Alouette, gentille Alouette
Posté par francesca7 le 1 septembre 2013
Les alouettes, lit-on souvent, seraient ou ne seraient plus des passereaux, la belle affaire…
Le mot passereau est un mot qui n’a plus la moindre acception scientifique. Et pourtant le Larousse de 1910 indique encore « Passereau : (du latin passer,moineau) ordre d’oiseaux comprenant un grand nombre de petites espèces : les alouettes, les merles sont des passereaux ».
De nos jours, les dictionnaires insistent mais font une concession à la science en écrivant : « passereau ou passériforme : oiseau généralement petit et de mœurs arboricoles, chanteur et bâtisseur de nids pourvu de pattes à quatre doigts, trois en avant et un, pourvu d’une forte griffe en arrière ».
Pas question de douter de la filiation de nos piafs actuels avec les moineaux romains, mais peut-être de s’étonner à l’évocation de la descendance chez un moineau quand on sait que le moineau est un petit moine… (le moineau tient son nom du fait que, comme les moines, il porte sur la tête une capuche).
Dans les ouvrages scientifiques, les passereaux n’existent plus, les alouettes sont définitivement, (pour le moment) devenues des passériformes.
L’ordre des passériformes regroupe en Europe 20 familles incluant 200 espèces.
Les alouettes sont de la famille des alaudidés
Ce nom de famille : alaudidé vient tout simplement d’alauda, alouette en latin.
Les alouettes lulu tiennent leur nom de l’onomatopée, lu-lu, qui est la base de leur chant.
L’alouette cochevis est cochevis à cause de la crête qui orne sa tête et qui lui donne l’allure d’un coq miniature. On retrouve en vieux français sous le vocable de coqvil.
L’alouette calandre n’est pas mieux carrossée que les autres. Calandre vient du mot grec kalandra qui signifiait simplement alouette.
Alouettine figure dans le Littré de 1880 comme un synonyme courant d’alouette.
Dans le Berry, les alouettes étaient des alouvettes, dans le Chalonnais des aloues.
On dit d’une terre sableuse qui ne vaut pas grand-chose que c’est une terre à alouettes.
La tête d’alouette est une plante de la famille des centaurées.
Le nœud d’alouette est un nœud marin qu’on appelle aussi nœud tête de mort.
Le pied-d’alouette ou delphinium est plante ornementale. Il en existe plus de 300 variétés. Elle ressemble à une patte d’alouette avec sa griffe arrière démesurée ou c’est plus surprenant à un dauphin pour son allure générale.
L’alouette de mer était un nom couramment donné au vanneau.
Les alouettes dans l’histoire
Les alouettes côtoient les aigles impériales
Les guerriers gaulois firent par leur bravoure et leur accoutrement une forte impression à Jules César.
Ils portaient des casques qui rappelaient par leur forme une alouette déployant et arquant ses ailes pour effrayer son adversaire. Le futur empereur les baptisa alauda.
Pensant qu’il était préférable d’avoir de tels soldats dans ses rangs, le vainqueur de la Guerre des Gaules réussit à lever une légion de ces alouettes qui servit sous sa propre bannière et sous les aigles impériales romaines. Cette Legio V Alaudae, la légion des alouettes, le suivit et s’illustra dans toutes ses conquêtes.
Les alouettes domptent les éléphants
La Légion des alouettes fut décisive lors de la bataille que Jules César livra à Thapsus en 46 av J.C.
Alors que les autres étaient paralysées devant les mastodontes, cette légion repoussa les assauts des troupes portées par les effrayants éléphants de guerre de Scipion et permit à César de vaincre définitivement la dissidence africaine.
Les alouettes, après ce fait d’arme, se virent donner l’honneur de pouvoir prendre l’éléphant pour insigne.
Charles IX et le pâté d’alouette
Charles IX, quelques années après la paix d’Amboise vers 1568, résidait à Orléans. Il résolut de gagner le château de Hallier, à Nibelle afin d’y retrouver sa maîtresse Marie Touchet. Il s’égara entre Loury et Chilleurs au beau milieu d’une colonie de protestants qui pour se soustraire aux poursuites des autorités, vivaient dans les bois et partageaient la vie des charbonniers. Ils lui offrirent les restes d’un pâté en croûte, fabriqué par un traiteur pithivérien Margeollet qui tenait la recette de ses aïeux de Fresnes en la paroisse de Marsainvilliers.
Il ramena donc le pâté pour calmer le courroux que son escapade ne manquerait de provoquer. Il fut si apprécié qu’il en fit la renommée de Pithiviers. A cette occasion fut même officiellement crée le métier de pâtissier-alouettier.
Les alouettes font de la résistance
Alouette, gentille alouette,
Alouette, je te plumerai la tête et la tête.
Lorsqu’en 1763 fut signé le traité de Paris, le Canada devint un des joyaux de l’Empire Britannique, l’Anglais y fut imposé comme langue officielle. Les francophones, Québecquois en tête, commirent alors des petits actes de résistance comme chanter le plus souvent possible des chansons en français. C’est ainsi que notre alouette qui n’en fini toujours pas de se faire plumer est encore, de nos jours, un symbole bien modeste et pacifique du refus de l’anglicisation.
Les alouettes dans la littérature
« Puis, je te dis, tu es bien heureuse,
Gentille alouette amoureuse,
Qui n’a peur, ni soucis de rien
Ode à l’alouette ». Pierre de Ronsard.
« Un jet de sublimation…une verticale de chant, une onde de joie.
Seule la partie vibrante de notre être peut connaître l’alouette ».
Gaston Bachelard.
L’Alouette est un livre de Jean Anouilh, paru aux Éditions de La Table Ronde en 1963.
Proverbe et expressions
Se lever au chant des alouettes signifie se lever bon matin.
Les alouettes n’y tombent pas plus rôties qu’ici. Pour dire qu’ailleurs ce n’est pas mieux qu’ici.
On dit aussi d’un fainéant qu’il attend que les alouettes lui tombent toutes rôties dans le bec.
C’est la recette du pâté d’alouette. Ce pâté se fait c’est bien connu avec une alouette et un cheval.
L’expression s’applique à toutes associations disproportionnées.
Le miroir aux alouettes. Expression liée au miroir utilisé par les chasseurs pour attirer les alouettes vers un leurre fait d’éclats de miroir. De manière générale c’est aller vers quelque chose de clinquant sans véritable intérêt.
L’alouette fait le Saint-Esprit
Après avoir prit son essor et être montée à la verticale comme un hélicoptère (sûrement une alouette !) l’alouette vole sur place comme un hélicoptère (sûrement une alouette). On dit alors qu’elle fait le Saint-Esprit.
Lorsque l’alouette emplit l’air du matin on peut dire qu’elle chante ou mieux qu’elle s’égosille, ou mieux encore, c’est ainsi que l’on doit dire qu’elle grisolle. Le dictionnaire dit à grisoller : chanter pour une alouette.
La chasse aux alouettes
Dans son Dictionnaire des forêts et des chasses, 1846, Léon Bertrand nous indique que l’alouette se chasse au miroir, au traîneau, au lacet, à la tonnelle, aux fourchettes.
Miroir : c’est une machine tournante sur elle-même dans laquelle on a incrusté des morceaux de glace qui réfléchissent les rayons du soleil et dont on se sert pour exciter la curiosité des alouettes. Et ainsi les attirer dans les pièges qu’on leur a tendus.
Le traîneau, appelé aussi le drap mortuaire par les braconniers de profession, est une sorte de filet que l’on porte horizontalement pour recouvrir la nuit les oiseaux endormis que l’on veut prendre.
Le lacet ou lacs : un animal tombe dans le lacs quand il s’est laissé prendre fait dans le nœud coulant d’un collet attaché à un morceau de bois qui empêche la fuite. L’expression encore largement utilisée, « tomber dans le lac » pour désigner une entreprise qui avorte devrait puisqu’elle vient de ce lacs, s’écrire lacs… !
La tonnelle : la tonnelle est un filet fixe à deux pans dans l’angle duquel viennent se mailler des oiseaux qu’on y pousse doucement.
Les fourchettes : les fourchettes sont des petites fourches de bois qui soutiennent un immense filet. Ce filet fermé sur trois côtés, est un piège dans lequel, le matin lorsque les alouettes piètent au sol, des rabatteurs tentent de les y faire pénétrer en les poussant vers le côté resté ouvert.
L’alouette et la gastronomie
Une alouette et un l’aloyau
Dans les recettes du moyen âge qui sont d’ailleurs plus une énumération des ingrédients qu’une indication sur la façon de les cuisiner, les alouettes, comme beaucoup de petits oiseaux sont appelées aloés. Ce mot est resté sur l’étal des bouchers pour désigner l’aloyau qui en ces temps étaient des petits morceaux de bœuf destinés à être cuits en brochette.
Recette tirée du Viandier de Taillevent au 15éme siècle
« Pour faire un grave d’alouettes. Prenez des alouettes et faites les frire et pour que cela soit meilleur, rajouter du veau. Faites griller du pain et mettez-le à tremper dans du bouillon de bœuf, avec des foies [d'alouettes]. Puis mettez le tout avec les alouettes. Ajouter de la cannelle, du gingembre et d’autres épices et mouiller de verjus. »
Recette du fameux pâté d’alouettes de Pithiviers au XXe siècle
8 alouettes
250 g. de farce à gratin
100 g. de foie gras truffé
500 g. de farce fine
800 g. de pâte à pâté
1/2 gelée au fumet d’alouettes
5 cl de Madère
Sel, épices
Cuisson 1h15
Désosser les oiseaux par les reins. Puis les mariner une nuit avec le madère et les épices. Sauter à la poêle les foies, les intestins, puis piler, les passer au tamis et incorporer le tout à la farce à gratin. Ouvrir les alouettes, répartir sur chacune la moitié de la farce à gratin, au milieu déposer un dé de foie gras, puis les refermer. Mélanger le reste de la farce à gratin à la farce fine. Faire une abaisse de forme carrée avec le tiers de la pâte. Etendre dessus une couche de farce, puis ranger les alouettes, recouvrir avec le reste de farce. Fermer avec une deuxième abaisse. Souder les deux abaisses tout autour, dorer et cuire à four chaud. Laisser refroidir, puis remplir avec la gelée.
L’Art culinaire moderne de H. P. Pellaprat paru en 1936.
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