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L’évolution des migrations au 19ème siècle

Posté par francesca7 le 12 avril 2013

  

De 1815-1914

 

Après les troubles de la Révolution, les migrations temporaires, saisonnières et internationale reprennent, mais au ralenti. Par exemple, de nombreux Français continuent à s’installer en Espagne, notamment en Nouvelle-Castille (des Cantaliens), jusqu’à la première guerre mondiale. La population française reste pourtant peu mobile et très sédentaire dans la première moitié du 19ème siècle. A part Paris et Bordeaux, la zone de recrutement des grandes villes, et encore plus celle des petites, ne se modifie guère.

L’apogée des migrations temporaires se situe à la moitié du siècle, avec peu de changements par rapport aux courants traditionnels : les scieurs de long du Forez et du Livradois sont de moins en moins nombreux entre 1820 et 1920, et de plus en plus remplacés par des Italiens en raison des bas salaires. L’essor des cultures industrielles donne un nouveau souffle à ces migrations limitées dans le temps et l’espace ; par exemple, l’arrachage des betteraves dans l’Oise attire 12 000 travailleurs en 1900.

La population rurale atteint son apogée vers 1850 avec 27,3 millions d’habitants, les régions les plus densément peuplées étant l’Est, le Bassin parisien, la région lyonnaise et les régions voisines de la Manche, en raison de leur richesse agricole et de leur activité industrielle de complément. Le peuplement rural ne change donc pas fondamentalement entre le Moyen Age et le 20ème siècle, même si les communautés les plus petites se réduisent. Les régions les plus urbanisées sont le Bassin parisien, le littoral de la Manche, la Lorraine du nord et l’Alsace, les dépressions orientales du Massif Central, les axes du Rhône et de la Garonne et le littoral méditerranéen, Bordeaux, Nantes, Clermont et les villes périphériques du Bassin parisien ont tendance à stagner, mais la France est criblée de petites villes très dynamiques.

 Ce tableau change progressivement dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Les migrations temporaires déclinent même si certains colporteurs-fleuristes de l’Oisans sont partis jusqu’en Russie, en Californie, au Mexique, au Pérou, en Argentine et au Brésil pour vendre des sachets de graines et des plants. Au contraire, les migrations saisonnières augmentent en raison de l’essor des cultures des fruits et légumes. Les alentours des villes se peuplent de maraîchers et de jardiniers pour nourrir les citadins de plus en plus nombreux. Ainsi, des Bretons, originaires par exemple de Roscoff, cultivent et vendent leurs fruits et légumes en Normandie, en Anjou, dans la région parisienne et passent même en Angleterre en 1905. Grâce au chemin de fer, ils se répandent aussi dans le nord de la France pour arracher les pommes de terre ; les Drômois dans le Comtat pour cueillir les fraises ; les Alpins dans le Bas-Rhone pour récolter les cerises et les pêches ; les Pyrénéens et les Landais font les vendanges dans le Bordelais, les Catalans et les habitants des Baléares ramassent les tomates de Marmande. Ces migrants de l’état provoquent l’essor des banlieues.

L'évolution des migrations au 19ème siècle dans AUX SIECLES DERNIERS migration-300x199

 Les migrations intérieures deviennent de plus en plus définitives.

Les ruraux migrent définitivement plus souvent, pour se marier dans un rayon plus large qu’auparavant, et surtout pour trouver un travail dans une ville moyenne ou grande. L’exode rural qui concernait naguère les cadets de famille qui se faisaient domestiques ou soldats, s’intensifie au cours du 19ème siècle, le monde rural ne commençant à se dépeupler qu’à la fin de celui-ci. Entre 1806 et 1911, 14 millions de ruraux ont quitté leurs campagnes essentiellement le Pas de Calais, les Côtes du Nord, la Seine Inférieure (Maritime), le Finistère, la Saône et Loire, toutes les régions de montagne. Cet exode a été réduit dans le Bassin parisien et le sillon rhodanien, faible en Ile de France et dans le Bordelais et inexistant sur le littoral méditerranéen.

 Les ruraux n’avaient ni conscience, ni intention de migrer définitivement, et au début, plus de la moitié sont rentrés après quelques années : les migrations ne deviennent définitives qu’au début du 20ème siècle. Les ruraux partaient pour des raisons économiques (mécanisation agricole, avance du chemin de fer, salaires plus élevés, ruine de l’artisanat rural) mais aussi culturels (goût de l’indépendance, fascination pour la vie urbaine, mirage de la ville providentielle, alimentés par le service militaire, essor de l’instruction). Beaucoup de solitude et d’ignorance, donc de craintes, disparaissent. Les ruraux, du reste, préfèrent travailler dans le « tertiaire » (administration, commerce, transports, armée) et peu vont en usine. Résultat, dans les campagnes, vers 1900, on trouve plus d’hommes que de femmes, plus de vieux que de jeunes, certains villages perchés du Midi sont abandonnés.

Les zones de plus fort immigration sont : dans l’ordre : la Seine, le Rhône, la Seine et Oise, les Alpes Maritimes et les Bouches du Rhône et elles sont très peu touchées par l’émigration. A contrario, les zones de forte émigration telles que le sud u Massif Central, les Alpes, la Nièvre, le sud-est du Bassin parisien, les départements bretons et pyrénéen reçoivent très peu d’immigrés. Le Nord, lui, a peu d’émigrés car il est industrialisé, et peu d’immigrés (si on excepte des belges) car la natalité y est forte. Dans certaines régions comme le Puy de Dôme, i n’y a ni immigration ni émigration ; dans d’autres comme la Loire-Inférieure (Atlantique), il y a émigration, mais pas immigration.

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On constate trois sortes de migrations : celles de voisinage, entre les départements voisins, concernant les villes de Limoges, Tours, Caen, Rennes, Toulouse, Bordeaux, Cahors, Nancy, Dijon, Lyon, Valence et Marseille ; les migrations de moyenne distance dans un rayon plus large de quatre couronnes de départements qui ne peuplent plus que les grosses villes, Lyon, Marseille, Bordeaux et Paris ; Paris qui est le seul bénéficiaire des migrations à longue distance, et qui vident les départements du sud-est (sauf les environs de Marseille et Lyon) du sud-ouest (sauf Bordeaux) et de l’extrême-ouest, régions les plus isolées, les plus éloignées, les plus touchées.

Les migrations intérieures sont comme des fleuves qui déposent leur limon humain. Ainsi, les habitants de la Drôme s’installent d’abord en Avignon avant de s’établir à Marseille. Ceux du Finistère gagnent Paris, en passant par le Morbihan, l’Ille et Vilaine, la Mayenne, la Sarthe et l’Eure et Loir. Les soldes migratoires sont ainsi positifs avec les départements les plus éloignés de Paris et négatifs avec les plus proches. Même  constatation pour les flux qui mènent depuis le Massif Central (avec quelques détournements au passage à Bourges et Orléans), le midi méditerranéen (sauf arrêt à Lyon) ou l’Aquitaine (avec arrêts à Bordeaux et Tours). Voici tracés les grands axes des migrations internes, au dépens des régions les plus lointaines, donc les plus peuplées, car l’attachement à l’Eglise et à la famille ont maintenu une forte natalité plus longtemps qu’ailleurs, et ce surpeuplement rural a nourri l’émigration. Puis, suivant l’exemple précoce de la Normandie, malthusienne depuis le 17ème siècle, ces régions ont pratiqué un contrôle de la fécondité, unique en Europe, qui s’est généralisé dans toutes les couches sociales, surtout dans la deuxième moitié du 19ème siècle, au sud du massif Central d’abord, puis le Bassin aquitain, en Bretagne  et en Limousin et en Périgord. Ces émigrants vont dans les centres urbains, mais pas forcément dans les centres industriels ; car, qui part exactement ?

Des agriculteurs, souvent jeunes et célibataires, certes, mais seulement dans les régions où ils sont en surnombre, donc en surcharge à cause d’une forte natalité, comme en Bretagne ou dans le Massif Central. Beaucoup d’artisans des bourgs, aussi ruinés par la disparition de leurs petits métiers (bourreliers, tisserands, forgerons) face à la grande industrie croissante. Beaucoup d’enfants de gendarmes, de commerçants, de postiers, de médecins qui rêvent de réussir à la ville, et qui y vivent souvent dès leur adolescence, dans les lycées-pensionnats. Les foyers de dépopulation apparaissent en 1831 (Moyenne-Garonne), Normandie intérieure, Basses-Alpes et Cantal), et s’élargissent entre 1851 et 1872 au sud-ouest, sauf Bordeaux, au croissant sud de la Normandie (de la Manche à l’Eure et Loir), aux Côtes du Nord, au sud du Massif Central. Cette dépopulation se ralentit entre 1872 et 1891, puis reprend de plus belle après 1891 (plus de 62 000 personnes sont perdues par an dans 60 départements). Les migrants des régions urbanisées gagnent la ville la plus proche. Ceux des régions très rurales partent souvent hors de France.

 Si la population rurale passe de 24,5 millions en 1800 à 23 millions en 1914, avec une apogée en 1846, la population urbaine croît de façon spectaculaire et ininterrompue :

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5 millions en 1800, 7,8 millions en 1831, 11,8 millions en 1872, 15 millions en 1891 et 18,5 millions en 1911.

 Les facteurs déterminants de cette urbanisation ne sont pas la desserte ferroviaire, mais les emplois dans l’industrie textile, minière ou métallurgique, dans le commerce maritime, le tourisme pour les villes grandes et moyennes, et les fonctions administratives et économiques pour les plus petites. Toutes les villes recrutent d’abord, comme sous l’Ancien Régime, dans leur bassin démographique qui parfois dépasse les frontières (travailleurs belges dans les villes du Nord), et les migrants de plus en plus nombreux doivent s’installer dans les banlieues moins chères et plus lointaines où ils ont du mal à s’intégrer, les citadins de naissance liant souvent, comme aujourd’hui, criminalité et immigration, ce qui aboutit, déjà aux tensions xénophobes. La France peuplée, c’est la France urbaine et industrialisée. Comme sous l’Ancien Régime, les Français ont été peu nombreux à s’installer à l’étranger. Ils sont orIginaires des régions à fortes densités et faibles ressource,s souvent éloignées des grandes villes, frontalières ou montagneuses (Basses-Alpes, Pyrénées, Vosges, Massif Central…). Sans compter les colonies qui n’ont pas attiré beaucoup de candidats, on évalue leur nombre à 318 000 en 1861, 426 000 entre 1881 et 1886, 495 000 en 1901 et 610 000 en 1914. Avec des fluctuations entre 2 500 départs annuels en 1831,  25 000 en 1851 et 44 500 en 1901, on estime à 2 millions et demi les Français qui sont partis à l’étranger, mais beaucoup sont revenus.  Il s’agit essentiellement des frontaliers de la Suisse et de la Belgique en Europe ; des Alsaciens-Lorrains devenus subitement Allemands en 1871, 128 000 sur 1 549 738 recensés (dont environ 4 700 Strasbourgeois et 20 000 Messins), les registres étant consultables aux Archives nationales ; d’émigrants pour l’Amérique, sans commune mesure avec les autres peuples européens, britanniques, allemands, italiens ou russes ; et des colonies d’Afrique, surtout d’Afrique du Nord ; l’Asie (Indochine) et l’Océanie (Nouvelle-Calédonie, Polynésie…) attirant peu de monde.

 L’Algérie est, de très loin, la plus forte colonie de peuplement car sa conquête est la plus ancienne (1830), et sa colonisation la mieux organisée et la plus variée. Les essais de peuplement antérieurs à  1840 sont éprouvants et timides, en raison d’une occupation restreinte, d’une insécurité permanente, les bandes D’Abd-El Kader surveillant la Mitidja et le Chélif, ces plaines fertiles et larges qui sont « pacifiées » par Bugeaud en 1842-43. Parallèlement à une colonisation officielle, organisée par la direction de l’Intérieur, qui crée des centres de peuplement militaire à Beni-Merd, Orléansville, et de peuplement civil à Montpensier, Joinville. La Chifa, Boukarik et Blida, une colonisation libre s’amorce, créant le village spontané de Maison-Carrée et une quarantaine de fermes dans la Mitidja centrale. En 1847, quand Bugeaud démissionne, 100 000 colons peuplent l’Algérie. De 1848 à 1858, la colonisation s’intensifie dans la Mitidja et le Chélif, et gagne le Sahel et l’Ouest oranais : des ouvriers parisiens vaincus pendant les « journées de Juin » en 1848, sont envoyés à El Affroun, Bou Roumi, Marengo, dans la Mitidja, la Ferme, Pontéba, dans le Chétif, mais leur pauvreté, leur inaptitude agricole, leur démoralisation, l’insalubrité entraînent parfois paludisme et choléra et rendent leurs débuts très difficiles….

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