L’histoire du Poulet de Bresse
Posté par francesca7 le 27 juin 2013
1. Les origines. — C’est certainement depuis une époque très reculée que la volaille a été élevée en Bresse. La qualité qui a dû s’affirmer très vite a provoqué un engouement pour cet élevage et l’importance a progressé rapidement. La date la plus ancienne qu’on ait pu recueillir concernant la volaille de Bresse est celle du 12 novembre 1591 dans les registres municipaux de la ville de Bourg-en-Bresse.
« Le peuple fut, ce jour là, si joyeux du départ des Romains que, par reconnaissance pour le marquis de Treffort, le Conseil vota qu’il lui serait fait présent de deux douzaines de chapons gras ».
Donc en 1591, la pratique du chaponnage et celle de l’engraissement étaient déjà très bien connues.
Postérieurement à cette date, les mentions relatives aux chapons sont nombreuses dans les archives de la ville et dans les anciens baux où ils étaient imposés comme réserves au profit des bailleurs.
A partir du XVIIIe siècle, les redevances en chapons et poulardes se multiplient et, à la fin du XVIIIe siècle, ils figurent sur tous les baux, ce qui prouve que l’engraissement de la volaille s’était généralisé.
C’est vers cette époque que date, en effet, la généralisation de la réputation des chapons et poulardes de Bresse. A ce moment, la culture du maïs s’est répandue au lieu d’être réservée aux « verchères », c’est à dire aux terrains attenants à l’habitation. C’est aussi à ce moment que Brillat-Savarin accorde sa préférence aux poulardes de Bresse qu’il appelle les « poulardes fines » en déplorant que « c’est grand dommage qu’elles soient rares à Paris ».
Dans la première moitié du XIXe siècle, la volaille de Bresse, tout en se développant, semble n’avoir eu qu’un rayonnement modeste. Avant l’époque des chemins de fer, les transports ne permettaient guère d’expédier des volailles au delà des principales villes de la région et Paris les connaissaient peu. Les rôtisseurs de la capitale se fournissaient en chapons et poulardes du Mans.
A noter que, pendant cette période, il y eut des introductions de races asiatiques (Brahma, Schanghaï, Cochinchinoises) qui firent beaucoup de mal à la pureté de la race.
Le développement des voies ferrées, la prospérité économique du second empire, tirèrent de l’ombre cette production, précieuse entre toutes, pour la renommée de notre pays. On a trop oublié les encouragements multiples qui furent prodigués à cette époque à l’agriculture, époque du « paternalisme agricole » où les pouvoirs publics distribuaient, par l’intermédiaire des Comices, des récompenses aux bons agriculteurs.
2. Concours du 23 décembre 1862. — En 1862, date capitale dans l’histoire qui nous occupe, fut créé le Comice Agricole de l’arrondissement de Bourg, avec trois présidents d’honneur dont le Comte Le Hon, député de la circonscription.
Une des premières tâches du Comice fut l’organisation d’un concours de volailles qui se tint à Bourg le mardi 23 décembre 1862. Cette date est à retenir. C’est grâce à la propagande qui lui succéda qui la volaille de Bresse fut mieux connue, que sa renommée se répandit dans Paris et dans les grandes villes. Les deux plus belles pièces avaient été offertes par le Comte Le Hon, au nom du Comice de la ville, à Napoléon III. Des articles élogieux dans les grands journaux, notamment dans le Constitutionnel, répandirent les mérites du chapon et de la poularde de Bresse. Enfin, grâce aux chemins de fer, les transports devenaient possibles.
Depuis, chaque année, aux environs de Noël, le concours de Bourg, (note : et aujourd’hui Louhans et Pont-de-Vaux) réunit les plus belles volailles du monde.
3. Développement des concours et marchés (1864-1900). — Les concours se répandirent rapidement. Il y en eut à Lyon, à Paris. En 1864, sur l’initiative du Comte Le Hon, une exposition de volailles eut lieu à Paris, au Palais de l’Industrie. Un lot de chapons de la Flèche et un lot de poulardes de Bresse se disputèrent le premier prix. Après un examen qui dura deux heures, dans lequel M. de Kergolay vint soutenir La Flèche et le Comte Le Hon défendit la poularde de Bresse, ce fut la poularde qui l’emporta. L’obtenteur du lot présenté était M. Gergondet, de Saint-Etienne du Bois.
M. de Kergolay fit appel de la décision rendue en convoquant le jury à une dégustation solennelle des volailles exposées. Le Moniteur du 25 décembre 1864 rend compte des débats de la Cour, composée de MM. Volowski, De Kergolay, Anselme Petetin, Compte de Bouille, Comte Le Hon. Après un dîner, qui se termina a minuit à l’hôtel du Louvre, l’arrêt constata la victoire de la Bresse. La volaille de Bresse avait conquis Paris.
Le développement, dans la seconde moitié du XIXe siècle, progressa régulièrement pour s’épanouir vers la fin. Vers 1893, on crée, en effet, des marchés de volailles pour les environs de Bourg et beaucoup d’entre eux deviennent à leur tour des centres de commerce. De nombreux textes montrent, à cette époque, le prodigieux essor qu’ont pris soudainement la production et le commerce de volaille.
Mais tout progrès ne va pas sa rançon. Au fur et à mesure que la réputation de la volaille de Bresse s’affermissait, la demande augmentait et, n’étant pas suivie au rythme de la production, la fraude se multipliait. Enfin, pour des motifs, les uns louables, les autres sordides, des croisements furent essayés et des races étrangères introduites. Les résultats furent des plus néfastes.
Il fallait réagir pour défendre une aussi précieuse production. C’est une nouvelle phase qui s’ouvre et qui va être étudiée : le développement des organismes professionnels.
4 — La Fédération Avicole — Devant les exagérations de certains éléments du commerce, les éleveurs fondèrent des syndicats professionnels. Ce furent les Syndicats Avicoles, groupés le 13 juillet 1933 en Fédération Avicole. Il en fut créé, non pas par un village, mais par un lieu de marché, et, à chaque jour de marché, un représentant du syndicat était sur place pour régler les litiges.
Il y a lieu, pour faire œuvre de justice, de souligner l’œuvre accomplie à ce sujet par le syndicat agricole de Bourg. C’est sur son initiative et son impulsion que furent créés syndicats et fédération. A noter que ces organismes se donnaient pour tâche de défendre la volaille de Bresse dans son aire d’origine. Ils ne séparaient pas le standard de race des conditions du milieu.
Afin d’authentifier la volaille de race pure, les producteurs créèrent une bague en aluminium qui était serrée au dessus du tarse de la volaille vivante. Un endroit du marché fut dès lors réservé aux volailles « standard » ayant le droit de porter la bague.
L’idée en avait été donnée au repars qui avait succédé au concours de volailles de Pont-de-Vaux, en 1930. M. Benoît Perrat, restaurateur à Vonnas, membre du jury, suggéra l’idée pour protéger les volailles de Bresse contre la fraude, de les marquer d’un plomb officiel. S’appuyant sur un précédent déjà acquis, M. Perrat cita en exemple ce qui était réalisé en Hongrie dans un cas analogue. En 1931, à l’Assemblée Générale du syndicat agricole de Bourg, Benoît Perrat renouvela son exposé et emporta l’adhésion des intéressés.
Le conflit avec le commerce tourna à l’état aïgu, car bien entendu les producteurs ne baguaient que des volailles à pattes bleues. Les commerçants refusèrent de reconnaître la bague des producteurs, alléguant que beaucoup de poulets étaient bagués, qui ne le méritaient pas à cause de leur conformation défectueuse. Aussi, souvent ils « boycottèrent » les poulets bagués. Ils utilisaient du reste déjà un scellé spécial — très ingénieux — apposé à la volaille morte et pouvant suivre le sujet jusque sur la table du consommateur. Ce scellé est en aluminium et se compose d’une lancette et de deux pastilles. La lancette est engagée sous la peau ; la pointe est rabattue sur la pastille intérieure ; la pastille extérieure sous la précédente et le tout scellé à l’aide d’un coup de poinçon. A leurs yeux, seul leur scellé authentifiait la volaille de Bresse.
Bien entendu, les producteurs protestèrent contre cette méthode et en fait il était vendu beaucoup plus de fausses poulets de Bresse portant le scellé que de volailles authentiques. Devant cette situation qui devenait intenable, la Fédération avicole décida de porter la question devant la justice. Un procès fut intenté, qui eût son dénouement le 22 décembre 1936, lorsque le jugement fut rendu. Cette date est, on va le voir, une des « grandes dates » de l’histoire de la volaille de Bresse.
LE PROCÈS DE DÉLIMITATION ET SA CONCLUSION
A — Les origines et les bases du procès. — Ce procès fut intenté par la Fédération des Syndicats avicoles de l’Ain contre M. Perraud Alphonse, cultivateur au hameau de France, commune de Meillonnas. La commune de Meillonnas est située sur la bordure occidentale du Jura (Revermont), à 15 kilomètres au nord est de Bourg. Au point de vue agricole, elle comprend deux parties : une située en plaine (Bresse) et l’autre constituée par une montagne. Le hameau de France est situé dans la partie montagneuse constituée par un terrain complètement différent des terrains de Bresse. M. Perraud qui venait de la commune de Peronnas située en Bresse près de Bourg avait amené ses volailles au hameau de France et continuait à les élever selon les méthodes de Bresse. Bien entendu, ses volailles étaient vendues sous l’appellation « Bresse »
Disons tout de suite que le procès n’impliquait de la part de la Fédération aucune hostilité spéciale contre M. Perraud. Mais elle saisit cette occasion pour faire définir par voie de justice les conditions de l’appellation d’origine contrôlée « Bresse ».
La demande était basée sur la loi du 1er août 1905 relative à la répression des fraudes.
B — L’expertise et le jugement. C’est donc la détermination des caractères que doit présenter une volaille d’origine pour avoir droit l’appellation « de Bresse » qui était demandée. Le tribunal de Bourg, saisi de cette affaire, ordonna une expertise et nomma pour remplir cette mission :
– MME Briset-Michaudet, agriculteur à Saint-Germain du Bois (Saône et Loire) ;
– Forgeot, directeur des Services Vétérinaires du Rhône, à Lyon ;
– Duc Louis, directeur des Services Agricoles de l’Ain, à Bourg.
L’expertise fut très longue, très soignée, et donna lieu à une étude approfondie. Un premier rapport fut déposé mais jugé insuffisant par le tribunal qui, le 17 juillet 1936, à la demande de la Fédération Avicole, réclama un complément d’expertise. Dans leur premier rapport, les experts, avaient ainsi été un peu hésitants au sujet des « pattes bleues ». Dans leur rapport complémentaire, ils sont au contraire formels. Les couleurs autres que le bleu indiquent un sang étranger à la race bressane. Le jugement définitif a été rendu le 22 décembre 1936. Le jugement est maintenant définitif et en vertu de l’article 7 de la loi du 6 mai 1919, s’applique maintenant à tous.
Laisser un commentaire
Vous devez être connecté pour rédiger un commentaire.