Histoire du sel du Jura
Posté par francesca7 le 9 juillet 2013
L’histoire du sel du Jura est l’histoire du sel (« or blanc » ou sel gemme / halite issu des salines / mine de sel) du Trias à nos jours dans le Jura en Franche-Comté.
Durant le Trias supérieur (215 millions d’années), la mer Panthalassa qui recouvre tout l’est de la France (partie intégrante du supercontinent Pangée) se retire et laisse une lagune peu profonde de saumure d’eau de mer qui par évaporation forme une très importante couche de plus de 100m d’évaporite (contenant du sel halite / sel gemme) … recouverte avec le temps par différentes couches de sédimentation (plus de 200 m de marne et de calcaire). Le massif du Jura se forme il y a 35 millions d’années (Priabonien) par la compression / plissement exercée par les Alpes vers l’ouest (géologie du massif du Jura). La couche d’évaporite remonte par endroit vers la surface selon la forme des plis et l’érosion. De l’eau s’infiltre dans le sol par endroits, circule dans les gisements de sel puis resurgit par résurgence.
Les principaux gisements de sel industriels historiques du Jura se situent entre Besançon et la Bresse, en bordure des premiers contreforts du massif du Jura, avec les deux principales Lons-le-Saunier (Ledo Salinarius, ville du sel en latin, salines de Lons-le-Saunier) et Salins-les-Bains (source de la Muire, salines de Salins-les-Bains), mais également les gisements à Montmorot, Tourmont, Grozon, Poligny, Miserey-Salines, et se prolonge au-delà de la Franche-Comté, jusqu’en Lorraine, Champagne-Ardenne, Allemagne, Pologne … et jusqu’en Bresse et aux Alpes …
Exploitation des gisements
Le sel naturel est extrait soit de l’eau de mer (marais salants avec environ 30g de sel par litre d’eau), soit par extraction continentale (mine de sel avec environ 330g de sel par litre d’eau).
Néolithique
Les sauneries du Jura se développent dés le Néolithique (vers -4000, durant la révolution néolithique avec la sédentarisation, l’agriculture et l’élevage). Le Jura est parsemé de sources résurgentes salées, dont les premiers sauniers extraient facilement le « sel ignigène » (sel né du feu), par simple évaporation par le feu de l’eau de la saumure naturelle qui court à fleur de sol. Les Séquanes (celtes de Franche-Comté de l’Âge du fer), puis les gallo-romains développent l’exploitation et le commerce par les routes du Sel de cette denrée essentielle pour l’homme et son contrôle est rapidement aussi important que celui du fer ou de l’or …
Le sel alimentaire joue alors un rôle vital dans l’alimentation culinaire (panification …), dans la conservation des aliments (salaison de viandes, poissons, légumes, fromages, au coté du séchage et du fumage, jusqu’à l’invention de la pasteurisation et de la congélation …), à l’élevage, au tannage, à la médications, et enfin aux échanges commerciaux et aux impôts (ressource financière importante pour la monarchie avec la gabelle du sel et pour la religion). Il attise les guerres frontalières incessantes entre royaume de France et Germanie …
Royaume de Bourgogne
Durant les migrations germaniques / invasions barbares du Ve siècle, les Burgondes fondent la Sapaudie / Royaume de Bourgogne en 443 ainsi que le comté de Scoding et la seigneurie de Salins qui intègrent le Jura et son industrie saline.
En 523, traqué par trois fils du roi francs Clovis Ier durant la guerre de Burgondie, le roi des burgondes Sigismond se réfugie dans son abbaye de Saint-Maurice d’Agaune qu’il a fondée en 515 en Valais, à qui il fait don de ses riches biens du Jura : Salins-les-Bains (dont la saline de Salins-les-Bains), le château de Bracon, le val de Mièges (riche des forêts utiles à l’évaporation de l’eau des saumures), le monopole de la partie la plus considérable des mines de sel du Jura, les deux tiers des péages du sel assurant une grande prospérité au couvent durant près de quatre siècles, et s’assurant ainsi avec son martyre la canonisation.
Comté de Mâcon
En 932, le comte Aubry Ier de Mâcon (premier comte de Mâcon du début de la féodalité) s’approprie contre promesse de restitution à l’abbaye d’Agaune, tous les biens de cette dernière des comté de Scoding etcomté de Warasch, dont l’industrie du sel (mines, chaudières, péages …). Incapable de défendre ses biens, ni de les récupérer, l’abbaye les perd définitivement.
En 1224, pour payer des dettes, Marguerite de Salins (petite-fille du comte Géraud Ier de Mâcon) et son époux le seigneur Jocerand V Gros de Brancion échangent avec la duchesse Alix de Bourgogne (veuve du duc Eudes III de Bourgogne, et régente du duché de Bourgogne pour son fils Hugues IV de Bourgogne) la baronnie de Salins contre le château d’Aignay-le-Duc et d’autres biens du duché de Bourgogne …
Maison de Chalon-Arlay et comté de Bourgogne
En 1237, le comte Jean Ier de Chalon (fils du comte Étienne III de Bourgogne et époux de Mahaut de Bourgogne, sœur du duc Hugues IV de Bourgogne) fonde la puissante maison de Chalon-Arlay en échangeant avec son beau-frère le duc Hugues IV de Bourgogne, les comté de Chalon et comté d’Auxonne contre une quinzaine de seigneuries du Jura dont la seigneurie de Salins (alors deuxième cité plus importante ducomté de Bourgogne). La possession des riches exploitations de sel lui donne la fortune pour devenir une des plus puissante lignée de seigneurs du comté de Bourgogne. Il développe son domaine en traçant de nouvelles routes du sel à péages fortifiées par une trentaine de châteaux-forts qu’il fait construire dont le château de Nozeroy (sa fastueuse résidence et celle de ses descendants durant trois siècles), le château de Lons-le-Saunier (actuel hôtel-de-ville), le château-fort d’Arlay, lechâteau du Pin … et fonde de nombreuses nouvelles localités ..
En 1248, suite à la disparition du comte de lignée germanique Othon III de Bourgogne sans descendant, le richissime seigneur Jean Ier de Chalon devient également régent du puissant comté de Bourgogne pour son fils Hugues de Chalon marié avec la comtesse héritière Adélaïde Ire de Bourgogne et pour son petit-fils héritier le futur comte Othon IV de Bourgogne.
Aux xviie siècle et xviiie siècle, la salines de Salins-les-Bains demeure l’une des plus importantes salines européennes mais les ressources en bois alentour s’épuisent. Dans les années 1780, 135 000 litres desaumure par jour sont transférés par le saumoduc de Salins-les-Bains à Arc-et-Senans souterrain de 21 km à la nouvelle saline royale d’Arc-et-Senans de 10 hectares (fondée par l’architecte urbaniste Claude Nicolas Ledoux sous le règne du roi Louis XV de France), proche de la foret royale de Chaux (une des plus vastes forêts de France avec 20 mille hectares) et du port de Lesney sur la Loue. En 1806, le bois est remplacé par la houille.
Au xixe siècle, le développement fulgurant du train permet la propagation d’un sel marin bon marché. La saline Royale ferme ses portes en 1895 et la saline de Salins ferme ses portes en 1962 (avec une production de 1 000 tonnes de sel par an en 1958).
Thermalisme
Au xixe siècle, les sites de Lons-le-Saunier (thermes Lédonia), Salins-les-Bains (thermes de Salins-les-Bains) et Miserey-Salines (Besançon-les-Bains) se reconvertissent en station thermale (thermalisme).
Industrie chimique moderne Solvay
En 1930, suite aux importants progrès de l’industrie chimique du xxe siècle, l’important complexe industriel chimique belge Solvay (fondé en 1861 par le chimiste et industriel Ernest Solvay) s’installe à Tavaux près de Dole sur une étendue de 300 hectares. L’entreprise extrait le sel par hydrolyse / électrolyse à partir de saumure de gisement salifère de Bresse et de Poligny et de calcaire de Damparis. Elle produit et transforme 700 000 tonnes de sel par an (composé de 39 % de sodium et 61 % de chlore) et le transforme en de nombreux produits chimiques industriels dérivés : chlorure (plasturgie), hypochlorite de sodium (eau de Javel), soude caustique (détergent), chlorure de méthylène, chloroforme, tétrachlorure de carbone, perchloroéthylène, acide chlorhydrique, hydrofluorocarbure …
En 2007, 257 millions de tonnes de sel sont produites dans le monde à la hausse avec l’expansion de l’industrie chimique (dont 6 millions de tonnes produites en France en 2008).
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