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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Le moulin maudit des Fonds de Quarreux

Posté par francesca7 le 9 décembre 2013

 

Les légendes d’Ourthe-Amblève – Frédéric Kiesel

Deux sites sont célèbres sur le cours de l’Amblève. La cascade de Coo fut amorcée par les travaux des moines de Stavelot, jadis, pour faire tourner la roue d’un moulin. En aval, c’est à un autre moulin – mais démoniaque – que les «Fonds de Quarreux» doivent, selon la légende, leurs encombrements de roches entre lesquelles se faufile la «rivière des aulnes» (Ambla Ewa).

téléchargement (3)Un modeste moulin à eau vivotait autrefois sur la rive, obligé de chômer quand les eaux étaient basses, endommagé lorsqu’elles s’écoulaient en torrent. La misère n’était jamais loin. La femme du meunier devait demander l’aumône pour habiller ses enfants, et il ne restait plus que trois vaches à l’étable, dont deux malades. De coûteux travaux étaient nécessaires pour réparer les dégâts causés par un orage à la roue à aubes, mais la bourse plate du meunier ne lui en donnait pas les moyens.

Aussi ce dernier apprit-il avec de grands espoirs que, venant de mourir, un lointain oncle de Hesbaye, réputé économe et riche, avait fait de lui son héritier. Prenant sa besace, il fit en hâte le long chemin pour assister aux funérailles de son parent. Hélas! lorsqu’il alla trouver le notaire, celui-ci lui apprit que, devenu sur le tard galant et dépensier, feu l’oncle avait dilapidé la plupart de ses biens. Après payement des funérailles et des droits dus au seigneur local, il ne restait au pauvre meunier qu’une poignée de thalers.

Il revenait donc chez lui, bien marri, et admirant avec mélancolie les beaux moulins à vents dont les ailes tournaient en ce temps-là sur le plateau de Hesbaye.
– Ah, murmura-t-il, je n’aurais à craindre ni les basses ni les trop hautes eaux si je pouvais, en mon pays de Quarreux, en construire un sur la hauteur. Je gagnerais enfin ma vie. Mais qui diable me donnera de quoi le construire ?

Prononcé sans y penser, ce mot «diable» avait été entendu. Le pauvre meunier n’avait pas remarqué, dans l’ombre épaisse d’un noyer, un homme aux yeux brillants, enveloppé dans une longue houppelande noire.
– Veux-tu vraiment posséder semblable merveille? lui demanda l’inconnu.
– Bien sûr, mais avec quoi payerais-je les travaux? Soupira le pauvre homme. Voici toute ma fortune.

Et il montra les quelques thalers de l’héritage.
– Tu n’as pas besoin d’or ni d’argent. Si tu te mets sous mon pouvoir, je puis t’en bâtir un, plus grand et beau que celui-ci, en une nuit. On y viendra depuis Stavelot jusqu’Aywaille pour faire moudre seigle et blé.

Lui tendant un parchemin, il poursuivit:
– Signe ceci avec ton sang. C’est un pacte. Rentre chez toi, tu y seras ce soir. Au premier rayon de l’aube, les travaux seront achevés, je te le promets, et les ailes tourneront. Dès lors, tu seras riche, et moi, je posséderai ton âme. Je viendrai la prendre dans dix ans.

Le pauvre homme signa. Pour son retour à Quarreux, la fortune entrevue lui fit hâter le pas. L’épouse du meunier fut tout étonnée de le voir revenu si tôt de chez feu l’oncle.

images (1)- Tu semblés joyeux, lui dit-elle. Un héritage va donc nous sauver de la misère? Montre-moi les beaux thalers de l’oncle défunt.

– Il y en a peu, mais nous serons pourtant, demain matin, riches du plus beau moulin de toute la région. Il aura des ailes comme en Hesbaye et le bon vent d’Ardenne les fera tourner.

Devinant quelque ténébreuse machination, l’épouse, qui était pieuse et sage, fit raconter à son homme quel marché il avait conclu. Elle en fut grandement alarmée:
– Tu dois reprendre ta parole, dit-elle.

– Je ne puis. J’ai signé avec mon sang. Mais ne crains rien. Demain, quand tu le verras en avion au premier rayon du soleil, comme cet homme me l’a promis, tu sauras que nos malheurs sont terminés. Et dix ans, c’est long.

Toute la nuit, la vallée retentit d’un vacarme pire que maint orage. Cent diables extrayaient pierres et roches, les transportaient au sommet, abattaient des chênes et les équarrissaient. Ils bâtissaient à grand ahan, charpentaient, s’affairaient aux rouages, fixaient des ailes, les entoilaient, taillaient d’énormes meules à grands coups de ciseaux dont les étincelles allumaient des éclairs.

Le meunier et sa femme ne purent fermer l’œil dans tout ce vacarme qui ne s’apaisa que peu avant le point du jour. Quelques minutes avant l’aube, moment fatidique, Satan vint chercher le meunier pour lui montrer son œuvre. Dressé dans le ciel, le moulin tout neuf luisait de tout l’éclat de ses pierres de quartz, aussi haut et majestueux que le château de Mont jardin. Immobiles, ses bras immenses semblaient attendre le premier rayon du soleil pour tourner au gré du vent vif du plateau. On eut dit qu’elles l’attendaient pour commencer à tourner, accomplissant, à la minute convenue, la promesse de Satan. Or celui-ci cachait mal une inquiétude subite.

Le jour se leva, éblouissant à l’horizon, et le moulin resta figé. Le Prince des Ténèbres comprit qu’il avait perdu: sa promesse n’était pas tenue. Mais qui avait bien pu se mettre en travers de ses desseins ?

Il le vit une minute trop tard. Pour sauver l’âme de son époux, la femme du meunier, priant la Vierge de Dieupart, s’accrochait de toutes ses forces à une aile, la paralysant au risque d’être brisée par elle.

Écumant de rage, Satan foudroya le moulin qui s’écroula, broyant dans ses débris la femme qui avait tenu le Malin en échec. Les pierres géantes des murs furent projetées dans l’Amblève jusqu’à grande distance. On les y voit encore de nos jours encombrer étrangement le cours de la rivière dans tout le site connu depuis sous le nom de «Fonds de Quarreux».

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