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AU TEMPS DES BERCEUSES

Posté par francesca7 le 24 décembre 2013

 

 
170px-William-Adolphe_Bouguereau_(1825-1905)_-_Lullaby_(1875)  

Quelle est la condition essentielle que doit remplir avant tout la berceuse, premier poème de l’enfant, premier chant au travers duquel, peut-être, l’imagination naissante a pu foire entrevoir à quelque prédestiné le prestige d’un art que la suite lui aura montré si complexe ? Cette condition première, c’est la régularité du rythme, la monotonie du dessin mélodique, dont le retour périodique et incessant, agissant chaque fois plus vivement sur les sens, calme les nerfs et provoque le repos.

Si déjà l’enfant parle, il faut en outre que les vers, par leur peu de signification, ne tiennent pas son attention en éveil : une série de syllabes formant des semblants de mots, comme les tra la la et les autres onomatopées déjà rencontrées, mais avec des sonorités plus voilées ; quelques paroles sans suite, des images très simples surtout, avec force diminutifs, et cela répété indéfiniment, comme un refrain auquel on revient sans cesse, refrain sans chanson, en quelque sorte, voilà ce qui convient à la berceuse.

 

La monotonie est donc la première condition requise pour la berceuse ; elle se complaît dans des formules musicales rudimentaires et incessamment répétées, des paroles sans lien ni sens, comme dans l’exemple suivant :

Tête à tête,
Tête-bêche,
Au berceau,
Dodo mon poulot.
Où es-tu né ?
Dans un fossé.
Qui t’y plaça ?
Un vieux chevâ.
Qui t’en sortit ?
Une brebis qui crie :
Ma mère, béée !
Apportez-moi du lolo
Pour la soupe à mon poulot,
Là-bas dans un petit pot, etc.

Rimes et jeux de l’enfance, E. Rolland

La mélodie, devant être chantée à mi-voix, doucement, mystérieusement, en quelque sorte, se meut habituellement sur un très petit nombre de notes, de façon à ne pas dépasser des intervalles que la voix ne puisse franchir sans changer de timbre ou d’intensité. C’est le triomphe de la formule mélodique de trois ou quatre notes marchant par degrés conjoints et tournant pour ainsi dire sur elles-mêmes.

Avec cela, la berceuse populaire trouve encore parfois le moyen d’avoir de l’intérêt et du charme, et de conserver dans la mélodie quelque chose de la nature et du tempérament du pays dans lequel elle est en usage. Voici, par exemple, une berceuse basque donnée par Vinson dans Pays basque, et dont la traduction est : « Pauvre enfant, dodo et dodo ! Il y a une bonne envie de dormir : vous d’abord et moi ensuite, tous deux nous ferons dodo ! dodo, dodo, dodo ! Le méchant père est à l’auberge, le coquin de joueur ! Il reviendra vite à la maison, ivre de vin de Navarre. »

images (7)Il y a aussi des berceuses en Bretagne, avec des paroles en bas breton ; tel est par exemple le Son al Laouënanic (Chant du roitelet), dont la musique est peut-être moins caractéristique, mais dont les paroles sont curieuses : les versiculets de la berceuse bretonne font apparaître à l’enfant qui s’endort un roitelet imaginaire, dont le plumage pèse cent livres et qu’on a mené à l’abattoir pour le faire égorger par le boucher ; c’est ainsi que la chanson mène tout d’abord l’enfant au pays des rêves. Les animaux, les oiseaux surtout, sont les personnages de prédilection de la berceuse. Bujeaud, dans Ouest, cite comme telles le Chat à Jeannette, la P’tit’ poul’ grise, le Bal des souris et les Noces du papillon.

Le recueil languedocien de Montel et Lambert, dont le premier volume (le seul paru) est une véritable encyclopédie des berceuses et chansons enfantines populaires dans les pays de langue d’oc, consacre toute une série aux pièces de cette nature : il s’y trouve onze versions différentes de la chanson des mariages d’oiseaux ; d’autres sont intitulées l’Hirondelle, la Chèvre, les Bêtes, le Chant de l’oiseau, etc. Citons, à ce sujet, une chanson de même forme et de même caractère que plusieurs des chansons citées dans Montel et Lambert, et appropriée au même usage :

Dedans le bois
Savez-vous ce qu’il y a ?
Il y a un arbre,
Le plus beau des arbres,
L’arbre est dans le bois,

Refrain.
Oh ! oh ! oh ! le bois,
Le plus joli de tous les bois.

Dessus cet arbre
Savez-vous ce qu’il y a ?
Il y a un’ branche,
La plus bell’ des branches,
La branche est sur l’arbre,
L’arbre est dans le bois.

Oh ! oh ! etc.

A chaque couplet, on ajoute un nouveau vers désignant un nouvel objet, en répétant une fois de plus la portion de la formule mélodique suivante : « Il y a un arbre, / Le plus beau des arbres / L’arbre est dans le bois ». De sorte qu’après avoir énuméré successivement la branche qui est sur l’arbre, le nid sur la branche, l’œuf dans le nid, l’oiseau dans l’œuf et la plume sur l’oiseau, on arrive au dernier couplet suivant :

Sur cette plume
Savez-yous ce qu’il y a ?
Il y a un’ fille,
La plus bell’ des filles,
La fill’ sur la plume,
La plum’ sur l’oiseau,
L’oiseau dedans l’œuf,
L’œuf dedans le nid,
Le nid sur la branche,
La branche sur l’arbre,
L’arbre dans le bois.
Oh ! oh ! oh ! le bois, etc.

Cette forme de chanson est connue sous le nom de randonnée, ou chanson énumérative, forme non spéciale à la berceuse, mais qui lui convient parfaitement, à cause de la monotonie résultant de la répétition continuelle des mêmes paroles et de la même formule mélodique. On assure que le type réputé pour le plus ancien du genre, la chanson des Séries (Ar Rannou), où de Villemarqué croit pouvoir retrouver des vestiges des pratiques des druides de l’antique Bretagne, n’est restée dans le souvenir des habitants de la presqu’île armoricaine qu’à titre de berceuse : la mélodie, composée de deux courtes formules et d’une conclusion qui, dans les derniers couplets surtout, ne revient qu’à des intervalles très éloignés, a rendu cette appropriation toute naturelle.

Personne n’a songé encore à recueillir les berceuses populaires des provinces qui sont les véritables pépinières des interprètes naturelles de ces sortes de chansons (nous voulons parler des nourrices), Bourgogne et Nivernais notamment. Un exemple semblant des mieux appropriés à la nature du genre, et en même temps des plus généralement répandus, est la berceuse suivante, de provenance dauphinoise :

Néné petite
Sainte Marguerite
Endormez-moi mon enfant
Jusqu’à l’âge de quinze ans.
Quand quinze ans seront passés,
Il faudra la marier,
Avec un garçon sage,
Qu’ils fassent bon ménage,
Dans une chambrette,
Pleine de noisettes :
Un marteau pour les casser,
Du pain blanc pour les manger.

Le mot néné, par lequel commence cette berceuse, ou, sous d’autres formes, nono,nenna, correspondant au non moins populaire dodo, est en usage dans toute la région méridionale de la France. Montel et Lambert désignent sous le nom de nennastoute la première série des berceuses de leur recueil languedocien ; une autre série est, pour la même raison, intitulée : Som-som ; les pièces qui composent cette dernière sont, dit le collectionneur, de simples invocations au sommeil, avec un caractère païen assez prononcé. On les chante d’ailleurs bien loin du Languedoc proprement dit.

Voici un Som-som de l’Auvergne dont la mélodie représente assez bien la caractéristique du genre :

Som-som, beni, beni, beni,
Som-som, beni, beni, donc.
Lou som-som pas beni,
L’éfon tou bou pas durmi.
Som-som, beni, beni, beni,
Som-som, beni o l’éfont.

Dans un recueil comprenant une série consacrée aux berceuses alsaciennes, Weckerlin constate la fréquence d’un dessin de deux notes représentant presque à lui seul le thème, le sujet de la mélodie. Voici la traduction d’un exemple : « Tombez, tombez, gouttes de pluie. Il faut fouetter les garçons ; les filles, on les met dans le lit céleste ; les garçons, on les met dans des sacs remplis de crapauds. »

Mais le type par excellence du genre, la véritable berceuse populaire, celle qui nous a endormis tous, tant que nous sommes (qui ne s’en souvient ?), c’est le Dodo, l’enfant do, l’enfant dormira tantôt. Ici, la même succession de deux notes placées à intervalles de seconde se présente encore : il semble qu’il y ait dans ce minuscule parcours de la voix quelque chose de calme, de reposant. Il n’est pas moins curieux d’observer que, dans les nombreux airs du sommeilcomposés pour des opéras ou autres productions d’un ordre tout artistique, le procédé que nous venons de constater pour les berceuses populaires se retrouve, employé par des maîtres, et cela, à coup sûr, spontanément, sans la moindre arrière-pensée d’imitation.

images (8)Nous le trouvons pour la première fois, à notre connaissance, dans un air d’opéra italien du dix-septième siècle, l’Orontea de Cesti : « Dormi, dormi ben mio ». Dans le trio des songes deDardanus de Rameau, le chœur répond de même à l’incantation des solistes par le refrain :Dormez, dormez, murmuré sur deux notes à distance de seconde mineure. C’est également par seconde mineure que procède la mélodie du premier vers de la berceuse du Pardon de Ploërmel : Dors, petite, dors tranquille, l’ut dièze qui succède au  (en sol majeur) donnant à la tonalité quelque chose de doux et de vague qui ajoute à l’expression de la cantilène.

Au second acte de l’Armide de Gluck, même procédé, mais, cette fois, à l’orchestre : dans la dernière ritournelle de l’air de Renaud : Plus j’observe ces lieux, pendant laquelle le sommeil gagne le héros, les seconds violons répètent six fois de suite la succession sol fa dièze, enlacée dans les contrepoints de la flûte et des premiers violons qui vont s’éteignant peu à peu jusqu’à la fin ; de même, dans une scène de l’Éclair pendant laquelle un des personnages s’endort sur le théâtre, le même dessin de deux notes, le leitmotiv du sommeil, se fait entendre, et cette fois-ci, non moins de trente-trois fois de suite, passant des flûtes aux hautbois, puis à la clarinette, au cor, et allant se perdre enfin dans les bassons et les violoncelles.

Dans le domaine purement instrumental, Couperin, sous le titre du Dodo, a composé une fort délicate pièce de clavecin en se servant du même procédé ; une berceuse pour violon et piano, de Reber, commence par les notes si sol, si sol, se succédant en temps égaux et auxquelles répond, dans la reprise suivante, le dessin ré mi bémol, ré mi bémol, plus conforme encore au caractère du morceau.

Ainsi la simple intuition, le sentiment juste de l’expression a conduit des musiciens d’expérience à employer, et, nous le répétons, sans parti pris d’imitation, instinctivement, un procédé que l’on retrouve, exactement pareil, dans la chanson populaire. En faut-il davantage, et peut-on trouver des exemples plus frappants pour caractériser un genre que l’instinct populaire et le génie des maîtres de l’art ont formé de traits absolument semblables ?

 (D’après « Histoire de la chanson populaire de France », paru en 1889)

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ORIGINE des CHANTS DE NOEL

Posté par francesca7 le 24 décembre 2013

 

Noël et chants de Noël au Moyen Age 

(D’après « Recherches sur nos vieux noëls
considérés comme chants populaires » paru en 1864)

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Les anciens « Noëls » au sein desquels le latin le céda peu à peu aux différents patois, sont sans doute ceux qui offrent le plus d’intérêt parmi les chants populaires du Moyen Age et de la Renaissance ; et par chants populaires, il convient d’entendre ces productions naïves de l’esprit public, où se reflètent l’histoire, les mœurs et les croyances de nos aïeux

Le Moyen Age nous paraît embrasser, en littérature et dans les beaux-arts, non pas la durée qui sépare historiquement la chute de l’empire romain et celle de l’empire d’Orient (416-1453) ; mais les beaux siècles de la chevalerie et des croisades, des trouvères et des troubadours, de l’architecture ogivale et du symbolisme chrétien, sans lequel nos cathédrales seraient un corps sans âme.

L’âge d’enfance de notre langue commence, pour ainsi dire, avec la monarchie française, mais le serment de Charles le Chauve est peut-être le plus ancien monument que nous en ayons. Sous les derniers Carolingiens et les premiers Capétiens, l’État fut désolé par des troubles et des guerres dont le contrecoup affaiblit les études ; la langue latine, jusqu’alors très en vogue, se dénatura, et cette corruption, jointe à celle du celtique, enfanta une multitude assez confuse de patois tudesques et romans. Cependant l’idiome populaire, avec ses nombreux dialectes, fut admis dans le temple pour la prédication ; et les motifs de cette concession, réclamée par les besoins de la classe illettrée, s’étendirent aux cantiques spirituels : c’est qu’ils interprétaient aux fidèles les psaumes et les hymnes liturgiques, dans un langage qui leur devenait plus familier que le texte. Peu à peu, le latin se vit réduit à demander un asile aux cloîtres, aux chancelleries du royaume et aux écoles du clergé séculier.

Ces modifications de la langue. usuelle dans le domaine religieux, donnèrent une physionomie nouvelle à ses produits. Ainsi, bien que le cantique soit en général toute poésie sacrée qui se chante, il devint, dans un sens plus restreint, une composition en langue vulgaire sur divers sujets de morale et de piété. Le Noël, destiné à célébrer la naissance du Christ et les mystères qui s’y rattachent, n’est donc qu’une espèce originale, une nuance du cantique fait de main d’homme. L’absence d’inspiration divine, le tour de phrase et la rime inhérente à notre versification, le distinguent largement du cantique sacré des Hébreux. Abstraction faite du nom, qui n’apparaît que plus tard, le Noël existait au moins dès la fin du XIe siècle. Lambert, prieur de Saint-Wast d’Arras, en parle au siècle suivant comme d’une pratique universellement reçue, c’est-à-dire antérieure au temps où il privait. D’après lui, « les fidèles se consolaient des ténèbres de la nuit de Noël par l’éclat d’un nombreux luminaire, et, d’une voix vibrante, ils chantaient des cantiques populaires selon l’usage des Gaulois : Lumine multiplici noctis solatia praestant, / Moreque Gallorum carmina nocte tonant.

 ORIGINE des CHANTS DE NOEL dans CHANSON FRANCAISE 220px-Gelati_Gospel_%28A%29Mais ne serait-ce alors qu’une pieuse innovation de cette époque ? Il ne semble pas, car saint Paul écrivait aux Ephésiens : In psalmis, et hymnis, et canticis spiritualibus… cantantes Domino. Cette gradation est digne de remarque ; d’abord les psaumes, puis les hymnes, enfin les cantiques, peut-être même non inspirés. Pour nous borner aux Noëls sous forme d’hymnes latines, nous dirons que beaucoup de celles-ci furent chantées primitivement comme de simples cantiques ; ce n’est qu’au XIIe siècle qu’on les aurait insérées dans le corps de l’office romain. Quant aux séquences ou proses rimées, qui surgirent en masse depuis les Carolingiens, elles n’étaient souvent que des chants monastiques ou populaires, consacrés ensuite par la liturgie. Et comme la langue latine fut généralement celle du peuple jusqu’à la formation du patois rustique et des patois romans, il en résulte que ces hymnes et ces proses étaient à l’instar de vrais cantiques vulgaires, spécialement à son usage.

On ne saurait donc révoquer en doute que ces cantilènes, d’un genre mixte, n’eussent déjà leur place marquée dans les mœurs et coutumes de nos bons aïeux ; l’anniversaire de la Nativité dut surtout en fournir le motif. Depuis le IIe siècle, il jouissait d’une grande popularité. Clément d’Alexandrie, qui mourut en 217, en fait mention comme d’une immense fête de famille, introduite dès l’origine au foyer domestique. Saint Jean-Chrysostome se félicitait, dans une homélie de circonstance, du zèle des Orientaux à célébrer Noël ; mais il ajoutait que ce culte leur venait des contrées de l’Occident. Plus tard, nous voyons que ce jour de liesse ouvrait l’année civile des Francs, et qu’on y échangeait les souhaits d’usage à cette occasion. Le Pape Léon III l’avait choisi pour le sacre impérial de Charlemagne ; ce monarque ceignit le nouveau diadème au milieu de vivat où transpirait notre vieux cri de joie. Flodoard, écrivain du Xe siècle et chanoine de Reims, y fait allusion dans sa chronique si intéressante.

Ce serait ici le lieu de rechercher l’étymologie du mot Noël, employé pour désigner le mystère de la Nativité, les chants qui le traduisent par les rythmes de l’harmonie et l’un de nos cris nationaux du Moyen Age. Sous ce dernier aspect, nous le constatons au baptême de Charles VI. Monstrelet nous apprend que lorsque Philippe le Bon, duc de Bourgogne, ramena sa sœur à son beau-frère le duc de Bedfort, « y fut faicte grand’joie des Parisiens : si crioit-on Nouëlpar les carrefours où ils passoient ». A-peu près vers le même temps, lors du sacre de Charles VII à Reims, « tout homme cria Noël, et les trompettes sonnèrent en telle manière, qu’il sembloit que les voultes de l’église se dussent fendre ».

Le primitif Nouël selon l’ancienne prononciation latine, appartient a l’époque de formation de notre idiome national. Les uns y ont vu une abréviation d’Emma-nuel (Dieu avec nous), par suppression des deux premières syllabes, pour avoir un cri de joie populaire vif et dégagé. D’autres le font dériver de Natale, le jour natal ou la nativité du Christ ; le patois bourguignon l’avait corrompu en naunadau et naulet, expressions qui se retrouvent souvent dans les Noëls de La Monnoie ; les Bisontins disaient Nouë, les Picards noë ou simplement no, etc. Enfin il en est qui le prennent pour synonyme de nouvel, en latin novus, le nouveau-né par excellence, le nouvel Adam ; c’est ainsi que nos pères disaient encore le renouveau pour le printemps, et, dans la Bretagne, on continue à désigner le Christ au berceau sous le nom d’Enfant-Noël. Aucune de ces étymologies ne paraît improbable, et peut-être faut-il les voir toutes réunies dans une sorte de synthèse. Quoi qu’il en soit, le mot Noëlfut affecté de bonne heure aux cantiques sur les mystères de la Crèche, et ces compositions naïves ont revêtu trois formes successives : les proses rimées, les farcis et les noëls proprement dits.

On appelle proses, en liturgie, des cantiques affranchis de toute règle métrique. Régulièrement, elles sont en latin, et, quand on les insérait dans le Missel, elles prenaient le nom de seqentia, séquence, ou ce qui suit le Graduel avant l’Evangile. D’Ortigue pense que le Moyen Age composa quelques proses en langue vulgaire, pour l’instruction du peuple qui n’entendait pas le latin ; mais il ne nous en est parvenu aucune, à moins qu’on ne veuille entendre par là des cantiques où le compositeur ait fait bon marché de la rime et de la cadence. Du reste, on voit que l’étymologie du mot prose est une abréviation de pro sequentia.

 dans CHANSON FRANCAISELe Missel romain, qui renferme d’admirables séquences pour les fêtes de Pâques, de Pentecôte, du Saint-Sacrement et des Trépassés, n’en a point sur la Nativité ; mais il en était autrement dans presque tous les diocèses qui suivaient un rit particulier. Le supplément au Glossaire de Ducange nous apprend qu’aux Matines de Noël, on chantait vers le XIIe siècle, à Cambrai, trois proses latines. Ailleurs on les remplaçait par une cérémonie dont il sera question aux Noëls farcis. Ajoutons que presque tous nos vieux eucologes, même selon le rit romain, ont une prose attribuée à saint Bernard et traduite en vers français qui sont loin d’être irréprochables. En voici une imitation du début, insérée dans un ancien Recueil des Noëls de Langres : « Déjà le feu dont la minuit / Se trouve richement peinte, / Verse le sommeil et sans bruit / Roule sur la Terre-Sainte, / Quand, par miracle non pareil, / D’une étoile naquit le soleil ». Saint Bernard avait dit : « Res miranda ! / Natus est… sol de stella : / Sol occasum nesciens, / Stella semper clara ».

Plusieurs strophes de cette prose nous montrent déjà un gracieux mélange de rimes accouplées et de rimes croisées. Or c’est une probabilité qu’il existait alors - nous sommes toujours au XIIesiècle - des cantiques en dialecte vulgaire, et surtout des Noëls, les uns et les autres frappés au coin de ce cachet propre à la Muse gauloise. La rime est chez nous, plus que partout ailleurs, une sorte de produit de terroir. Aussi la retrouve-t-on chez nos poètes primitifs, tels que Pierre-le-Troubadour. Des philologues vont même jusqu’à en faire honneur à Bardus V, roi des Gaules, de qui nos bardes auraient pris leur nom.

Le latin perdit souvent, au Moyen Age, sa physionomie de langue transpositive, pour mieux s’identifier avec notre génie national. On pensait en français et l’on écrivait en latin calqué sur la pensée. La basse latinité de cette époque nous en fournirait une foule d’exemples. Citons, du XIIIe siècle, le Puer nobis nascitur et le Votis Pater annuit, toujours à rimes croisées. Enfin, nous signalerons comme un des morceaux les plus populaires du genre, l’Adesle fideles. Le XIevolume des Annales archéologiques de Didron renferme un mystère dramatique, tout en latin, de la Nativité. On le jouait dans l’Armorique, au XlVe siècle. Tous les dialogues sont rimés et plusieurs se chantaient sur des airs spéciaux, qui se rapprochaient du plain-chant. D’abord écrits par des moines et des clercs, ces drames furent représentés par eux, et cette circonstance nous explique pourquoi l’idiome vulgaire n’y parut que lorsque les bourgeois prirent part à ces jeux spirituels. Ces proses et ces mystères ou drames religieux sont un prélude au second type de Noëls, les farcis.

Les premières compositions romanes que nous ayons, en fait de Noëls, sont mélangées de latin et ont produit ce qu’on appelle des pièces farcies ou simplement des farcis. Nous en signalerons une qui date du XIIIe siècle et qu’a signée Pierre Corbeil, archevêque de Sens. La moitié de cette pièce est une prose latine et rimée sur l’un des animaux que la tradition populaire a placés dans l’étable de Bethléem. Elle est ordinairement désignée par son début Orientis partibus, et se trouve, avec le refrain en vieux français, dans l’ouvrage de M. d’Ortigue, cité plus haut. Cette composition a servi d’accompagnement, sinon de thème, à une cérémonie bizarre en l’honneur de la Nativité du Christ. On l’a baptisée du nom de fête des fous, parce que le peuple s’y abandonnait aux transports d’une gaîté folle, en dédommagement des anciennes saturnales. Dans le principe, l’Eglise ne jugea point à propos d’interdire ces réminiscences païennes, mais elle ne les tolérait qu’en les épurant, au pied de la Crèche, et en leur donnant une autre direction. Cependant il y eut des abus où les clercs se laissèrent parfois entraîner, et plus tard on dut les supprimer.

Les divers épisodes de la fête des fous se prolongeaient jusqu’au 14 janvier, avec changements de scènes et de mystères dramatisés. Les animaux légendaires de Bethléem y jouaient un rôle important. Comme ils avaient réchauffé l’Enfant-Dieu de leur haleine, nos candides aïeux ne pouvaient les oublier, et chacun d’eux avait sa prose et sa fête particulière. Leur naïve reconnaissance aimait donc à les associer aux effusions de leur joie ; aussi le bœuf et son compagnon recevaient-ils une véritable ovation les deux premiers jours de la Nativité. Dès que, pour annoncer la cérémonie, un héraut avait crié Noël, « aussitôt, disent les chroniqueurs du temps, le peuple se mettait en liesse ». Puis l’on amenait l’un après l’autre, sous le porche de l’église, les élus de cette fête populaire, auxquels on chantait des couplets farcis.

Quelle est, maintenant, leur valeur morale et littéraire ? Comme moralité, on y pressent certaines analogies avec les aphorismes de La Fontaine ; témoin ce passage de l’Orientis : « Dùm trahit vehicula, / Dura terit pabula ». C’est la devise : « Travail et sobriété ». Ils y trouveraient un double élément d’amélioration dans leur sort. D’un autre côté, il était bien légitime de se livrer aux plus gais transports, puisque les hôtes naturels de l’étable semblaient les partager, et que leur exemple eût fait rougir les indifférents. Quant au cachet littéraire de ces poésies mixtes, il nous offre cette curieuse progression de notre idiome national, cherchant à évincer la langue latine : d’abord l’élément latin y domine, mais il laisse empiéter sur son terrain ; puis, les deux langues rivales, la mère et la fille, y occupent une place à-peu près égale ; en dernier lieu, le français reste maître du champ de bataille, après six siècles d’antagonisme.

Citons pour exemple de la phase intermédiaire, un Noël rajeuni par la Renaissance, mais dont l’original datait du vrai Moyen Age ; il est intitulé : La joie des bestes à l’advenement de Jésus-Christ :

Comme les bestes autrefois
Parloient mieux latin que françois,
Le coq, de loin voyant le faict,
S’ecria : Christus natus est !

Le bœuf, d’un air tout ébaubi,
Demande : Ubi ? ubi ? ubi ?
Et la chèvre, à ce Tu autem,
Respond que c’est à Beth…lé…hem

Maistre baudet, curiosus Eamus !
Et droit sur ses pattes, le veau
Mugit deux fois : Volo, volo ! 

C’est bizarre et moins que poétique, surtout si l’on y joint l’harmonie imitative usitée alors au foyer domestique (le Christus natus est du coq se chantait d’une voix stridente ; le triple oubi du bœuf imitait bien son mugissement ; le bêlement de la chèvre était rendu par la prononciation chevrotante de Bethléem ; etc.) ; mais n’oublions pas que ces chants furent créés par les masses d’un peuple encore peu civilisé. Il ne faut pas s’y méprendre : les vrais chants populaires sont l’œuvre successive de plusieurs générations, sans auteurs connus. Cependant, un jour donné survient un collecteur qui les met en ordre, les édite et parfois les corrige maladroitement.

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Sylvie de Fée. Conte du second Empire

Posté par francesca7 le 24 décembre 2013

 

par

Émile Bergerat

~~~~

 La peinture montre une fée regardant vers le peintre. Elle est habillée d'une robe décolletée et des ailes sont visibles dans son dos. Sur sa tête, des papillons multicolores forment un bandeau. Ses longs cheveux dorés sont bouclés. Elle tient entre ses mains un sachet.

Pendant les dix-huit années dites « de corruption » pour les distinguer des dix-neuf cents autres de notre vertueuse ère chrétienne, soit exactement de 1852 à 1870, il y avait d’honnêtes femmes parmi nos mères.

Il y en avait, à dire de statistique, juste autant qu’aujourd’hui, plus une, qui s’appelait la marquise de Fée et dont le petit nom était Sylvie. Elle était de Paris, comme ses père et mère et toute sa lignée, les Tristan Houleviche, opulents drapiers du quartier du Mail, qui, pendant quatre siècles et davantage, de père en fils, ont honoré le haut commerce de la ville. Sylvie, unique rejeton des derniers de la souche, princièrement dotée, et charmante, avait épousé par amour le brillant officier d’Afrique Albert, marquis de Fée, et elle lui était passionnément fidèle.

Ce fut à titre de colonel que son mari, déterminé sabreur du reste, prit part au coup d’État du 2 décembre, et « du côté du manche », comme disait le comte de Morny, son camarade de régiment à Constantine. Le comte l’avait acquis aisément, malgré ses attaches royalistes, à l’aventure de la restauration napoléonienne, le père du marquis ayant été lui-même l’une des belles épées de l’Iliade moderne. Ce n’était pas qu’ils crussent l’un plus que l’autre à la réussite, mais les temps étaient plats, les salons mornes, la France bâillait à son parlement d’avocats, il fallait s’amuser ou mourir. – Ça manque de femmes, s’était écrié l’un des lions du Grand Seize en montrant le boulevard d’une fenêtre du Café anglais. – Vous en aurez, avait répondu Morny, augure flegmatique.

Ils en eurent. En outre, le comte passa duc et le colonel, général. Ils étaient contemporains, quarante-deux ans. Or, de même qu’à l’imitation de l’Oncle, le Neveu s’improvisait un État-major et une noblesse, il se formait aussi une Cour impériale, et peuplait les Tuileries conquises « d’honnestes dames » de tout rang et de toutes vertus. La marquise de Fée y fut des premières appelées. Pour l’élégance, le charme et la beauté, la fille des drapiers n’en laissait rien aux mieux nées, même aux ralliées du Faubourg, et, par l’esprit, elle en rendait aux plus fines. Sa causerie était délicieuse, pleine de traits barbelés, lancés sur l’arc du sourire. Elle enchantait Morny, expert et profès en la matière, qui saluait en elle une autre Du Deffand et ne cachait pas le goût que lui inspirait la femme de son vieux camarade d’Algérie.

Le maître, d’autre part, en tenait sensiblement pour elle. Il s’inscrivait plus souvent qu’à son tour sur son carnet de valse, car on valsait beaucoup, aux Tuileries, au début du second Empire et Louis-Napoléon se piquait, non sans raison, d’en remontrer à tous les Vestris de cette danse voluptueuse.

Sylvie aimait et n’aimait que son mari. En dépit de la différence d’âge, elle avait cinq lustres seulement, – leur lune de miel avait dépassé les plus longues, et, pour elle, elle brillait encore au firmament nocturne des nuits conjugales. Mais les chevaliers Renaud ne restent pas toujours enfermés dans les jardins d’Armide, et le bel « africain » reprit, sans la demander, cette clef des champs où Vénus sème mille bocages. La légende confie à l’histoire que l’exemple sonnait le carillon d’en haut et qu’il n’y avait pas à sortir de l’ombre du chef pour ramasser bague à son doigt. Vous en aurez ! avait promis le double Richelieu du règne, et personne n’en manquait. Le général courut donc à la noce.

180px-Falero_Luis_Ricardo_Lily_Fairy_1888Ce que la marquise en souffrit, ce n’est pas à dire. Elle était de celles pour qui partager l’être aimé c’est le perdre. Elle endura d’abord cette « trahison à l’ennemi » avec la crânerie joviale qui est le style des grandes dames. Le péril pour elle était de verser dans une jalousie bourgeoise où s’avouerait la mésalliance. Une Du Deffand n’en perd ni le sommeil, ni le bon mot, ni le sourire. Le moment psychologique serait celui où le général de cour afficherait une maîtresse en titre. Là était l’injure publique. Il la lui jeta sans pitié, d’autant plus outrageusement que celle qui gagnait la partie était la meilleure amie de Sylvie. Cette fois il fallait se défendre et vaincre.

Morny, qui guettait l’heure depuis longtemps, s’offrit à la consoler. – Je m’y attendais, lui dit-elle, mais vous manquez le coche. Je vous fais mes adieux. Le second Empire aura été bien amusant ! – Mais ce n’est pas fini, releva le sceptique. – Pour moi, si, je m’en vais. – Où ? – De l’éventail dressé elle montra le ciel, élément des oiseaux et des âmes. – Ah ! pas encore. D’abord vous savez que je vous aime ; ensuite il y a, samedi, aux Tuileries, grand bal paré et costumé, et, si vous ne devez pas le fleurir, je le décommande. Nous ne le donnons que pour vous. – Vous tenez à m’y voir ? – Lui aussi. Ordre de l’Empereur ! – Soit, j’irai.

Elle y alla en effet. A minuit, heure des fantômes, une forme féminine, drapée d’un suaire, couronnée de fleurs tombales et portant de ses mains croisées un petit crucifix d’ivoire sur la poitrine, apparut au seuil de la galerie, et l’huissier, confident gagné, annonça d’une voix stentorique :

- Feue la générale marquise de Fée.

Napoléon III était très superstitieux. Il pâlit et s’avança, tout vacillant, vers sa valseuse macabre. – Ah ! madame, quel est ce déguisement pour une fête ?… – Ce n’est pas un déguisement, Sire, c’est l’uniforme. Je suis morte. – Morte, et depuis quand ?… – Depuis que je ne suis plus aimée.

L’aventure, étouffée par ordre, ne transpira pas hors du palais, mais « la meilleure amie », craignant le ridicule plus que le scandale peut-être, congédia d’elle-même le général et prit quelque autre amant, je pense.

Peu accoutumé à la résistance des « honnestes dames » de sa jeune cour et d’ailleurs, celle de la marquise de Fée commençait à irriter le fataliste couronné, qui, il faut le dire à sa décharge, y voyait moins un défi au souverain qu’à l’homme à femmes dont il s’arrogeait le renom, il brusqua les choses, se déclara et demanda un rendez-vous. Elle le lui accorda, à date fixe et chez elle. Il y vint incognito et sans suite. Elle l’attendait, comme on dit sous les armes, étendue sur un lit de repos à l’antique que flanquaient deux sièges bas disposés par elle dans un ordre voulu et symétrique, à droite et à gauche, sous le portrait de son mari.

- Sire, commença-t-elle, asseyez-vous et causons. Malgré la peine que l’on a à se défendre de l’homme séduisant entre tous que vous êtes, j’aurais depuis longtemps accueilli vos hommages si mon coeur n’était trop petit pour faire honneur à trois amours.

- Comment trois ?

- Sans doute, comptez : mon mari, vous et l’autre.

- Quel autre, madame ?

- Vous avez un compétiteur aussi pressant que vous, non moins irrésistible, et favoriser l’un c’est être injuste pour son digne rival, puisque la gloire de l’amant est d’être seul à l’être. Quant à moi, je n’incline à aucun, de préférence, le beau soldat, dont voici le portrait, ayant le privilège de les fixer toutes, quoiqu’il fasse. Puisqu’il s’agit de le tromper en me trompant moi-même, excusez-moi de lui économiser une trahison sur deux et de m’en tenir au moins, dans le péché, à celui qui m’aura le mieux convaincue de le commettre. Je vous écouterai l’un et l’autre avec le plus grand soin, sans la moindre partialité, et je serai, puisqu’il le faut, à celui qui m’aura persuadée et vaincue, Sire.

- Je ne crains personne à vos pieds, mais quel étrange tournoi est-ce là ? Mon rival et moi, devons-nous parler ensemble ?

- Ensemble, non, mais tour à tour.

Et elle lui montra les deux sièges disposés à chaque flanc de la chaise longue.

- Est-il donc ici déjà et comptez-vous nous mettre ce soir même en présence ?

- Sire, il attend depuis plus longtemps que Votre Majesté.

- Allons, mais qui est-ce ? En vérité, je suis curieux de le connaître.

La marquise se leva, souleva une tenture et amena le compétiteur par la main. C’était Morny.

Les deux fils de la reine Hortense se regardèrent interloqués d’abord, puis ils partirent ensemble d’un grand éclat de rire. Ils étaient joués, et combien bellement ! L’Empereur tira son étui à cigarettes et l’ouvrit à son frère.

- C’est de la grande comédie, fit-il, et la scène est pour M. de Saint-Rémy. (Saint-Rémy était le pseudonyme dont le duc signait les vaudevilles qu’il donnait aux petits théâtres.)

- Eh bien, Sire, répétons-la.

Sylvie reprit sa pose à la Récamier sur le lit de repos ; l’Empereur s’assit à droite, le duc à gauche, et ils alternèrent leurs déclarations.

Dans un bois, une fillette vêtue de blanc aux cheveux longs est précédée d'un troll monstrueux, et un autre troll ferme la marche.Certes, tous les deux savaient parler aux femmes, mais fort différemment. Louis-Napoléon, conformément à sa nature rêveuse, procédait par la méthode sentimentale. Il était « romance » en amour. Charles-Auguste, homme d’action, accoutumé à des victoires plus libres, y employait à l’habitude une diplomatie assez expéditive. Mais la scène à trois n’est pas le tête-à-tête ; ils se gênaient, ne se retrouvaient plus, exagéraient l’attaque, et le volant tombait entre les deux raquettes. La fine marquise leur tendait attentivement tantôt une oreille, tantôt l’autre, et paraissait pénétrée de la gravité de la situation. Par moments, elle soupirait et jetait un coup d’oeil suppliant au portrait du général, qui, le poing sur la garde de son épée, présidait au combat dont son honneur était le prix et la timbale. C’était d’une drôlerie extraordinaire. Au bout de cinq minutes, ils bafouillaient, se coupaient, troquaient leurs manières, et le maître parlait en maître et le diplomate en poète élégiaque. Selon toutes les lois de la nature comme du théâtre, le débat ne pouvait se terminer que par une querelle, et c’était bien là-dessus que comptait la marquise.

- Assez, Morny !… cria l’Empereur.

- Sortons, Sire !…

Elle se jeta entre eux comme la Sabine du tableau : – Ah ! messieurs, de grâce, deux frères ! D’ailleurs, mon choix est fait, l’avantage reste à…

- A qui, madame ?

- A mon mari.

Et le duc disait en sortant à son compagnon de défaite :

- Elle est de première force, cette petite Tristan Houleviche.

- Oui, c’est une parisienne, résuma le fataliste, mais de Paris, celle-là, une vraie !

source :  BERGERAT, Émile (1845-1923) : Sylvie de Fée : Conte du second Empire (1919).

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