Festins et cuisine de la Renaissance
Posté par francesca7 le 22 janvier 2014
La réforme protestante permit à Luther et Calvin d’abolir l’interdit de la papauté sur la consommation du beurre au carême (tout en prônant cependant l’austérité) Afin d’éviter une »fuite » des fidèles vers le
protestantisme, l’église catholique accorda des dispenses aux fidèles dans les régions où l’huile, seule matière grasse utilisée les jours maigres, était plus chère que le beurre.
L’irrésistible essor du sucre
L’utilisation du sucre au Moyen-Âge avait une fonction thérapeutique. Classé dans les aliments chauds et humides, il était censé faciliter la digestion et réservé aux malades car rare et cher.
La culture de la canne à sucre, introduite par les Arabes au IX e siècle qui l’avaient eux-mêmes rapportée de Perse, est pratiquée en Andalousie et sur les îles méditerranéennes. Elle se développe en Espagne, dans les îles Canaries, les Açores et Madère puis aux Antilles et Amérique du Sud. Ces productions de sucre de canne créeront des modes nouvelles en France et en Europe.
Jean Bruyerin-Champier médecin de François I, note en ses écrits « la saveur sucrée est tellement appréciée par les Seigneurs que l’on demande aux cuisiniers d’en saupoudrer viandes et poissons ».
Douceurs et pâtisseries Le goût pour les confiseries et desserts sucrés se renforçant, les tables aristocratiques se couvrent de sabayons, macarons sorbets et crèmes glacées, de confitures, pâtes de fruits, fleurs et écorces confites, nougats, meringues, frangipane et pâte d’amande. Ces dernières sont d’origine italienne, d’autres spécialités sont connues depuis l’antiquité comme les dragées dont les Romains sont peut-être les premiers inventeurs.
Un confiseur Italien réputé Giovanni Pastilla inventa ces petits bonbons multicolores appelés pastilles qui rencontrèrent un grand succès auprès des enfants de la cour s’exclamant: »Bon ! Bon ! » (à l’origine du mot bonbon ?).
Anciennes recettes de pâtisserie
Connue dès l’antiquité, la pâte à choux est remise au goût du jour et réhabilitée par deux pâtissiers italiens du XV e siècle Messisbugo et le célèbre Scappi qui en font des beignets. Le feuilletage, technique mise au point par des cuisiniers arabes fut ignoré des maîtres-queux du Moyen-Âge et redécouvert à la Renaissance. Scappi s’en empare fabriquant des gâteaux feuilletés et des préparations salées.
Il faut savoir qu’à la Renaissance, le terme de pâtissier désigne l’artisan qui confectionne des plats cuisinés dans une pâte (tourtes, pâtés terrines).
Boissons sucrées, sirops et liqueurs
Spécialités Italiennes, les sirops et liqueurs sont appréciées des cours Européennes du XVI e siècle. Au Moyen-Âge les alchimistes Arabes et Perses découvrent la distillation, procédé qui permet grâce à l’alambic d’obtenir, à partir du vin, de l’alcool fort. Rappelons que les mots »alchimiste, alcool, élixir
et alambic » sont d’origine arabe. Ainsi est née « aqua vitae » l’eau de vie vendue au début comme un remède prescrit par les médecins.
Les somptueux décors de sucre
Passés maîtres dans l’art du travail du sucre, les confiseurs italiens fabriquent une pâte malléable avec laquelle ils créent sculptures et architectures élaborées. Ces décors symboles de richesse, de luxe et de faste feront fureur dans les cours princières. La »sérénissime » ainsi que l’on nommait Venise, excellait dans cet art, montrant son extrême raffinement. Nappes serviettes, verres couverts assiettes en sucre étaient si finement travaillés que c’était à s’y méprendre !
Humanisme et manière de table
En 1486 le philosophe Pic de la Mirandole s’extasiait »on ne peut rien voir de plus admirable dans le monde que l’homme ». Source de bouleversements dans tous les domaines cette conception à des incidences non seulement dans l’art, les sciences, la pensée, mais également sur les »manières de tables ». Le convive du XVI e siècle doit faire preuve de savoir-vivre, respecter les usages en vigueur faire preuve de raffinement. En 1536, le prince des humanistes Erasme de Rotterdam publie un traité qui fait autorité « de civilitae morum puerilium » où cet intellectuel de haute volée traite de contenances de table, affirmant »l’homme ne naît pas homme il le devient » par l’éducation, censée le libérer de son animalité.
Les couverts, verres et serviettes individuelles
Peu à peu viendra la mode de la fourchette, petite fourche à deux dents venue d’Italie qui mettra longtemps à s’imposer car l’on craignait qu’elle blesse la bouche, (Louis XIV lui-même en avait refusé l’usage à la cour) la cuiller large et plate d’argent d’or et de vermeil et l’apparition de l’assiette remplaçant le plateau rectangulaire ou rond qui servait à déposer le »tranchoir » pain à la mie dense sur lequel on déversait les viandes en sauce ou rôties (voir l’article »A la table du Moyen-Âge »). Les écuelles de bois ou d’étain recevant les préparations liquides et les sauces, sont remplacées par de belles coupes finement ornées, de verre ou de vermeil.
Se répand également l’usage de la serviette de table individuelle (au Moyen-Âge, il était d’usage d’essuyer ses mains grasses sur le long rabat des nappes qui recouvraient les tables, puis plus tard sur des torchons disposés aux angles des tables). Les verres, véritables œuvres d’art (fabriqués dans les célèbres verreries de Venise qui en auront le monopole durant 200 ans) deviendront de plus en plus fins et travaillés.
La salle à manger
La table devient symbole d’apparat et rivalise de luxe et d’étalage de richesse censées impressionner les convives. Au XVI e siècle les festins se déroulent dans une pièce spécifique : la salle à manger, équipée de tables fixes (remplaçant les planches sur tréteaux démontées par la suite, dans des pièces à usages multiples).
Ces changements, amorcés sous le règne de François Ier, ne feront que s’amplifier tout au long des deux siècles suivants.
Les cuisiniers du siècle de Louis XIV font la promotion du beurre dans la cuisine. Ce sont eux qui sont à l’origine de la « grande cuisine française » dont l’hégémonie ne fera que s’accroître : les élites étrangères reconnaîtront bientôt la suprématie de l’art culinaire français et éprouveront à son égard une fascination égale à celle exercée par les cours de Versailles..
Ces cuisiniers du XVII e siècle sont les premiers à s’affranchir des prescriptions diététiques des médecins qui influencèrent le choix des aliments, la façon de les cuisiner et de les manger. Mais avec l’évolution des mentalités, les palais s ‘affinant, la gourmandise peut commencer à se déployer sans entraves !
Sources: Festins princiers et repas paysans à la renaissance, d’ Eric Birlouez. Edtions Ouest France, mars 2011.
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