Gravir le Mont Saint Michel
Posté par francesca7 le 9 novembre 2013
En 1846, Édouard Le Héricher le décrivait ainsi : « Le Mont Saint-Michel apparaît comme une montagne circulaire qui semble s’affaisser sous la pyramide monumentale qui la couronne. On voudrait prolonger sa cime en une flèche aiguë qui monterait vers le ciel (la flèche actuelle ne date que de 1899), dominant son dais de brouillards ou se perdant dans une pure et chaude lumière. De vastes solitudes l’environnent, celle de la grève ou celle de la mer, encadrées dans de lointaines rives verdoyantes ou noires. » (extrait de L’Avranchin monumental et pittoresque, t. 2, p. 310, 1846).
Le Mont était rattaché depuis l’époque de Charlemagne au diocèse d’Avranches, en Neustrie, ce qui reflète vraisemblablement une situation antérieure, c’est-à-dire l’appartenance du Mont au territoire des Abrincates, sur lequel va se plaquer le cadre administratif romain, puis le cadre religieux chrétien, conformément à un processus observé ailleurs dans la future Normandie et au-delà. En 867, le traité de Compiègne attribua le Cotentin, ainsi que l’Avranchin (bien que ça ne soit pas clairement stipulé), à la Bretagne. L’Avranchin, tout comme le Cotentin ne faisaient donc pas partie du territoire concédé à Rollon lors de l’établissement des Normands en 911 - le mont Saint-Michel restait provisoirement breton, tout en restant rattaché au diocèse d’Avranches, lui-même dans l’archidiocèse de Rouen. Il l’était encore en 933 lorsque Guillaume Ier de Normandie récupéra l’Avranchin : la frontière était alors fixée transitoirement à la Sélune, fleuve côtier qui se jetait à l’est du Mont.
Quelques décennies plus tard, en 1009, la frontière sud de l’Avranchin (et, partant, de la Normandie) fut déplacée jusqu’au Couesnon, fleuve côtier dont l’embouchure marqua pendant des siècles la limite officielle entre la Normandie et la Bretagne (bien avant d’être remplacée par une limite topographique fixe).
L’histoire et la légende se brouillent à cette date. Les textes de l’époque ne précisent pas le sort du mont Saint-Michel (ni sa localisation par rapport au Couesnon), mais son rattachement à la Normandie est attesté quelques décennies plus tard, et il est déjà effectif lorsque Guy de Thouars incendie le Mont en avril 1204.
Or, une légende affirme que le Couesnon, lors d’une de ses fréquentes divagations, se serait mis à déboucher à l’ouest du Mont, faisant ainsi passer ce dernier en Normandie. Si cette légende est exacte, le Mont aurait été situé à l’ouest du Couesnon en 1009 et la divagation du Couesnon se situerait quelques décennies plus tard. Si elle est fausse, le Couesnon se jetait déjà à l’ouest du mont Saint-Michel en 1009.
Quoi qu’il en soit, le mont Saint-Michel aura été breton de 867 à 1009 (ou dans le cas où la légende du basculement du Couesnon serait exacte, de 867 aux environs de 1050) de manière politique, sans jamais avoir été intégrée à l’archidiocèse de Dol, de même, la fondation d’un collège de chanoine par l’évêque d’Avranches dès le viie siècle, le choix de saint Michel comme saint protecteur de l’empire par Charlemagne, puis les donations de Rollon pour restaurer la collégiale et enfin sa conversionen abbaye bénédictine au xie siècle par une communauté de moines issue des abbaye de Saint-Wandrille (image), de Jumièges et de Saint-Taurin d’Évreux, toutes situées en Normandie, indiquent clairement l’appartenance permanente du Mont à la sphère d’influence de l’église franque puis normande, distinctes de l’église bretonne, ce qui rend la question de la localisation géographique exacte plutôt secondaire. La limite officielle entre la Bretagne et la Normandie est désormais fixée indépendamment de la localisation d’un cours d’eau – et précisément à 4 km à l’ouest, au pied du massif de Saint-Broladre. Il n’est donc plus possible pour le Mont de changer de région administrative, ni de département.
Il faut noter que l’hypothèse d’une divagation importante du Couesnon est parfaitement cohérente et vraisemblable, tant les lits des cours d’eau pouvaient varier, en l’absence de toute canalisation – et parfois de plusieurs dizaines de kilomètres. Le fait que l’embouchure du Couesnon se trouvait à 6 km du rocher au xviiie siècle n’apporte aucune information sur sa position au fil des siècles précédents – la topographie rend même inévitable qu’il ait bougé régulièrement. En revanche, aucun texte n’atteste qu’il ait basculé d’un côté du mont Saint-Michel à l’autre.
UN SITE FANTASTIQUE – Lorsqu’on arrive par la route de Pontorson, il faut atteindre la digue qui le relie au continent depuis 1880 pur qu’il apparaisse ; la présence de cet énorme rocher bâti, de 1 kilomètre de circonférence et de 80 mètres de haut – un ilot de granulite comme il en existe deux autres dans la région, l’un à Tombelaine, l’autre à Dol – est toujours saisissante.
UNE INSULARITE EN PERIL – L’opinion publique s’est émue des menaces pesant sur la baie, et notamment du phénomène d’envasement qui risque de faire perdre au Mont son insularité ; de nos jours, seules les marées de fort coefficient encerclent l’ilot. Des mesures ont été envisagées pour sauver le site ; ce fut fait mais… Je conseille de lire ce site sur le sujet : http://www.projetmontsaintmichel.fr/actualites.html#39
L’architecture du Mont-Saint-Michel et sa baie en font le site touristique le plus fréquenté de Normandie et le troisième de France (après l’Île-de-France) avec plus de 3 000 000 de visiteurs chaque année (3 250 000 en 2006). Une statue de saint Michel placée au sommet de l’église abbatiale culmine à 170 mètres au-dessus du rivage. Élément majeur, l’abbaye et ses dépendances sont classées au titre des monuments historiques par la liste de 1862 (60 autres constructions étant protégées par la suite) ; la commune et la baie figurant depuis 1979 sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
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