Baume les messieurs et ses abbés
Posté par francesca7 le 12 août 2013
Bâti sur un joli site, à la rencontre de trois vallées, parmi lesquelles la magnifique reculée du crique de Baume, ce village est connu pour son abbaye dont les vestiges sont for intéressants. Une belle vue s’offre sur ce site depuis le balvédère aménagé au pied de l’église de Granges sur Baume.
Moines et Messieurs – L’abbayes de Baume a été fondée au 6ème siècle par le moine irlandais saint Colomban. Elle est soumise à la règle bénédictine. Un de ses titres de gloire est d’avoir fourni, en 910, les douze religieux qui ont créé l’illustre abbaye de Cluny. Peu à peu, comme à St Claude, la vie monastique se relâche. A partir du 16ème siècle, les humbles moines du début ont fait place à des chanoines nobles. Ces hauts « Messieurs » se hâtent de corriger le nom de leur maison ; de Baumes les Moines, il devient Baume les Messieurs. La vie de l’abbaye se termine en 1790 par la dispersion de ses biens en vente publique.
Au 17ème siècle, Baume a compté parmi ses abbés Jean de Watteville, un des personnages les plus extraordinaires du temps s’il faut en croire les Mémoires de saint Simon, et dont les nombreuses aventures sont encore enrichies par la légende.
Watteville suit d’abord la carrière des armes. Maître du cap du régiment de Bourgogne dans la campagne du Milanais, il tue en duel un gentilhomme espagnol au service de la reine d’Espagne. Obligé de fuir, il se cache à Paris. Un sermon sur l’enfer, entendu par hasard dans une église, le convertit. Le soudard se fait capucin, puis chartreux à l’abbaye de Bonlieu. La vie monacale devient vite insupportable à Watteville. Surpris par le prieur alors qu’il franchit le mur pour s’enfuir, il l’abat d’un coup de pistolet, prend le large et après maintes aventures, franchit les Pyrénées. Nouveau duel : un grand d’Espagne reste sur le terrain. Fuite à Constantinople. L’ancien moine se fait mahométan, met ses talents militaires à la disposition du Grand Turc, devient pacha puis gouverneur de Morée.
Après plusieurs années passées sous le turban, entouré d’un harem amplement fourni, notre homme s’abouche avec les Vénitiens qu’il a reçu mission de combattre : si on lui assure l’absolution du pape pour ses crimes passés et l’abbaye de Baume comme bénéfice, il est prêt à livrer ses troupes. Le marché est conclu et exécuté. Le pacha, re-tonsuré, même ses moines comme des soldats. Une anecdote le montre toujours impétueux. Pour atteindre, de Crançot, le fond du cal, on utilisait une série d’échelles. Un jour, Watteville les fait remplacer par un escalier, taillé dans le roc, qu’on a continué d’appeler Echelles de Crançot. Voyant ses religieux prendre mille précautions pour ne pas se rompre le cou, sur ces degrés abrupts et glissants, l’abbé, impatienté, fait venir sa mule, l’enfourche et lui fait descendre les marches, tandis qu’il couvre d’injure les poltrons.
Quand Louis XIV envahit la Comté, Watteville, qui a mesuré les chances françaises, offre ses services au roi. Par sa faconde, son habileté, ses intrigues, il fait capituler, sans coup férir, les dernières résistances (Gray, Ornans, Nozeroy) et contribue à transformer la campagne de 1668 en promenade militaire. Après la paix de Nimègue (1678) rentré dans son abbaye, il y mène la vie de grand seigneur. Cette vie agitée se termine en 1702 à l’âge de 84 ans.
En ce qui concerne l’Abbaye de Baume-les-Messieurs, son développement est assez mal connu mais son importance est déjà grande à la fin du xie siècle alors que l’église abbatiale3 (qui sera remaniée par la suite) est érigée sous les abbatiats de Bernard Ier (1067-1083) et Alberich (1104-1139). Au XIIe Baume, protégée par les comtes de Bourgogne, contrôle huit prieurés et soixante-cinq églises, surtout dans le sud-ouest du diocèse de Besançon mais aussi à Dole, Quingey et Besançon. Riche entre autres de possessions de vignes sur les coteaux du Jura, d’exploitations de sel à Lons-le-Saunier ou encore de moulins sur les rivières comme la Seille, l’abbaye reste prospère jusqu’au xve siècle malgré des conflits avec l’ordre clunisien. Baume-les-Moines (c’est son nom jusqu’au xviiie siècle) doit faire soumission à Cluny, elle est même réduite au rang de prieuré de Cluny en 1147 par le pape Eugène III. L’empereur Frédéric Barberousse accepte cette soumission en 1153 mais obtient plus tard le rétablissement de son rang d’abbaye et Baume portera de 1157 à 1186 le titre d’« abbaye impériale ». Après les conflits d’autorité religieuse, la papauté réitère en 1189-1191 la soumission de Baume à Cluny en accordant quelques points de satisfaction à l’abbaye comme son rang éminent dans l’ordre clunisien ou une certaine liberté dans le choix de ses abbés et la confirmation en 1202-1204 du titre d’abbaye : L’abbaye toujours à la recherche d’une plus grande autonomie aura aussi par la suite des différends avec l’archevêque du diocèse de Besançon. Elle devient cependant l’une des plus importantes abbayes de Franche-Comté du XIIe au xvie siècle.
Tombée en commende, elle décline ensuite et évolue vers une abbaye aristocratique réservée à de « nobles chanoines ». Elle est sécularisée par une bulle papale de 1759 qui la transforme en collégiale et le lieu change de nom : Baume-les-Moines devient alors Baume-les-Messieurs (En 1763 Jean-Joseph Expilly la nomme encore « Baume-les-Moines »).
Les revenus de l’abbaye sont encore en place dans la deuxième moitié du XVIIIe s. comme la dîme dont se plaignent les habitants de Velesme (aujourd’hui Velesmes-Essarts près de Quingey, dans le département du Doubs) dans les Cahiers de doléance en 1789 « nous sommes les seuls qui payons aux abbés de Baume une dîme d’une gerbe et demie par journal de grains dont nos terres sont emplantées ».
L’abbaye disparaît à la Révolution.
L’église Saint Pierre fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques par la liste de 1862. Certains autres bâtiments bénéficient de protections aux monuments historiques : Le logis abbatial bénéficie d’une inscription depuis le 26 septembre 1929, les façades et toitures des bâtiments de l’ancienne abbaye d’une inscription depuis le 8 mars 1933, l’étage supérieur et le rez-de-chaussée des bâtiments de l’ancienne abbaye d’une inscription depuis le 2 août 1933.
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