Trouvères et troubadours : la musique au Moyen Âge
Posté par francesca7 le 22 janvier 2014
Un des aspects particulier de la musique du Moyen Âge en France s’épanouit dans l’art des trouvères et des troubadours, art profane entièrement monodique, alors que la musique d’église de l’époque s’oriente progressivement vers un art polyphonique. Depuis un passé immémorial, ces compositions mélodiques se propagent, célébrant le plus souvent la nature, l’histoire, l’amour ou les métiers. Parfois accompagnés de danse, ils présentent tous une simplicité charmante et une réelle fraîcheur de sentiments. Mais il faut arriver au IX e siècle pour voir apparaître en grand nombre des créations non religieuses qui expriment le désir d’élargir le domaine de l’art.
Trouvères et troubadours
L’initiative de ce mouvement poétique et musical prend sa source dans le midi de la France. Les premiers à s’engager dans cette voie sont les « trobadors » de Provence, puis les pays de langue d’oc (au sud de la Loire entre la mer, les Alpes et les Pyrénées). Les trouvères ou poètes-musiciens du nord continuent l’œuvre commencée par les troubadours. Cet art particulièrement florissant au XII e et XIIIe siècle, dont nous avons conservé des manuscrits, révèle environ deux cents chansons de troubadours et près de deux mille chants de trouvères (le chansonnier de st-Germain, le chansonnier du Roy et le chansonnier d’Arras).
Ces poètes des vers et des sons, inventeurs de forme nouvelles toujours écrites avec le plus grand soin, »soupirent » après leur dame, rendent hommage à leurs suzerains, chantent leurs terres natales ou proclament la gloire de Dieu, soit dans la langue du pays soit en latin. Ils s’accompagnent d’un instrument à corde pincée la « rote », (modifié dès le XI e siècle par le jeu avec archet, la viole) qui double la mélodie et que l’on trouve représenté sur les vitraux des cathédrales.
Jongleurs et Goliards
Leurs compositions étaient souvent exécutées par les « jongleurs », sortes de musiciens professionnels ambulants et amuseurs en tous genre qui, la vièle sur le dos, la besace au côté, déambulaient de châteaux en châteaux, de villages en villages, avec leur répertoire musical agrémenté de farces. L’hiver pendant le carême ces jongleurs appelés plus tard ménestrels, se rendaient aux écoles de « Ménestraudie » où ils apprenaient les règles de leur art, le jeu de la viole et les chansons nouvelles.
Les Goliards poètes- musiciens itinérants vivaient en marge des institutions qui les avaient formés. Composés de clercs d’étudiants et de moines ils tournaient en dérision les valeurs dominantes de leur époque par leurs créations satiriques et parodiques. Ils menaient une existence aux mœurs dissolues. Un manuscrit conservé dans un monastère bavarois le « Benedictbeuren » d’où son nom Carmina Burana (chant de Beuren) contient l’immense répertoire des goliards. On y trouve des pièces provenant de toute l’Europe écrites en latin, en vieil Allemand et en ancien Français (du XI e au XIIIe siècle). S’y côtoient de gracieux chants d’amour, des chansons à boire et des satires anticléricales et irrévérencieuses.
Les genres de compositions
Presque toutes les œuvres procèdent du genre strophique, avec ou sans refrain et demeurent le reflet de la civilisation du Moyen Âge, de son histoire sociale et littéraire : elle est l’expression de la foi chrétienne, de l’esprit chevaleresque à l’époque des croisades et de toutes les nuances de la poésie courtoise.
- La plus courante est le Canso (chanson) dont les six couplets sont bâtis sur les mêmes rimes.
- La Séréna (sérénade) décrit les lamentations du chevalier amoureux.
- Le Plahn est un chant de deuil.
- L’Aube (ou aubade) parle de la tristesse de deux amants contraints de se séparer au lever du jour.
- Les Siventès sont des satires politiques.
- La Ballade est destinée à être dansée.
- La Pastourelle révèle l’amour qu’inspire une bergère.
- La Chanson des croisades met en valeur la prouesse des croisés au service de la foi et l’urgence de la quête amoureuse exacerbée par le danger.
- Le Partimen (jeu-parti en langue d’oïl) et la Tenso sont des œuvres crées par plusieurs troubadours elles parlent le plus souvent d’amour.
La chanson courtoise au Moyen Âge
Le culte de la femme est au Moyen Âge le centre d’où émane toute poésie et se présente comme une sorte de transposition de l’amour divinisé, d’une grâce naturelle et prenante, la mélodie garde un ambigu assez restreint. La langue d’oïl est plus rude, moins fluide mais plus nerveuse, rendant l’intonation nette et franche, tandis que la langue d’oc chantante et caressante s’agrémente d’ornements mélodiques expressifs et souples qui lui confère un charme particulier. Notons le Rondeau qui fut très en vogue dès le début du XIII e siècle où le refrain se répète à la fin de chaque strophe et s’intercale au milieu de chaque couplet.
Principaux compositeurs. Ces poètes- musiciens se rencontrent dans toutes les classes de la société : moines et comtes, fermiers, marquis, marchands ou clercs (on y retrouve même des femmes compositeurs).
Citons quelques troubadours : Guillaume IX comte de Poitiers qui fut l’un des premiers à partir en croisade. Marcabru gascon du XI e siècle auteur de la chanson des croisades, qui se fit moine, Bernard de Ventadour à la fin du XII e siècle, Gaucelm Faidit auteur du Planh sur la mort de Richard Cœur de lion, Hambault de Vaquaires rendant un hommage d’une exquise délicatesse à la dame de ses pensées dans la ravissante « Estampiella Kalenda Maya » et surtout Jaufré Rudel auteur de la délicieuse « Canso à la princesse lointaine »qui fut chantée plus tard par Rostand.
Parmi les trouvères, Chrétien de Troyes et Gautier d’Epinal, le châtelain de Coucy, aux mélodies originales, Thibault IV comte de Champagne au XIIIe siècle dont les œuvres se distinguent par la délicatesse du sentiment et la grâce de l’expression. L’humble ménestrel Colin Muset manie admirablement le genre satirique. Arras voit se se développer le style des trouvères-bourgeois (le jeu-parti de la pastourelle). Le plus connu est Adam de la Halle auteur du jeu de Robin et de Marion, et de très beaux rondeaux.
La chanson savante à l’étranger
Les pays germaniques ont eux aussi leurs trouvères et troubadours : ce sont les « Minnesänger » (du mot ancien Minne indiquant la pensée sentimentale (dont l’objet est la femme aimée) et Sänger le chanteur. Cet art se développe dès la fin du XIII e siècle et prend tout son essor le siècle suivant. Parmi les plus célèbres citons : le duc Henri IV de Breslau, le margrave Othon de Brandebourg, le moine de Salzbourg. L’on retrouve également des trouvères bourgeois, les Meistersinger, maitres-chanteurs populaires dont les chants plus lents et plus religieux annoncent déjà le choral luthérien.
Au XIX e siècle Wagner illustre dans Tannhauser un célèbre tournoi à la Wartburg et dans « les maître-chanteurs de Nuremberg » met en scène cette corporation, en particulier un nom illustre : Hans Sach.
Dans sa »divine comédie », Dante cite les troubadours Français devenus célèbres. Le roi Denis du Portugal introduit dans son pays la culture poétique provençale en appelant des compositeurs Français à sa cour. En Italie, st-François D’assise, dont le « Cantique des créatures » était probablement chanté, marque le point de départ du mouvement lyrique religieux en langue populaire. Enfin en 1252, Alphonse X, roi de Castille grand amateur de musique et de poésie s’est rendu célèbre par ses cantiques à la vierge.
Un grand nombre d’œuvres de trouvères et de troubadours existent encore de nos jours. Si elles nous paraissent parfois simples et naïves, on ne peut nier leur grand charme poétique, leur vive spontanéité et leur souplesse rythmique. Cet art représente pour la musique Française au Moyen Âge une tradition originale basée sur l’esprit chevaleresque d’une part et sur les croisades d’autre part. Toutes les manifestations de ces formes musicales et chantées consistent à »servir » ( servir Dieu, servir le suzerain, servir la femme) mais également à diffuser de manière attrayante des informations et un peu de rêve dans toutes les couches sociales…
Bibliographie
- Brève histoire de la musique au Moyen-Age de Olivier Cullin. Fayard, 2002.
- La musique du Moyen Age de Albert Seay. Actes Sud, 1992.
- Chansons des trouvères de Samuel N Rosenberg. Poche, 1995.
- Au temps des troubadours de Geneviève Brunel-Lobrichon. hachette, 1999.
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