LES LUNETTES DE VASCO
Posté par francesca7 le 15 juin 2013
PAR JEAN HENRI FABRE
Pour être un honnête chien, tu l’es, bien sûr, Vasco !
Avec tant de biais tu portes souquenille
De soie noire sur ta croupe
Et tu remues si bien la houppe de ta queue
Quand fume devant toi l’écuelle de soupe !
Personne ne dira non : oui, tu es un beau gros chien,
Avec l’oreille qui traîne
Ses frissons de longue filasse,
Avec la poitrine rousse d’un rouge-gorge, et le nez
Grenu, noir, luisant comme une truffe.
Ce n’est rien. Tu as bien mieux. Sur tes yeux à fortes paupières,
Bonnasses et pensifs, je te vois
En guise de sourcils, deux gros pois chiches
En étincelles de feu, deux taches de poil roux.
Ce sont les lunettes d’or d’un philosophe, je crois.
Le serais-tu philosophe ? Oui, tu l’es, et peut-être
Donnerais-tu leçon à ton maître
Pour se moquer des mésaventures
Et des mauvaises gens. Sans ni hoï ! ni haï !
Aussi vite que moi tu rejoins saint Sylvestre.
Si le nombril est chaud et si le ventre est plein,
Que t’importent les embarras de la vie !
La bedaine en rond étalée,
Le nez dessous la queue, mélangeant les deux souffles,
Des bourrasques du jour tu attends la fin.
Tu attends patient, tu somnoles tranquille ;
Et si, parfois, de la racaille
Le coup de pierre te travaille
Les côtes, ce n’est rien : pour suprême consolation,
Alors la patte en l’air, tu compisses la muraille.
Cette patte en l’air, signe de ton mépris
Des accidents de la vie dure,
En sagesse, crois moi, dépasse
Tout ce que les anciens jamais nous ont appris.
Voilà comme du mal se traîne le boulet.
Quant au mal, mon philosophe, voilà une réponse
Que ton maître souvent envie.
Maintenant que l’avenir s’assombrit,
Dans tes lunettes d’or laisse-moi voir un peu
Le monde enivré d’un gros vin qui tourne à l’amer.
Jean-Henri Fabre né de le 21 Décembre 1823 à St Léons, petite commune du canton de Vezins à quelques lieues de Millau dans le Haut-Rouergue. Il est le premier enfant d’Antoine Fabre et Victoire Salgues. Fabre est nommé Chevalier de la Légion d’Honneur grâce à Duruy.
La découverte de l’alizarine rend obsolète ses brevets.
Il donne des cours du soir pour adultes qui obtiennent un franc succès.
En 1870 Les méthodes d’enseignement de Fabre déclenchent l’animosité des cléricaux et des conservateurs.
Il démissionne et part s’installer, en novembre, à Orange avec toute sa famille. Fabre a 47 ans, il est sans ressources en pleine guerre.
Dans les années qui suivent il écrit plus de 70 livres pour les élèves et pour les maîtres.
En 1913 Jean-Henri Fabre rédige une préface pour sa biographie écrite par le Docteur G. V. Legros : « La Vie de J.-H. Fabre, naturaliste, par un disciple », traduite en anglais : « Fabre, Poet of Science » par Bernard Miall.
Traduction d’extraits des « Souvenirs entomologiques » en anglais par Alexander Teixeira de Mattos : « The Life of the Caterpillar » .
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