Les migrations internationales au 18è siècle
Posté par francesca7 le 11 avril 2013
En Europe et outre Mer
Elles sont importantes par leur variété et leurs conséquence,s mais mineures quant au nombre d’émigrants concernés, surtout si on les compare avec les migrations britanniques, sauf pour l’exode des huguenots.
L’université de Montréal a dépouillé toutes les sources relatives au peuplement du Canada, qui est très bien connu aujourd’hui : entre 1600 et 1729, 27 000 immigrants, dont 13 000 soldats, 3 900 engagés, 715 prisonniers, 721 missionnaires et seulement 1 797 femmes se sont installés au Canada. La majorité des hommes, célibataires, sont rentrés en France. Les émigrants fondateurs ne sont que 8 527, et au-delà de 30 ans, il y a deux fois plus d’hommes que de femmes. En dessous de 30 ans, il y a autant d’hommes que de femmes, ces dernières étant surtout « les filles du roi », arrivées entre 1663 et 1673, dont plus de la moitié sortaient de la prison de la Salpêtrière. Ces « filles du roi » sont restées presque toutes sur place, alors que les hommes sont très souvent repartis. Cette émigration représente en moyenne 110 départs par an, ce qui est infime (6 migrants pour 1 million de Français). Elle est répartie sur toute la France, les régions de départ étant pourtant à l’ouest, de la Saintonge à la Normandie, et concernent le plus souvent des familles avec beaucoup de jeunes et très peu de célibataires. Ainsi, l’accroissement naturel sera très fort au Canada, particulièrement en Acadie, qui passe de 440 à 13 000 habitants entre 1671 et 1755, grâce à 60 familles et une bonne centaine de célibataires ! Malgré cela, le Canada ne compte que 60 000 Français contre 1 000 000 de Britanniques, ce qui explique la perte de la Nouvelle-France par Montcalm. Le même problème se pose pour la Louisiane, sous-peuplée et sous-défendue.
De même, sur les 200 000 Français qui sont partis à partir de 1635 vers les Antilles, surtout des hommes, beaucoup n’ont fait que passer. Comme pour le Canada, l’enthousiasme était si faible qu’il a fallu recourir au système des « engagés », ou « trente six mois » : un colon ou un armateur dieppois, ou un marchand rochelais ou bordelais payant le voyage à un particulier, agriculteur ou artisan, qui en échange travaillait pour lui. Au bout de trois ans, l’engagé recevait un trousseau et de quoi créer une petite plantation. Peu à peu, viennent aussi les colons libres, des nobles ruinés, des marchands, huguenots fugitifs, « passagers » qui sont inscrits sur les registres portuaires d’embarquement.
De La Rochelle partent 6 100 engagés de 1634 à 1715, mais 1 200 seulement de 1715 à 1772 ; de Bordeaux, 6 500 entre 1698 et 1771. De Bordeaux aussi, 27 000 passagers s’embarquent entre 1713 et 1789.
En 1775, il y a environ 25 000 Blancs à la Martinique et la Guadeloupe. A Saint Domingue, on dénombre en 1687, 4 500 Blancs et 3 500 esclaves noirs et, cent ans après, 28 000 Blancs, 30 000 affranchis et 406 000 esclaves. Les Blancs qui ont peuplé cette grande île viennent essentiellement de l’Aquitaine, de Poitou-Charentes et des pays de Loire : rappelons la primauté de Bordeaux pour le commerce antillais.
Les Blancs qui ont peuplé les îles mascareignes et l’Inde sont venus de Paris, ainsi que des pays de Loire et de la Bretagne , en raison du rôle personnel du gouverneur de Nantes, directeur de la Compagnie d’Orient vers 1654 et de la maîtrise des océans par les marins bretons. L’île Bourbon (la Réunion) est passée de 507 habitants blancs en 1709 et 7 833 en 1787. L’île de France (île Maurice) est un peu moins peuplée. Les tentatives de Colbert pour faire de Madagascar une colonie de peuplement échoue avec la Compagnie des Indes orientales. Les comptoirs de l’Inde, tels Chandernagor, Pondichéry… créés après 1670 ne verront s’installer que quelques centaines de Français. D’autres Français s’installent à Rabat pour le commerce saharien, et des négriers, au Sénégal, pour la traite des Noirs (environ 1 000 000 d’esclaves auraient été déportés aux Antilles françaises dont 58 % à Saint Domingue) en deux siècles : ces trafiquants venaient surtout de Nantes, de Saint Malo, de La Rochelle, de Bordeaux et du Havre.
Quant au peuplement de la Guyane, nombreuses ont été les tentatives, d’abord isolées et sans appui des autorités, puis encouragées par Colbert qui fonde la colonie de Cayenne en 1664, avec 1 200 colons pauvres encadrés par des Jésuites, puis par Turgot qui fonde la colonie de Kourou un siècle après avec 14 000 colons. Mais leur manque d’organisation, alliée à l’hostilité de la nature (chaleur et humidité constante, marécages infestés d’insectes et de crocodiles, « bois » aux « couleuvres » géantes, difficulté de cultiver la terre) les ont souvent poussés à attaquer les Indiens pour les pilier, d’où des massacres réguliers de chaque côté, sans compter les épidémies (8 000 des 14 000 colons de Kourou en meurent).
L’émigration la plus importante est, de loin, celle des huguenots qui a commencé bien avant la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV, et dès François 1er avec le départ pour Genève et Jean Calvin et de Théodore de Bèze, après les premières persécutions consécutives à « l’affaire des Placards » (1534). La première émigration collective est celle des Vaudois qui en 1545 fuient le Lubéron pour échapper au carnage ; la deuxième suit le massacre de la Saint Barthélémy en 1572. Les réfugiés passent en Allemagne, en Hollande, en Angleterre (2 000 Français à l’église de Londres en 1571, 1 400 en 1630), soit 5 000 en moyenne dans tout le sud-est et l’est de l’Angleterre ; et à Genève où 776 réfugiés deviennent « habitants » avant 1560 et beaucoup plus après 1572. De 1522 (premier réfugié, Lambert d’Avignon) à 1685, plusieurs milliers de protestants français ont quitté le royaume, dont au moins 20 000 définitivement avant 1660, 10 000 autres s’exilent au début du règne d’un Louis XIV qui accentue les brimades et tolère même les dragonnades après 1680. Environ 200 000 partent entre 1660 et 1730, dont 150 000 entre 1685 et 1689, juste après la Révocation et toujours dans la clandestinité, l’édit de Fontainebleau interdisant l’émigration, sous peine de galère, de prison, voire de mort, tout en rendant obligatoire pour les pasteurs (sous 15 jours).
Un tiers part vers les Provinces-Unies (entre 60 000 et 80 000), un autre tiers vers l’Angleterre, l’Irlande, le reste vers la Suisses, l’Allemagne protestante (40 000), le Danemark (2 000), les Antilles, l’Amérique du Nord et même l’Afrique du Sud et le Russie… La Suisse et Francfort sur le Main étant, souvent des « plaques tournantes de transit ».
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