Le Morvan, un pays de pierres mystérieuses
Posté par francesca7 le 20 avril 2013
Bruissements continus, jeux de lumière clair-obscur aux multiples nuances, pénombre inquiétante parfois troublée par l’éclat violent d’une clairière, Brocéliande du pays, antre magique des fées, la forêt du Morvan nous dissimule une myriade de pierres de légendes. Usées par leurs mystères, polies par leurs secrets, sculptées par leurs énigmes, elles nous apparaissent parfois brusquement, insolites au détour du sentier, laissant l’imagination s’évader, galoper, dériver, s’égarer ou inventer origines, formes et usages, sacrés ou maudits.
Amas biscornu du Poron-Meurger creusé par les doigts, marqué par les épaules du Diable. Un Diable qui accourait vers l’église de La Roche en Brenil portant sur son dos ce bien curieux et pesant fardeau. Mais les cloches se mirent à sonner. Défait, il jeta sa charge dans les bois avant de s’enfuir. Aussi, quelle idée de parier avec le Bon Dieu ! Mais voyez-vous, quand on est un vrai Diable et que l’on peut, sur un simple pari, gagner toutes les âmes présentes dans une église, quelle tentation ! Le pari ; empêcher la sortie de la messe en bloquant l’entrée avec un quartier de roche venant d’un lointain pays. Il ne lui restait pourtant guère plus de deux kilomètres pour arriver dans les délais.
Allez voir la pierre. Escaladez-la. Regardez les empreintes du démon. N’êtes-vous pas angoissés pour tous ceux qui ont frôlé l’enfer ?
Allons, remettez-vous. Restez sous l’ombre des chênes dont certains comme le chêne Saint-Charles atteignent les dimensions respectables. Laissez-vous guider par les chemins bordés de fougères jusqu’au rocher de la Beuffenie (ou Boeufnie). Ne tardez pas trop en route car la nuit venue, si vous n’avez ni pain ni sel dans votre besace, on risque bien de ne plus jamais vous revoir. Voici le Poron de la Boeufnie, souvent pris par erreur pour un dolmen, porte magique de l’antre de la vieille et vilaine fée. Surtout, n’essayez pas de la soulever. Grimper plutôt au sommet et viser en contrebas, sur votre droite. Vous le voyez ? Tant et tant usé par les sacrifices humains, gardant l’empreinte profonde du corps des hommes et des femmes étendus en grand nombre pour leurs derniers instants.
Rassurez-vous, toutes les pierres de légendes ne nous réservent pas de si inquiétants commentaires. Quittons La Roche en Brenil où nous aurions également à bavarder à propos du Rocher Arthur, du Poron de la Balance ou des Pierres-Pelot. L’une, ancienne pierre de sacrifices, l’autre ancienne pierre de justice sur laquelle les Celtes accusés de crimes montaient et dont l’oscillation indiquait s’ils étaient ou non coupables. Certains la nomment Pierre de la Tête de Lapin en raison de son profil.
mais partons pour Liernais. Tout change. Les roches biscornues cèdent la place à un gigantesque bloc régulier considéré parfois comme un vieux menhir brisé. Ni grue, ni cric ne peuvent le décoller du sol et pourtant !… Pourtant, seule une fois l’an, d’elle-même, elle se soulève, laissant découvrir une ravissante jeune fille endormie mais quel jour ? Cependant, attention. Si vous avez l’incommensurable chance d’assister à cet événement ne vous laissez pas endormir par la belle déesse ou les pièces d’or semées autour d’elle. Le monstrueux couvercle de la Pierre Sarrazine pourrait bien se refermer sur vous.
Chose souvent ignorée, les roches se connaissent bien entre elles et communiquent régulièrement. Eh oui ! La Pierre Pointe par exemple, superbe menhir de plus de quatre mètre. Un beau jour, on décida de la déplacer. On attela une paire de bœufs puissants. La pierre résista. On tripla l’attelage. La pierre résista, mais commença à être terriblement inquiète. Tandis qu’on rajoutait d’autres animaux, elle appela sa voisine à son secours : Sarrazine, au secours, les bœufs m’emmènent ! Aussitôt, les cordes se rompirent alors qu’un pigeon blanc, petite fée intérieure, s’échappait du monument. Plus jamais on n’osa recommencer un tel sacrilège.
Certes, nous ne somme spas en Bretagne et bien loin de pouvoir concurrencer ses quelques 800 menhirs. La France compte environ 2 200 pierres dressées réparties sur 83 départements. La Côte d’Or n’en possède que trois reconnus comme authentiques, et ces trois menhirs se situent dans la région de Saulieu, Précy sous Thil et Liernais. Planté devant la ferme de Pierre-Pointe, le menhir du même nom atteint 4,30 m de hauteur. Autrefois, une sorte d’autel, dont l’usage reste mystérieux, lui était accolé. On pourra le trouver près du hameau de Vouvres à proximité de Liernais, après avoir gravi une forte côte.
Au nord-ouest de Semur en Auxois, le menhir de la Grande-Borne est estimé à plus de quatre tonnes de bon granit, comme le précédent. Autrefois couché, il fut redressé et classé monument historique. Mesurant un mètre de moins que Pierre-Pointe, il reste encore particulièrement riche en légendes. Ne dit-on pas que sainte Christine fut jetée à la mer lestée de ce formidable poids. Mais la Tout Puissant transforma le bloc de roche en radeau et la sauva. En souvenir elle décida de ne plus s’en séparer. Plus tard, consultée pour définir les limites de territoires de deux communes en conflit, elle partit en portant son fardeau dans son tablier, se proposant de le déposer sur la limite que sa conscience lui inspirerait ; mais elle empiéta sur le domaine de saint Loup. Aussitôt, ses bretelles se rompirent et la pierre se figea au sol pour toujours.
Sa forme particulière entraîna bien d’autres croyances. Ainsi, les jeunes filles stériles qui parvenaient à l’escalader et à ‘asseoir au sommet retrouvaient leur fécondité.
Montigny saint Barthélemy accueille le dernier spécimen de menhir local. Bloc de granit de trois mètres installé tout contre l’église, construite dit-on sur un emplacement druidique, bien après l’érection de notre monument. Lui aussi dormit pendant des années couché au sol avant d’être de nouveau debout en 1968. D’autres pierres dressées existent dans les limites du pays de Saulieu, Précy sous Thil et Liernais, mais leur authenticité comme menhir ou dolmen reste douteuse. Les passionnés pourront toutefois, au prix de quelques kilomètres supplémentaires, découvrir facilement les dolmens ou allées couvertes de Ternant à l’est, Volnay ou La Rochepot au sud-est.
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