Histoire de la mode des chaussures
Posté par francesca7 le 24 janvier 2014
Le pied et sa chaussure ont toujours eu une place capitale chez l’humain, depuis la nuit des temps. Système de mesure utilisé pendant longtemps, on en parle dans l’histoire, la littérature, les proverbes, comme celui-ci « il n’est pas indispensable de vivre sur un grand pied, mais en nous efforçant de vivre sur un pied raisonnable, en tâchant de trouver chaussure à notre pied, nous ne serons jamais des va-nu-pieds ». Et souvenez-vous dans votre enfance lorsque vos parents vous contaient l’histoire du Petit Poucet, du Chat Botté ou encore de Cendrillon et sa pantoufle de vair ! Comment est née la chaussure, comment a-t-elle évolué dans le temps ?
Naissance de la chaussure
La chaussure est née en même temps que l’humain, mais avant de porter des habits, l’homme s’est chaussé pour se protéger le pied du contact plus ou moins douloureux avec le sol. Il l’enveloppe d’une peau de bête et confectionne une semelle d’écorce ou de bois. Comme beaucoup de documents l’attestent, la chaussure est ainsi la base du costume.
Dans l’antiquité, certains grecs ou étrusques étaient nus mais chaussés de « crépides », ces sandales aux lanières enroulées autour de la jambe pour retenir la semelle, comme Caius l’empereur romain, fier de sa chaussure réalisée dans un cuir pourpre. Une sorte de botte !
Le principe de protéger le pied restera, mais avec la mode, la forme, les couleurs, les noms vont changer. Les chaussures sont au départ des galoches, des « galliculae » à semelle de bois ; puis au VII è siècle, elles sont en cuir sombre, le pied pris dans une empeigne, le talon retenu dans un haut quartier, muni de deux oreilles et serré par un cordon.
De la chaussure de Charlemagne à celle des Merveilleuses
Charlemagne portait des chaussures composées de bandelettes qui couvraient la jambe, retenues par de longues courroies de cuir croisées devant et derrière. Cela ressemblait à des tiges de bottes, la jambe étant bien maintenue pour parer aux coups lors de la chasse ou la guerre.
Puis pendant trois à quatre siècles, la chaussure évolue peu. Chez les nobles, on remplace le cuir par des étoffes en velours ou en soie brillante, serrant bien le pied. Les gens du peuple portent plus ordinairement des chaussures de cuir sombre, mieux appropriées à la boue des chemins, alors que les guerriers portent la jambière avec un soulier de fer.
Vers le début du XI è siècle, les raffinés que l’on va nommer « uncipèdes » lancent la mode des souliers aux longs bouts pointus. Rodéric Vital, chroniqueur de son temps, raconte que Foulques le Hargneux comte d’Anjou, fait créer des « pigaces », des chaussures démesurément larges et longues afin de cacher des cors dont il souffre. Pour plaire, tous les courtisans portent alors des pigaces. Cela ressemble plus à des queues de scorpion ; alors que d’autres les rembourrent de chanvre et les tordent en forme de corne de mouton, les femmes adoptent aussi ces chaussures sous le règne de Louis le Hutin.
Sous Louis VII, apparait la « heuse » première botte pour homme en cuir mou ; les « houseaux » sont des bottes en cuir de vache pour la marche forcée ou en cuir rouge de Cordoue pour les nobles montant à cheval ; la pigace disparaît ; le bout arrondi est à nouveau à la mode ; la tige de cuir remplace la lanière et la courroie ; d’après le dictionnaire de Jean de Garlande au milieu du XIII è siècle, il existe plusieurs variétés de chaussures de couleur noir, blanche, rouge, en cuir bouilli, en cuir de vache, fourrés : les souliers à lacets où la courroie est diminuée ; les souliers à boucles plus commodes, en cuivre et en argent ; les « estivaux » des bottes légères pour l’été ; celles des femmes nommées « bottes à cresperons » car elles crissent lors de la marche et les bottes « à relever de nuit » fourrées pour les moines priant dans des églises très froides en hiver. Pour les élégants, il faut un cuir fin moulant parfaitement le pied comme les 24 paires du roi Jean en 1351.
Les petits gens utilisent des « escafignons », sortes de pantoufles larges, venant du nom « scapha » signifiant la barque. N’avez-vous jamais entendu l’expression « il a des péniches » ? Les paysans usent des « bobelins », de gros souliers à semelles épaisses ; et un peu plus tard les galoches ou semelles de bois appelées « patins et socques » sont inventées pour protéger les chausses.
La forme des souliers est à bout pointu, pas autant que la pigace, mais assez pour les nommer « à la poulaine », dont l’origine vient de Pologne. Ces poulaines sont de toutes sortes : certaines ont une semelle longue, effilée, qui fouette le sol à chaque pas ; d’autres se recourbent sous le pied en forme de griffe ; elles peuvent atteindre 50 centimètres, la longueur étant en fonction du rang social de la personne ; le bout parfois attaché au genou par une chaîne et de couleur différentes pour chacune d’elles. Cette mode légèrement ridicule durera 100 ans, malgré les interdictions du souverain pontife et du roi en 1368 !
A partir du jour où Louis XI porte des chaussures courtes et carrées, on élargit les bouts à tel point que les souliers deviennent de vraies pelles et de là le proverbe « vivre sur un large pied ». Ces chaussures que vont porter Charles VIII, Louis XII et François Ier sont courtes, énormes, agrémentées de crevés, en mouton, en veau, et surtout en étoffe, souvent brodées, garnies de pierreries ou encore en velours cramoisi.
Sous Charles IX, la mode pousse non seulement à avoir deux chaussures de couleur différente mais surtout plus petites que le pied ! D’après Arthus d’Embrun « puisque le contenant est plus petit que le contenu, il faut frapper du pied et taper sur le bout. On les fixe, avec de grands liens ; c’était, à vrai dire, des lacets ».
Henri IV porte un soulier à cric ou pont-levis, avec un espace compris entre la semelle et un talon très haut. Mais comme il est souvent à cheval, il instaure de longues bottes molles en cuir de Russie. Bien qu’elles soient connues depuis longtemps, on se met à en abuser jusqu’à les porter dans les appartements et aux bals. Très hautes, elles collent à la jambe jusqu’en haut de la cuisse et sont très difficiles à enfiler, à tel point que l’on doit d’abord rester les pieds dans l’eau un bon moment pour les mettre Les patins se transformèrent aussi avec des hauteurs allant jusqu’à 33 centimètres, obtenues par une superposition de semelles jusqu’à parfois 24 épaisseurs…pour paraitre plus grand ! Une fois à la maison, on perd de la hauteur, mais on continue à utiliser des semelles en liège pour se prémunir du froid.
Sous le règne de Louis XIII grand amateur de chasse, les bottes n’arrivent qu’au milieu de la jambe, avec un revers nommé « entonnoir » garni de dentelles. A l’époque de son fils, l’entonnoir s’agrandit et une profusion de dentelles le remplit, appelé « rond de bottes ».
Cet utile entonnoir sert à cacher des armes ou transporter des objets. Les chaussures reprennent le bout carré, mais allongé presque comme une poulaine, maintenu sur le pied par une bride fixée à une large boucle. Quelques années plus tard, pour les gentilshommes admis à la Cour, le talon se fait haut et de couleur rouge jusqu’à peu avant la Révolution française, où le bout s’arrondit, le talon diminuant.En 1730, c’est la mode des souliers et des bas blancs comme on peut le lire dans le Mercure de France « les souliers sont demi-arrondis à l’anglaise, gros talons recouverts de même étoffe ». Louis XVI connait le talon haut, si haut que les dames doivent se soutenir à une canne ; la couleur des souliers en 1786 est puce ou cheveu de la Reine, ils sont luxueux à l’excès, brodés de diamant, la raie de derrière garnie d’émeraudes et on les nomme « les venez-voir ». Le soulier d’homme a une énorme boucle d’argent, couvrant l’empeigne, blessant souvent le coup-de-pied, alors que les sans culottes conservent leurs gros et lourds souliers.
Sous le Directoire avec les Incroyables et les Merveilleuses, la mode des souliers est très excentrique : souliers à cothurnes dont les lacets, enroulés symétriquement sur la jambe pour les femmes rappellent les chaussons du Moyen âge, alors que les hommes portent l’élégante botte anglaise venue de ce pays en 1779.
L’avènement de la botte La botte devient de plus en plus la chaussure générale, civile ou militaire, grande et robuste, petite et souple, de toutes formes, décorée ou simple, noire ou de couleur, c’est la chaussure de tout homme ayant un rang dans la société.
Les bottes sont diverses : de la cavalerie légère avec une tige de deux pièces, celle de devant porte les avant-pieds cambrés ; à la prussienne qui monte jusqu’au genou, dessinant le mollet et la jambe ; à la cavalière en gros cuir, échancrées sous le genou ; celle des pages avec une genouillère doublée de peau ; les gendarmes, les gardes du corps ont des bottes spéciales dont l’avant-pied est séparé de la tige ; celles des postillons qui sont fortes, énormes, cerclées de fer à l’intérieur, avec une double épaisseur de gros cuir noir pour prévenir des divers heurts ; enfin les bottes de chasses aux genouillères à soufflets, munies de chaudrons.
La botte triomphe réellement avec Napoléon toujours à cheval et en campagne ; Murat a des bottes brodées d’or, à pompon, sur du velours bleu ; tout le monde est botté du matin au soir et du soir au matin.
Après l’empereur, la botte s’assouplit et diminue en proportion, on la cache sous le pantalon et elle devient de nos jours la chaussure noble. Pour la porter, il faut du maintien, de l’élégance et surtout une certaine allure !
Pour aller plus loin :
- Histoire de la chaussure, depuis l’antiquité la plus reculée jusqu’à nos jours, de Paul lacroix. Hachette livre, 2013.
- Histoire du costume en Occident : Des origines à nos jours, collectif. Flammarion, 2006
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