Les Grands Voyageurs
Posté par francesca7 le 5 juin 2013
20 avril 1828. René Caillié est le premier Européen à atteindre Tombouctou et à en revenir vivant.
Il apprend l’arabe, étudie le Coran et se fait passer pour un Égyptien pour parvenir à ses fins sans se faire massacrer.
Quand, le 20 avril 1828, le jeune René Caillié, 28 ans, découvre enfin Tombouctou, on peut dire que rarement un explorateur aura autant souffert pour atteindre son but. Il en a bouffé du sable, des injures et du Coran. Sans parler du scorbut, de la faim et des blessures. Même un chameau n’aurait pas résisté. Caillié, si ! Jamais il ne renonce à atteindre la ville mythique nichée au coeur du continent noir, même mourant sur sa couche. Il est animé par une énergie indomptable. Il veut être le premier Européen à visiter Tombouctou et à en revenir vivant. La ville aux 333 saints de l’islam ! La cité recluse !
Aussi, devant la cité interdite, il ressent une immense satisfaction : « Je n’avais jamais éprouvé une sensation pareille, et ma joie était extrême. [...] Avec quelle ardeur je le [Dieu] remerciai de l’heureux succès dont il avait couronné mon entreprise ! Que d’actions de grâce j’avais à lui rendre pour la protection éclatante qu’il m’avait accordée… » La joie candide d’un François Hollande au soir du 6 mai 2012…
Après quelques minutes d’exaltation, Caillié revient à la réalité des choses. Ce qu’il a sous les yeux, ce n’est qu’une bourgade misérable. « Je trouvai que le spectacle que j’avais sous les yeux ne répondait pas à mon attente ; je m’étais fait de la grandeur et de la richesse de cette ville une tout autre idée ; elle n’offre, au premier aspect, qu’un amas de maisons en terre, mal construites ; dans toutes les directions, on ne voit que des plaines immenses de sable mouvant, d’un blanc tirant sur le jaune, et de la plus grande aridité. » Terrible désillusion. Après tout ce qu’il a souffert ! Le pingouin est bien d’accord…
Malaria
La grandeur de Caillié ne vient-elle pas de ce terrible parcours du combattant qu’il accomplit seul, sans argent, sans porteurs, sans protection armée, comme ces Livingstone, Mungo Park ou autres Brazza ? Des explorateurs devenus célèbres, alors que lui reste dans l’ombre. Injustice. Rien ne prédestinait cet apprenti cordonnier à courir le monde, sinon les chaussures. Et encore n’en porte-t-il pas lors de sa balade africaine… Déjà, gamin, il dévore Robinson Crusoé et tous les autres romans d’aventures qu’il trouve. Ils lui permettent d’oublier un père boulanger (dans les Deux-Sèvres) condamné au bagne. Une fois que le poison de l’aventure a commencé à couler dans ses veines, il ne s’est plus arrêté.
À 17 ans, il entre au service d’un officier de marine d’une flûte - La Loire - qui s’apprête à lever l’ancre pour le Sénégal. Elle appartient à une escadre de quatre navires envoyée par Louis XVIII pour récupérer cette nation africaine rétrocédée par les Britanniques. C’est au cours de ce voyage que la frégate La Méduse fait naufrage sur le banc d’Arguin, obligeant l’équipage à embarquer à bord du fameux radeau… de La Méduse.
La Loire, elle, arrive sans encombre à Saint-Louis du Sénégal, où le jeune Caillié, après quelques mois, est libéré de son service. Il se met alors en tête d’aller secourir le major Gray retenu au royaume du Boundou. Accompagné de seulement « deux nègres », il s’enfonce dans la forêt, mais la marche forcée lui provoque de telles souffrances qu’il doit abandonner son projet. Un ami officier qui le prend sous son aile lui offre un passage gratuit pour la Guadeloupe afin d’y chercher des aventures plus à sa portée.
Au bout de six mois, le voilà de retour à Bordeaux, puis à Saint-Louis en 1818. Il se joint alors à une caravane partant approvisionner en marchandises, toujours le même major Gray. Un calvaire ! Le jeune homme, obligé de suivre à pied les membres de l’expédition perchés sur des chameaux, privé d’eau, est vite à bout de forces. Ses compagnons boivent de l’urine en désespoir de cause. Le major Gray est retrouvé. Le retour à la civilisation est un autre enfer. Épuisé par la malaria, Caillié rallie Saint-Louis dans un tel état qu’il doit rentrer en France.
Caillié perd la raison
Durant quatre ans, il travaille pour un négociant en vins de Bordeaux, mais garde l’Afrique en tête. Il devient littéralement obsédé par Tombouctou, d’autant que la Société de géographie promet 10 000 francs à l’explorateur qui atteindra la ville et, surtout, qui en reviendra vivant. En 1824, Caillié débarque une fois de plus à Saint-Louis avec un plan parfaitement au point dans sa tête. Puisqu’il n’a pas un sou et que personne ne veut l’aider, le prenant pour un illuminé, il voyagera seul, en se mêlant aux innombrables caravanes de marchands qui sillonnent le continent.
Pour passer inaperçu, il décide de se faire passer pour un musulman d’Égypte qui regagne sa patrie après avoir été capturé, enfant, par l’armée de Bonaparte. Pour peaufiner sa couverture de musulman, il effectue un stage de formation de huit mois chez les Maures Brakna de l’actuelle Mauritanie. Caillié y apprend des rudiments d’arabe, étudie le Coran et les principales coutumes locales. Il en sait bientôt davantage que Merah… Le voilà fin prêt à entreprendre son expédition, mais le gouverneur du Sénégal, qui lui avait promis 6 000 francs, lui fait faux bond. Commence alors pour lui une longue période d’attente durant laquelle il devient la risée des Occidentaux avec son déguisement d’Arabe qu’il ne quitte pas.
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