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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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Henri Queffélec à l’Ile de Sein

Posté par francesca7 le 24 août 2013

 

Henri Queffélec à l’Ile de Sein dans BretagneHENRI QUEFFÉLEC : Beaucoup de Français ont vu le film Dieu a besoin des hommes, adapté d’un roman que j’avais écrit sous l’occupation allemande et publié au lendemain de la guerre : Un recteur de l’île de Sein. Le titre avait été suggéré à Jean Delannoy par le scénariste Jean Aurenche, qui avait du trouver la formule chez un orateur chrétien du dix-neuvième siècle. Il m’a toujours semblé, pour différentes raisons spirituelles, excellent. Et aussi parce qu’il se rapporte à une histoire sénane … et même si l’on doit murmurer, après une visite à l’île, que Dieu a aussi besoin des femmes.

Extrait d’un article publié en janvier 1971 dans la revue Connaissance de la Mer, reproduit dans le n° 125 (novembre 1997) de L’Echo des Iles.

EXTRAIT Ils piquaient droit sur l’île, mais ils ne la voyaient pas encore. Quel miracle cette île ! Combien il avait raison M. Pennanéach, le dernier curé, de soutenir que tous les enfants de l’île devraient porter, comme second prénom, celui de Moïse sauvé des eaux. L’île de Sein, ni plus ni moins que la corbeille de Moïse, avait été protégée par Dieu. Elle eût dû mille fois couler sous la mer. Elle défiait les éléments, cette petite chose plate, ce récif maigre et venteux, elle était dans la mer comme Jonas dans la baleine, comme Daniel dans la fosse aux lions. C’était miracle qu’une fois pour toutes, un beau jour, les flots ne déferlent pas dessus, ne l’arrachent, ne l’entraînent pas dans les abîmes, et le miracle, à chaque instant, se poursuivait. Derrière l’horizon, dans cette mer qui ne semblait plus être que le flot et le flot, l’île vivait, l’île était heureuse. Ce n’était même pas la vie obtuse des marins dans des soutes, mais la vie hardie et salée du pont et du plein air. Chaque fenêtre ouvrait sur le ciel, la porte de chaque maison ouvrait sur la terre ; les vents, les pluies, le soleil, les oiseaux, existaient pour l’île.

pp. 51-52

 

Île de Sein – Henri Queffelec

280px-lile_de_sein_vue_du_phare dans LITTERATURE FRANCAISELe lundi, après la pêche, Thomas partit pour l’extrémité occidentale de l’île, face à la chaussée de Sein, et, tandis que tombait la nuit de septembre et que les étoiles, une à une, comme des yeux d’oiseaux, trouaient le ciel, puis dix par dix, cent par cent, comme des écailles de sardine dans un panier vide, ou des poissons surpris par le reflux dans une flaque de la grève, – à voix haute, tout en marchant, il récitait des prières.

La mer avait fini de descendre, qu’on entendait frapper les récifs dans des heurts rythmés et vaillants, ou glisser contre des bancs de pierre. Des alouettes de mer hardies comme des guerriers se dressaient sur des roches, regardaient, sautillaient, plongeaient en avant. Les grèves étaient autant de beaux jardins de goémons et d’algues et sentaient bon la mer nouvelle. Dans un carré de terrain que bossuaient quelques dalles, le cimetière des pestiférés, il entra s’agenouiller et prier pour les morts. Une croix de pierre, ensevelie dans l’herbe d’un talus, tendait la tête vers la poitrine de l’homme et il la baisa lentement.

Une longue clarté rouge pâle, un peu dorée, vibrait à l’occident du ciel, sous les étoiles, et se reflétait sur la mer en ciselures d’un rouge glauque. Des récifs, dans le calme du soir, adoptaient des postures d’animaux pacifiques, de miettes mélancoliques et douces de la terre. […]

Déchiquetée par les éléments, composée de morceaux et de pièces, l’île existait néanmoins dans sa souveraine indépendance. Il n’y avait rien de commun entre elle et cette mer qui fermait ses rivages. Elle se détachait plus nettement des eaux que de la plaine le village fortifié. Le soleil giclait sur elle, bondissait d’elle sur la mer et de la mer sur elle ; nul vallon n’enserrait le vent, qui drainait sur l’île les odeurs du large pour emporter dans sa fuite le parfum des algues et des feux ; tout alentour, des récifs fraternels la protégeaient, l’annonçaient ou le prolongeaient ; elle était l’astre central d’une constellation d’îlots et de rocs. […]

Longue et pleine de présences humaines, elle s’étirait sur la mer, on le savait bien, comme une oasis. Point d’arbres, cependant, pas de sapins ni de chênes, de hêtres ni de rhododendrons. Aucune pousse d’arbre n’eût tenu contre le vent, l’île n’était fleurie que par ses goémons, fermement collés à la pierre et, la moitié du jour, abrités sous les eaux. N’importe. Il n’y avait point de commune mesure entre l’île et les dangers au milieu desquels la Providence l’avait bâtie ou laissée.

Elle n’affectait pas la forme d’un péril, elle était faite, elle aussi, de terre chrétienne.

Henri Queffelec. Un recteur de l’île de Sein. (Omnibus)

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