l’AFFICHISTE – naissance d’un métier
Posté par francesca7 le 28 septembre 2013
Naissance d’un métier
Le mot affichiste apparaît, mais avec un tout autre sens, vers 1780 et désignait la personne qui participe à l’élaboration des affiches, c’est-à-dire d’une « feuille périodique » essentiellement typographiée et généralement placardée sur les murs et destinée à donner des informations locales ou nationales sur des sujets variés. Non signées, elles ne sont pas assimilée à des œuvres d’art.
À la fin du xixe siècle, alors que l’affiche gagne ses lettres de noblesse grâce notamment à l’apparition de grands formats en couleurs lithographiés2, des artistes comme Jules Chéret ou Alfons Muchaacquièrent une véritable notoriété en se spécialisant plus ou moins dans la conception de ce genre de support relevant de la publicité. Toutefois, tous les pays occidentaux connaissent cette même effervescence : citons les artistes du mouvement Arts & Crafts, puis de la Glasgow School of Art et enfin, à Chicago, où un artiste comme William H. Bradley travaille déjà en agence.
En France, des peintres renommés, comme par exemple Henri de Toulouse-Lautrec, ne dédaignent plus de travailler sur des affiches, ni dans l’idée de promouvoir un produit ou un spectacle. De nombreuxillustrateurs également conservent une clientèle publicitaire en plus de leur activité pour la presse.
Vers 1900, avec notamment Leonetto Cappiello, l’affiche de style art nouveau fait école. Les premiers mobiliers urbains y contribuent : colonne Morris, larges panneaux dans le métropolitain, murs peints, etc.
Peu à peu, de nouveaux métiers apparaissent, ceux de graphiste et de designer : un créateur d’images et de formes nouvelles voit s’élargir l’étendue de ses possibilités d’expression et l’affiche étant l’une de ces composantes, rares sont ceux qui se définissent alors comme affichiste. Certaines affiches des années 1910-1920, notamment dans les pays anglo-saxons, sont restées anonymes.
Un affichiste est une personne responsable sur le plan artistique de la création d’une affiche.
L’art décoratif, et l’art moderne d’une manière générale, permet à de nombreux affichistes d’exprimer leur talent et de s’affirmer comme tels.
Le jeune Charles Gesmar, protégé de Mistinguett à partir de 1916, confirmera la gloire de celle-ci grâce à ses affiches devenues célèbres depuis.
Dans les années 1920, l’affiche se met à la page de l’épure qui domine l’art graphique, grâce à des créateurs comme Paul Iribe ou Cassandre qui formera Raymond Savignac. C’est aussi l’apparition du photomontage qui permet à l’affichiste de combiner la photographie et la typographie.
Dans les années 1950, les techniques de sérigraphie vont permettre l’éclosion d’une nouvelle école qui influencera le pop art.
Dans les années 1950-60, le Polonais Roman Cieslewicz fut à la tête d’une importante école d’affichistes (essentiellement de films, de pièces de théâtre et de propagande pour le parti communiste au pouvoir) qui parvient à exprimer un certain nihilisme dans un contexte pourtant étroitement surveillé par la censure.
Ces trente dernières années, les techniques offset puis numériques, mais aussi l’innovation en matière de supports d’affichage donnent aux affichistes de nouveaux potentiels d’expression.
1899 – 1903 : la recherche du style Cappiello
De 1899 à 1903 Cappiello reste avant tout un caricaturiste. Comme Chéret il fait appel à de jolies femmes qui semblent sorties tout droit du music hall : taille corsetée, joli décolleté, très souriantes voire aguichantes (« Le Frou-Frou », sa première affiche, « Absinthe Gempp Pernod », « Pur Champagne Damery »). Il caricature des artistes en tête d’affiche pour des pièces de théâtre et des revues : Odette Dulac, Réjane, Louise Balthy, Polaire; mais aussi pour des affiches de biens de consommation : Jeanne Granier pour les vins de « L. Segol Fils » et tout particulièrement de nombreux acteurs et actrices pour les « Nouilles – Macaronis FERRARI » comme nous l’avons vu dans la page des caricatures de Cappiello. Tout revient comme si aujourd’hui on utilisait les vedettes les plus en vue du showbiz pour promouvoir des pâtes! Le succès était assuré.
Il commence à mettre ses personnages en mouvement. C’est le début de ce qu’il appellera « l’arabesque » : « E. & A. Mele », « Absinthe Ducros fils ».
Aujourd’hui
L’affichiste contemporain travaille avec différents intervenants de la chaîne graphique :
- un commanditaire (qui fait appel à ses talents pour la conception) et qui peut être
- une agence de publicité
- un client en direct
- un photographe
- des graphistes (lettrage, dessins, colorisation, etc.)
- un papetier
- un imprimeur, etc.
Selon un cahier des charges destiné à produire la charte graphique, il doit privilégier tel ou tel format (parfois plusieurs). Certains concepteurs d’affiches ne signent pas leurs travaux, exerçant leur métier au sein d’une agence de publicité et de communication, leurs compétences de graphiste sont alors requises.
Avec l’arrivée de l’automobile, les vitesses s’accélèrent. L’affiche n’a plus de temps pour interpeller l’homme de la rue. Il faut qu’elle s’impose à lui rapidement. Cappiello a bien compris ce changement, il va définir dès 1900 les bases de ce qu’on appellera « l’affiche moderne ». Il nous dit : » lorsque je conçois un projet d’affiche, ma première préoccupation est la recherche de la tache. Cette chose difficile à définir, qui à grande distance, accrochera le regard du passant par l’intensité de sa couleur, le chatouillera par titillement de ses tons et le retiendra assez de temps par l’agrément de son aspect pour le contraindre à lire l’affiche. » (Annales Politiques et Littéraires, 1er juin 1907).
Il invente la théorie de l’arabesque : « structure essentielle de la composition, son épine dorsale en quelque sorte, le parti décoratif qui reliera entre eux les différents éléments pour lui donner « la forme » ».
Grâce à la mise au point de la lithographie, l’affiche n’a pu vraiment démarrer que vers 1850. Les premiers grands affichistes comme Chéret, Mucha, Toulouse-Lautrec, Steinlen s’adressent aux piétons et à ceux qui circulent en voiture à cheval. Du fait de la lenteur des déplacements les affiches ont le temps d’être regardées. Ce sont de grandes estampes avec un dessin chargé de mille détails. Il crée ce que l’on appelle aujourd’hui le logo d’une marque : Maurin Quina s’est fait largement connaître par la représentation qu’il en a fait : « Le diable vert », Klaus par « le chocolat du cheval rouge », Villiod : par « L’homme à la clé »… La société Thermogène écrit dans ses publicités après la publication de l’affiche Cappiello : « Exigez le Pierrot crachant le feu ». Quant au Chocolat Poulain, le petit cheval de Cappiello gambade toujours sur les emballages. Il existe encore aujourd’hui, 100 ans après, de nombreux exemples où le motif de l’affiche de Cappiello est toujours en vigueur sur les représentations de la marque. Il a été le premier à oser vanter un produit sans le représenter.
Dans les villes, souvent tristes et monotones, les rues deviennent ses galeries de tableaux. Ses affiches sont de magnifiques décorations qui se suffisent à elles mêmes. Elles apportent par leurs oppositions chromatiques la joie de leurs soleils et de leurs feux d’artifice de couleurs. Elles sont non seulement vivantes, mais elles sont aussi entraînantes, éblouissantes. Les génies de Cappiello, ses diables, ses fées, ses animaux caracolent, piaffent, dansent, jouent, agissent, bougent et nous entraînent dans un tourbillon d’ivresse.
Par opposition et pour frapper, Cappiello dessine quelque fois des affiches statiques. Tellement étonnantes pour le passant dont il a formé l’œil à ses arabesques, qu’elles en sont encore plus remarquées : Villiod, L’Œuvre, Kub, l’Ami du Peuple.
Alain Weill, né le 7 septembre 1946, est un spécialiste de l’affiche, expert, critique d’art et collectionneur français.
Essayiste, Alain Weill a consacré de nombreux ouvrages et catalogues d’exposition aux arts graphiques et à l’affiche publicitaire.
Il est expert en arts graphiques et création publicitaire, notamment près la Compagnie des commissaires-priseurs, mais aussi critique gastronomique, membre fondateur du Conseil des arts culinaires.
Il a été le directeur-conservateur du Musée de l’affiche (1971-1983) et assuré la direction artistique du Festival international de l’affiche et du graphisme de Chaumont de 1990 à 2001.
Il est le président du jury European Advertising Award (EPICA).
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