peuple n’eût pas eu la paix ; ceux de la religion les huguenots) eussent pu désirer un protecteur particulier, et il y eût eu du danger de ce côté, vu ce qui s’en est passé autrefois, etc. » Ces paroles charmèrent M. d’Ossat, et lui firent concevoir l’espérance bien fondée de la prochaine conversion de Henri IV.

« Avant que de dire ce qui se passa en cette conférence, dit Palma Cayet, comme j’ai dit ci-dessus, que, dès longtemps, le roi croyait la réalité au sacrement de l’Eucharistie, je rapporterai ici quelques particularités qui se sont passées sur ce qu’il a été quelquefois repris de se convertir. Environ l’an 1584, (…) on conseilla audit sieur roi de Navarre de chercher les moyens de se réconcilier avec le Saint-Siège. Le sieur de Ségur, un des principaux conseillers, en communiqua même avec quelques ministres qu’il jugeait être traitables, pour aviser aux moyens de se réunir à l’Église catholique romaine, ce que l’on désirait faire doucement et sans en faire grand bruit. Sa Majesté s’y trouva tellement portée, qu’en un discours particulier il dit à un des ministres de sa maison : Je ne vois ni ordre ni dévotion en cette religion (la protestante) ; elle ne gît qu’en un prêche qui n’est autre chose qu’une langue qui parle bien français ; bref, j’ai ce scrupule qu’il faut croire que véritablement le corps de Notre-Seigneur est au sacrement, autrement tout ce qu’on fait en la religion n’est qu’une cérémonie. »

« Or, du depuis, les remuements de la Ligue commencèrent. Ledit sieur de Ségur (…) manda à Sa Majesté qu’il n’était pas temps de parler de conversion, et, quoiqu’il le lui eût conseillé, qu’il ne fallait pas qu’il le fît encore, parce qu’étant prince souverain dans ses pays, il ne devait ployer sous la volonté de ses ennemis ; mais, devait s’évertuer de maintenir sa liberté et défendre sa religion, jusques à tant que, par bonne instruction paisiblement et volontairement, il fût satisfait de tous doutes. A cet avis se conforma celui de tout son conseil. On ne trouva que trop de raisons d’État pour le lui persuader ; toutefois, on a tenu que, sans l’avis d’un opinant en son conseil, celte conversion se fût poursuivie et qu’il fût venu, dès ce temps-là trouver le roi…. » Les autres sont de contraire opinion, et disent que les princes de la Ligue n’eussent pas laissé de prendre les armes, et qu’ils « n’en voulaient pas tant à la religion qu’à la couronne. »

« Depuis que ce prince eut été contraint de prendre les armes, il ne laissa toutefois, au plus fort même de ses affaires, de conférer particulièrement avec ceux qu’il jugeait doctes des points principaux de sa religion, et se rendit tellement capable de soutenir des points débattus par les ministres, selon leur façon de faire, que plusieurs fois il en a étonné des plus entendus d’entre eux. On dira que c’était pour le respect de Sa Majesté ; mais, je dirai que c’est de la seule vivacité de son esprit et l’exact jugement qu’il fait de toutes choses, en quoi il ne reçoit aucune comparaison avec prince ou philosophe qui ait jamais été ; (…) si bien qu’il connaît les affections à la mine et les pensées au parler.

« II continua toujours celte forme d’instruction ; même, étant venu à la couronne de France, il m’envoya (à moi qui écris) mandement par bouche et lettres, (…) à ce que j’eusse à lui en dire mon avis sommairement ; ce que je fis en trois grandes feuilles de papier, lesquelles le sieur Hesperien, ministre, lui porta et se les fit lire durant qu’il assiégeait la ville de Vendôme. Depuis, Sa Majesté a toujours continué cette recherche d’instruction par écrits et en devis (conversations) particuliers avec gens doctes, jusques à ce temps ici qu’il donna sa parole au sieur d’Ossat d’embrasser tout à fait la religion catholique, et, pour quelques difficultés qu’il avait encore, de s’en faire résoudre par les prélats. »

Maintenant, continuons ce récit par la bouche de Péréfixe, qui était bien instruit :

téléchargement (7)« Le roi vint à Saint-Denys, où se rendirent plusieurs prélats et docteurs, par le soin desquels il s’était fait instruire. Un historien rapporte que le roi faisant faire devant lui une conférence entre les docteurs de l’une et de l’autre Église, et voyant qu’un ministre tombait d’accord qu’on se pouvait sauver dans la religion des catholiques, Sa Majesté prit la parole, et dit à ce ministre : Quoi ! tombez-vous d’accord qu’on puisse se sauver dans la religion de ces messieurs-là ? » Le ministre répondant qu’il n’en doutait pas, pourvu qu’on y vécût bien, le roi repartit très judicieusement : La prudence veut donc que je sois de leur religion, et non pas de la vôtre, parce qu’étant de la leur, je me sauve selon eux et selon vous, et étant de la vôtre, je me sauve bien selon vous, mais non pas selon eux. Or, la prudence veut que je suive le plus assuré.

« Ainsi, après de longues instructions, dans lesquelles il voulut amplement être éclairci de tous ses doutes, il abjura son erreur, fit profession de la foi catholique et reçut l’absolution dans l’église abbatiale de Saint-Denis, au mois de juillet (1593), par le ministère de Renaud de Beaune, archevêque de Bourges. Dès le jour même on vit toute la campagne, depuis Paris jusqu’à Pontoise, éclairée de feux de joie ; et grand nombre de Parisiens qui, étant accourus à Saint-Denis pour voir cette cérémonie, remportèrent à Paris une entière satisfaction et remplirent toute la ville d’estime et d’affection pour le roi ; tellement qu’on ne l’y appela plus le Béarnais, comme auparavant, mais absolument le roi. »

Le 25 juillet, Henri IV envoya, par toute la France, la lettre circulaire suivante sur son abjuration : « Suivant la promesse que nous fîmes à notre avènement à cette couronne par la mort du feu roi (,..) dernier décédé, (…) et la convocation par nous faite des prélats et docteurs de notre royaume, pour entendre à notre instruction, par nous tant désirée et tant de fois interrompue par les artifices de nos ennemis, enfin nous avons, Dieu merci, conféré, avec lesdits prélats et docteurs, assemblés (…) pour cet effet, des points sur lesquels nous désirions être éclairci ; et après la grâce qu’il a plu à Dieu nous faire par l’inspiration de son Saint-Esprit, que nous avons recherchée par tous nos vœux et de tout notre cœur pour noire salut, et satisfait par les preuves qu’iceux prélats et docteurs nous ont rendues par écrits des apôtres, des saints pères et docteurs reçus en l’Église, reconnaissant l’Église catholique, apostolique et romaine être la vraie Église de Dieu, pleine de vérité, et laquelle ne peut errer, nous l’avons embrassée et sommes résolus d’y vivre et mourir.

« Et pour donner commencement à cette bonne œuvre, et faire connaître que nos intentions n’ont eu jamais d’autre but que d’être instruits sans aucune opiniâtreté, et d’être éclaircis de la vérité et de la vraie religion pour la suivre, nous avons cejourd’hui ouï la messe, et joint et uni nos prières avec ladite Église (…) résolus d’y continuer le reste des jours qu’il plaira à Dieu nous donner en ce monde ; dont, nous vous avons bien voulu avertir, pour vous réjouir d’une si agréable nouvelle, et confondre par nos actions les bruits que nos dits ennemis ont fait courir jusqu’à cette heure, que la promesse que nous en avons ci-devant faite était seulement pour abuser nos bons sujets et les entretenir d’une vaine espérance, sans aucune volonté de la mettre à exécution : de quoi nous désirons qu’il soit rendu grâces à Dieu, par processions et prières publiques, afin qu’il plaise à sa divine bonté nous confirmer et maintenir le reste de nos jours en une si bonne et si sainte résolution. »

Le même jour, Henri IV apprit la nouvelle de son abjuration à ses anciens coreligionnaires, en ces termes pleins d’une franche dignité : « Je fais présentement une dépêche générale pour vous donner à tous avis de la résolution que j’ai faite de faire dorénavant profession de la religion catholique, apostolique et romaine… Ce que j’en ai fait n’ayant été qu’à fort bonne intention, et principalement pour la seule assurance que j’ai d’y pouvoir faire mon salut, et pour n’être en ce point différent des rois mes prédécesseurs, qui ont heureusement et pacifiquement régné sur leurs sujets, espérant que Dieu me fera la même grâce, et que par moyen seraient ôtés non seulement les prétextes, mais aussi les causes des divisions et révoltes qui minent aujourd’hui cet État ; étant pour cela mon intention qu’il ne soit fait aucune force ni violence aux consciences de mes sujets, (…) et qu’ainsi qu’il a plu à Dieu m’ordonner roi de tous mes sujets, que je les aimerai et aurai tous en égale considération. »

Une autre circulaire du roi — conçue en des termes vraiment paternels — contenait pour les villes de la Ligue un oubli complet des injures passées et une promesse entière de bonne affection pour l’avenir : « Nous savons assez par expérience combien peut en âmes consciencieuses le désir de conserver la religion et la crainte de la perdre. C’est pourquoi nous excusons la difficulté et refus que plusieurs de nos sujets ont fait jusques ici de nous reconnaître, pour la différence de la religion que nous tenions lors, avec la leur, et pour l’occasion qu’ils avaient de redouter que nous n’y voulussions apporter quelque changement (…) Notre domination légitime leur sera aussi douce et profitable que l’état où ils sont à présent réduits leur est ruineux et insupportable. »

Voici enfin quelques fragments des lettres qu’Henri IV écrivait alors au pape, pour lui apprendre son abjuration et l’assurer de la sincérité de son dévouement :

« Très-Saint-Père,

« Ayant, par l’inspiration qu’il a plu à Dieu me donner, reconnu que l’Église catholique, apostolique et romaine est la vraie Église pleine de vérité et où gît le salut des hommes, conforté encore en cette foi et créance par l’éclaircissement que m’ont donné les prélats et docteurs en la sainte faculté de théologie (que j’ai à cette fin assemblés), des points qui m’en ont tenu séparé par le passé, je me suis résolu de m’unir à cette sainte Église, très résolu d’y vivre ou mourir, avec l’aide de Celui qui m’a fait la grâce de m’y appeler, (…) et de rendre l’obéissance et respect dus à Votre Sainteté et au Saint-Siège ; (…) et m’assurant, Très-Saint-Père, que Votre Sainteté ressentira la joie de cette sainte action, (…) j’ai bien voulu (…) lui donner par ce peu de lignes de ma main ce premier témoignage de ma dévotion filiale envers Elle, la suppliant très affectueusement de l’avoir agréable et recevoir d’aussi bonne part comme elle procède d’un cœur très sincère et plein d’affection, de pouvoir par mes actions mériter sa sainte bénédiction…

« Votre bon et dévot fils, Henry »

Et cet autre extrait : « Je supplie Votre Sainteté , autant affectueusement qu’il m’est possible, de prendre entière confiance et assurance de la foi que d’Ossat lui donnera de ma part de l’honneur que je lui veux rendre, croyant, s’il lui plaît, que si je n’avais intention de mériter les bonnes grâces et faveurs de Votre Sainteté, pour être utile à la religion et à la chrétienté, (…) je ne m’engagerais à Votre Sainteté, ni en la recherche de sa bienveillance, si librement et rondement que je fais. Mes ennemis me peuvent bien passer en artifice et dissimulation, mais non en franchise et candeur. »

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Expression : À tout péché miséricorde

Posté par francesca7 le 25 février 2014

     

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Signification : Toute faute mérite l’indulgence.

Origine : Maxime devenue expression française dont les origines remontent à la fin du XVIIème siècle qui a servi à l’époque de Richelieu à exprimer le fait qu’il ne faut pas vouloir ou souhaiter la mort du pécheur. En effet, elle va être une sorte de conseil ou d’avertissement aux gens réputés sévères de ne pas juger hâtivement les autres et avoir assez de cœur à pardonner ceux qui tendent à se repentir.

Exemple d’utilisation : Et s’il a des remords et veut vous accompagner, emmenez-le. A tout péché miséricorde.

Cette petite phrase peut être considérée plutôt comme une maxime plutôt que comme un proverbe. Elle sert d’avertissement, d’une part, aux personnes trop sévères, de ne jamais être sans pitié pour les coupables ; d’un autre côté, elle donne à entendre aux coupables qu’il n’y a pas de faute qui ne puisse leur être pardonnée, ni même être effacée complètement par le repentir.

La bienveillance est une forme de la charité, et il faut être indulgent pour les autres, si l’on veut qu’ils le soient, à leur tour, pour nous.

 Dans les trois morts que Jésus ressuscita corporellement, nous pouvons trouver avec raison un signe et une figure des résurrections spirituelles qui s’opèrent par la foi.

Jésus ressuscita la fille du chef de la synagogue encore couchée dans sa maison (Mc., V, 42). Il ressuscita le jeune homme, fils de la veuve que l’on emportait hors des portes de la ville (Lc. VII, 15). Il ressuscita Lazare au tombeau depuis quatre jours (Jn. XII, 44).

Que chacun regarde son âme ; si elle pèche, elle meurt : le péché est la mort de l’âme.

Quelquefois le péché n’est commis qu’en pensée. Tu es attiré par le mal ; tu as consenti, tu as péché ; ce consentement t’a tué ; mais la mort est au-dedans de l’âme,

Parce que la Pensée du mal n’est pas encore allée jusqu’à l’acte. Pour nous donner une image de la résurrection d’une telle âme, Notre Seigneur ressuscita cette enfant qui n’avait pas encore été enlevée hors de sa demeure mais qui était couchée, morte, dans sa maison ; symbole de l’âme dont le péché reste secret.

Mais si tu as non seulement consenti à une délectation mauvaise, si tu es allé jusqu’à commettre le mal, tu es comme un mort qu’on enlève hors des portes de la ville ; te voila dehors, tu es un mort qu’on emporte, Et pourtant celui-là aussi le Seigneur l’a ressuscité et l’a rendu à sa mère, la veuve. Si tu as péché, repens-toi et le Seigneur te ressuscitera et te rendra à l’Eglise ta mère.

Le troisième mort est Lazare. C’est un genre de mort affreux, on l’appelle habitude mauvaise. Car c’est une chose que de pécher mais c’est une autre que de prendre l’habitude de pécher. Celui qui pèche et se corrige aussitôt revient bien vite à la vie, il n’est pas encore enchaîné par l’habitude, il n’est pas enterré. Mais celui qui s’habitue à pécher, il est au tombeau et on peut dire de lui «  il sent déjà  »car sa mauvaise réputation se répand comme une odeur infecte. Tels sont tous les pécheurs accoutumés au crime, et perdus de mœurs. Tu dis à et homme: «  garde-toi de faire le mal.  » Mais comment peut-il t’entendre, lui qui est si enfoncé dans la terre, rongé par la corruption, écrasé sous le poids de ses mauvaises habitudes ? Et cependant, même pour celui-là, pour le ressusciter, le Christ n’a pas manqué de puissance.

Nous avons connu et vu, nous voyons chaque jour des hommes quitter leurs mauvaises habitudes et vivre mieux que ceux qui les blâmaient.

Tu avais cet homme en horreur. Mais voici la soeur même de Lazare (si toutefois c’est elle qui répandit des parfums sur les pieds du Seigneur, qui essuya de ses cheveux, après les avoir lavés de ses larmes), elle a été plus pleinement ressuscitée que son frère; elle fut délivrée de la masse énorme de ses mauvaises habitudes. C’était une pécheresse trop célèbre et c’est d’elle que le Seigneur a dit : beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé (Lc. VII, 47).

Nous voyons, nous connaissons beaucoup de tels pécheurs; donc que nul ne désespère, que nul n’ait trop espérance en soi. Désespérer est mal, c’est mal aussi de trop compter sur soi. Ainsi donc ne désespère pas, mais choisis bien tes motifs de confiance.

Saint Augustin

In Joannem, XLIX, 3 ; P.L., 35, 1747-1748

in La Cigogne n° 12.

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