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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

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  • > Archives pour le Samedi 2 novembre 2013

Nice fête Matisse

Posté par francesca7 le 2 novembre 2013

Nice fête Matisse dans FONDATEURS - PATRIMOINE images-18

A Nice, huit expositions célèbrent Henri Matisse durant l’été. Chefs d’oeuvres et thèmes plus inattendus offrent un parcours d’une grande richesse dans la ville choisie par ce génie de la peinture pour vivre et créer.

Henri Matisse a passé les quarante dernières années de sa vie à Nice, y puisant l’inspiration pour produire certaines de ses plus grandes toiles, comme « La tristesse du roi » (1952).

A la mesure de cette passion, sa ville d’adoption lui rend hommage cet été : 700 oeuvres sont ainsi réunies dans huit musées, dont le musée Matisse qui fête ses 50 ans, pour huit manifestations d’exception.

Oeuvres en pagaille

Citons tout d’abord l’événement « Matisse. La musique à l’oeuvre » au musée Matisse. On y admire les plus belles pièces de la collection permanente du musée, tel « Nu bleu IV », mais également de nombreuses oeuvres prêtées par de grands sites américains ou des musées nationaux, à l’image d’ »Intérieur au violon » (MoMa, New York), « Pianiste et joueurs de dames » (National Gallery of Art, Washington), ou encore « La tristesse du roi » (Centre Georges Pompidou, Paris).

L’exposition explore les représentations que Matisse donne de la musique en peignant instruments et musiciens, et s’attache à faire ressentir les correspondances qu’il perçoit entre couleurs et sons. Ses dessins et sa palette obéissent à des variations quasi mélodiques… A découvrir au terme du parcours, « La Piscine », une céramique moderne qui reproduit une composition en papiers découpés datant de 1952. Exposé pour la première fois, ce diptyque monumental (15 mètres de long et plus de 2 mètres de haut), réalisé sous la houlette du petit-fils de Matisse, intègre pour l’occasion la collection permanente du lieu.

Palmes et palmettes

images-17-300x148 dans FONDATEURS - PATRIMOINEDans un tout autre registre, l’exposition « Bonjour Monsieur Matisse ! » du Mamac permet de découvrir les héritiers du peintre de « La Danse ». Ceux qui, de façon explicite, font référence à lui dans une oeuvre, parfois avec humour. Il y a là un dessin de Jean-Michel Basquiat, au titre on ne peut plus limpide (« Matisse, Matisse, Matisse »), sans oublier une création de Warhol inspirée de « Grande robe bleue et mimosas », ainsi que des toiles de Roy Lichtenstein, John Baldessari, Tom Wesselmann et Niki de Saint-Phalle. La pièce la plus récente, datée de 2013, est signée Sophie Matisse, l’arrière-petite-fille de du maître ! Deux de ses toiles reprennent les oeuvres de son aïeul à l’identique, mais en en faisant disparaitre les personnages : elles sont à découvrir parmi la cinquantaine de pièces réunies pour cette manifestation.

Autre incontournable, l’exposition « Palmiers, palmes et palmettes ». Ce rendez-vous offre une analyse de l’iconographie du palmier de l’Antiquité à nos jours. La plante, symbole de Nice et de la Côte d’Azur, se révèle omniprésente dans l’oeuvre de Matisse. « Femmes, muses et modèles » et « Matisse. Les années Jazz » proposent, elles, des regards plus intimistes. « Gustave Moreau, maître de Matisse » rassemble des oeuvres majeures du symboliste. Avec « A propos de piscines », des artistes contemporains exposent sur le thème du corps immergé dans l’eau. Enfin, « Matisse à l’affiche » rappelle que l’artiste a signé des affiches publicitaires et inspiré un type de graphisme. Un hommage grand format.

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Cocteau, Piaf : les immortels

Posté par francesca7 le 2 novembre 2013

Le 11 octobre 1963, la France apprend à quelques heures d’intervalle la mort de la Môme et celle du poète. La première a-t-elle entraîné la seconde ? 

 Cocteau, Piaf : les immortels    dans FONDATEURS - PATRIMOINE images-16

Difficile d’imaginer deux artistes plus opposés. La Môme contre le Prince des poètes. La fille de saltimbanques, amie des putes et des maquereaux, contre l’académicien compagnon de Picasso ou de Stravinsky. L’alcool contre l’opium. Édith Piaf et Jean Cocteau étaient pourtant devenus très amis après leur rencontre en février 1940 et la mise en scène, quelques mois plus tard, du Bel indifférent, écrit par le poète pour la chanteuse. Ils l’étaient restés pendant près de vingt-cinq ans. 

Lorsque, le 11 octobre 1963, ils apprennent à quelques heures d’intervalle la disparition de l’un et l’autre, les journaux établissent immédiatement entre elles un lien de cause à effet : Cocteau, âgé de 74 ans, aurait été terrassé en apprenant le décès de la Môme. Celle-ci est morte la veille, dans le mas provençal proche de Grasse où elle a passé ses dernières semaines, mais son corps a été transporté en grand secret à Paris, où ses proches font établir un certificat de décès postdaté. Alors que, boulevard Lannes, des milliers d’admirateurs viennent se recueillir devant le cercueil de la chanteuse (certains de ses familiers fouillent, pendant ce temps, les tiroirs et les armoires), on apprend la mort du poète. Le 12 octobre,Le Parisien assure en une : « La mort d’Édith Piaf a tué Jean Cocteau. » Jean Marais a beau corriger, assurer que son ancien compagnon a succombé à un « oedème du poumon », la légende est née.

« Tiré de la mort (c’est notre truc) »

Rien qu’une légende ? L’amitié des deux artistes se renforce encore à la fin de leur vie, au point qu’un curieux parallélisme s’établit, au fil des mois, entre leurs maladies respectives. Jean Cocteau a été victime dans ses derniers mois de deux crises cardiaques ; Édith Piaf, à 48 ans, n’est guère en meilleure santé et a subi de multiples opérations du foie et des intestins. « Dans un mot, écrit le 31 août à son domicile de Milly-la-Forêt, note le biographe de Piaf Robert Belleret, Jean Cocteau [écrit ainsi] : Mon Édith. On nous a coupés pendant que je te disais ma tendresse fidèle. Je sors assez mal de mes disputes avec la mort, mais le coeur reste solide et t’aime. Quelques jours plus tard, il lui écrit encore : Tiré de la mort je ne sais comment (c’est notre truc), je t’embrasse parce que tu es une des sept ou huit personnes auxquelles je pense avec tendresse chaque jour. » Théo Sarapo, le dernier compagnon de Piaf, témoigne, lui, des appels quotidiens qu’elle échangeait avec l’écrivain. 

Plus troublant : selon Claude Arnaud, qui a écrit sa biographie, Jean Cocteau aurait dit, après avoir appris de sa cuisinière Juliette que son amie était morte : « C’est ma dernière journée en ce monde. » D’autres témoignages, cités par Violette Morin, professeur à l’École pratique des hautes études, dans un essai écrit en 1964 sur la mort des deux artistes, assurent en outre que Cocteau aurait dit : « La mort de Piaf a augmenté mes étouffements…, je sens que c’est fini. » « C’est le bateau qui achève de sombrer. » Il accepte pourtant une proposition d’interview de Paris Match, qui souhaite recueillir sa réaction à la mort de Piaf. Il n’aura pas le temps de la livrer. 

Ultime pirouette de l’histoire : il existe pourtant un hommage funèbre de Cocteau à Piaf, écrit « préventivement » et que cite Robert Belleret : « Édith Piaf s’éteint, consumée par un feu qui lui hausse sa gloire. Je n’ai jamais connu d’être moins économe de son âme. [...] Comme tous ceux qui vivent de courage, elle n’envisageait pas la mort et il lui arrivait même de la vaincre. Seulement, sa voix nous reste. Cette grande voix de velours noir, magnifiant ce qu’elle chante. » 

 

REGARDEZ les images de l’enterrement d’Édith Piaf, le 14 octobre 1963 :

vidéo les obsèques de PIAF

Image de prévisualisation YouTube

Obsèques de Jean Cocteau à Milly-la-Forêt, le 16 octobre 1963.

publiée le 28 mai 2012 : http://edithpiafintegrale.blogspot.com

Les obsèques d’Edith Piaf, de son domicile du blvd Lannes au cimetière du Père Lachaise (bout-à-bout de séquences, dont certaines inédites).
 

 

 

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Les coupables de crime contre l’Histoire

Posté par francesca7 le 2 novembre 2013

(Éditorial du 9 septembre 2002 paru dans le N° 4 de
La France pittoresque - octobre/novembre/décembre 2002)

Quelques esprits malfaisants auraient-ils décidé de vendre la France à l’encan, encouragés par l’indifférence d’une gent politicienne pour qui les intrigues carriéristes semblent dicter le discours comme les actes et avoir désormais pris le pas sur les intérêts de notre pays ? Les instances dirigeantes laisseront-elles quelques ploutocrates brader l’exception culturelle française, accepteront-elles sans l’infléchir le diktat de quelques technocrates européens faisant fi de l’indéfectible, légitime et intangible attachement des Français pour leur langue et leurs traditions ?

Les coupables de crime contre l’Histoire   dans HUMEUR DES ANCETRES 266px-giottoarezzo-259x300Sous le joug et devant l’impéritie des responsables politiques pourtant pressentis au sacro-saint suffrage universel à la noble tâche de servir la France, le peuple, dont l’ire silencieuse enfle, courbe pour l’heure l’échine, ne consentant à envahir les rues que pour des combats savamment orchestrés par de puissants lobbies. Triste destin d’un pays autrefois précurseur, forçant l’admiration, incontournable sur la scène internationale, que l’intelligence et la sagesse de ses monarques éclairés avaient ainsi su ériger en modèle. Par égard pour une France dont nous ne sommes que les éphémères dépositaires, l’École se devrait de préparer l’avenir en mettant un terme à cette hérésie. Il est impérieux de faire la part belle à une véritable éducation historique, qui ne se limiterait pas à d’ennuyeux récits émaillés d’une pléthore de dates, afin d’offrir à nos enfants une chance d’aiguiser leur esprit critique, de se forger une opinion libre de toute cette pensée unique et tendancieuse véhiculée par des médias trop souvent complaisants. Mais s’il prenait alors à nos chers bambins l’envie d’instituer la notion de crime contre l’Histoireface au déclin d’un pays dont se rendent complices nos gouvernants ? Que de procès en perspective contre ces dignitaires collaborant au dépeçage de la France et perpétrant leurs exactions en toute impunité !

Face aux délicats problèmes intérieurs posés actuellement par la délinquance juvénile, les inondations ou la réglementation de la prostitution, La France pittoresque vous propose de conforter ou d’infirmer vos certitudes à la lecture de chroniques piquantes et vivantes : l’expérience probante, mais ensuite détournée, de la création d’une colonie agricole à Mettray en 1840, visant à remettre les enfants dévoyés sur le droit chemin ; les catastrophes climatiques ayant rythmé la vie des populations européennes tout au long du XIXe siècle, causant d’incommensurables dégâts mettant en péril le sud de la France ou une ville comme Amsterdam ; l’ouverture vers 1260 par le pieux roi saint Louis des maisons closes pour contrôler la prostitution et prévenir ainsi de plus grands désordres sociaux.

Vous apprendrez également comment le gouvernement dut réprimander les afficheurs placardant des milliers de pamphlets ; comment l’abnégation d’un homme donna aux sourds et aux muets la possibilité de communiquer ; comment l’omnipotence du clergé s’affirmait sur les hommes en condamnant les animaux.

Une meilleure connaissance de la petite Histoire de France peut nous garder des jugements à l’emporte-pièce, nous guider sur une voie sage déjà expérimentée par nos ancêtres ou bien nous inviter à ne pas commettre les mêmes erreurs. Ne devrait-elle pas présider à toute prise de décision impliquant l’avenir d’une société ?

Valéry VIGAN
Directeur de la publication
 

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Fête des morts de nos Ancêtres

Posté par francesca7 le 2 novembre 2013

 

(D’après « Fêtes et coutumes populaires » paru en 1911,
« Les Celtes depuis l’époque de la Tène et la civilisation celtique » paru en 1932,
« La civilisation des Celtes et celle de l’époque homérique » paru en 1899,
« La religion des Celtes » paru en 1904, « Les petits Bollandistes » paru en 1876
et « Œuvres de Voltaire avec notes de Beuchot » paru en 1829)

 Fête des morts de nos Ancêtres dans HUMEUR DES ANCETRES 260px-abtei_im_eichwald_c_d_friedrich

Rebaptisée « Halloween » après que le pape Grégoire IV eût introduit en France, en 837, la Toussaint fixée au 1er novembre, la fête celtique de Samain existait voici plus de 2500 ans et se déroulait tous les 31 octobre : adoptée par les Gaulois, elle marquait pour les peuples celtes la fin de l’été, le début d’une nouvelle année, et constituait un moment privilégié de rencontre entre vivants et morts. D’origines distinctes, la « fête de tous les saints » et la « fête de la nouvelle année celtique » ne doivent pas être confondues avec une troisième, le Jour des morts fixé dès 1048 au 2 novembre.

Le culte des morts est aussi ancien que la race humaine. Si haut qu’on remonte dans l’histoire, on le trouve déjà établi au cœur de l’homme : bien avant qu’il y eût des philosophes, les générations primitives du globe envisageaient la mort non comme une dissolution de l’être, mais comme un simple changement d’existence.

Sans doute, ces générations primitives ne croyaient pas que l’âme se dégageait de sa dépouille charnelle pour entrer dans une demeure céleste ; elles ne croyaient pas davantage qu’après s’être échappée d’un corps elle allait en ranimer un autre. Elles croyaient que l’âme du mort restait dans le voisinage des vivants et poursuivait à côté d’eux une existence souterraine et mystérieuse. Et c’est pourquoi, à la fin de la cérémonie funèbre, elles l’appelaient trois fois par son nom, trois fois lui souhaitaient de se bien porter, trois fois ajoutaient : « Que la terre te soit légère ! » L’expression a passé jusqu’à nous, comme aussi la coutume du Ci-gît ou du Ici repose qu’on inscrivait sur les monuments funéraires, et que nous continuons d’inscrire sur les tombes de nos morts.

La résurrection, croyance adoptée dès l’Antiquité
La croyance à la résurrection des morts est générale dans l’Antiquité. Elle n’est pas une invention des druides, comme on pourrait le conclure à la lecture de César, Méla et Lucain : « Les druides, raconte César, veulent surtout persuader que les âmes ne meurent point, mais que des uns elles passent à d’autres après la mort ; ils pensent que c’est par cette croyance que principalement on excite le courage en ôtant aux hommes la crainte de la mort ». Quant à Méla, il affirme que « des doctrines enseignées par les druides à l’aristocratie, une seule s’est répandue dans le peuple, elle a pour objet de rendre les Gaulois plus braves à la guerre ; cette doctrine est que les âmes sont éternelles et qu’il y a une seconde vie chez les morts ». S’adressant aux druides, Lucain dit que « les ombres ne vont pas au séjour silencieux de l’Erèbe, ni dans les pâles royaumes du profond Dispater ; le même esprit gouverne des membres dans un autre monde ; si vous savez ce que vous enseignez par vos chants, la mort est le milieu d’une longue vie ». Cette doctrine est en fait une tradition antérieure au druidisme.

Un aspect presque universel dans le monde antique est la nécessité d’une barque pour arriver au séjour des morts, connue dans la littérature la plus ancienne de l’Inde. On la trouve dans les textes scandinaves, et même en Egypte. Dans son Histoire ancienne des peuples de l’Orient classique, Maspero rapporte que montée dans sa barque, l’âme du mort « pénétrait mystérieusement par la fente dans la mer occidentale, inaccessible aux vivants, et attendait la venue quotidienne du soleil mourant (…) La barque de ce dieu (…) s’arrêtait un moment aux frontières du jour ; les âmes instruites en profitaient pour se faire reconnaître et recevoir à bord. Une fois admises, elles prenaient part à la manœuvre et aux batailles contre les dieux ennemis ; mais elles n’avaient pas toutes le courage ou l’équipement nécessaires pour résister aux périls et aux terreurs du voyage ; beaucoup s’arrêtaient dans les régions qu’elles traversaient ».

La situation de cet autre monde varie suivant la position géographique des divers peuples celtiques. Dans La Légende de la mort chez les Bretons armoricains Le Braz remarque que les gens du continent le plaçaient volontiers dans les îles. Une tradition fixée par écrit au VIe siècle par Procope rapporte que les habitants du pays situé en face de la Grande-Bretagne avaient pour charge de conduire les âmes des morts du continent dans l’île.

Au milieu de la nuit, ils entendent frapper à leur porte, et une voix les appelle tout bas. Alors ils se rendent au rivage sans savoir quelle force les y entraîne. Ils y trouvent des barques qui semblent vides, mais qui sont tellement chargées des âmes des morts que leur bordage s’élève à peine au-dessus des flots. En moins d’une heure, ils sont arrivés au terme de leur voyage alors que d’ordinaire il leur faut une journée pour s’y rendre. Là, dans l’île des Bretons, ils ne voient personne, mais ils entendent une voix qui dénombre les passagers en les appelant chacun par leur nom.

260px-Lambton_Castle_Durham_Morris_edited dans HUMEUR DES ANCETRESCe n’est que d’après la littérature épique de l’Irlande que l’on peut se faire une idée de l’Elysée rêvé par les Celtes, pays merveilleux que l’on atteignait en s’embarquant sur une barque de verre au-delà de la mer. On apercevait une grande tour transparente aux contours indécis ; dans les ouvertures des créneaux apparaissaient des formes qui ressemblaient à des hommes. Quiconque essayait d’aborder au pied de la tour était emporté par les flots de la mer. Au delà de la tour s’étendaient des plaines fertiles plantées d’arbres étranges. Quelques-uns avaient des branches d’argent auxquelles pendaient des pommes d’or. Quand on heurtait ces pommes les unes contre les autres, elles produisaient un son si harmonieux qu’on ne pouvait l’entendre sans oublier tous ses maux. Au pied des arbres coulaient des ruisseaux de vin et d’hydromel. La pluie qui rafraîchissait la terre était de bière. Les porcs qui paissaient dans la plaine renaissaient, une fois mangés, pour de nouveaux festins. Partout une agréable musique flattait l’oreille et ravissait l’âme par ses douces mélodies.

C’était bien la vie que le Celte avait pu rêver ici-bas, Toujours jeune, toujours beau, couronné de fleurs, il passait ses jours dans de longs festins où la bière ne cessait de couler et où la viande de porc ne manquait pas. Jamais il ne s’élevait de contestations pour savoir à qui devait revenir le meilleur morceau. Les combats étaient au nombre des plaisirs du peuple des morts ; les guerriers étaient armés d’armes éclatantes ; ils brillaient de l’éclat de la jeunesse ; les batailles étaient plus acharnées et plus terribles que chez les vivants et des fleuves de sang coulaient dans la Grande Plaine. Ainsi le Celte retrouvait dans l’autre vie tout ce qu’il avait aimé sur la terre, la musique, la bonne chère et la guerre.

Cette croyance dans un prolongement de la vie a reçu des rationalistes diverses explications. Et les meilleures, s’il faut dire, ne sont guère satisfaisantes. C’est ainsi que, d’après Herbert Spencer, l’ombre mouvante des objets, l’image humaine réfléchie par les eaux, surtout les fantômes évoqués dans le rêve et l’hallucination durent suggérer aux premiers hommes la conception d’un « double », d’un corps subtil, plus ou moins séparable du corps mortel, d’un simulacre survivant à la mort et auquel on donna postérieurement le nom d’âme.

De cette croyance primitive serait dérivée la nécessité de la sépulture. Pour que l’âme se fixât dans sa nouvelle demeure, il fallait que le corps, auquel elle restait attachée, fût recouvert de terre. L’âme qui n’avait pas son tombeau n’avait pas de domicile. Elle était errante et misérable, et c’est elle qui, pour punir les vivants de ne pas lui avoir donné le repos auquel elle aspirait, les effrayait par des apparitions lugubres.

Mais la sépulture ne suffisait point. Et les morts avaient encore d’autres exigences. Si près des vivants, ils ne voulaient pas être oubliés d’eux ; ils requéraient des hommages, des soins particuliers. Volontaires d’abord, ces soins devinrent rapidement obligatoires, prirent la forme de rites. Ainsi se serait établi le culte des morts. Il y avait un jour de l’année surtout qui était consacré chez les anciens à ce culte.

Vivants et morts cohabitent le premier jour d’automne
220px-Wszystkich_swietych_cmentarzAvant l’ère chrétienne, les populations celtes qui peuplaient l’Irlande, la Grande-Bretagne, le nord et l’ouest de la Gaule, célébraient le Samain ou Sahmain à la fin du mois d’octobre. Les tribus irlandaises vivaient normalement dispersées, et les sanctuaires étaient en même temps des champs de foire sans rien qui impliquât un culte permanent. La population se réunissait au centre politique et religieux des tribus (lieu où sont les tombeaux des ancêtres) et aux dates de fêtes. Il y en avait quatre principales : le 1er novembre, Samhain, marque la fin de l’été (Samos) et probablement le début de l’année. Six mois plus tard, le 1er mai, au commencement de l’été (cet-saman), tombe la fête de Beltene, ou du feu (tein) de Bel ou Bile. Entre les deux se placent à trois mois d’intervalle les fêtes de Lugnasad (mariage de Lug) le 1er août, et celle de Oimele ou Imbale le 1er février.

Ces quatre fêtes déterminaient dans l’année quatre saisons de trois mois ou quatre-vingt-cinq jours, qui paraissent avoir été coupées par d’autres fêtes les séparant en deux périodes de quarante-cinq jours chacune. Le souvenir de ces dernières n’est rappelé que par des fêtes de quelques grands saints irlandais qui tombent parfois aux mêmes dates, la Saint-Finmian en décembre, et surtout la Saint-Patrick les 15, 16 et 17 mars. Ces fêtes étaient des foires, des assemblées politiques ou judiciaires et aussi des occasions de divertissements et de jeux dont quelques-uns, comme les courses, étaient d’origine religieuse.

C’étaient surtout des assemblées religieuses, qui se déroulaient dans une atmosphère de mythe et de légende. On racontait qu’à Samhain s’était livrée entre les Fomore (les gens de l’autre monde) et les Tuatha Dé Danann la grande bataille des dieux, la bataille de Mag Tured. A cette date aussi le roi Muiccetach Mac Erca, ayant enfreint les défenses imposées par une fée qu’il avait épousée, fut assailli par les fantômes, et pendant que la fée mettait le feu à son palais, se noya comme Flann dans un tonneau. Le héros Cuchulainn lui-même meurt le premier jour d’automne. Les périodes de fêtes sont des périodes pendant lesquelles les esprits sont lâchés, le miracle est attendu et normalement réalisé.

Le Samhain marquait la fin de l’été et le début d’une nouvelle année. Déguisements effrayants et vivres à profusion marquaient des festivités débutant à la nuit tombée, les premiers ayant pour but de passer auprès des morts pour l’un des leurs, les seconds visant à s’attirer leurs bonnes grâces et à les dissuader de saccager les récoltes. Ce cérémonial permettait de s’assurer d’une bonne année à venir. Un feu sacré, allumé par les druides, honorait Been, le dieu du Soleil, et chassait les mauvais esprits. Chaque famille recevait une braise lui permettant d’allumer chez elle un nouveau feu, qu’elle devait maintenir jusqu’à l’automne suivant.

Du Samain à Halloween, de la Toussaint à la Fête des morts
Sous la domination romaine, le Samain, fêté par les Gaulois, subit l’influence des célébrations en vigueur au mois d’octobre chez les conquérants pour fêter les morts : les feralia. Elles se passaient comme les nôtres en plein air. Les sanctuaires étaient fermés en effet pendant lesferalia ; toute cérémonie était suspendue ; il semblait qu’il n’y eût plus d’autres dieux que les mânes des défunts présents sous terre. Aussi leurs tombes étaient-elles le rendez-vous de toute la population des campagnes et des villes. On les jonchait de fleurs et de couronnes ; on y joignait des épis, quelques grains de sel, du pain trempé dans du vin pur. Le reste de la journée s’écoulait en prières et en commémorations.


On voit que notre Fête des trépassés (qui elle, se déroule le 2 novembre et dont l’institution se fera plus tard, au XIe siècle) ressemble singulièrement aux feralia des Latins. Et, de même, nous leur avons emprunté la fête qui précède le jour des morts et que nous appelons La Toussaint. Dans l’ancienne Rome, cependant, cette fête, qui s’appelait les caristia, suivait le Jour des morts au lieu de le précéder. Ovide nous a laissé une description charmante des caristia : « Après la visite aux tombeaux et aux proches qui ne sont plus, il est doux de se tourner vers les vivants ; après tant de pertes, il est doux de voir ce qui reste de notre sang et les progrès de notre descendance. Venez donc, cœurs innocents ; mais loin, bien loin, le frère perfide, la mère cruelle à ses enfants, la marâtre qui hait sa bru, et ce fils qui calcule les jours de ses parents obstinés à vivre ! Loin, celui dont le crime accroît la richesse et celle qui donne au laboureur des semences brûlées ! Maintenant, offrez l’encens aux mânes de la famille ; mettez à part sur le plateau des mets arrosés de libations, et que ce gage de piété reconnaissante nourrisse les lares qui résident dans l’enceinte de la maison ! »

Ce nom de lares, que portaient les mânes considérés comme protecteurs de la famille, de la maison, du domaine, de la tribu et de la cité, paraît avoir signifié maître ou chef. On voulait marquer ainsi que les ancêtres, même disparus, gardaient encore une autorité morale sur les foyers qu’ils avaient fondés. Ils étaient représentés dans l’atrium sous forme d’images de cire ou de statues de bois.

A mesure que le christianisme triompha, les temples des idoles furent détruits en Orient, et en Occident fermés seulement ou convertis en temples chrétiens. En 607, le pape Boniface IV fit ouvrir et purifier le Panthéon – temple que Marcus Agrippa, favori d’Auguste, avait fait bâtir et avait dédié à Jupiter Vengeur – le dédia sous le nom de la sainte Vierge et de tous les martyrs, et y fit transporter vingt-huit chariots d’ossements des mêmes martyrs, tirés des cimetières de la ville. Puis il ordonna que tous les ans, au jour de cette dédicace, le 13 mai, on fît à Rome une grande solennité en l’honneur de la Vierge et de tous ces glorieux témoins du Christ. Le bâtiment prit le nom de Sainte-Marie aux Martyrs, puis Notre-Dame de la Rotonde en raison de sa forme. Telle fut la première origine de la Fête de tous les Saints.

Le Jour des morts, peint par William Adolphe Bouguereau (1859)


L’Eglise avait été portée à cette institution pour plusieurs raisons. Une des principales était d’honorer les saints n’ayant pas leur solennité particulière au cours de l’année, soit parce que leur sainteté ou même leurs noms ne nous sont pas connus, soit parce que leur grand nombre empêche de leur rendre un culte distinct et séparé. En 731, le pape Grégoire III consacra une chapelle dans l’église de Saint-Pierre en l’honneur de tous les saints et déplaça la fête au 1er novembre. Mais c’est Grégoire IV qui, venu en France en 837, sous le règne de Louis le Débonnaire, inscrivit la Toussaint au calendrier liturgique universel. Fêtée le 1er novembre, elle se combinait ainsi avec l’antique Samain, fête païenne se déroulant la nuit du 31 octobre au 1er novembre qui prit dès lors le nom de all hallow’s eve signifiant veille de la Toussaint.

Le Jour des morts n’était, lui, pas encore établi. L’usage de racheter par les aumônes et les prières des vivants les peines des morts, de délivrer leurs âmes du purgatoire, s’introduisit au XIe siècle. L’opinion d’un purgatoire, ainsi que d’un enfer, est de la plus haute antiquité ; mais elle n’est nulle part si clairement exprimée que dans le VIe livre de l’Enéide de Virgile. Cette idée fut peu à peu sanctifiée dans le christianisme, et on la porta jusqu’à croire que l’on pouvait par des prières modérer les arrêts de la Providence, et obtenir de Dieu la grâce d’un mort condamné dans l’autre vie à des peines passagères.

Le cardinal Pierre Damien, celui-là même qui conte que la femme du roi Robert accoucha d’une oie, rapporte la légende liée à l’institution de la Fête des morts. Selon cette fable, un pèlerin revenant de Jérusalem fut jeté par la tempête dans une île voisine de la Sicile, où il fit rencontre d’un ermite qui passait là ses jours dans une austère pénitence, n’ayant pour habitation qu’une caverne. Ce saint reclus le reçut fort charitablement ; et ayant appris qu’il était Français, il demanda des nouvelles de Cluny et de son abbé si célèbre, Odilon, avant de lui apprendre que l’île était habitée par des diables ; que son voisinage était tout couvert de flammes, dans lesquelles les diables plongeaient les âmes des trépassés ; que ces mêmes diables ne cessaient de crier et de hurler contre saint Odilon, abbé de Cluny, leur ennemi mortel.

Il dit ainsi : « Ici tout près j’ai vu souvent des flammes effroyables et des feux qui semblent être capables de dévorer tout ce pays : ils sortent des abîmes de la terre, élevant avec eux un million d’âmes, qui endurent des tourments insupportables et expient leurs péchés dans cet embrasement. Elles poussent des cris lamentables, au milieu desquels j’ai distingué les horribles hurlements des démons que j’ai vus, sous des figures affreuses, se plaindre avec rage de ce que plusieurs de ces âmes leur sont ravies avant le temps et sont conduites au ciel en triomphe, grâce aux prières, aux sacrifices et aux pénitences de tous les fidèles, et spécialement aux continuelles mortifications, aux sacrifices et aux prières de l’abbé de Cluny et de ses religieux, qui s’emploient dans cette œuvre de charité et de ferveur avec plus de zèle que tous les enfants de l’Eglise ».

Puis il exhorta fort le religieux, aussitôt qu’il serait arrivé en France, d’en donner avis à Odilon et de le prier de sa part de redoubler ses saints exercices. Ce rapport ayant été fait à Odilon, il établit que chaque année, le second jour de novembre, le lendemain de la fête de tous les saints, on ferait dans les monastères de son obédience la commémoration de tous les fidèles défunts. Ainsi fut initiée (1031) dans le couvent de Cluny la Fête des morts, que l’Eglise adopta et institua en 1048.

C’est ainsi qu’au cours du Moyen Age, la tradition du Samain s’effaça peu à peu en France au profit de la Toussaint et du Jour des morts, pour disparaître complètement et ne demeurer qu’en Irlande.

Note : les festivités d’Halloween durent leur implantation aux Etats-Unis à une maladie de la pomme de terre, qui poussa en 1846 nombre d’Irlandais à y émigrer. La tradition irlandaise consistait alors à creuser d’énormes pommes de terre ou des navets, que l’on illumine à l’aide de bougies pour en faire des lanternes : en arrivant aux Etats-Unis, les Irlandais substituèrent aux légumes de leurs ancêtres la citrouille qu’ils avaient découverte sur le sol américain. A la fin du XXe siècle, l’initiative d’une société française spécialisée dans le déguisement, bientôt relayée par quelques ténors de l’industrie alimentaire américaine, fut à l’origine du retour en France d’Halloween qui, ne l’oublions pas, fut une coutume celte puis gauloise…

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