A l’exemple de ma campagne, la commune de Dompierre en Morvan (21) possède une superficie de pâturages communaux importante de pâtis qui sont livrés, de mai à novembre, au pacage des bestiaux, moyennant une taxe par tête de bétail perçue au profit de la caisse communale.
Chaque habitant possédant peu ou pas de terre t des animaux à nourrir (vaches et moutons) a un « droit de parcours » sur les pâtis communaux ainsi qu’au bord des routes et des chemins ; d’autre part, la caisse municipale ne saurait se passer de la recette relativement importante que procure la taxe acquittée par tous les bénéficiaires.
Du 15 novembre au 1er mars, les moutons sont autorisés à se nourrir sur les pâtis communaux. Le reste du temps, ceux-ci sont réservés aux vaches. A Genouilly, par exemple, les horaires de l’école sont spécialement aménagés, chaque année, pour permettre aux enfants de cette époque-là à aller « en champ les vaches », l’après midi.
A Dompierre, sur le pâtis des méchants prés, les enfants gardent aussi les bestiaux. Comme il n’est pas passionnant de regarder une vache brouter pendant des heures, les filles passent le temps à raccommoder, à tricoter sur un pliant .. Passe un cousin, c’est l’occasion d’une petite escapade, on laisse le tricot sur place, la surveillance des bêtes se relâche… Lorsqu’on revient, un moment après, on trouve les vaches en train de déguster le tricot, les pelotes de laine alors que le chapeau de paille est déjà englouti. Catastrophe !!!
- Et si une vache a avalé une aiguille ?
- Va-t-elle en réchapper ?
- Coment expliquer la disparition du chapeau ?
Les pâtis communaux sont actuellement reboisés en résineux (épicéas et mélèzes).
Les « Treuffes » et les « biottes » : Après labours et semailles (orge, avoine…), on plante les « treuffes », en mai et, un peu plus tard, on sème les « biottes ». Les pommes de terre sont jetées, tous les 30 cm environ, dans un sillon ouvert par la charrue. Au début du siècle, la maison Melou de Dompierre invente un semoir à betteraves simple qui sera utilisé dans toutes les fermes. Plus tard, les betteraves sont semées à l’aide d’u semoir spécial tiré par un cheval ; l’écartement des roues donne la distance entre les rangs, au milieu une sorte de soc étroit et creux ouvre la terre et laisse tomber quelques graines, provenant d’une petite trémie, avant que le sillon ne se referme, tassé par un petit rouleau de fonte. Ce n’est pas l’unique façon de semer les « biottes » qui peuvent aussi être repiquées. Un mois plus tard, pommes de terre et betteraves ont bien poussé, mais les mauvaises herbes aussi. Il faut donc désherber et buter les « treuffes », puis piocher les « biottes ». Ce travail fastidieux nécessite toute la main-d’œuvre disponible (hommes, femmes et enfants).
la laine : En mai, il faut penser à tondre les moutons. Un spécialiste de ce travail fait la tournée des fermes pour débarrasser les « queusses » (brebis) de leur manteau d’hiver, inutile. Les toisons doivent être nettoyées. Des grandes marmites d’au sont mises à chauffer où la laine trempe un bon moment. Celle-ci est ensuite lavée au savon et aux cristaux (de soude). Le rinçage, se fait à l’étang des Vernots dont les eaux (alcalines) possèdent des vertus particulières pour alléger cette tâche. Après le séchage, la laine est cardée à la main et sert à garnir les matelas. Pendant la pénurie due à la deuxième guerre mondiale, les toisons sont filées au rouet, teintées puis tricotées.
La fauchaison : Fin juin, arrivent ensuite les foins qui mobilisent également tout le monde. Les hommes fauchent, les femmes et les enfants fanent au râteau ou à la fourche ; lorsque l’herbe semble suffisamment sèche, elle est rassemblée au râteau de bois, ou plus tard, avec la « râteleuse » qui amasse devant ses grandes dents courbes, le foin étalé sur le pré. Quand le conducteur de l’attelage juge la quantité suffisante, il appuie sur une pédale qui fait se soulever l’ensemble des dents, libérant ainsi un « route » de foin que commis, femmes et enfants viennent mettre en « bouillots » (en tas). Un jour ou deux plus tard, selon le temps, le fourrage est chargé en vrac sur le chariot dont le dernier rang est arrimé à l’aide d’une perche ou d’une grosse corde tendue par une sorte de treuil à cliquet. Le chargement est amené devant le « chauffaud » (fenil » où chaque fourchée s’engouffre péniblement par une petite ouverture ; dans une pénombre chaude et poussiéreuse, quelques paires de bras s’activent en une chaîne qui s’efforce de libérer sans cesse ce petit carré de lumière et d’air pur.
A partir des années 1960, apparaissent les premières presses-ramasseuses qui mettent le foin d’abord en bottes, un peu plus tard en ballots plus denses puis, de nos jours, en « balles rondes ». la fourche hydraulique a remplacé la fourche à trois dents et le stockage se fait désormais en ras du sol, sous des hangars nouvellement construits.
LA MOISSON ; les foins sont à peine terminés qu’il faut penser à la moisson. Au début du siècle, on moissonne au « râtelot » ; c’est une faux équipée de quatre longues dents de vois qui recueillent la brassée d’épis au moment de la coupe et la déposent au sol, bien rangée, en fin de mouvement. Un bon faucheur laisse un minimum de chaume et couche ses javelles sans les éparpiller ; le geste doit être précis, régulier, puissant mais parfaitement contrôlé ; précis car la lame doit couper toujours la même quantité de tiges à chaque mouvement ; régulier car le rythme doit être soutenu pendant plusieurs heures ; puissant mais contrôlé car un geste trop mou ne sectionne pas tous les épis et provoque le mélange des tiges coupées avec celles qui ne le sont pas, par contre, un geste trop énergique expédie au loin la brassée en l’éparpillant. Derrière les faucheurs, suivent les femmes qui rassemblent les javelles et les lient en gerbes serrées sous le genou, avec des liens de seigle tandis que les enfants glanent les épis oubliés.
Les gerbes sont ensuite entassées de telle sorte que les épis ne soient pas mouillés en cas d’orage. La précieuse récolte est ensuite chargée sur le chariot, les épis toujours vers l’intérieur, et amenée dans la grange où les gerbes sont soigneusement empilées en attendant le battage. La dernière charrette est ornée d’un bouquer de céréales et (ou) de fleurs des champs, c’est la « paulée » petite fête marquant la fin de la moisson (récolte la plus importante de l’année ; celle du blé donc du pain ). La « paulée » qui marque également la fin de la fauchaison est souvent une très mauvaise époque pour le coq de la basse-cour…. Les premières machines à moissonner font leur apparition dans les années 1920. La javeleuse d’abord qui est une faucheuse équipée d’une demi-douzaine de râteaux en bois. Ceux-ci libèrent périodiquement et à tour de rôle une javelle qui s’est accumulée sur un « tablier » en arc de cercle. La conduite de l’engin et des chevaux qui le tirent n’est pas de tout repos ; après son passage, il faut lier à la main des javelles plus ou moins éparpillées.
La moissonneuse-lieuse qui succède assez rapidement à la javeleuse est un progrès décisif. Cette machine coupe les céréales qui tombent, grâce aux rabatteurs, sur une toile tendue derrière la scie. Les tiges sont amenées au fur et à mesure entre deux autres toiles qui les conduisent au lieur. Là, les épis s’accumulent bien rangés. Lorsque leur quantité est suffisante, leur poids enfonçant une sorte de pédale, déclenche un mécanisme remarquable qui noue une ficelle autour de la gerbe et éjecte celle-ci sur le champ. Cette machine, tirée par des chevaux, plus tard par un tracteur, sera utilisée jusqu’aux années 1960. Enfin, la moissonneuse-batteuse, telle qu’on la connaît aujourd’hui, a envoyé progressivement la bonne vieille « yeuse » aux orties.
LA BATTAGE : A la mi-septembre et en octobre, le battage des céréales commence. Avant les batteuses, les gerbes étaient déliées sur l’aire d’argile de la grange et battues au « fiais » (fléau). Au début du 19 ème siècle, les machines à battre font leur apparition. La batteuse est calée devant la grange. C’st la mobilisation générale car la machine exige une bonne vingtaine d’hommes pour fonctionner. Avant le locomobile à vapeur, la batteuse est animée par la forces des animaux :
- D’une part, le « manège » où les bêtes tournent en rond en entraînant une couronne dentée, un pignon, un arbre, une poulie,
- D’autre part, le « gra-gra » qui est un plan incliné sur lequel marchent deux chevaux ; ceux-ci font du « sur-place » ; à chaque pas, le tapis descend et tourne sous leurs pieds. Le mouvement est transmis à la batteuse par poulie et courroie.
Vers 1907-1908, la vapeur vient au secours des pauvres bêtes. Après le « café la goutte » du matin et au coup de sifflet de la machine à vapeur, l’engin s’ébranle lentement, mais bruyamment, dans un nuage de poussière grandissant. Chacun est à son poste ; aux gerbes, aux sacs, au chaudron, à la paille, à la « bouffes » (balles)… Tout ce que l’on propose à la batteuse vorace doit être évacué au fur et à mesure ; pendant au moins deux heures pas question d’interrompre le battage. Un nouveau coup de sifflet annonce à tous la pause tant attendue. Les gosiers desséchés par la poussière vont être enfin abreuvés.
Le travail reprend ainsi jusqu’à midi où un copieux repas bien arrosé attend tout le monde. Les femmes ont préparé l’événement en plumant quantité de volailles, puisé dans le saloir, chauffé le four pour le pain, les pâtés, les tartes…. Le « battoir » c’est la fête, on célèbre le fruit du labeur et la solidarité paysanne. C’est aussi le grand moment des farces, des défis de toutes sortes. Le repas du soir se termine fort tard, malgré la fatigue de la journée, on chante et on danse aussi quelquefois. Le lendemain, au petit jour, la batteuse est « décalée » pour être « recalée » dans la cour du voisin. Les fermes importantes battent pendant plusieurs jours. La tournée du battoir dans la commune dure environ un mois et demi.
RECOLTES D’AUTOME : L’automne est là et l’ouvrage ne manque toujours pas. Pour oublier la poussière de la batteuse, on retroune aux champs. Les pommes de terre attendent d’être arrachées. Chaque rangée est retournée à la charrue et toute la famille ramasse les précieux tubercules qui sont triés et mis en sacs ; d’un côté, les « treuffes » pour la consommation humaine, de l’autre, les « patates à cochons » qui seront cuites dans le fourneau puis écrasées pour les animaux.
A leur tour les betteraves sont arrachées. Une main élimine l’excédent de terre de la racine qui est décolletée par l’autre main d’un vif mouvement tournant. La « biotte » est ensuite jetée dans le tombereau ou en tas, sur le champ, que l’on recouvrira de feuilles ; comme les pommes de terre, les betteraves sont stockées dans une cave pour leur conservation. L’automne est aussi les aussi la saison où l’on prépare la prochaine « campagne ». La charrue est de nouveau attelée pour labourer les champs destinés aux céréales d’hiver dont le blé en particulier ; après les derniers coups de herse, l’hiver n’est pas si loin. N’ayant plus rien à brouter dans leur pré, les vaches retournent à l’étable. La corvée du pansage biquotidien reprend, il en est ainsi de novembre qu’à avril.
SECHERESSE : en 1893, le fragile équilibre permettant aux agriculteurs de la commune d’alimenter les animaux est rompu par une sécheresse catastrophique. Les cultivateurs demandent, à l’initiative de la municipalité, un secours au Conseil Général. En décembre, les habitants de Courcelotte souhaitent une extension de parcours dans les bois communaux pour nourrir leurs bestiaux ; ils sollicitent également l’autorisation de ramasser gratuitement les feuilles mortes de la forêt. « La plus grande partie de la maigre récolte de paille est utilisée pour l’alimentation du bétail et il est très difficile de se procurer de la litière pour recouvrir le sol des étables… »
LA VIGNE : jusqu’aux années 1964-1965, la vigne est cultivée, dans quelques fermes, à Villars, à Genouilly et à Dompierre (21). Cette culture n’a jamais été prépondérante dans la commune, le sol granitique sans versants bien exposés n’y est pas très favorable. La dernière vigne est encore exploitée à Villars. Par contre, on connaissait le raisin dans la commune car toutes les façades des maisons étaient ornées de longues treilles.
LA GOUTTE : S’il n’y a pas eu de gelées tardives et que l’on a récolté des fruits (des prunes surtout), le bouilleur de crus et son alambic distilleront la « goutte », breuvage essentiel (antigel, antiseptique, antigrippe, antidouleur ;..) pour passer un hiver convenable.