Les migrations croissantes depuis la Révolution
Posté par francesca7 le 11 avril 2013
Du 19ème au 20ème siècle
La Révolution est aussi une rupture dans l’histoire démographique de la France car elle accélère des tendances déjà latentes à la fin du 18ème siècle : recul de la natalité et de la mortalité, surtout infantile, qui s’accentue jusqu’en 1939. La population française passe de 30 millions à 40 millions d’habitants, mais du 1er au 5ème rang européen avant même 1900. Elle doit renoncer à sa sédentarité séculaire. Le contrôle des naissances, à la fois précoce et généralisé, entraîne un vieillissement de la population et n’encourage sa mobilité qu’après l’essor du chemin de fer qui soulage, sans les vider, les campagnes de leur surcharge d’agriculteurs et d’artisans. L’immigration étrangère (essentiellement européenne) est dès lors nécessaire, unique en Europe par son ampleur. Et si beaucoup d’étrangers s’installent en France depuis le 19ème siècle, peu de Français la quittent, la plupart se contentant de laisser leurs villages pour la petite ville proche ou la capitale régionale ou nationale.
Les sources historiques de la démographie deviennent enfin sûres et complètes.
A partir de 1789, l’étude de la population, qui est née en France au 17ème siècle sur le mode anglais, devient de plus en plus rigoureuse et efficace au cours d’un 19ème siècle où les autorités créent, organisent et perfectionnent les instruments d’observation et les méthodes d’interprétation pour le mouvement naturel. Les migrations, elles, sont mal connues car elles n’ont pas de sources spécifiques et ne sont étudiées qu’indirectement avec l’analyse des recensements. La question capitale, « résidence lors du dernier recensement », n’est posée qu’en… 1962 !
La Révolution a fait table rase du passé, y compris des intendants. Elle réclame des données démographiques, mais n’a pas les moyens administratifs ni matériels pour traiter les innombrables informations fournies par des milliers de curés enfin expérimentés, puis d’officiers municipaux qui ne le sont pas. En effet, la laïcisation brutale de l’état civil le 20 septembre 1792, dernier acte de l’Assemblée législative, et les graves troubles intérieurs compromettent aussi la qualité de l’enregistrement. Les mités des assemblées révolutionnaires ordonnent des enquêtes statistiques, mais avec des objectifs limités et divers et des résultats peu utilisables. Enfin, le décret de l’Assemblée constituante fait des juifs des citoyens français devant l’Etat.
Le Consulat crée le Bureau de la statistique (supprimé en 1815). Avec l’aide des préfets, nouveaux intendants, il organise les deux premiers recensements (1801 et 1805) qui évaluent la population française à 29,7 millions d’habitants. La Restauration confie ses statistiques à la Direction générale des départements qui publie les états de population de 1817, 1818, 1819 ; par exemple, « Les recherches statistiques de la vie de Paris et de la Seine », publiées par le préfet Chabrol sont remarquables. Du reste, les publications progressent quand, après le recensement de 1831, les statistiques reviennent au ministère de l’Intérieur pour celui de 1836 dont les résultats, mal exploités sont publiés dans le « Bulletin des lois », et ceux de 1841 et de 1846, dans « Territoire et population » (1855). Le premier recensement organisé par le ministère de l’Intérieur avec vérification, exploitation systématique et publication rapide date de 1851.
L’année suivante, le Bureau de statistique générale de la France (SGF) est confié, avec une large autonomie, au ministère de l’Agriculture et du Commerce, d’où les recensements de 1856, 1861 et de 1866, dont les résultats sont publiés dans 11 volumes, mais avec là encore des erreurs et des oublis (par exemple, les soldats présents en Crimée, en Italie, au Mexique et en Algérie ces années-là). Avec la IIIè République, la SGF revient au ministère de l’Agriculture et du Commerce et doit s’occuper des recensements, des mouvements de population et des statistiques industrielles. Les recensements se succèdent tous les cinq ans à partir de 1871 (en fait en 1872, exceptionnellement, à cause de la défaite et de la Commune). L’organisation sérieuse et la publication rapide du recensement de 1876 en fait un des meilleurs du siècle. Le sexe, l’âge, l’activité sont enfin demandés en 1901 et en 1911. les recensements deviennent totalement fiables au début de notre siècle, sauf à Lyon et à Marseille qui, rivales, gonflent leurs chiffres pour paraître plus peuplée qu el’autre, et Toulouse qui ne veut pas dépasser 150 000 habitants afin de conserver une subvention !
Même si de nombreuses villes ont pris l’habitude de publier des bulletins ou des annuaires statistiques municipaux, il reste que la SGF est devenue, en 1913, une grande institution nationale qui a décuplé son personnel, centuplé ses publications, et utilise des moyens modernes (60 mécanographes sur 100 employés qui exploitent mécaniquement le recensement de 1901). Les enquêtes démographiques sont devenues régulières et sûres, mais on a oublié de penser à la conservation des documents de base…
A partir de 1914, la connaissance des faits démographiques s’améliore beaucoup, la SGF dépendant du ministère du Travail, disposant de grands moyens, d’une mission claire et de publications régulières : « annuaires statistiques », mais aussi « bulletin trimestriel », « supplément mensuel » et, pendant quelques années, une « feuille hebdomadaire ». Pendant les années 30, le SGF souffre de sa dépendance par rapport à un pouvoir politique très instable, d’un manque de moyens, de rattachements à différents ministères, de réorganisations successives. Cette crise s’avère en octobre 1941 par l’apparition du Service national des statistiques, créé par René Carmille, qui fonde aussi un service de sondages en 1943 avant de mourir déporté à Dachau. Ce grand service moderne est rebaptisé ISEE en 1946, et élargit les publications en créant, en 1949, un Supplément au bulletin trimestriel qui devient, en 1956, « Etudes statistiques ». Le personnel et les publications se réduisent ensuite. La situation de l’INSEE s’améliore après 1962 avec plus de personnel, des moyens informatiques et des publication réformées, mais l’INSEE s’intéresse surtout aux problèmes d’immigration et délaisse la démographie. Celle-ci est observée et traité par l’INED, fondé le 24 octobre 1945 et dirigé par Alfred Sauvy jusqu’en 1962.
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