Lettre aux habitants de Riom
Posté par francesca7 le 21 octobre 2013
Par Jeanne d’Arc
Chers et bons amis, vous savez bien comment la Ville de Saint Pierre le Moustier a esté prinse d’assault ; et à l’aide de Dieu ay entencion de faire vuider les autres places qui sont contraires au Roy ; mais pour ce que grant despense de pouldres, trait et autres habillemens de guerre a esté faicte devant la dicte ville et que petitement les seigneurs qui sont en ceste ville et moy en sommes pourveuz pour aler mectre le siège devant la Charité, où nous allons prestement. Je vous prie sur tant que vous aymez le bien et honneur du roy. Et aussi de tous les autres de par deça, que vueillez incontinent envoyer et aider pour ledit siège, de pouldres, salepestre, souffre, trait, arbelestres fortes et d’autres habillemens de guerre. Et en ce, faictes tant que par faulte des dicts pouldres et habillemens de guerre la chose ne soit longue et que on ne vous puisse dire en ce estre négligens ou refusans. Chers et bons amis, notre sire soit gardé de vous. Escript à Molins le neufviesme jour de novembre [1429].
[Signée] Jehanne. Le texte est ici retranscrit dans sa version originale, en moyen français.
traduction : Chers et bons amis, vous savez bien comment la ville de Saint-Pierre-le-Moûtier a été prise d’assaut ; et avec l’aide de Dieu j’ai l’intention de faire vider les autres places qui sont contraires au roi. Mais pour ce, de grandes dépenses de poudre, traits et autres habillements de guerre ont été faites devant la dite ville [de Saint-Pierre-le-Moûtier] et modestement les seigneurs qui sont en cette ville et moi-même en sommes pourvus pour aller mettre le siège devant La Charité-sur-Loire, où nous allons prestement. Je vous prie parce que vous aimez le bien et l’honneur du roi. Et aussi vous voudrez bien aider pour ledit siège et ainsi envoyer rapidement de la poudre, du salpêtre, du soufre, des traits, des arbalètes fortes et d’autres habillements de guerre. Faute de poudre et habillements de guerre, faites que la chose ne soit pas longue et qu’on ne puisse dire que vous êtes négligents ou refusants. Chers et bons amis, que notre sire soit protégé par vous. Écrit à Moulins le 9 novembre [1429].
[Signée] Jeanne.
Jeanne d’Arc, née vers 1412 à Domrémy (en Lorraine), village du duché de Bar dont une partie relevait du royaume de France pour le temporel et de l’évêché de Toul pour le spirituel et morte dans sa 19e année, sur le bûcher le 30 mai 1431 à Rouen, capitale du duché de Normandie alors possession du royaume d’Angleterre, est une héroïne de l’histoire de France, chef de guerre etsainte de l’Église catholique, connue depuis l’époque comme « la Pucelle d’Orléans », et depuis le xixe siècle comme « mère de la nation française ».
Au début du xve siècle, cette jeune fille de dix-sept ans d’origine paysanne prétendant avoir reçu de la part des Saints Michel, Marguerite et Catherine la mission de délivrer la France de l’occupation anglaise, parvient à rencontrer le Dauphin Charles, à conduire victorieusement les troupes françaises contre les armées anglaises, levant le siège d’Orléans, conduisant le dauphin ausacre à Reims, contribuant ainsi à inverser le cours de la guerre de Cent Ans.
Capturée par les Bourguignons à Compiègne, elle est vendue aux Anglais par Jean de Luxembourg, comte de Ligny, pour la somme de dix mille livres, et condamnée à être brûlée vive en 1431après un procès en hérésie conduit par Pierre Cauchon, évêque de Beauvais et ancien recteur de l’université de Paris.
Entaché de nombreuses irrégularités, ce procès est cassé par le pape Calixte III en 1456 ; un second procès, en réhabilitation, est instruit, conclut à son innocence et l’élève au rang de martyre.
Elle est béatifiée le 18 avril 1909 et canonisée le 30 mai 1920.
Grâce à ces deux procès dont les minutes ont été conservées, elle est l’une des personnalités les mieux connues du Moyen Âge.
Jeanne d’Arc est devenue une des quatre saintes patronnes secondaires de la France, et dans le monde entier une personnalité mythique qui a inspiré une multitude d’œuvres littéraires, historiques, musicales, dramatiques et cinématographiques.
Lors de son procès qui dura du 21 février au 23 mai 1431, elle est accusée d’hérésie et interrogée sans ménagement à Rouen. Elle est emprisonnée dans une tour du château de Philippe Auguste, dite plus tard « tour de la Pucelle » ; seul le donjon de la construction est parvenu jusqu’à nous. Il est appelé à tort « tour Jeanne-d’Arc », cependant les substructions de la tour de la Pucelle ont été dégagées au début du xxe siècle et sont visibles dans la cour d’une maison sise rue Jeanne d’Arc. Jugée par l’Église, elle reste néanmoins emprisonnée dans cette prison civile, au mépris du droit canon.
Si ses conditions d’emprisonnement sont particulièrement difficiles, Jeanne n’a néanmoins pas été soumise à la question pour avouer, c’est-à-dire à la torture. Or à l’époque, la torture était une étape nécessaire à un « bon procès ». Cette surprenante absence de torture a servi d’argument pour une origine « noble » de Jeanne d’Arc. Les bourreaux n’auraient pas osé porter la main sur elle.
Le procès débute le 21 février 1431. Environ cent vingt personnes y participent, dont vingt-deux chanoines, soixante docteurs, dix abbés normands, dix délégués de l’université de Paris. Leurs membres furent sélectionnés avec soins. Lors du procès de réhabilitation, plusieurs témoignèrent de leur peur. Ainsi, Richard de Grouchet déclare que « c’est sous la menace et en pleine terreur que nous dûmes prendre part au procès ; nous avions l’intention de déguerpir. » Pour Jean Massieu, « il n’y avait personne au tribunal qui ne tremblât de peur. » Pour Jean Lemaître, « Je vois que si l’on agit pas selon la volonté des Anglais, c’est la mort qui menace. »
Une dizaine de personnes sont actives lors du procès, tels Jean d’Estivet, Nicolas Midy ou Nicolas Loyseleur. Mais, les enquêteurs, conduits par l’évêque de Beauvais, Mgr Cauchon, ne parviennent pas à établir un chef d’accusation valable : Jeanne semble être une bonne chrétienne, convaincue de sa mission, différente des hérétiques qui pullulent dans un climat de défiance vis-à-vis de l’Église en ces temps troublés. Le tribunal lui reproche par défaut de porter des habits d’homme, d’avoir quitté ses parents sans qu’ils lui aient donné congé, et surtout de s’en remettre systématiquement au jugement de Dieu plutôt qu’à celui de « l’Église militante », c’est-à-dire l’autorité ecclésiastique terrestre. Les juges estiment également que ses « voix », auxquelles elle se réfère constamment, sont en fait inspirées par le démon. Soixante-dix chefs d’accusation sont finalement trouvés, le principal étant Revelationum et apparitionum divinorum mendosa confictrix (imaginant mensongèrement des révélations et apparitions divines). L’université de Paris (Sorbonne), alors à la solde des Bourguignons, rend son avis : Jeanne est coupable d’être schismatique, apostate, menteuse, devineresse, suspecte d’hérésie, errante en la foi, blasphématrice de Dieu et des saints. Jeanne en appelle au Pape, ce qui sera ignoré par les juges.
« Sur l’amour ou la haine que Dieu porte aux Anglais, je n’en sais rien, mais je suis convaincue qu’ils seront boutés hors de France, exceptés ceux qui mourront sur cette terre. »
— Jeanne d’Arc à son procès (le 15 mars 1431)
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.