Le rationnement au quotidien de 1942
Posté par francesca7 le 25 septembre 2013
Continuer de vivre, trouver de quoi se nourrir relevait du défi.
« Le pain que nous mangeons en avril 1942″ : le petit mot manuscrit entoure deux tranches de pain noir soigneusement emballées dans du plastique. Aujourd’hui objet de musée (1), cette dérisoire pitance est un émouvant marqueur de quatre années de privations où le minimum vital était devenu un luxe souvent inaccessible.
Début 1944, et surtout depuis le débarquement allié en Normandie, les conditions de vie des Nantais se dégradent. Les tickets de rationnement n’ont jamais autant justifié leur nom : par mois, chaque adulte a désormais droit à 2 kilos de pommes de terre, 360 g de viande, 100 g de beurre, 2 oeufs, 10 g d’huile… Délivrés par la mairie, ces simples bouts de papier cartonné sont le sésame pour survivre. Encore faut-il avoir les moyens d’acheter comptant les denrées, parfois introuvables si on n’accepte pas de payer trois ou quatre fois le prix officiel. Les arrivages sont incertains, surtout dans le Nantes dévasté par les bombardements. Alors, on va chercher dans les campagnes voisines des produits frais. Ou on tente le marché noir.
Les enfants sont les premières victimes de ces restrictions. Et ce n’est pas l’ »innovation » de la Biscuiterie nantaise, un biscuit à la caséine baptisé Renfor, qui améliore leur situation, malgré ce qu’en dit la propagande vichyste. La Croix-Rouge distribue du lait condensé pour les bébés début août 1944 pour pallier les carences d’approvisionnement.
C’est l’art de la débrouille. Les semelles des chaussures sont de bois. Des chutes de métal issues des usines ACB ou de la SNCASO on se fait des ustensiles de cuisine. Les rouets renaissent pour filer de la laine de récupération. Une simple couverture devient un manteau. Les plus téméraires taillent des chemises dans des morceaux de parachutes récupérés.
Les nombreux cafés de la ville restent des endroits où l’on tente d’oublier. Mais les hurlements réguliers des sirènes viennent rappeler aux Nantais qu’ils ne vivent pas seulement une occupation, mais qu’ils sont au coeur de la guerre. L’inconscience collective qui les faisait regarder les avions dans le ciel s’est évanouie en septembre 1943. Désormais, ils se précipitent dans les abris de la défense passive, traumatisés par les images des 3 000 immeubles détruits, des 1 500 morts qui ont endeuillé chaque famille nantaise. Murs éventrés, gravats hâtivement entassés : les Nantais ne flânent plus rue du Calvaire ou quartier Cathédrale. Le poumon commercial où cohabitaient jadis les grands magasins (Decré, Prisunic, La Belle Jardinière, les Galeries Lafayette, le Grand Bon Marché…) est à bout de souffle. En cet été 1944, les commerçants ont trouvé refuge dans des baraquements sur les cours Saint-André et Saint-Pierre. Et Decré n’est plus qu’une échoppe aménagée avec des moyens de fortune rue de Briord, dans d’anciennes réserves épargnées.
Cet été-là, les interdictions vont se multiplier : les cafés et bars sont fermés à partir de 21 heures, avant de se voir signifier une fermeture totale début août. Les rares automobiles à essence sont interdites de circulation et celles utilisant le gazogène très réglementées dans leurs déplacements.
La consommation électrique devient problématique. Elle est exclusivement réservée aux hôpitaux, à la SNCF, aux PTT, alors que l’usage du gaz n’est possible que trois fois par jour. La désorganisation est totale, d’autant que les derniers bombardements de 1944 ont détruit l’usine des eaux de la ville.
A l’approche des troupes américaines, la ville exsangue retient son souffle. Plus de bus, plus de tram. Et ses habitants se voient interdire de quitter la ville… Le pourraient-ils vraiment alors qu’on se bat au nord et que les ponts sont minés au sud ?
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.