Belfort, entre Jura et Vosges
Posté par francesca7 le 26 août 2013
Située sur les deux rives de la Savoureuse, Belfort commende la « Trouée » qui s’ouvre entre le Jura et les Vosges. La ville ancienne, dominée par son château et par le célèbre Lion, s’étend sur la rive gauche de la rivière, à l’emplacement de la citadelle « imprenable » de Vauban. Sur la rive droite, s’est développée la ville moderne avec ses industries de haute technologie, ses universités, ses quartiers commerçants et ses secteurs urbains rénovés.
Les militaires appelaient ce passage naturel entre Vosges et Alsace, la « Trouée de Belfort ». Les géographes parlent plutôt selon que l’on regarde vers l’Ouest ou vers l’Est, de Porte de Bourgogne ou de Port d’Alsace. A 350 m d’altitude, ce seuil large d’environ 30 km est bordé, au Nord, par la masse imposante des Vosges avec le Ballon d’Alsace culminant à 1 247 m, au sud par les plateaux du Jura qui progressivement atteignent jusqu’à 800 à 1 000 m. Seuls quelques modestes vallonnements viennent rompre la monotonie de ce lieu de communication jadis drainé par un cours d’eau, d’orientation sud-ouest – nord-est. Aujourd’hui, la ligne de partage des eaux se situe à la hauteur de Valdieu à mi-chemin entre Belfort et Altkirch. Routes, chemin de fer, cal du Rhône au Rhin empruntent ce passage qui a été aussi, depuis les temps les plus reculés, le chemin naturel des invasions.
C’est du fort de Salbert que l’on aura la meilleure vue d’ensemble sur la Trouée de Belfort et le site qu’occupe la ville ; quitter la ville par l’avenue J.Jaurès, tourner à gauche dans la rue de la 1ère armée française prolongée par la rue des Commandos d’Afrique, puis prendre légèrement à droite la rue du Salbert ; par une route sinueuse à travers la forêt, on atteint le fort situé à 647 m d’altitude. De la vaste terrasse (à 200 m sur la gauche) se révèle un beau panorama sur Belfort, les Alpes suisses, le Ballon d’Alsace et les monts environnants. Alors que le « Mont » (colline s’élevant au premier plan en direction du Sud) et l’escarpement rocheux portant le château et le Lion de Belfort sont des terrains calcaires jurassiques, la butte que couronne le fort du Salbert, constituée de granit et de gré fait encore partie des Vosges.
Au cours des siècles, Celtes, Barbares, Impériaux, Allemands déferlent successivement, pour le plus grand dommage de la malheureuse cité qui se trouve sur leur passage. Belfort reste sous la domination autrichienne (les Habsbourg) depuis le milieu du 14ème siècle, jusqu’à la conquête française. Mais, dès 1307, les Belfortains jouissent d’une charte qui leur donne les libertés communales. Pendant la guerre de Trente Ans, en 1636, la ville est prise par les Français : le comte de La Suze, partie de Montbéliard, enlève la nuit, par un coup d’une audace inouïe, les formidables fortifications. Suze, nommé gouverneur de Belfort par Richelieu, est resté célèbre dans les annales locales par ses instructions, données en trois mots au commandant de la garnison : « Ne capitulez jamais ». La conquête de Belfort et de l’Alsace est ratifiée par les traités de Westphalie (1648).
Louis XIV ordonne à Vauban de faire de Belfort une place imprenable. Le grand ingénieur y déploie tout son génie et réalise sans doute là son chef d’œuvre.
Le Verdun de 1870 - Avec une garnison de 16 OOO hommes composée pour les trois quarts de gardes mobiles courageux mais inexpérimentés, le colonel Denfer-Rochereau doit résister à 40 000 Allemands. Au lieu de s’enfermer dans la place, il en dissout toutes les approches. Cette lente retraite vers le réduit de la défense prend un mois. L’ennemi a mis en batterie 200 gros canons qui, pendant 83 jours consécutifs, tirent plus de 400 000 obus : 5000 par jour, ce qui est énorme pour l’époque. Mais la résistance ne fléchit pas d’une ligne. Le 18 février 1871, alors que l’armistice de Versailles est signé depuis 21 jours, le colonel consent enfant, sur l’ordre formel du gouvernement à quitter Belfort après 103 jours de siège. Le retentissement de cette magnifique défense est grand, ce qui permet à Thiers luttant de ténacité avec Bismarck, d’obtenir que la ville invaincue ne partage pas le sort de l’Alsace et de la Lorraine ; on en fait le chef-lieu d’un « territoire » minuscule mais dont l’importance économique va devenir considérable.
Après 1870, Belfort connaît une transformation radicale. Jusqu’alors peuplée d’environ 8 000 habitants, c’est une ville essentiellement militaire (aucune ville n’a donné à la France autant de généraux : vingt en un siècle). En trente ans, elle devient une puissante agglomération de 40 000 âmes. C’est qu’après l’annexion allemande un grand nombre d’industrie, appartenant à des Alsaciens soucieux de poursuivre leurs échanges avec la Franche, ont implanté des succursales dans la région de Belfort. La ville grandit à tel point, qu’il faut abattre une partie des remparts de Vauban à l’ouest. Des quartiers nouveaux, aux larges artères, aux vastes places, lui donnent l’aspect d’une petite capitale.
Le 14 novembre 1944, la 1ère Armée française, stoppée depuis deux mois devant le verrou de Belfort, hérissé de défenses, déclenche l’offensive qui doit lui ouvrir la prote de la Haute Alsace et le chemin du Rhin. Le fort du Salbert, au Nord Ouest de la ville, barre la route. Le 19 novembre, une attaque est montée contre lui. A la nuit, 1 500 hommes des commandos d’Afrique se glissent dans la forêt du Salbert, neutralisant les postes de garde allemands. Les fossés sont descendus à la corde, sans que l’éveil soit donné à l’ennemi : la colonne surprend la garnison du fort et la maitrise. Le 10, au petit jour, dévalant les pentes du Salbert, les commandos bientôt suivis des chars pénètrent dans Belfort. Après deux jours de combats de rues, la ville est enfin livre, le 22 novembre 1944.
Ces deux dates : 1926-1990 illustrent bien l’activité dominante de Belfort. En 1926, la première locomotive électrique sort des ateliers belfortains de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques ; le 18 mai 1990, la rame 325 du TGV atlantique, montée par les ateliers de l’Alsthom, bat le record du monde de vitesse sur rail en atteignant 515,3 kms/h. L’électromécanique, les matériels ferroviaires et la construction de centrales thermiques ou nucléaires forment aujourd’hui l’activité des usines GEC-Alsthom de Belfort. Avec l’informatique (Bull) ces industries confère à la ville et à sa région une réputation de savoir-faire et de technologie de pointe que viennent épauler et renforce la toute jeune université scientifique Louis Neele et l’Institut polytechnique de Sévenans.
Soucieux de se ménager une voie d’accès vers l’Alsace et l’Empire, Richelieu avait déjà, en 1625, tenté de s’emparer de Belfort. A la tête d’un corps de Croates, Tilly avait alors victorieusement résisté. Devenue française à la signature des traités de Wesphalie, Belfort se voyait confirmée dans son rôle de place forte avec les travaux entrepris par Vauban dès 1687. Vauban conserva le château, mais enserra la ville dans un système de fortification pentagonal ancré à l’escarpement rocheux qui porte l’édifice. Les travaux durèrent une vingtaine d’années. Jusqu’à la fin de l’Empire, la mission de Belfort demeura celle que Vauban lui avait assignée ; garnison et base de matériel située entre l’Alsace et la Franche-Comté. C’est cette place forte que le commandant Legrand défendit en 1814.
Cependant, les idées évoluaient et, dès 1815, prenant davantage en compte les exigences de la guerre de mouvement, le général Lecourbe puis le général Haxo (dès 1825) mirent en œuvre un plan qui visait à créer à Belfort non seulement l’ouvrage de défense de la ville, mais aussi le camp retranché qui permettait la surveillance de la Trouée : ils élargissaient ainsi considérablement le rôle stratégique de la place. Cette conception prévalait toujours lors du siège de 1870 et elle s’affirma avec les plans du général Séré de Rivières qui préconisait le renforcement de quatre camps retranchés (Verdun, Toul, Epinal, Belfort) reliés par une ligne de forts. Après 1885, à la suite des progrès observés dans l’efficacité des armements, les nombreux forts furent modernisés ; le béton remplaça la maçonnerie et l’artillerie fut dispersée en batteries, moins aisément repérables que les forts. A la veille de la Grande Guerre, Belfort pouvait abriter 7 500 hommes en temps de paix et dix fois plus en cas de conflit. La ligne défensive Belfort-Epinal jouait pleinement son rôle.
LE LION de BELFORT – Cette œuvre « pharaonique » adossée à la paroi rocheuse, en contrebas de la caserne construite par le général Haxo, a été exécutée par Bartholdi de 1876 à 1880 et montée sur place, pièce par pièce. Le Lion, en grès rouge des Vosges symbolise la force et la résistance de la ville en 1870. De proportions harmonieuses, il mesure 22 m de longueur et 11 m de hauteur. On peut approcher la sculpture en accédant à la plate forme située à ses pieds.
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