La Boisserie, le cocon familial du général de Gaulle
Posté par francesca7 le 20 novembre 2013
Après la guerre, le général de Gaulle avait fait reconstruire sa maison, très endommagée, en y accolant une tour afin d’y installer son bureau © FRANCOIS NASCIMBENI / AFP
Tout l’été durant, Le Point.fr vous propose de découvrir l’histoire de maisons de vacances. Parfois loufoque. Souvent extraordinaire. Cette semaine, nous faisons étape en Haute-Marne, dans la propriété du général de Gaulle.
En juin 1934, Charles et Yvonne de Gaulle, avec leurs trois enfants, rêvent de grand air et de tranquillité. Ils sont à la recherche d’un espace protégé où leur fille Anne, trisomique, puisse évoluer en toute sécurité, à l’abri des regards. Blottie derrière son mur d’enceinte dans une nature luxuriante, La Boisserie, une ancienne brasserie située en Haute-Marne, leur paraît idéale. Sans eau courante, elle n’a rien d’une maison bourgeoise…
Mais la bâtisse, au coeur d’un parc de deux hectares, se trouve à une distance raisonnable de Paris et également à proximité des principales garnisons de l’Est où le jeune lieutenant-colonel est amené à se rendre. Elle est également proche de l’abbaye de Clairvaux, où le militaire a l’habitude de se confesser.
Traversée du désert
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que La Boisserie prend sa forme actuelle. Bombardée et incendiée par les Allemands qui l’ont occupée, elle doit être en grande partie reconstruite. La grande tour où le général installe son bureau, au rez-de-chaussée, est érigée à cette époque. Le chef de la France libre y trouve refuge après sa démission de la tête du gouvernement provisoire le 20 janvier 1946 ; il y rédige ses mémoires de guerre pendant sa longue traversée du désert. « C’est ma demeure. Dans le tumulte des hommes et des événements, la solitude était ma tentation. Maintenant, elle est mon amie. De quelle autre se contenter quand on a rencontré l’histoire ? » raconte-t-il.
Même après son élection en 1958 à la présidence de la République, de Gaulle revient très régulièrement à La Boisserie pour les week-ends et les vacances. « Là, regardant l’horizon de la terre ou l’immensité du ciel, je restaure ma sérénité », dit-il dans ses Mémoires d’espoir. Lui qui n’aime guère le téléphone fait pourtant installer celui-ci dans une pièce exiguë afin de converser avec les membres du gouvernement. Au calme, dans son bureau, il rédige aussi ses discours les plus délicats. Flanquée jour et nuit d’une garde militaire à cette époque, La Boisserie demeure néanmoins une résidence privée à une exception près… Car, pour poser la première pierre de la réconciliation franco-allemande, les de Gaulle y reçoivent le chancelier Konrad Adenauer les 14 et 15 septembre 1958. La Pietà du XVe siècle offerte par le dirigeant allemand à la maîtresse de maison trône aujourd’hui encore dans le salon.
« Juste les Compagnons de la Libération »
Quatre ans plus tard, le 22 août 1962, sur le chemin de la base aérienne de Villacoublay, où attend un hélicoptère à destination de Colombey-les-Deux-Églises, la DS présidentielle est prise pour cible à quelques centaines de mètres du rond-point du Petit-Clamart. Le général refuse alors que le village de Haute-Marne soit placé sous la sécurité de l’armée pour ne pas perturber la vie des habitants. Après son retrait de la vie politique, le 28 avril 1969, c’est d’ailleurs auprès d’eux qu’il choisit de s’installer définitivement.
Il se consacre alors à la rédaction de ses Mémoires d’espoir dans son bureau de La Boisserie. Le 9 novembre 1970, alors qu’il entame une partie de patience dans la bibliothèque, le général est pris d’un malaise. Terrassé par une rupture d’anévrisme, il ne s’en relèvera pas. « Je veux être enterré à Colombey. À mes obsèques, ni président, ni ministre, ni n’importe quel autre représentant de quelque assemblée. Juste les Compagnons de la Libération. Sur ma tombe : Charles de Gaulle, 1890- … Rien d’autre ». Ainsi repose-t-il aux côtés de sa fille Anne, décédée pendant l’hiver 1948, non loin de La Boisserie qui avait si bien abrité l’intimité de la famille.
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