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    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

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La journée d’un journaliste

Posté par francesca7 le 30 juin 2013

par Gustave Planche

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La journée d’un journaliste dans ARTISANAT FRANCAIS journaliste

Le journalisme est une royauté nouvelle, la plus jeune à coup sûr de toutes celles qui couvrent aujourd’hui l’Europe ; plus vivace et plus hardie, plus souple et plus alerte que toutes les cours et tous les cabinets qui se liguent sans pouvoir se soutenir, qui prodiguent les serments et les parjures, les protestations de franchise et les arrière-pensées sans réussir à se tromper ; elle est née le jour où la vieille royauté a reçu le premier coup, le coup mortel qui a blessé à mort, en 1789, sa légitimité de quatorze siècles.

Et cependant quoique née d’hier, elle n’a pas moins de courtisans que ses soeurs aînées. Faudrait-il en conclure qu’elle est réservée au même sort ; que l’aveuglement et l’ignorance la menacent, comme les majestés auxquelles elle succède, d’une mort prochaine et désastreuse ; qu’elle entrera comme elles dans l’oubli et le néant ? Je ne sais. Mais si nos yeux ne suffisent pas à prévoir de si loin la catastrophe qui doit dénouer sa vie, au moins pouvons-nous contempler à loisir, et dans ses plus secrets détails, cet élément de la société moderne, inconnu jusqu’à la fin du dernier siècle, que Lesage et La Bruyère n’auraient pas oublié dans les Caractères ou le Gil Blas, s’il y avait eu de leur temps une classe d’improvisateurs appelés journalistes, prêts à toute heure à prendre la parole, à faire de la colère ou de la pitié, de l’admiration ou de la sympathie, de l’indignation et du dédain, sur tous les hommes et toutes les choses qui passent devant les yeux avec une rapidité kaléidoscopique.

La journée d’un journaliste est singulière et ne ressemble à aucune autre ; elle est pleine et rapide, pensive et hâtée, distraite et concentrée, sérieuse et dissipée, mêlée de courage et d’insouciance, d’inquiétude et d’apathie, laborieuse et active au-delà de toutes les prévisions, mais parfois aussi ressemblant assez bien à l’oisiveté officielle, aux bras croisés des philosophes du dix-huitième siècle, ou des rhéteurs d’Athènes et de Rome.

A son réveil, le journaliste ne peut pas, comme les heureux du siècle, promener sa rêverie sur l’emploi de sa journée, jeter la plume au vent, comme on dit, et se demander indolemment s’il ira gagner l’appétit de son déjeuner dans une promenade à cheval, ou s’il attendra midi en promenant paresseusement ses yeux sur les feuilles humides d’un livre nouveau, sans s’imposer aucune autre tâche que celle de le trouver ennuyeux ou amusant, de le fermer et de le jeter de dépit ou de dégoût à la trentième page.

Il a son grand et son petit lever comme les majestés de Windsor ou de Vienne. Il donne audience, écoute les solliciteurs, accueille ou répudie les demandes. Il subit des tortures qui ne sont qu’à son usage, et dont l’ingratitude des lecteurs ne lui tient pas compte. C’est pour lui que la vanité, sorte d’épidémie morale qui n’a jamais exercé sur les cervelles humaines d’aussi déplorables ravages qu’aujourd’hui, réserve ses formes les plus douloureuses et les plus affligeantes. Il prête une oreille docile aux conseils d’un auteur qui déguise son orgueil et son intolérance sous le masque de la prière. « J’ai eu, dit le suppliant, d’une voix humble et douce, l’intention de renouveler la face de la littérature. Scott n’a pas compris le parti qu’on pouvait tirer du quinzième siècle. J’ai voulu montrer ce qu’il y avait d’énergique et de grand dans le moyen âge. Quant au style, je n’en parle pas. C’est une affaire à part, et qui ne fera pas question. Ivanhoé n’est pas écrit. J’ai donné à mon livre une valeur épique. » Et ne croyez pas qu’on puisse répondre à ces impertinentes suppliques, autrement que par le silence le plus impassible. N’espérez pas qu’on déroute cette arrogante hypocrisie qui relève la tête au moment où vous croyez qu’elle va fléchir le genou. Je ne sais qu’un moyen de mystifier dignement ces courtisans d’une nouvelle espèce, qui croient vous fléchir en brûlant eux-mêmes l’encens qui manque à leur divinité, c’est de les écouter jusqu’au bout. Si vous avez la maladresse de les interrompre quand ils récitent leur panégyrique, vous êtes perdu sans retour, votre matinée est dévorée.

Ou bien c’est la visite d’un candidat politique, qui n’a pas, pour siéger à la chambre, d’autres titres que son extrait de naissance, et le bulletin de ses contributions… ; dans l’embarras de trouver un moyen plausible pour émouvoir celui dont la parole doit le condamner ou l’absoudre, lui retirer ou lui donner les voix toutes-puissantes après lesquelles il soupire, il énumère timidement tous les noms recommandables qu’il a pu coudoyer dans le monde, et qui souvent n’ont jamais fait connaissance qu’avec sa mémoire.

Si vos souvenirs, précis et multipliés comme ceux de Périclès, le ramènent aux premières années de sa vie, aux apostasies de toutes sortes, à l’aide desquelles il a successivement occupé les premiers emplois sous deux ou trois gouvernements contradictoires, il vous parlera, soyez-en sûr, de son dévouement au pays, de ses principes inflexibles, de sa conscience rigoureuse et sévère. Il vous expliquera comment et pourquoi il a dû préférer le sacrifice momentané de sa fierté personnelle à l’avenir de la nation, et peut-être de l’humanité. Sous l’Empire, il s’est conservé pour les Bourbons ; sous la Restauration, il s’est maintenu pour l’avènement de la monarchie républicaine. Il n’a jamais eu devant les yeux qu’une idée grande et féconde, le bien public ; le reste, trahison ou fidélité, service ou mépris des personnes, ne mérite pas ses regards. Il ne se repent pas ; il ne cherche pas à s’excuser ; il se vante et se déifie. Sans lui, la représentation législative doit demeurer incomplète ; au besoin il vous laisse, avant de vous saluer, un programme détaillé des promesses qu’il adresse, en forme de circulaire, aux électeurs de son département.

Ici encore le silence et l’approbation de la lèvre et du regard sont la seule arme que vous puissiez opposer aux flots de son éloquence. Ne l’arrêtez pas ; prenez patience. Il faudra bien qu’il se taise. Sa parole finira par se figer dans son gosier.

Heureux, trois fois heureux, si, après avoir prêté l’oreille à ces deux candidats, vous n’avez pas à subir le début anticipé d’un héritier de Molé ou de Talma. S’il vous arrive de province un acteur à la voix creuse et sourde, muni d’une lettre de recommandation ouverte, qu’il a relue plusieurs fois en montant l’escalier, dont il a calculé avec confiance la valeur et la portée, tenez-vous bien, et gardez-vous surtout de plisser votre front, de froncer le sourcil, de serrer les lèvres, et de témoigner en aucune manière votre impatience. Ne l’éconduisez pas ; et, s’il vous propose gracieusement de vous donner, à l’instant même, un échantillon de son débit, répondez : oui, comme un homme charmé et curieux. S’il écorche et déchire en lambeaux le Misanthrope ou Andromaque, ne craignez pas de lui dire que Molière et Racine lui devront un nouveau triomphe ; autrement il ira dire partout que vous êtes vendu à son chef d’emploi, que vous touchez une prime sur les appointements de l’acteur qu’il vient doubler.

Midi sonne. A peine avez-vous le temps de regarder le ciel, de compter les nuages qui flottent à l’horizon. A l’oeuvre ! voici que la journée commence. Il faut monter sur le trépied. Feuilletez les gazettes de l’Europe. Parcourez les colonnes du Globe et du Courier, triez les injures que Wellington jette à lord Grey, gargarisez votre mémoire des scandales que les réformistes ne ménagent pas à leurs adversaires ; n’oubliez pas, dans cette lecture à la course, où les minutes sont comptées, la vanterie de la gazette impériale de Nicolas, ni les caquets jactantieux des publicistes d’Augsbourg. Préparez les entrailles de votre cerveau, déblayez les avenues qui pourraient ralentir la marche de vos pensées ; car le sacerdoce que vous avez choisi ne permet ni cesse ni repos. Ce n’est pas demain ni après-demain que vous devez parler et donner votre avis ; vous ne pouvez pas, comme les honorables du Palais-Bourbon ou du Luxembourg, attendre huit jours pour prononcer votre harangue, et consulter l’écho de votre cabinet sur l’harmonie et la sonorité de vos périodes. Si, pour parler, vous avez besoin de mettre en usage la maxime du philosophe grec, si, avant de tremper votre plume, vous récitez seulement les vingt-cinq lettres de l’alphabet, jetez votre plume, brisez-la, jetez au feu le papier qui attend votre volonté pour ranimer les haines, pour éteindre les jalousies, renouer des amitiés languissantes, rallumer les enthousiasmes attiédis. Mettez vos gants ; assurez-vous du noeud de votre cravate ; passez la main dans vos cheveux, prenez votre canne ; allez comme un oisif inutile promener votre figure aux Tuileries ou aux boulevarts : vous ne serez jamais journaliste.

gazette dans FONDATEURS - PATRIMOINESi vous n’avez pas meublé à l’avance votre mémoire de plusieurs milliers de volumes, si vous ne pouvez pas, en tournant la dernière page d’un livre, formuler un jugement précis et net, n’essayez pas, comme le font quelques intelligences rétives, qui meurent à la tâche d’épuisement et de lassitude, n’essayez pas de feuilleter la conversation de vos amis et les rayons de votre bibliothèque. N’allez pas entamer la lecture de Clarisse ou de Tom-Jones, pour commencer une comparaison laborieuse et pédantesque. La Bibliopée, qui rivalise avec les machines de Birmingham et de Manchester, vous débordera, et se raillera de vos efforts.

Avant de glisser le couteau d’ivoire entre les feuillets du premier chapitre, prenez la mesure de vos forces ; faites le recensement de vos lectures précédentes ; dressez la statistique et le dénombrement de votre pied de guerre ; relevez militairement les idées valides et vives que vous pouvez sacrifier et dépenser librement, sans concevoir aucune inquiétude pour la lutte du lendemain. Mesurez la profondeur de vos lignes de bataille ; et, si vous n’avez pas sous la main tous les parallèles, toutes les citations historiques, toutes les dates, toutes les biographies dont vous prétendez composer votre avant-garde ; si vous n’avez pas en portefeuille dans votre cerveau tous les noms illustres de villes ou de héros dont vous espérez garnir vos bastions, quittez la partie, croyez-moi, formez à loisir le plan d’un livre ou d’un poème ; écrivez pour l’Académie des Inscriptions quelque dissertation érudite ; relisez le programme des jeux floraux ; concourez pour le prix de Beaune ou de Cambrai, mais sortez de la lice où vous ne savez tenir ni la lance ni l’épée.

Une fois que vous avez mis le pied sur les marches de la tribune, vous n’avez plus à reculer ni à délibérer. Il ne s’agit plus, comme aux temps de vos études latines, de caresser amoureusement une phrase, de composer votre style comme une mosaïque, en dérobant une ligne aux Catilinaires, une épithète à la la Guerre de Jugurtha ; d’emprunter le début d’une page à Tacite, et la péroraison du Pro Milone.

Le journaliste n’a d’enseignement et de maître que ses improvisations quotidiennes. Le temps lui manque pour calculer la parure de sa pensée, pour imposer à ses idées une coquetterie invitante et lascive. Chaque fois qu’il écrit, il doit croire qu’il parle, il doit se placer face à face avec son auditoire idéal, ne pas craindre les redites et la diffusion. Demain, ce soir même n’est rien pour lui ; il faut qu’il fasse abnégation de lui-même et de sa vanité ; qu’il abdique sa personnalité d’écrivain, pour ne garder que celle de sa pensée. Peu importe, pour la tâche qu’il entreprend, qu’il manque de grâce et de pureté, pourvu qu’il porte coup, qu’il blesse ou qu’il sauve, qu’il renverse ou qu’il édifie.

Ce qui serait une profanation dans l’art littéraire, ce qui serait une folie pour une idée long-temps méditée, et qui prétendrait à la durée, à la consécration, est une nécessité, un devoir impérieux, une fois qu’on s’est dévoué à la presse quotidienne.

Dans cet abîme sans fond, où tant d’éloquences se sont enfouies sans laisser un nom qui pût les révéler à la postérité, dans ce gouffre avide qui a dévoré tant de Mirabeaux que nous ne soupçonnons pas, on a compté parfois des gloires illustres, qui ne dédaignaient pas la prodigalité et qui risquaient l’oubli, en ne tenant compte que du but qu’ils voulaient atteindre, Fielding et Châteaubriand, deux génies que l’Angleterre et la France s’envient mutuellement.

Qu’ils se consolent donc ceux que la presse épuise et moissonne, qui agissent sur les destinées du pays, qui le conseillent et le gouvernent, sans recevoir en échange les mesquines flatteries qui forment l’apanage du moindre conteur ! Qu’ils se consolent devant ces grands exemples !

Car depuis quarante ans les plus hautes et les plus durables gloires, les noms les plus imposants, ont mis leur plume au service du pays et de leur volonté. Tous les hommes d’énergie et de caractère, d’ambition et de savoir, avant de siéger dans nos assemblées, ou dans les conseils, avant de soulever et de contenir sous le vent de leur parole la foule qui ne refuse jamais son obéissance quand elle devine la supériorité, et qui se trouve ailleurs que dans la rue ou dans un salon, parmi les législateurs comme parmi les écoliers, les plus habiles ministres et les premiers orateurs des parlements de Londres et de Paris ont été journalistes.

Ne croyez-vous pas que celui-là gouverne vraiment son pays, qui tous les jours pose et soutient une thèse, interpelle sur leur conduite les cabinets de l’Europe, invoque la lettre et l’esprit des traités qu’on viole ou qu’on prétend éluder, donne aux plus sérieux enseignements une forme populaire et vive, et se place par l’indépendance publique de ses opinions et de sa vie au-dessus de tous les pouvoirs qu’il censure ; qui peuvent le contrarier, mais non pas lui imposer silence ?

Sans doute, et ce serait folie de le nier, sans doute, ce règne a comme tous les autres son aveuglement et son ivresse. Dans son ardeur de critique, dans son enthousiasme de principes, il lui arrive parfois de franchir les limites de la vérité possible et réalisable, de résoudre sur le papier, de trancher d’un trait de plume les difficultés que vingt-quatre heures de gouvernement lui montreraient comme insolubles pour quelque temps, de conseiller des manoeuvres et des négociations qui remettraient tout en question, et joueraient sur un dé la destinée des peuples.

Cela est vrai. Mais n’en peut-on dire autant de bien des harangues législatives ? Êtes-vous bien sûrs que chez les excellences, le despotisme oratoire soit plus rare que, chez les journalistes, les déclamations libérales ? Pour mon compte, vous me permettrez d’en douter.

Je ne sais d’impartiales et de sensées que les intelligences qui dépensent vingt-quatre heures par jour à délibérer sans exprimer jamais leur avis, sans jamais rencontrer ni contradiction ni puissance, qui vivent dans une contemplation éternelle, en dehors de l’espace et du temps.

Mais soyez riche, l’or vous enivre. Soyez aimé, vous devenez fat. Soyez ministre, vous devenez sourd à l’opinion publique. Soyez journaliste éloquent, vous croirez à la toute-puissance et à la souveraine sagesse de vos paroles.

C’est une triste vérité, mais qu’il faut reconnaître : il n’y a de sages que ceux qui ne sont pas ; que les sagesses qu’on rêve et qu’on ne verra jamais.

La science elle-même, la plus profonde et la plus étendue, porte à la tête comme le rum et les bonnes fortunes. En Allemagne, il y a des professeurs de chimie qui espèrent créer dans leurs creusets des corps organisés, une rose, un cheval peut-être, une femme, qui sait ? on perdrait son temps à compter les folies.

Achevons l’inventaire de la journée.

Le soir, qui, pour les oisifs eux-mêmes, est une heure de délassement et de repos ; le soir, qui clôt leur journée autour d’une table de jeu ou d’une théière, ou dans une loge aux Italiens, le soir est, pour le journaliste, l’occasion et l’heure d’une tâche nouvelle. Il faut qu’il se rende au théâtre pour écouter le nouveau chef-d’oeuvre, et cette tâche ne promet pas de s’épuiser prochainement. Si Moïse eût vécu de nos jours, je m’assure qu’il eût mis au nombre des fléaux qu’il infligeait à l’ingratitude publique, les couplets qui glapissent tous les soirs entre les murs de nos théâtres, et qu’il n’eût pas oublié non plus les mille formes poétiques ou frénétiques, que l’adultère, l’inceste et le viol prennent tous les soirs, pour distraire, à ce qu’on dit, notre satiété, pour surprendre et concentrer notre attention.

Le public bourgeois, le public sensé, le public qui a femme et enfants, ne va plus guère au théâtre que pour entendre Paganini ou madame Malibran, ou pour contempler à loisir la danse gracieuse et pudique de mademoiselle Taglioni, la pudeur grave et antique de ses attitudes, pour étudier dans cette figure italienne, si chaste et si voluptueuse à-la-fois, le secret des danses merveilleuses de Corinthe et d’Athènes. Mais de pareils bonheurs ne sont qu’une exception rare et violente dans la journée d’un journaliste. Comme il écrit jour par jour l’histoire de l’esprit et de la sottise publique, il n’a pas un moment à perdre. Il faut qu’il suive à la trace le retentissement d’une pointe, d’un quolibet, ou d’une tirade, comme le basset le gibier, ou comme le picador la mule qu’il vous a louée ; il faut qu’il assiste au partage de toutes les curées littéraires, qu’il compte les blessés et les morts, qu’il dénombre, comme fait Homère au second livre, pour les vaisseaux de la flotte grecque, toutes les idées glorieuses et pures que l’ineptie et la cupidité dérobent effrontément et flétrissent sur la scène, toutes les inventions sérieuses et recueillies, nées dans le silence et la méditation, et qui viennent expirer à la lueur de la rampe, s’imprégner d’huile et de poussière, et rendre l’âme entre un manteau de serge et une couronne de carton.

Et, pour que rien ne manque à sa joie, il a suivi les répétitions de la pièce qu’il écoute ; il sait ce qu’ont coûté les dents du jeune premier, et les cheveux de l’amoureuse. Il sait par coeur toutes les aventures de l’ingénue, toutes les querelles qui divisent le père noble et le scapin. Il a compté, sur ses doigts, avant que la toile se lève, toutes les mailles du tamis dramatique par lesquelles a dû passer le nouvel ouvrage avant d’arriver sur la scène, armé de toutes pièces, avec une cuirasse de soie, un poignard de bois, une voix enflée et creuse, un langage qui dérouterait bien d’autres sagacités, ma foi, que celle de M. Jourdain, qui ne ressemble ni aux vers ni à la prose, sorte de parole indisciplinée, qui se joue avec une égale licence des lois de la grammaire, de l’analogie des images, de la déduction logique des idées, de toutes les règles enfin dont se compose une langue. Il sait, jour par jour, comme le télégraphe, quand, pour la première fois, un livre, qui n’y songeait pas, est devenu l’objet d’une convoitise dramatique, quand il a été dépecé par deux ou par trois chasseurs de ces sortes de proie ; qui a coupé les scènes, qui a donné le dialogue, qui a brodé les tirades, qui a fourni la couleur locale, les mots historiques.

Aussi, dès que le pied de l’acteur a frappé sur les planches les trois coups solennels, dès que l’orchestre a laissé dormir en paix la symphonie de Mozart ou d’Haydn, qu’il écorche depuis vingt ans, au moment où le plaisir des badauds commence, le journaliste se résigne courageusement au supplice de ses réminiscences. Il reconnaît, dans la voix enrouée d’une duègne, dont l’accent n’est guère plus intelligible que celui d’une chatte enrhumée sur une gouttière, le premier chapitre d’un roman publié il y a quinze jours, et qui espérait échapper à cette odieuse profanation. Dans les fanfaronnades d’opéra-comique débitées par un officier mal à l’aise dans son hausse-col, et fort embarrassé dans le ceinturon de son épée, qu’il ne peut remettre au fourreau sans interrompre son débit, il retrouve une scène ingénieuse et concise destinée par son auteur aux lectures patientes.

Il n’a pas même la ressource d’une dame spirituelle qui s’ennuyait d’une sonate, et prenait son plaisir en patience. Chaque fois qu’il entre au théâtre, il y a cent contre un à parier qu’il va voir l’exécution dramatique d’un livre. Car, par une singulière application de la théorie d’Adam Smith sur la division du travail, il y a aujourd’hui deux parts bien distinctes dans la littérature, l’art et l’industrie. Les artistes trouvent une idée, la creusent, la décomposent, la reconstruisent à leur guise pour lui donner plus de valeur et de beauté. Quand ils ont achevé les dernières ciselures de leur statue, bronze ou marbre, ils lèvent le voile, et disent : « Venez voir. » La foule inattentive passe, et oublie.

Viennent ensuite quelques hardis maraudeurs qui fondent sur l’ignorance l’impunité de leur fraude. Ils fabriquent une misérable copie, qu’ils affublent de clinquant, d’oripeaux et de pierres de couleur. Ils lui mettent du fard au visage ; ils la hissent sur le théâtre, et disent : « Voilà mon ouvrage. »

Or le public encourage de ses battements de mains, de sa présence, de son rire et de ses lèvres béantes, cette piraterie littéraire. Il oublie l’art, et applaudit l’industrie. Il ne lit pas, et se contente d’aller voir l’histoire qu’on lui fait, d’écouter les passions qu’on lui récite. Si Paris, comme on le dit, rappelle la patrie de Périclès, pour dieu ! qu’on me dise où est le peuple d’Athènes ?

Si ce tableau paraissait exagéré, si l’on m’accusait d’assombrir à dessein les traits de cette esquisse, je répondrais franchement que je sais plusieurs exceptions aux généralités que je viens de montrer, mais qu’elles sont loin de suffire à prouver l’inexactitude de mon récit. Il y a sans doute en France quelques génies dramatiques que je n’ai pas besoin de nommer. Les traditions de Talma et de Molé ne sont pas absolument perdues. Messieurs Ligier, Bocage, Frédérick et Lockroy, mademoiselle Mars, madame Dorval, mademoiselle Léontine Fay, mademoiselle Jenny Vertpré, madame Albert, sont là pour répondre.

Mais il est malheureusement trop vrai, pour les journalistes surtout, placés de manière à tout voir par leurs yeux et de près, que le théâtre est arrivé à une déplorable décadence. Après les lions, sont venus les éléphants. J’imagine que nous verrions bientôt les poissons en scène, si les brochets pouvaient jouer un rôle ! Attendons ! 

Au sortir du théâtre, mon héros, puisque aussi bien j’écris la biographie d’une de ses journées, n’est pas quitte encore des exigences de sa profession. Ne croyez pas qu’en mettant le pied hors de cette espèce d’άγορά, qu’on nomme les coulisses, il puisse rentrer chez lui, et oublier dans de paisibles rêves les tumultueuses études qui ont dévoré toutes ses heures. Détrompez-vous ! Il a maintenant un autre rôle à jouer. Son épreuve quotidienne n’est pas encore achevée. Onze heures sonnent : il faut qu’il aille dans le monde pour se mêler aux causeries, aux médisances et aux calomnies ; il faut qu’il prête l’oreille au bruit imperceptible encore des réputations politiques et littéraires qui vont naître ce soir, grandir pendant trois jours, pour expirer peut-être la semaine prochaine.

Le voici qui entre dans le salon. Il a beau faire pour passer à la dérobée, saluer simplement, sans guinderie et sans manière, la maîtresse de la maison, s’asseoir, sans mot dire, près d’un ami qui l’aborde, il ne réussit pas à déguiser son arrivée. Il est bientôt entouré de prévenances et de questions, de compliments et de prières comme pourrait l’être un ministre. Quoi qu’il arrive, depuis onze heures du soir jusqu’à trois heures du matin, il faut qu’il subisse jusqu’au bout sa destinée de journaliste ; au milieu de la danse, de la walse et du galop, au plus beau morceau d’un duo, d’une symphonie ou d’une sonate, il faut qu’il accueille, le sourire sur les lèvres, toutes les apostilles qui lui arrivent, en robe de gaz et en souliers de satin, avec des fleurs dans les cheveux et des perles au cou ; il faut qu’il trouve pour toutes ces jolies suppliantes, des promesses et des protestations d’indulgence ; qu’il distribue à toutes ces têtes dont l’importunité ne lui laisse pas un instant de répit, des espérances intarissables ; et s’il lui arrive de manquer de présence d’esprit, comme je l’ai vu récemment, s’il complimente un député sur les vers d’un poète, ou le poète sur le discours d’un député, ne craignez pas qu’on rie, qu’on plisse même ses lèvres en signe de moquerie. On y met plus de réserve et de modestie. On ne s’étonne pas qu’il y ait quelque désordre dans un cerveau où les souvenirs sont entassés pêle-mêle, comme les parures dans l’arrière-boutique d’un fripier. On le ramène peu à peu à des idées plus précises. Il ne prend pas même la peine de s’excuser. Le député se rejette sur ses vers de jeunesse, le poète sur ses vues politiques ; tout s’arrange et se concilie.

C’est un rude métier, vous le voyez, et qui ne devrait tenter personne. Mais une fois qu’on a en main la parole, une fois qu’on a pris place à la tribune, on y renonce difficilement. Une fois que le clavier de la pensée s’est mis d’accord avec la gamme élevée de cette existence, on a grand’-peine, croyez-moi, à changer les habitudes de l’instrument.

Et si vous me demandez quelle moralité je prétends tirer de cette face particulière de la vie parisienne, ce que j’en pense, et ce que j’en veux conclure ; je répondrai par les paroles de l’Écriture : « Contristata est anima mea. »

images-11 dans LITTERATURE FRANCAISEEn effet je ne sais rien de plus triste et de plus amer que ce perpétuel dévouement, ce tourbillon au milieu duquel l’âme n’a pas un instant de repos. Ce que j’ai dit ne s’applique peut-être pas à plus de douze personnes à Paris. Mais qu’importe ? Notre vie est ainsi faite que ceux qui ne réalisent pas encore le portrait, aspirent à le réaliser. Sont-ils fous ? Sont-ils sages ? Je ne sais : ils suivent leur étoile ; leurs pieds sont endurcis aux ronces du sentier. Ailleurs ils trouveraient peut-être des cailloux aigus et tranchants, qui rouvriraient de nouvelles plaies. Ils ne veulent pas abandonner la récompense de l’épreuve, la puissance et l’autorité.

A vrai dire, je ne crois pas qu’il y ait au monde une manière de dépenser ses facultés plus ruineuse et plus hâtive, pas même la royauté ou le Conseil. Prenez dans le passé tel homme que vous voudrez, habile et hardi, improvisateur infatigable, penseur encyclopédique ; prenez Voltaire, Beaumarchais ou Diderot, d’Aubigné, Pascal ou Bossuet, et je défie qu’au bout de cinq ans ils n’aient pas épuisé le meilleur de leur verve et de leur éloquence.

Donc, vous tous qui enviez le sort d’un journaliste, qui le prenez innocemment pour un homme privilégié, réservé au plaisir, aux joies de vanité, plaignez-le ! Toute sa vie n’est qu’un perpétuel holocauste. Chaque jour qu’il ajoute aux jours précédents emporte une de ses plus chères illusions. Il sait bien souvent de l’histoire ce que la postérité n’apprendra pas, le prix qu’on a payé tel article d’un traité, tel succès éclatant auquel Paris croit sincèrement. Il a vu faire le génie d’un musicien, la grâce d’une danseuse ; à trente ans, il est sexagénaire.

Mais si, par impossible, on se retire à temps de ce monde d’exception, de scepticisme, de tristesse et d’incrédulité, si, après avoir fait provision de désabusement et de défiance, on rentre dans la vie ordinaire, on y apporte, croyez-moi, quelque chose d’impassible et de réfléchi, de sentencieux et de grave ; quoi qu’on fasse et qu’on tente, on ne ressaisit pas sa jeunesse évanouie. On garde au visage et au coeur les rides que la réflexion y a mises. Les cheveux ont blanchi, comme dans une nuit de jeu et de ruine, comme autrefois les cheveux d’une reine, la veille de sa mort. Alors il ne faudrait jamais dire son âge : personne ne vous croirait.                        

GUSTAVE PLANCHE.

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Enlumineur d’antan

Posté par francesca7 le 30 juin 2013

Atelier d’enluminure
Claire Guillemain (Maine-et-Loire)

 Enlumineur d'antan dans ARTISANAT FRANCAIS enlumine

En prononçant le mot « enluminure », on pense tout de suite à « lumière » ; effectivement ce terme est tiré du latin « illuminare » qui veut dire mettre en lumière, donner la lumière au texte par l’intermédiaire de l’image et de la couleur. Symboliquement l’image illumine le texte en clarifiant le sens de celui-ci ; l’or et l’argent employés vont le rehausser de leur éclat. Ce qui caractérise cet art et lui confère sa richesse, ce sont la minutie et la finesse de la réalisation dans les moindres détails.

Claire GUILLEMAIN, artiste enlumineur, s’est passionnée toute jeune par l’histoire médiévale et par le dessin. C’est donc à travers les livres d’histoire qu’elle a découvert l’enluminure et a tout d’abord essayé de recopier certains détails. Ne voulant pas en rester là, elle a cherché à découvrir ces techniques quelque peu oubliées et pour cela a intégré l’Ecole Française d’Enluminure, aujourd’hui disparue. Après deux ans de formation, elle consacra quelque temps à l’étude des techniques avec les outils et matériaux de l’époque (préparation des pigments natures, dorure à la feuille d’or, etc.). Il est nécessaire lorsque l’on pratique l’enluminure traditionnelle, de respecter ces techniques. La pratique de l’Enluminure l’a tout naturellement amenée à se pencher sur la Calligraphie ; ces deux arts étant complémentaires et indissociables, l’image mettant en valeur, le texte écrit.

UN PEU D’HISTOIRE 
L’essor du manuscrit enluminé est indissociable de la généralisation de l’usage du parchemin (peau d’animal). Le parchemin va permettre la création du « codex » (livre tel qu’il se présente de nos jours) qui remplace le rouleau de papyrus. Les feuilles plates du parchemin rendent l’utilisation du codex plus facile.

Au Moyen Age, le livre n’est pas un simple objet, il a valeur d’un signe, il porte le témoignage de la Promesse du Salut chrétien et sa valeur n’est pas moindre que celle de la croix. « La religion chrétienne est une religion du livre » Otto PACHT. Au début du Moyen Age, les livres étaient conservés sur l’autel de l’église, ce qui montre le symbole qui les caractérise.

Un des phénomènes les plus typiques de l’enluminure est la confrontation de l’écriture et de l’image qui a contribué à la naissance de la Lettrine (la lettre décorée permet de faire ressortir un passage important du texte). De la lettrine simple, les artistes du Moyen Age vont laisser courir leur imagination en créant la lettre figurée, la lettre historiée, jusqu’aux enluminures en pleine page de la période gothique. Du Ve siècle au XIIe siècle, les enluminures seront réalisées dans les monastères ; au XIIe siècle, avec le développement des universités, des ateliers laïcs voient le jour. La haute société va devenir férue de cet art, cette nouvelle clientèle va permettre à ces nouveaux artistes, les enlumineurs, de se développer et de se regrouper en corporation. La réalisation d’un livre est très coûteuse, les plus beaux manuscrits n’auraient jamais existé sans le soutien de mécènes tels que Jean de Berry, Charles V, etc.

L’âge d’or de l’enluminure en France est le XVe siècle, mais avec l’apparition de l’imprimerie, la réalisation du manuscrit enluminé est devenu très coûteux ; les oeuvres vont se raréfier jusqu’à la fin du XVIe siècle où elles disparaissent. La redécouverte de cet art merveilleux est importante pour notre époque ; sans l’enluminure nous n’aurions que très peu de traces de la vie quotidienne au Moyen Age ; on se fait par exemple une idée de l’habillement en regardant les enluminures qui représentent soit les princes, soit les gens du peuple dans leurs habits de la vie de tous les jours ou lors de cérémonies fastueuses.

atelier4 dans ARTISANAT FRANCAISLA TECHNIQUE 
La réalisation d’une enluminure se fait en respectant les règles du passé, ce qui n’exclut en rien la création personnelle. Créer en respectant les critères médiévaux nécessite une connaissance importante de l’iconographie et de la stylistique variant suivant les périodes et les régions, (ex. le costume, l’architecture).

Le parchemin (peau de veau, agneau, chèvre) préparé, est dégraissé avec du fiel de boeuf. Après esquisse au crayon sur un brouillon, on dessuie (recopie) à la mine de plomb ou au crayon sur le parchemin le modèle à exécuter. On intervient en premier par la pose de la dorure, la feuille d’or est appliquée sur un « gesso », celui-ci servant à obtenir un volume. Les couleurs sont préparées avec des pigments naturels broyés et mélangés avec des détrempes à l’oeuf et à la gomme arabique. L’application se fait en superposant les couches de couleur, du plus clair au plus foncé afin d’obtenir du volume, en dégradant à chaque nouvelle couche. Des petits pinceaux en poil de martre sont utilisés afin d’obtenir les détails les plus fins possibles.

L’activité artistique de Claire GUILLEMAIN réside autour de deux grands thèmes :

  1. La réalisation d’oeuvres :
    • Copie d’une page enluminée sur commande, création d’une enluminure à l’occasion d’une fête historique ou sur un thème particulier, calligraphie de texte enluminé, frise créée en fonction du sujet du texte.
    • Œuvres héraldiques, blasons réalisés sur parchemins pour particuliers, corporations ou villes, chartes de jumelage, menus pour fête, etc.
  2. L’enseignement et la transmission de ce savoir : il est nécessaire de transmettre ces techniques pour que la connaissance de cet art se développe.
    • Intervention en milieu scolaire (tous niveaux)
    • cours pour adultes à Nantes et Cholet
    • Stages en Maine-et-Loire, Vendée, Loire-Atlantique (déplacement pour un groupe sur toute la France)
    • Cours d’enluminure par correspondance.

POUR TOUT RENSEIGNEMENT : 
CLAIRE GUILLEMAIN – ATELIER D’ENLUMINURE
« Lala » – 49360 Maulevrier
Web www.enlumine.org

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VITRIER D’autrefois

Posté par francesca7 le 30 juin 2013


De l’Usage  des vitres
pour obturer les fenêtres

(D’après « Musée universel », paru en 1873)

 

 VITRIER D’autrefois dans ARTISANAT FRANCAIS vitre

Pendant des siècles, les maisons de nos ancêtres furent totalement privées, non seulement de carreaux, mais aussi de fenêtres, et, même alors que des baies vinrent percer peu à peu les façades de leurs habitations, il s’écoula bien des années encore avant que l’usage des vitres se généralisât

A l’époque gallo-romaine, les demeures des riches, construites dans le style romain, prenaient jour à peu près uniquement par la cour intérieure ou atrium. Ce mode excluait toute idée de croisée. Nous ne parlons pas des demeures des pauvres. Celles-là étaient de misérables huttes qui n’avaient de lumière à recevoir que par l’entrée.

Ne pas avoir de fenêtres ! Y pensez-vous ? Ignorer l’usage des vitres, ces transparentes cloisons qui nous abritent si excellemment de l’air extérieur, en laissant pénétrer jusqu’à nous cette chose délicieuse et gaie par-dessus toutes : la lumière ! Combien de temps dura cette obscurité ? On ne peut le dire au juste ; toujours est-il que les fenêtres ne commencèrent à paraître en France que vers l’époque carolingienne, et que, jusqu’au milieu du XVe siècle, les vitres furent pour nos pères un véritable objet de luxe.

On les remplaçait alors tantôt par des volets de bois, tantôt par de la toile cirée ou du papier huilé, comme en témoigne ce passage des « comptes de l’argenterie des rois de France », daté de 1454 : « Deux aunes de toile cirée dont a été fait un châssis, mis en la chambre du retrait de la dite dame reine au château de Melun. » Et cet autre : « Quatre châssis de bois à tendre le papier pour les fenêtres de la dite chambre…, et huile à les oindre pour être plus clairs. »

Un écrivain sacré, Lactance, a fait, le premier, mention des vitres au IVe siècle. Il dit quelque part que nôtre âme voit et distingue les objets par les yeux du corps « comme par des fenêtres garnies de verre ». Dans les auteurs anciens, il n’est question pour fermer les baies des croisées que de pierres blanches et diaphanes dites pierres spéculaires. Sans doute veulent-ils désigner ainsi les feuilles de talc qui sont encore très usitées au XIXe siècle, comme carreaux, dans certaines parties de la Russie.

Les Romains se servaient encore d’un autre produit naturel, une sorte de coquille nacrée, pour clore leurs rares fenêtres et garnir les châssis des litières des patriciennes et des courtisanes.

Les savants, presque réduits à de simples conjectures sur cette matière, ont vaillamment discuté jadis afin de décider si les Romains employaient ou non le verre, pour carreaux. Sans doute, ils discuteraient encore, si, par un rare à-propos, Pompéi ne se fût avisé, pour trancher la question, d’exhiber de ses ruines plusieurs carreaux de verre antique.

On peut juger suffisamment par son épaisseur, et aussi par la disposition des bulles d’air dont il est piqueté, que ce verre à vitre n’a pas été soufflé d’après la méthode actuellement en usage, mais coulé comme nous faisons pour nos glaces. Selon toute probabilité, l’ouvrier plaçait sur une pierre polie et saupoudrée de fine argile un cadre rectangulaire de la dimension désirée. Il y versait ensuite le verre fondu à l’aide d’une cuiller en bronze. Le verre s’étalant à la surface de la pierre venait s’arrêter aux parois du cadre, et l’ouvrier aplanissait cette pâte avec des palettes.

D’après un récit du moine Théophile, cité tout au long par Sauzay dans sa Verrerie, il est hors de doute que le soufflage du verre était connu en France dès le XIIIe siècle. Pourtant, au XVe siècle encore, les vitres étaient rares, comme nous l’avons déjà montré, même dans les palais des rois. En 1413, la duchesse de Berry s’étant rendue au château de Montpensier, les comptes du receveur général de l’Auvergne portent la note de châssis faits à cette occasion pour les fenêtres dudit château, afin, y est-il dit, de les clore de toiles cirées « par défaut de verrerie ».

Plus d’un siècle après, en 1567, il est fort curieux de voir l’intendant du duc de Northumberland proposer de démonter les vitres du château de Sa Seigneurie pour les mettre à l’abri du vent pendant son absence. « Et parce que dans les grands vents, dit-il, les vitres de ce château et des autres châteaux et maisons se détériorent et se perdent, il serait bon que toutes les vitres de chaque fenêtre fussent démontées et mises en sûreté lorsque Sa Seigneurie part, après avoir séjourné dans l’un des susdits châteaux et maisons, et pendant son absence ou celle des autres personnages y demeurant ; et si, à quelque moment, Sa Seigneurie ou d’autres séjournaient à quelqu’un desdits endroits, on pourrait les remettre sans qu’il en coûtât beaucoup à Sa Seigneurie, tandis qu’à présent le dégât sera très coûteux et demandera de grandes réparations. »

En Ecosse, le verre à vitre fut encore très rare pendant le XVIIe siècle. Jusqu’en 1661, le palais du roi n’eut des vitres qu’aux étages supérieurs ; les fenêtres du rez-de-chaussée étaient fermées par des volets de bois qu’on ouvrait de temps en temps pour donner de l’air.

Les premiers statuts de la communauté de vitriers de Paris datent du règne de Louis XI. Un détail curieux que Sauzay nous apprend, détail qui montre assez combien l’usage des vitres est moderne, c’est qu’à la fin du XVIIIe siècle, il existait non seulement dans les petites villes de province, mais à Paris même une corporation de châssissiers dont la profession consistait uniquement à garnir les fenêtres de morceaux de papier huilé.

Le mastic était alors d’un usage fort restreint. Beaucoup de carreaux s’encastraient encore dans un cadre de plomb, et on se contentait, pour fixer les autres dans le bois, de quelques pointes et de bandes de papier collé. Parmi les matières les plus aptes à remplacer le verre, il convient encore de nommer la corne. Longtemps elle a fourni des feuilles transparentes aux châssis de nos croisées, aussi bien qu’à ceux de nos lanternes.

A bord des vaisseaux de l’État, des feuilles de corne tenaient lieu autrefois de ces glaces épaisses par où le jour pénètre maintenant dans les faux-ponts. A certaines époques, on s’est servi aussi de parchemin tendu en manière de vitre. Au Moyen Age, les fenêtres se fermaient avec des étoffes fines enduites de cire.

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Éboueur au 20ème siècle

Posté par francesca7 le 30 juin 2013

Recyclage et mise à profit
des déchets domestiques :
une préoccupation ancienne

(D’après « Le Petit Parisien », paru en 1908)

Voici plus d’un siècle, et devant les quantités importantes de déchets domestiques abandonnées aux poubelles comme denrées négligeables, ingénieurs et médecins s’interrogent quant à la possibilité de les recycler utilement, les premiers y voyant matière à fournir l’électricité nécessaire tant aux usagers qu’aux tramways, les seconds aspirant à collecter certains débris de viande ou de légumes mal exploités, en vue de confectionner des repas pour les miséreux

On a posé récemment sur les grands boulevards des corbeilles où les passants sont invités à déposer les papiers qu’ils ont l’habitude de jeter sur la chaussée, écrit Jean Frollo, du Petit Parisien, en 1908. Jusqu’à présent, il faut constater que le succès n’a pas répondu à cet effort, mais il n’est point hors de propos d’ajouter que l’initiative de la voirie a été accueillie sans mauvaise humeur. Il en fut tout autrement au moment où les « poubelles » firent leur apparition. Les chiffonniers se crurent ruinés ; il y eut des meetings de protestation, des articles virulents dans les journaux, même une interpellation à la Chambre. Puis le silence se fit et tout rentra dans l’ordre. Aujourd’hui on n’en parle plus.

 Éboueur au 20ème siècle dans ARTISANAT FRANCAIS eboueur

Enlèvement des ordures ménagères au début du XXe siècle

 

Cependant, ces jours-ci, on a reparlé des poubelles. Les ingénieurs d’un côté, les médecins de l’autre se sont avisés de réclamer le contenu de ces boîtes. Modestes comme ils le sont, les médecins prétendent seulement pouvoir sustenter tous les miséreux de la capitale avec les déchets de notre vie domestique. Les ingénieurs ont des visées plus hautes. Dans les usines d’électricité, disent-ils, on brûle de la houille pour faire marcher les dynamos qui fabriquent de l’énergie électrique. Livrez-nous vos poubelles et à ce prix, c’est-à-dire en brûlant leur contenu dans nos usines, nous nous faisons forts de vous chauffer, de vous éclairer et de faire marcher vos tramways et votre métro, tout cela à l’électricité.

L’offre est tentante. Mais auriez-vous jamais pensé que nos poubelles renfermaient de telles richesses ? Serait-il donc vrai qu’en abandonnant nos boîtes aux chiffonniers et aux « boueux », nous nous livrons à un véritable gaspillage ? Médecins et ingénieurs sont d’accord sur ce point. Toutefois, ce reproche est-il justifié ? Je ne saurais mieux répondre à cette question, explique notre journaliste, qu’en vous racontant comment les choses se passent ailleurs, à l’étranger, à Munich, par exemple.

A Munich, l’enlèvement des ordures ménagères se fait par les soins d’une société industrielle. Tous les matins, ses voitures parcourent la ville, vident les boîtes placées devant les maisons et s’en vont avec leur chargement à Puchheim, petite localité voisine où se trouve l’usine de cette société. Une fois là, les voitures sont déchargées et leur contenu passe successivement à travers une série de passoires gigantesques à mailles de plus en plus serrées. Automatiquement et à des intervalles réguliers, ces passoires se renversent sur des « tables », espèces de larges lanières en cuir qui courent à côté. Masqués et gantés, des ouvriers et des ouvrières, revêtus d’un costume spécial, font, sur ces lanières, le tri des objets qui passent devant eux.

Tous les jours on rampasse ainsi quatre à cinq cents kilos de croûtes de pain, qu’on vend comme comestible pour les bestiaux. Les boîtes en fer-blanc sont lavées, laminées et expédiées en Hollande au prix de cinq cents francs le wagon. Dans un autre atelier annexé à cette usine, les débris de viande et de poisson, le cuir des vieilles chaussures sont transformés en une sorte de poussière qu’on vend comme engrais. Rincées et désinfectées dans un autre atelier, les bouteilles sont cédées à bon marché aux brasseries. Les chiffons et les vieux journaux sont pris par les fabriques de papier. Ce qui reste, après ce tri, est brûlé dans un four spécial. Et la chaleur qui se forme pendant la combustion de ces déchets est utilisée pour actionner une dynamo. On fabrique ainsi assez d’électricité pour faire marcher les moteurs de l’usine et pour éclairer la petite ville de Puchheim.

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Enlèvement des détritus  

 

Vous avez certainement deviné que c’est précisément cet art d’accommoder les restes, qui séduit aujourd’hui nos ingénieurs. Ils veulent bien abandonner aux chiffonniers le premier tri des poubelles. Mais ils demandent que ce qui s’entasse dans les voitures des boueux, soit brûlé et transformé en électricité, comme à Puchheim. Au reste, ce n’est pas seulement à Puchheim qu’on utilise de cette façon les ordures ménagères. A Kiel, à Wiesbaden, à Manchester, ailleurs encore, la chaleur que donne leur combustion sert d’abord à chauffer l’eau des bains publics, ensuite, quand elle est transformée en électricité, à faire marcher les tramways et à éclairer les rues.

Il semble même que plus la ville est importante, plus grand est le parti qu’on peut tirer des déchets de la vie domestique. C’est ce qui ressort du moins des calculs établis par un ingénieur allemand, M. Dittmar, qui vient d’imaginer un four perfectionné, nous apprend Jean Frollo. En y brûlant les ordures ménagères, il se fait fort de fournir, aux villes de plus de deux cent mille habitants, non seulement la totalité de la lumière électrique, mais encore la moitié de la force motrice.

Voilà ce que disent, voilà ce que nous promettent les ingénieurs. Mais à leur tour les médecins, comme je l’ai dit, poursuit le journaliste, réclament nos poubelles. Eux aussi, ils les ont inventoriée, et l’on devine ce qu’ils y ont trouvé. Cependant, tout comme les ingénieurs, ils crient au gaspillage. Pourquoi, disent-ils, jeter sous là pierre à évier les feuilles de choux qui sont tout aussi nourrissantes que les meilleurs légumes ? Pourquoi aussi dédaigner les fanes de carottes, de salsifis et de navets qui sont aussi riches en fer que les épinards, dont elles ont, du reste, la saveur délicate ?

Avec ces feuilles et ces fanes convenablement cuisinées une ménagère pourrait faire des soupes délicieuses. Qu elle mette encore dans cette soupe une tête de congre, de colin ou de tout autre gros poisson, et elle aura une sorte de bouillabaisse qu’aucun gourmet ne refuserait ! Cela se fait couramment en Bretagne et sur toute la côte : pourquoi ne pas imiter cet exemple à Paris et dans les autres grandes villes ? Après chaque repas on secoue la nappe et sans plus de cérémonie on balaie les miettes de pain : soigneusement ramassées et mises de côté, elles pourraient servir à confectionner, à la fin de la semaine, un pudding savoureux.

Mais ce qui exaspère les médecins c’est la façon dont le gaspillage s’opère aux Halles et dans les marchés publics. C’est par tombereaux, disent-ils, qu’on y enlève, tous les matins, des feuilles et des fanes de légumes, des débris de viande, des têtes de gros poissons. Et que fait-on avec ces montagnes de substances alimentaires ? De l’engrais. Mais aujourd’hui l’agriculteur ne veut plus de cet engrais, qui est mal assimilé par le sol, qui gêne la végétation et abîme les machines agricoles. Or en organisant des cuisines spéciales, une société philanthropique trouverait dans ces déchets de quoi nourrir, avec une dépense minimum, des milliers et des milliers de miséreux.

Philanthropie ou énergie électrique, tel est l’enjeu de la bataille qu’ingénieurs et médecins sont en train de se livrer autour des voitures des boueux. Entre les deux le choix est difficile. Je vous avoue cependant que pour ma part, conclut Frollo, il me plairait assez d’être chauffé et éclairé par ma poubelle.

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Le cimetière animalier

Posté par francesca7 le 29 juin 2013

plus ancien (Le) cimetière animalier
au monde voit le jour à Asnières

(D’après « La Revue contemporaine », paru en 1900)

Parmi les idées qui germaient en 1900 dans la conscience humaine, il en était une dont la portée était très haute et très intéressante, en tout état d’opinion sur la matière ; c’était celle d’une bienveillance envers les animaux, impliquant un devoir de protection, de pitié, de justice, de douceur, de reconnaissance : ainsi naquit le premier cimetière animalier au monde

A Paris, fin 1900, vient de se produire un fait décisif en faveur de cette conception moderne des rapports de l’homme et de l’animal ; il s’est fondé à Asnières, c’est-à-dire à quelques minutes de la capitale, un cimetière pour chiens et autres animaux domestiques. Les promoteurs sont deux journalistes français, Marguerite Durand, directrice du grand journal quotidien La Fronde, et Georges Harmois, directeur de la revue de droit L’Avocat. Si le projet était hardi, l’idée était belle et il est permis de dire que nos confrères ont fait acte de progrès, écrit la même année Berthe Vercler dans la Revue contemporaine.

Que l’on se place au point de vue hygiène ou sentiment, tout leur donne raison et la presse du monde entier a donné son approbation à la Nécropole Canine d’Asnières, ajoute-t-elle. Au point de vue sentiment, ils ont estimé que le brave chien qui nous aide, qui nous sert et qui nous défend, qui souvent a à son actif le sauvetage d’une vie humaine, a droit dans notre civilisation moderne, de ne pas être jeté à la voirie comme une vile ordure !

 Le cimetière animalier dans FAUNE FRANCAISE cimetiere

Entrée du Cimetière des chiens à Asnières, au début du XXe siècle

Au point de vue hygiène il n’y avait jusqu’à ces derniers temps aucun moyen de se débarrasser d’un animal mort sans courir les risques d’une contravention, la loi interdisant de jeter à l’eau ou à la voirie les cadavres d’animaux et ordonnant de les enfouir, alors que les propriétaires de jardins sont à Paris des plus rares. A la vérité, poursuit notre journaliste, on allait jeter les chiens soit dans les fossés des fortifications, soit à la rivière, au risque d’une contravention ; la plupart enterraient leurs chiens dans la cave, sans s’inquiéter le moindrement de l’hygiène.

Aujourd’hui les animaux morts seront enfouis à la nécropole canine ; conformément à la loi du 21 juin 1898, sur le Code Rural, à cent mètres des habitations et de telle sorte que chaque enfouissement soit recouvert d’une couche de terre ayant un mètre d’épaisseur. Franchement cela ne vaut-il pas mieux que de transformer sa cave en cimetière, s’interroge Berthe Vercler.

L’ouverture du Cimetière pour chiens et autres animaux domestiques a coïncidé avec l’ouverture de l’Exposition Universelle, fait-elle encore remarquer — quoique moins retentissante, elle ne manqua pas d’intéresser les hygiénistes et les nombreux amis des bêtes. Celte nécropole d’un nouveau genre, est située, ainsi que nous l’avons dit plus haut, dans l’île des chiens (ancienne île des ravageurs) à Asnières.

Elle comporte un quartier pour les chiens, un autre pour les chats, un troisième pour les oiseaux, un quatrième pour les animaux divers. L’aménagement est une merveille d’installation et de bon goût ; on est à se demander si la baguette d’une fée ne l’a pas tracé et voulu, écrit encore la chroniqueuse de la Revue contemporaine. Une façade de grilles et de portiques annonce l’entrée de la nécropole, qui constitue bien certainement, le monument le plus gracieux d’Asnières.

Elle en sera bientôt aussi la plus populaire, Car les habitants du pays estiment que ce cimetière, placé loin de leurs maisons et au milieu de la Seine, ne peut avoir pour l’hygiène aucun inconvénient et développera au contraire, pour le plus grand avantage de la commune, le commerce et l’industrie. Déjà, dans la nécropole canine s’élèvent un assez grand nombre de monuments également remarquables par leur style architectural et par les inscriptions que l’on y voit gravées.

Ce ne sont pas toujours des simples paroles d’adieu et de regrets : « A notre ami Gribouille fidèle jusqu’à la mort ». « A la mémoire de ma chère Emma, fidèle compagne et seule amie de ma vie errante et désolée. Elle me sauva la vie en mai 1891 », etc. Il y a sur ces stèles funèbres, des pensées de philosophes : Plus on voit les gens, plus on aime les bêtes (Chamfort). L’homme n’est qu’un animal pensant (Pascal), etc. En sorte qu’une visite au cimetière des chiens n’émeut pas seulement le cœur ; elle invite à la méditation.

Cette nécropole, tout comme le Père-Lachaise, aura ses monuments historiques. Le premier existe déjà ; c’est celui du chien Barry, le courageux Saint-Bernard qui, selon son épitaphe, « sauva la vie à quarante personnes ». Une souscription est ouverte pour ériger un tombeau au chien de guerre Moustache, qui se fit particulièrement distinguer pendant là campagne d’Italie. Quand Moustache fut blessé au champ d’honneur, il fut soigné avec sollicitude et l’armée lui rendit les honneurs à sa mort. Après un tel exemple, il aurait été étrange que les civils n’admettent pas pour les pauvres bêtes la possibilité d’une nécropole pour elles, conclut notre journaliste.

Note : en 1987, et cependant que la société propriétaire décide de la fermeture du cimetière, la ville d’Asnières se porte acquéreur afin de le maintenir en activité. La même année, il est classé à l’inventaire des monuments historiques pour « intérêt à la fois pittoresque, artistique, historique et légendaire ».

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Légende du chien enragé

Posté par francesca7 le 29 juin 2013

 

Légende du chien enragé dans LEGENDES-SUPERSTITIONS legende1

Le soleil brillait au ciel, les troupeaux cachaient leurs têtes sous l’ombre des arbres, et l’étang bordé de vieux hêtres était presque à sec. De temps en temps les hennissements d’un cheval tourmenté par les mouches, le beuglement d’un bœuf dérangé par son paisible sommeil, se mêlaient au bourdonnement des insectes ou au bruit des fléaux que les batteurs faisaient retentir sur toutes les aires du village. C’était un des plus chauds étés que l’on eût ressentis depuis longtemps.

Des femmes assises sur leurs seuils jouaient avec leurs enfants ou travaillaient à l’aiguille, tandis que quelques hommes, attablés dans le cabaret de la mère Catherine, buvaient en fumant. Mais bien que l’on remarquât parmi eux le chantre Grégoire et le maître d’école, Jean Millot, celui-ci le plus causeur, celui-là le plus bavard de la paroisse, tous gardaient le silence depuis quelque temps, comme si la chaleur du jour leur eût ôté jusqu’à la force de penser et jusqu’au désir de parler. A la vérité, les sujets de penser manquaient depuis quelque temps à Saint-Adrien. Rien de mémorable ne s’y était passé depuis deux mois ; pas une mort, pas un mariage, pas un baptême, pas même un mari qui eût battu sa femme à la connaissance des voisins. Il y avait disette absolue d’événements, et il fallait se résigner à vivre sur des faits usés que la curiosité avait déjà retournés dans tous les sens.

On se taisait donc depuis quelque temps, lorsque Richard le perruquier entra. Richard était la gazette vivante de l’endroit. Grâce à lui, les nouvelles se transmettaient en un instant d’un bout de la paroisse à l’autre, et Dieu sait quelles transformations elles subissaient pendant ce voyage ! L’arrivée de Richard fut une bonne fortune pour les buveurs.

- Eh bien, lui demanda le chantre, quoi de neuf aujourd’hui ?

Mais la chaleur avait ôté au perruquier lui-même sa loquacité. Il répondit qu’il ne savait rien, et se fit servir un pot de cidre près de la porte. Jacques le charron, petit bossu malin et taquin, haussa les épaules et secoua la tête.

- Je ne m’étonne plus, dit-il, que la canicule ait desséché mon puits ; elle a fait bien plus si elle a tari la parole dans le gosier de Richard. 
- Veux-tu que je raconte l’histoire d’un bossu que sa femme a fait coucher sans souper le mardi-gras ? répliqua celui-ci. 
- Raconte plutôt celle d’un perruquier que l’adjoint du maire a mis à la porte en lui laissant la mesure de sa semelle quelque part. 
- Allons, allons, s’écria le maître d’école en s’entremettant, allez-vous vous dire des injures à propos de la canicule ?… N’avons-nous pas tous nos défauts et nos infirmités ?… 
- C’est vrai, reprit le perruquier ; mais nous les portons entre les deux épaules… comme certain ornement d’une de mes connaissances… ce qui fait que nous ne les remarquons jamais. 
- Ce que vous exprimez là, Richard, est très philosophique. Esope a écrit quelque chose de semblable. Il a dit, je crois, que tout le mal de la terre était renfermé dans les deux poches d’une besace ; la poche de devant qui frappe nos yeux renferme les vices des autres ; celle de derrière nos propres vices. 
- D’où il faut conclure, ajouta le malin perruquier, que plus la poche de derrière est grosse, plus nous sommes vicieux. Que pensez-vous de cela, maître Jacques ?

Jacques, qui feignait de causer avec un autre buveur, ne répondit rien, mais il lança à Richard et au maître d’école un regard haineux ; il était surtout irrité contre ce dernier, qui, en voulant arrêter la querelle, avait fourni à son adversaire un thème de plaisanterie facile sur sa difformité. Après un instant de silence, il se leva et alla se placer à la porte du cabaret ; Richard venait de demander un second pot de cidre.

- Vous n’êtes pas enragé au moins, dit le maître d’école en riant, car vous buvez de bon coeur ! 
- Ca pourrait bien lui arriver un des ces jours, observa aigrement le bossu ; car M. le maire et ceux qui le conseillent ne s’inquiètent guère d’empêcher un malheur : les chiens courent partout dans la commune comme si nous étions au moins de décembre. 
- Au fait, reprit le perruquier, qui saisissait toujours avec empressement l’occasion d’appuyer une critique, ça n’est pas prudent ; et vous monsieur Millot, qui êtes secrétaire de la mairie, vous auriez dû en parler à ces messieurs. 
- Nous y avons bien pensé ; mais que faire ? 
- Ordonner que les chiens ne sortent que muselés. 
- Empoisonner ceux que l’on rencontre par les chemins. 
- Recommander au garde-champêtre de tuer ceux qui ne sont point à l’attache.

Tous ces moyens avaient été proposés en même temps par le forgeron, le chantre et le perruquier.

- Eh ! messieurs, reprit le maître d’école, vous oubliez que les chiens de la paroisse sont utiles ; si on les musèle, si on les empêche de se montrer dans les chemins, et si on les tient à l’attache, qui aidera à reconduire les troupeaux ? 
- Parbleu, que les bergers se passent de chiens ! 
- Vous êtes forgeron, Jacques, répondit M. Millot en souriant. 
- Et bien, à la bonne heure ; il vaut mieux que nous soyons exposés à être mordus et à enrager !… Merci !… C’est bien la peine de nommer au maire des adjoints et un conseil municipal pour protéger les chiens de berger… 
- Eh tenez, ajouta Jacques en montrant à une assez grande distance un chien qui descendait vers le village en courant ; une supposition que ce roquet fût enragé, sait-on tout ce qu’il pourrait arriver de malheurs à Saint-Adrien ?

Un enfant qui s’était approché de la porte de l’auberge pour écouter la discussion, entendit ces dernières paroles, et courut, quelques maisons plus loin, vers sa mère qui causait avec d’autre femmes.

- Voyez-vous, s’écria-t-il, le chien qui vient là-bas au bout du village, le forgeron a dit que peut-être il était enragé. 
- Seigneur Dieu ! est-il possible ?

Toutes les femmes se séparèrent, et regagnèrent en courant leurs maisons.

- Qu’y a-t-il ? demandèrent les voisins. 
- Un chien enragé !

Ce cri, un chien enragé ! répété de proche en proche, arriva en un instant au bout du village ; les mères firent rentrer leurs enfants, toutes les portes se fermèrent, quelques hommes qui travaillaient à une carrière voisine furent appelés, et arrivèrent armés de pioches, de leviers et de pierres. Ils rencontrèrent le chien qui avait déjà traversé le village et était sur le point d’en ressortir ; mais effrayé en les voyant, il rebroussa chemin. Il allait passer devant l’auberge de Catherine, lorsqu’avertis par les clameurs, le chantre, le perruquier et le forgeron sortirent :

- Au chien enragé !… Tuez, tuez ! hurlèrent ceux qui le poursuivaient. 
- Qu’avais-je dit ? s’écria Jacques en saisissant un caillou ; l’administration veut notre mort à tous… Frappez, frappez ! s’il en réchappe nous sommes perdus !

rge dans LEGENDES-SUPERSTITIONSDans ce moment le chien arrivait à la porte du cabaret ; une grêle de pierres lui barra le passage ; il voulut se retourner, mais les carriers le reçurent sous leurs pioches et l’achevèrent. Tout cela s’était fait en quelques secondes, si bien que lorsque le maître d’école arriva au milieu de la mêlée, le pauvre animal venait de rendre le dernier soupir.

- Mon Dieu ! dit-il en l’apercevant, c’est Finot, le chien de la veuve Cormon ; êtes-vous bien sûrs, mes amis, qu’il fût enragé ?… 
- En voilà de l’incrédulité à la saint Thomas, dit le bossu ; est-ce que vous n’avez pas entendu tout le village crier après lui tout à l’heure ? 
- Avec ça qu’il fait une chaleur à enrager tout le monde, fit observer un carrier. Holà ! hé ! la mère Catherine, donnez ici un pot de cidre. 
- Et puis voyez comme l’écume lui sort de la gueule. 
- Et la langue donc !… Bien sûr que si on ne l’eût pas tué, il eût ravagé le pays. 
- Heureusement qu’on veille un peu plus au grain que l’administration, dit Jacques en avalant un verre de cidre ; pour ma part je puis me vanter d’avoir donné son compte au roquet. 
- Laissez donc, dit le chantre ; j’ai vu ma pierre l’attraper à la tête ; c’est alors qu’il a tourné sur lui-même comme un sabot. 
- Sont-ils encore bons enfants ceux-là avec leurs pierres ! s’écria un carrier en riant ; ça l’aurait peut-être empêché de filer son noeud, si nous n’avions pas été là ? Regardez ma pioche plutôt ; elle est pleine de sang.

La discussion allait s’animer sur la question de savoir qui avait pris le plus de part à cette triste exécution, lorsqu’une vieille femme arriva en écartant tout le monde :

- Finot ! dit-elle ; qu’avez-vous fait de Finot ?…

Et apercevant le chien immobile et sanglant, elle jeta un cri : 
- Vous l’avez tué… Mais depuis quand a-t-on le droit de tuer le chien de quelqu’un ?… Qui a fait cela ?

Tout le monde gardait le silence.

- Hé bien… vous ne voulez pas répondre, s’écria la vieille femme, qui flottait entre la douleur et la colère… C’est bien brave d’avoir massacré le chien d’une pauvre veuve !… Vous n’auriez pas fait cela quand j’avais mon fils, lâches que vous êtes… il vous aurait tous mangés jusqu’au dernier… Ah ! les méchants, de tuer un pauvre chien qui ne leur faisait aucun mal !

La vieille femme se mit à pleurer.

- Pardon, mère Cormon, lui dit le maître d’école doucement, mais on a dit que Finot était enragé. 
- Enragé !… Il y a un quart d’heure à peine qu’il dormait tranquille à ma porte. De méchants enfants sont venus le tourmenter ; je n’ai pu les empêcher… Je suis seule, moi, et on peut me faire ce que l’on veut… Finot s’est enfin échappé ; je venais pour le chercher, et ce n’est qu’en voyant de loin beaucoup de monde rassemblé ici que j’ai deviné quelque malheur…

Il y eut, après cette explication, un moment de silence, pendant lequel tous les spectateurs se regardèrent avec embarras.

- Aussi, c’est la faute des carriers, dit le bossu ; ils sont arrivés en poursuivant Finot et criant au chien enragé ! 
- C’est bien à toi de parler ; tu lui as porté le premier coup. 
- Ce n’est pas vrai ; c’est le chantre. 
- Du tout ; c’est celui-là avec sa pioche.

La même querelle qui avait eu lieu quelques instants auparavant allait recommencer, mais cette fois pour savoir qui n’avait pas tué le chien de la veuve ; celle-ci l’interrompit brusquement ; 
- Vous avez tous fait le coup, dit-elle, et je vous déteste tous ; je ne puis me venger, car je suis une pauvre femme sans parents et sans amis ; mais je prierai Dieu qu’il vous punisse.

Quand la veuve fut partie, il y eut quelques instants de confusion ; tout le monde parlait ensemble, et chacun cherchait à se justifier de la part qu’il avait eue dans la mort de Finot. On remonta à la cause de l’accident, et l’on finit par savoir comment la supposition exprimée par le forgeron avait été transformée en passant de bouche en bouche, et était devenue réalité. Quand tout eut été éclairci, le maître d’école secoua la tête : 

- Ceci est une grande leçon, mes amis, dit-il ; vous n’avez tué qu’un chien aujourd’hui ; mais êtes-vous sûrs de n’avoir jamais tué un de vos semblables de la même manière ? Cette pauvre femme qui était là tout à l’heure avait autrefois un fils qui la rendait heureuse, et qui s’était mis en service pour pouvoir la mieux secourir. Un vol fut commis chez son maître, et quelqu’un eut l’imprudence de dire : – Si l’on allait soupçonner Pierre ! Un autre, qui avait mal entendu, répéta qu’on soupçonnait Pierre ; puis un troisième, que c’était Pierre le voleur ; si bien qu’il fut chassé honteusement de chez son maître. Chacun alors s’éloigna de lui ; on refusa de l’employer, et le pauvre garçon, dégoûté d’une probité qui ne lui avait servi à rien, et ne pouvant plus vivre, n’eut d’autre ressource que de faire réellement ce dont on l’avait d’abord accusé sans raison. Il y a quelques mois qu’il est mort en prison. Ces exemples devraient nous rendre prudents et moins prompts dans nos jugements. La vérité, en passant par plusieurs bouches, finit par devenir mensonge. Ne croyons point le mal sans preuve, de peur de nous associer à une injustice. Il ne suffit pas pour tuer un chien d’avoir entendu crier qu’il était enragé !

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Légende de la chèvre Noire

Posté par francesca7 le 29 juin 2013

 

La chèvre étant, de tous les animaux, celui que préfèrent les divinités de la terre féconde et des profondeurs infernales dans les plus anciennes conceptions de la mythologie grecque,  et cette idée perdurant à l’époque gallo-romaine ainsi qu’en témoignent les nombreux sarcophages gallo-romains sur lesquels figure l’animal, faut-il y voir une explication à la légende relatant l’apparition d’une chèvre noire lorsqu’une ancienne croix fut mutilée dans un cimetière de la Drôme menacé par l’installation d’une gravière ?

Le Zeus primitif, plus d’une fois symbolisé par des haches en pierre, fut le Dieu des cavernes et fut élevé dans un antre du massif crétois de l’Ida, au coeur de cette montagne qu’Hésiode appelait la Montagne aux Chèvres. Zeus passait pour avoir été nourri par la chèvre Amalthée, dans l’antre de Psychro, situé dans le mont Lassithi, au sud de la ville crétoise de Lyktos. Ce sanctuaire, où l’on a retrouvé de nombreux ossements de chèvres, était beaucoup plus ancien que celui de l’Ida et paraissait avoir été fréquenté surtout aux XIIe et XIe siècles avant notre ère

Les idées romaines à ce sujet sont encore plus significatives, puisque la chèvre apparaît sur un très grand nombre de sarcophages. Pour ne citer que la Gaule seule, le recueil d’Espérandieu indique à Narbonne un tombeau sur lequel figurent des chèvres ; dans la région de Tarbes, un fragment de stèle avec des chèvres en train de brouter ; à Saint-Cricq, près d’Auch, un sarcophage où deux chèvres s’attaquent à coups de cornes. A Saint-Médard-d’Eyran, deux sarcophages représentent de nombreuses chèvres, isolées ou groupées, en même temps que les divinités chtoniennes (du mot grec signifiant la terre), allongées par terre et tenant à la main des cornes d’abondance. Si l’on ajoute ces innombrables bas-reliefs, où le Mercure gallo-romain est accompagné d’une chèvre, sans doute parce qu’il remplit ici le rôle d’une divinité psychopompe, l’on est obligé de reconnaître que la chèvre a pris, dans l’antiquité polythéiste, une grande importance dans les conceptions funéraires et infernales.

En outre, les dieux infernaux étant également les dispensateurs des richesses, il n’est dès lors pas étonnant : 1° que les cavernes, les puits funéraires et les tombeaux n’aient eu leurs chèvres, gardiennes ou symboles des trésors que renferment la terre et le monde infernal ; 2° que ces animaux, au service ou en rapport avec les dieux de la richesse, aient été représentés, dans l’imagination des peuples, comme étant en or ou en tout autre métal précieux.

En 1917, Anfos Martin, inspecteur de l’enseignement primaire et directeur de la revue Le Bassin du Rhône, rapporte une légende recueillie à l’occasion d’un de ses passages annuels aux abords du cimetière Saint-Paulet, situé à droite du chemin allant de Souspierre à Sallettes, dans la Drôme, et plus précisément entre la route montant à Eyzahut et le ruisseau le Vermenon – sur le terrain enregistré sous le n°117 du plan cadastral de Souspierre, section de Saint-Paulet, quartier de la Blanche. Il est si ancien que le plan cadastral et les matrices qui l’accompagnent n’en font pas mention, le terrain qu’il occupe n’étant au demeurant pas propriété communale.

L’inspecteur explique que ce cimetière est en passe d’être ruiné depuis qu’on vient y extraire du gravier pour les chemins. La coupe de terrain de la gravière montre, entre la couche de terre arable et le gravier que l’on extrait, une rangée de tombes ouvertes par où sortent des crânes, des tibias et divers ossements. Ces tombes sont constituées sur les côtés par de larges pierres plates posées de champ, les unes à la suite des autres, et, à la partie supérieure, de pierres semblables disposées de la même façon, mais posées à plat.

Dans la terre provenant de la couche arable, on trouve, avec les débris d’ossements, de petits vases en poterie bleutée. Le piédestal assez original d’une ancienne croix dont le bras horizontal manque, occupe l’angle du chemin de Salettes et de la nouvelle route d Eyzahut. Depuis neuf ans, je passe chaque année en cet endroit, et je m’y arrête dans l’intention de voir s’il n’y a rien à glaner pour l’histoire du pays, ajoute notre Anfos Martin. Je n’y ai encore recueilli jusqu’ici qu’une légende. Cette légende est d’autant plus intéressante que les fermiers des environs la tiennent pour un fait véritable.

En voyant la vieille croix mutilée, je demandai, il y a quatre ans, au propriétaire actuel du terrain, M. Chavagnac, qui habite dans une ferme à côté, s’il connaissait l’auteur de cette mutilation et de la mutilation d’ailleurs de toutes les croix des environs. Il me répondit qu’il ne le connaissait pas. Je le questionnai alors, et c’est là que je voulais en venir, sur l’ancienneté de la croix et sur le cimetière. Nous causâmes longuement. Je lui fis remarquer combien il était attristant, pour un homme qui avait un peu de cœur, de voir profaner un cimetière, de voir des squelettes humains foulés aux pieds et broyés par les roues des tombereaux ; je gagnai sa confiance et il me raconta ce qui suit.

« Mon père, lorsqu’il acheta, peu après la guerre de 1870, la propriété que je possède, trouva la vieille croix complètement démolie. Il la releva avec le concours des fermiers voisins et cela, à la suite de l’apparition mystérieuse, la nuit, sur le cimetière, d’une chèvre noire, qui sautait, bondissait, lançait des coups de cornes terribles dans l’air, puis disparaissait subitement, lorsqu’on voulait s’en approcher. » Cette Chèvre qui lui était apparue plusieurs fois ainsi qu’à d’autres personnes, ne se montra plus dans le cimetière dès que la croix en eut été relevée.

Mais… « Ah ! Monsieur quelle affaire ! Depuis que cette croix a été mutilée, la chèvre est revenue. Je l’ai vue, il y a peu de temps encore, une nuit de clair de lune, en rentrant un peu tard de la foire de La Bégude, où j’étais allé vendre des bestiaux. Elle était au-dessus des tombes et regardait dans la gravière. Tout à coup elle se retourna, tournoya dans les touffes de buis, se cabra et fonça tête basse dans la nuit. Je hâtai le pas pour être, au plus tôt, en sécurité, au milieu de ma famille. »

Ce récit d’un paysan que je jugeai superstitieux, poltron et sujet à des hallucinations après avoir bu, peut-être, plus que de coutume les jours de foire, aurait certainement disparu à mon esprit, si la lecture de l’article de notre collègue M. Guénin, de Brest, sur « La Chèvre en Préhistoire » ne me l’avait rappelé, poursuit Anfos Martin. Pensant que la chèvre du cimetière de Saint-Paulet pouvait bien être celle qui accompagne, sur les bas-reliefs, le Mercure gallo-romain, ou bien une de celles qui sont représentées sur les sarcophages de la Narbonnaise, et certainement une des chèvres légendaires qui peuplent les cimetières gallo-romains, j’ai profité, aujourd’hui, de mon passage annuel à Salettes pour faire une enquête sur ses apparitions.

Chèvre noire

Chèvre noire

Le secrétaire de mairie, M. Brès, qui s’est mis aimablement à ma disposition pour l’examen du cadastre, n’en avait jamais entendu parler ; mais il s’est rappelé, qu’il y a environ quatre ans, époque qui correspond a mon entretien avec M. Chavagnac, les gens de Souspierre et des environs furent bien surpris de voir, un beau jour, appendu à la vieille croix, un magnifique pain au-dessous duquel avait été placés quelques sous, cinq, dit-il, en menue monnaie. Ce pain et ces sous restèrent plus de trois semaines sur la croix. On ne sut jamais qui les avait mis. M. Brès pense maintenant qu’il y a un rapport entre ce fait et celui de l’apparition de la chèvre à cette époque. A son avis le pain et les sous étaient une offrande pour apaiser la chèvre irritée par la profanation du cimetière, et dont l’apparition était rendue possible par la mutilation de la croix.

Cette offrande, par sa nature, semble d’ailleurs bien être elle-même la survivance d’une coutume gallo-romaine. Le propriétaire de la ferme qui est un peu avant d’arriver au vieux cimetière, M. Armand, un homme de 73 ans, qui a tout son bon sens m’a déclaré qu’il n’avait jamais aperçu la chèvre, mais que son voisin, M. Thomas qui demeurait dans une ferme au dessus de la sienne et dont les trois enfants vivent encore, avait vu dans le cimetière, par une belle nuit étoilée, trois ou quatre chèvres qui se poursuivaient et se battaient, qu’il avait voulu s’en approcher, mais qu’elles avaient disparu tout aussitôt.

M. Armand était parmi ceux qui, vers 1873, relevèrent la vieille croix du cimetière ; il ne se permet pas de douter du dire de ses voisins, Thomas et Chavagnac. Questionné sur le pain et les sous qui se trouvaient sur la croix il y a environ quatre ans, M. Armand, assez embarrassé, m’a dit à peu près textuellement : « Ah ! Monsieur, vous savez, c’est là un vieil usage. Des gens qui avaient ou qui redoutaient un malheur dans leur maison, ont placé là ce pain et ces quelques sous pour que quelqu’un, en les emportant, emportât aussi avec lui le malheur ». Cette explication de M. Armand n’est pas en contradiction avec celle de M. Brès ; elle paraît au contraire la confirmer. Quoi qu’il en soit, j’ai été bien intéressé par mon enquête dont les résultats montrent, une fois de plus, combien, pour tout ce qui touche surtout au culte des morts, le passé, malgré les apparences, est encore vivant parmi nous.

Marcel Baudouin, membre de la Société préhistorique française, explique à la suite de ce témoignage d’Anfos Martin que selon lui, l’origine de toutes ces affaires de chèvre est relative au signe du Zodiaque, bien connu, qui est le Capricorne. Celui-ci était au solstice d’hiver, quand, 1500 ans avant J.-C, le Bélier était à l’équinoxe de printemps et fut lui-même à l’équinoxe d’automne au Néolithique supérieur (8000 ans av. J.-C.). Or qui dit équinoxe d’automne, ajoute Baudouin, dit – Flammarion l’a reconnu il y a longtemps – Fête de la Toussaint, Fête des Sépultures, Fête des Morts ! D’où l’histoire des chèvres dans les cimetières… Et de conclure : on a une preuve matérielle : « Les Représentations de Mercure [le Dieu-Soleil de l’équinoxe], qui, pour le printemps, est accompagné du Bélier et du Coq, et qui, pour l’automne, est accompagné de la Chèvre, comme vient de le redire M. Anfos Martin.

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Allumer la chandelle à quatre cornes

Posté par francesca7 le 29 juin 2013

  

       Allumer la chandelle à quatre cornes dans EXPRESSION FRANCAISE chantellle

 

Vieille expression proverbiale dont on se sert encore quelquefois en certaines provinces et même à Paris pour marquer le contentement d’un père et d’une mère qui marient la plus jeune de leurs filles, après avoir marié toutes les autres

Elle rappelle la coutume anciennement observée, en pareil cas, de faire une espèce d’illumination de joie en allumant toutes les mèches d’une grande lampe de famille qui avait ordinairement quatre cornes ou quatre becs.

Cette coutume était un reste des antiques formalités du mariage où l’on employait le feu comme élément symbolique. Le recueil manuscrit des anciens Statuts de Marseille (Statuta Massiliensia, an. 1274), nous apprend que le jour des noces on avait soin d’entretenir des luminaires dans l’intérieur des maisons. On peut voir sur ce sujet l’Histoire de Marseille, par Fabre (II, 204).

Il y a une remarque grammaticale à faire sur le motchandelle, qui pourrait paraître improprement introduit dans l’expression que nous venons d’expliquer. C’est qu’autrefois chandelle était un terme générique désignant à la fois la substance qui éclairait et l’ustensile où cette substance était placée.

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Arriver comme marée en Carême

Posté par francesca7 le 29 juin 2013

 

Ces mots signifient qu’une chose vient d’arriver à propos, au moment où on le désirait

La marée est dite chair de carême. Selon le rite catholique, le poisson constituant le principal des aliments dans le temps du Carême, il est naturel que la marée soit impatiemment attendue par ceux qui observent ponctuellement les usages religieux de ce rite. On conçoit alors que cette locution proverbiale ait pu devenir, par ce fait, le synonyme d’une chose qui vient à propos.

 Arriver comme marée en Carême dans EXPRESSION FRANCAISE images-1On n’ignore pas qu’un retard survenu dans l’arrivée de la marée fut la cause de la mort d’un personnage célèbre dans l’art culinaire, le maître d’hôtel Vatel. « C’était, en 1671, au château de Chantilly. Il y avait un grand souper ; mais le rôti manqua sur quelques tables ; cela saisit Vatel qui dit à plusieurs reprises : Qu’il était perdu d’honneur et que la tête lui tournait, qu’il ne survivrait pas à cet affront. Car ce rôti qui avait manqué lui revenait toujours à l’esprit. Pour comble de malheur, c’est la marée qui n’arrive pas au moment voulu pour la servir. Vatel attend quelque temps : sa tête s’échauffant, il n’y tient plus, monte à sa chambre et, fou de désespoir, se passe une épée à plusieurs reprises au travers du corps ; la mort s’en suivit naturellement.

« Cependant la marée arrive de tous côtés : on cherche Vatel pour la lui annoncer : on court à sa chambre, on frappe ; ne recevant pas de réponse, on enfonce la porte et on le trouve noyé dans son sang. Il n’y eut qu’une voix pour plaindre le malheureux maître d’hôtel ; on le loua même, mais on blâma son courage. »

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Arbois, ville de Pasteur

Posté par francesca7 le 28 juin 2013


 Arbois, ville de Pasteur dans FONDATEURS - PATRIMOINE mairie

Au seuil d’une belle « reculée », à cheval sur la Cuisance, encadrée de vignes, Arbois est une petite ville pittoresque, un centre de tourisme attrayant. Certaines caves peuvent être visitées et les armateurs y dégusteront le fameux vin du pays ; depuis le sentier qui serpente sur la rive gauche de la Cuisance, une belle vue s’offre sur l’église St Just, le château Bontemps – ancien château d’Arbois qui fut résidence des comtes de Bourgogne – les vieux moulins et la ville.

 Henri IV et les Arboisiens – en 1595, Henri IV prenant prétexte de l’appui donné par les Comtois aux ligueurs, envahit la province. « Je veux bien, dit-il, que la langue espagnole demeure à l’Espagnol, l’allemande aux Allemands, mais toute la française doit être à moi ». Le maréchal de Biron, qui mène la campagne, assiège Arbois, défendue par le capitaine Morel. Après trois jours d’assauts infructueux, le maréchal offre la vie sauve à la petite garnison et à son chef, s’il y a reddition immédiate. Les gens d’Arbois capitulent et, malgré la parole donnée, Morel est aussitôt saisi et pendu. Il faut toute la diplomatie gourmande d’Henri IV, grand amateur de vin d’Arbois, pour apaiser la rancune des Arboisiens.

 Les Arboisiens sont restés célèbres dans toute la Comté pour leur ardeur à manifester un esprit volontiers frondeur et indépendant. Les vignerons d’Arbois ont toujours eu la tête près du bonnet ; leurs séditions ne se comptent plus. En 1834, lorsque Lyon se soulève, ils proclament la République. Mais il restent tout interdits quand ils s’aperçoivent  que les limites du nouveau régime ne dépassent pas les murs de leur petite cité. Il leur faut revenir à Louis Philippe. C‘est lors de cette insurrection que les habitants d’Arbois, venus réclamer de la poudre à la sous préfecture de Poligny, et sommés de désigner ceux qui les avaient entraînés à la révolte, firent cette réponse demeurée célèbre : « Nos san toutchefs » (nous sommes tous chefs). De nos jours, la force explosive des vinerons ne se manifeste plus qu’à l’encontre de la Régie. En 1906, 1907, 1921, 1922, les bouilleurs de cru se lèvent, chantent pouilles à leur vieille ennemie et, soulagés, reprennent le collier.

 

pasteur dans JuraLa jeunesse de PASTEUR – Louis Pasteur est né à Dole, mais sa véritable petite patrie comtoise est Arbois. Il a passé là sa jeunesse, ses parents y sont morts et jusqu’à la fin de sa vie, il n’a jamais manqué d’y venir en vacances. Les Pasteur s’installent dans la ville en 1827, dans une tannerie que le savant transformera, plus tard, en maison bourgeoise. Le père exécute tous les travaux du cuir ; la mère tient le ménage, soigne les enfants et fait les comptes ; la vie familiale, étroite, d’une tenue morale exceptionnelle, marque le jeune Louis d’une empreinte indélébile.

Il fréquente d’abord l’école primaire, puis le collège (dans la cour, on peut voir encore un cadran solaire de sa fabrication). Réfléchi jusqu’à donner l’apparence de la lenteur, travailleur, consciencieux, il ne compte que parmi les bons élèves moyens ; son goût le plus accusé est le dessin. Il fait le portrait de ses parents, de ses amis, en des pastels et crayons qui ne manquent pas d’accent ; pour passer son baccalauréat, le jeune homme entre au lycée de Besançon comme répétiteur.

 L’œuvre géniale – En 1843 commence, avec l’école normale, la carrière qui a fait de pasteur un des plus grands hommes que  l’humanité ait produits. Il débute par la science pure ; ses études sur la géométrie des cristaux sont remarquées. Puis aborde les problèmes pratiques ; par ses recherches sur les fermentations, il réserve le vin, la bière, le vinaigre des maladies ruineuses ; par ses observations sur le ver à soie, il sauve la sériciculture. Par ses vaccins, il guérit la rage chez l’homme, le charbon chez les animaux. Ses théories microbiennes ont révolutionné la chirurgie et la médecine : l’antisepsie, l’asepsie, l’isolement des malades en découlent ; Pasteur a également ouvert la voie à la thérapeutique par les sérums.

 Quand, chaque année, entouré de sa famille, le savant revient à Arbois, il continue son travail, sans lequel la vie pour lui, n’aurait plus de sens, mais alors qu’à Paris l’accès de son cabinet et de son laboratoire est condamné, son logis d’Arbois s’ouvre à tout le monde. Les gens s’empressent de venir solliciter son appui ou demander un conseil. Les vignerons le considèrent comme le sorcier des vins et, dès qu’une bouteille se pique, viennent frapper à sa porte ; la patience et l’obligeance de Pasteur sont inépuisables. On le croit aussi médecin et l’espoir d’une consultation gratuite conduit vers son cabinet les Arboisiens économes. A la procession du « Biou », il prend place dans le cortège et retrouve une âme d’enfant pour fêter la nouvelle vendange. En 1895, le grand savant, malade ne peut se rendre à Arbois, le 28 septembre, il n’est plus.

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