joyeux Bercy à Paris
Posté par francesca7 le 14 juin 2013
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Quand les Parisiens s’encanaillaient au marché du vin.
La caricature est savoureuse. On y voit un bourgeois passablement saoul, la main appuyée à une commode pour se maintenir en équilibre devant sa dame en pleurs. »Est-il permis de revenir de Bercy dans un état pareil ? Un homme établi » (…),fait dire la légende à la femme. »Eh ben quoi ? Puisque j’aime l’eau ! On ne peut plus aimer l’eau, à présent ? » répond l’homme. Le dessin est signé du caricaturiste Honoré Daumier (1808-1879). Il rappelle ce qu’était Bercy au XIXe siècle : un lieu où les Parisiens venaient en masse pêcher et faire du canotage les dimanches et jours fériés. Un lieu, surtout, où l’on buvait, souvent en quantité, le vin étant ici moins cher que dans la capitale. Car le quartier, où s’était développé un marché de négoce de vin, était alors en dehors de Paris et, donc, exempt des taxations appliquées sur les marchandises entrantes. Clin d’oeil de l’Histoire, l’impôt était prélevé au mur des Fermiers généraux, situé à la place de l’actuel ministère de l’Économie et des Finances.
« Quand on se promène aujourd’hui sur la terrasse dominant la voie sur berge ou sur les gradins extérieurs du Palais Omnisport de Paris Bercy, on a du mal à imaginer l’effervescence qui régnait au XIXe siècle le long du quai et dans les rues occupées à présent par le paisible parc de Bercy », note Lionel Mouraux, président de la Photothèque des jeunes Parisiens, dans son ouvrage « Bercy, au fil du temps »(Parimagine). Il y retrace l’histoire de ce quadrilatère d’une quarantaine d’hectares qui n’a guère été modifié au cours du temps. C’est à partir de la Révolution qu’un marché de dépôt de vin s’y installe, en raison de la proximité de la Seine. Bercy n’abrite alors que des résidences, dépendances du château de Bercy situé plus à l’est. Cédées à la haute bourgeoisie désireuse d’avoir un pied-à-terre à la campagne, elles seront transformées en entrepôts avec leurs jardins et deviendront, un siècle plus tard, le plus grand marché viticole du monde.
Si Bercy est avant tout un lieu de travail, il attire rapidement les Parisiens, qui y achètent leur vin à moindres frais. Son cadre champêtre en fait une destination de promenade. Guinguettes et auberges s’installent du pont de Bercy à l’actuelle avenue des Terroirs de France. Fondé en 1784, le Rocher de Cancale était l’un des plus célèbres établissements. »C’est la véritable Bourse de Bercy,écrit Alfred Sabatier, un journaliste et négociant de l’époque.Ici, vous pouvez savoir si le temps ou l’oïdium va avoir une importance quelconque sur le margaux ou le minervois ; si le brouilly va cette année détrôner le sauternes. » Un autre lieu, les Terrasses (voir illustration), deviendra le rendez-vous attitré des canotiers. C’est l’époque du « joyeux Bercy », pour reprendre l’expression de Lionel Mouraux. Une époque avec laquelle le cours Saint-Emilion, aujourd’hui centre commercial à ciel ouvert, entend renouer, dans une version néanmoins bien plus aseptisée. Seul le musée des Arts forains, par sa nature populaire et festive, semble en reprendre l’héritage (voir encadré).
Insouciance.
Au XIXe siècle, les affaires se concluaient souvent autour de la table. Les guinguettes sont réputées pour les fritures et les « matelotes », bouillabaisses de poissons d’eau douce. »Chacune d’elles possédait à l’arrière sa tonnelle(…),propice à l’idylle, à l’aventure galante », écrit Lionel Mouraux. C’est dans le quartier qu’est mise au point la recette de l’entrecôte Bercy (cuite sur les douelles) ou celle de l’entrecôte Marchand de vin (sauce aux échalotes, beurre et vin). Dans ce cadre en apparence idyllique, deux fléaux menacent néanmoins l’insouciance ambiante : les inondations et les incendies parfois considérables, attisés par la présence de l’alcool, du bois et de la chaume des toits.
Ce « joyeux Bercy » prend fin en 1860, quand, désireux de s’agrandir, Paris englobe vingt-quatre communes périphériques. Le quartier tombe alors sous le régime fiscal commun. Des entrepôts de plus grande importance sont construits, les restaurants et les guinguettes détruits. Un nouveau quai est aménagé, capable de protéger des inondations. Des grilles délimitent le périmètre, conférant au lieu un caractère autarcique. Elles viennent s’ajouter aux barrières que constituent au sud la Seine, au nord la ligne de chemin de fer (1847), à l’est les fortifications de Thiers (1842) et enfin, à partir de 1906, le viaduc aérien du métro. »Depuis leur annexion jusqu’à leur complète disparition, en 1990, les entrepôts ne connurent pas de profondes mutations », note Lionel Mouraux.
Source http://www.lepoint.fr/villes/au-bon-temps-du-joyeux-bercy-22-11-2012-1567886_27.php
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