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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Les repères de chouans

Posté par francesca7 le 31 août 2013


Les repères de chouans dans Bretagne images-9

Honoré de Balzac

L’action des Chouans, premier roman signé de Balzac, se déroule en 1799. La lutte entre « blancs » et « bleus » déchire alors la Bretagne. Marie de Vermeil chargée par Foucher de séduire le marquis de Montauran, chef chouan, pour le livrer ensuite, s’éprennent contre toute raison l’un de l’autre. Avec l’espoir « insensé de rejoindre le marquis, Maris part dans les alentours de Fougères….

1er extrait :

« Les départements de la Mayenne et d’Ille-et-Vilaine étaient alors commandés par un vieil officier qui, jugeant sur les lieux de l’opportunité des mesures à prendre, voulut essayer d’arracher à la Bretagne ses contingents, et surtout celui de Fougères, l’un des plus redoutables foyers de la chouannerie. Il espérait ainsi affaiblir les forces de ces districts menaçants. Ce militaire dévoué profita des prévisions illusoires de la loi pour affirmer qu’il équiperait et armerait sur-le-champ les réquisitionnaires, et qu’il tenait à leur disposition un mois de la solde promise par le gouvernement à ces troupes d’exception. Quoique la Bretagne se refusât alors à toute espèce de service militaire, l’opération réussit tout d’abord sur la foi de ces promesses, et avec tant de promptitude que cet officier s’en alarma. Mais c’était un de ces vieux chiens de guérite difficiles à surprendre. Aussitôt qu’il vit accourir au district une partie des contingents, il soupçonna quelque motif secret à cette prompte réunion d’hommes, et peut-être devina-t-il bien en croyant qu’ils voulaient se procurer des armes. Sans attendre les retardataires, il prit alors des mesures pour tâcher d’effectuer sa retraite sur Alençon, afin de se rapprocher des pays soumis; quoique l’insurrection croissante de ces contrées rendît le succès de ce projet très problématique. Cet officier, qui, selon ses instructions, gardait le plus profond secret sur les malheurs de nos armées et sur les nouvelles peu rassurantes parvenues de la Vendée, avait donc tenté, dans la matinée où commence cette histoire, d’arriver par une marche forcée à Mayenne, où il se promettait bien d’exécuter la loi suivant son bon vouloir, en remplissant les cadres de sa demi-brigade avec ses conscrits bretons.[…] »

2ème extrait :

« - Voilà un joli coco, dit Hulot en se parlant à lui-même. Il m’a l’air d’être l’ambassadeur de gens qui s’apprêtent à parlementer à coups de fusil.

Après avoir grommelé ces paroles entre ses dents, le commandant promena successivement ses regards de cet homme au paysage, du paysage au détachement, du détachement sur les talus abrupts de la route, dont les crêtes étaient ombragées par les hauts genêts de la Bretagne; puis il les reporta tout à coup sur l’inconnu, auquel il fit subir comme un muet interrogatoire qu’il termina en lui demandant brusquement: – D’où viens-tu?

Son oeil avide et perçant cherchait à deviner les secrets de ce visage impénétrable qui, pendant cet intervalle, avait pris la niaise expression de torpeur dont s’enveloppe un paysan au repos.

- Du pays des Gars, répondit l’homme sans manifester aucun trouble.

- Ton nom?

- Marche-à-terre.

- Pourquoi portes-tu, malgré la loi, ton surnom de Chouan?

Marche-à-terre, puisqu’il se donnait ce nom, regarda le commandant d’un air d’imbécillité si profondément vraie, que le militaire crut n’avoir pas été compris.

- Fais-tu partie de la réquisition de Fougères?

À cette demande, Marche-à-terre répondit par un de ces je ne sais pas, dont l’inflexion désespérante arrête tout entretien. Il s’assit tranquillement sur le bord du chemin, tira de son sarrau quelques morceaux d’une mince et noire galette de sarrasin, repas national dont les tristes délices ne peuvent être comprises que des Bretons, et se mit à manger avec une indifférence stupide. Il faisait croire à une absence si complète de toute intelligence, que les officiers le comparèrent tour à tour, dans cette situation, à un des animaux qui broutaient les gras pâturages de la vallée, aux sauvages de l’Amérique ou à quelque naturel du cap de Bonne-Espérance. Trompé par cette attitude, le commandant lui-même n’écoutait déjà plus ses inquiétudes, lorsque, jetant un dernier regard de prudence à l’homme qu’il soupçonnait d’être le héraut d’un prochain carnage, il en vit les cheveux, le sarreau, les peaux de chèvre couverts d’épines, de débris de feuilles, de brins de bois et de broussailles, comme si ce Chouan eût fait une longue route à travers les halliers. […] »

3ème extrait :

« Mademoiselle de Verneuil s’élança dans les petits sentiers tracés par les chèvres et leurs pâtres sur le versant de la Promenade, gagna l’Escalier de la Reine, arriva au fond du précipice, passa le Nançon, traversa le faubourg, devina, comme l’oiseau dans le désert, sa route au milieu des dangereux escarpements des roches de Saint-Sulpice, atteignit bientôt une route glissante tracée sur des blocs de granit, et, malgré les genêts, les ajoncs piquants, les rocailles qui la hérissaient, elle se mit à la gravir avec ce degré d’énergie inconnu peut-être à l’homme, mais que la femme entraînée par la passion possède momentanément. La nuit surprit Marie à l’instant où, parvenue sur les sommets, elle tâchait de reconnaître, à la faveur des pales rayons de la lune, le chemin qu’avait dû prendre le marquis; une recherche obstinée faite sans aucun succès, et le silence qui régnait dans la campagne, lui apprirent la retraite des Chouans et de leur chef. Cet effort de passion tomba tout à coup avec l’espoir qui l’avait inspiré. En se trouvant seule, pendant la nuit, au milieu d’un pays inconnu, en proie à la guerre, elle se mit à réfléchir, et les recommandations de Hulot, le coup de feu de madame du Gua, la firent frissonner de peur. Le calme de la nuit, si profond sur les montagnes, lui permit d’entendre la moindre feuille errante même à de grandes distances, et ces bruits légers vibraient dans les airs comme pour donner une triste mesure de la solitude ou du silence. Le vent agissait sur la haute région et emportait les nuages avec violence, en produisant des alternatives d’ombre et de lumière dont les effets augmentèrent sa terreur, en donnant des apparences fantastiques et terribles aux objets les plus inoffensifs. Elle tourna les yeux vers les maisons de Fougères dont les lueurs domestiques brillaient comme autant d’étoiles terrestres, et tout à coup elle vit distinctement la tour du Papegaut. Elle n’avait qu’une faible distance à parcourir pour retourner chez elle, mais cette distance était un précipice. Elle se souvenait assez des abîmes qui bordaient l’étroit sentier par où elle était venue, pour savoir qu’elle courait plus de risques en voulant revenir à Fougères qu’en poursuivant son entreprise.

Elle pensa que le gant du marquis écarterait tous les périls de sa promenade nocturne, si les Chouans tenaient la campagne. Madame du Gua seule pouvait être redoutable. À cette idée, Marie pressa son poignard, et tâcha de se diriger vers une maison de campagne dont elle avait entrevu les toits en arrivant sur les rochers de Saint Sulpice; mais elle marcha lentement, car elle avait jusqu’alors ignoré la sombre majesté qui pèse sur un être solitaire pendant la nuit, au milieu d’un site sauvage où de toutes parts de hautes montagnes penchent leurs têtes comme des géants assemblés. »

Honoré de Balzac – LES CHOUANS dans La Comédie Humaine, 1829

 

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