L’Art Bourguignon
Posté par francesca7 le 25 mars 2013
Carrefour de première importance, la région a connu depuis la plus haute Antiquité les migrations de peuples et subi l’influence de civilisations diverses. Sous le règne du monachisme, l’art roman fleurit autour de Cluny et de Cîteaux comme nulle part ailleurs. Une autre période très riche sur le plan de la création artistique est celle du gothique tardif déployé à la cour des grands ducs. Philippe le hardi puis Philippe le Bon sont les mécènes d’une pléiade de peintres, sculpteurs, musiciens, originaires pour la plupart des « Pays Bas » du duché. A propos de ces artistes, on a parlé d’une école bourguignonne.
L’art gallo-romain
La capitale éduenne, Bibracte , rassemblait de nombreux artisans qui excellaient dans le travail du bois, de la céramique et de métaux comme le fer, le bronze puis l’argent. Des sanctuaires votif, souvent en bois, jalonnaient le les grandes voies de communication. Vers 5 avant Jésus-Christ, Auguste décide de construire un nouveau chef-lieu selon les principes romains : plan orthogonal, axes routiers. Ce transfert est un succès et Augustodunum (Autun) devient une ville phare au niveau culturel. D’autres cités comme Alésia, Mâlain, Entrains se développent sur les sites où l’artisanat prospère. Il faudra attendre le 2ème siècle pour qu’apparaissent les premiers éléments (castrum de Divio) de la future capitale, Dijon.
La nouveauté apportée par les Romains est le travail de la pierre, dont les monuments culturels sont les premiers champs d’application. Beaucoup mieux conservés que les sculptures en bois, ils nous permettent aujourd’hui d’apprécier l’art de la période gallo-romaine. L’examen des styles ou des sanctuaires est révélateur des différents degrés de romanisation dans les grandes villes, l’influence de Rome est assez hégémonique et de nombreux temples sont élevés en l’honneur d’Apollon, souvent associé à des divinités indigènes ; dans les campagnes, le panthéon romain parvient plus difficilement à assimiler les dieux celtes, qui résistent bien. Les matres gauloises, divinités de la prospérité et de la fécondité, ressent très vénérées ; les sources sont encore fréquentées par leurs pouvoirs curatifs ; les ex-voto anatomiques en bois y sont progressivement remplacés par d’autres en pierre (belles pièces au musée de Châtillon sur Seine). Une grande importance est donnée aux monuments funéraires et les stèles de plus en plus expressives et réalistes donnent une image fidèle de l’organisation de la société gallo-romaine (riche idée que de visiter les musées de Sens).
L’influence romaine est également très perceptible dans l’architecture. Les riches propriétaires se font construire des villas à la romaine : la cella gauloise est entourée de portiques, décorée de colonnes et de mosaïques, agrémentée de thermes et de salles chauffées par hypocauste. A l’aube de la culture chrétienne, amorcée à Autun par le martyre de saint Symphorien (tableau d’Ingres dans la cathédrale St Lazare) et accélérée par l’évangélisation énergique de saint Martin, de nouvelles inspirations apparaissent qui vont considérablement changer et marquer l’art de la région.
L’Art Carolingien
Après la période d’éclipse du haut Moyen Age, l’époque carolingienne (8 ème 9ème siècle) connaît un renouveau de l’architecture faisant la synthèse des styles byzantin, oriental et d’antiquité tardive. Les éléments novateurs sont la crypte annulaire sous le chevet, la crypte-halle aux dimensions d’une véritable église souterraine, le chapiteau cubique. Les plans des édifices religieux sont simples et la construction, faite de pierres grossièrement taillées, rudimentaire. Une partie de l’ancienne crypte de St Bénigne à Dijon, celles de Ste Reine à Flavigny sur Ozerain et de St Germain d’Auxerre en témoignent.
La sculpture s’exprime alors assez maladroitement : deux chapiteaux de la première représentent, sur chaque face, un homme en prière, les mains levées vers le ciel. Travaillée sur place, la pierre témoigne des tâtonnements du sculpteur ; certaines faces sont restées à l’état linéaire. Vestige de la basilique construite au milieu du 8ème siècle, la deuxième conserve quatre fûts de colonnes dont trois semblent être romains et un seul carolingien ; les chapiteaux présentent un décor de feuilles plates, d’une facture très fruste.
A la même époque, fresques et enduits ont été employés dans la décoration. D’admirables fresques représentant avec beaucoup de vivacité la lapidation de saint Etienne ont été mises au jour en 1927. L’attention portée au statut des images distingue de Byzance l’art carolingien, dont l’un des domaines privilégiés est l’enluminure.
Le Roman
Bénéficiant de conditions particulièrement favorables à son expansion – villes nombreuses, riches, abbayes, matériaux abondants – l’école romane bourguignonne s’est développée avec une extraordinaire vitalité au 11ème et 12ème siècle, en particulier dans la région de l’actuelle Saône et Loire (avec environ 300 édifices contre une quarantaine dans l’Yonne et la Côte d’Or).
L’an mille correspond à un élan nouveau dans le désir de bâtir qu’expliquent la fin des invasions, l’essor de la féodalité et du monachisme, la découverte de nouveaux procédés de construction et… la croissance démographique. Il reste malheureusement très peu de monuments civils ou militaires de l’époque – souvent construits en bois – c’est pourquoi on confond souvent art roman avec art religieux. Parmi les abbés constructeurs d’alors, Guillaume de Volpiano édifia à Dijon, sur l’emplacement du tombeau de saint Bénigne, une nouvelle basilique. Commencée en 1001, elle était consacrée en 1018. Les travaux de décoration furent confiés à un artiste unique, le moine Hunaud. L’abbatiale ayant complètement disparu dès le 12ème siècle par suite d’un incendie, c’est l’église St Vorles de Châtillon sur Seine – profondément modifiée dans les premières années du 11ème siècle par un parent de Guillaume, l’évêque de Langres brun de Roucy – qui permet de définir les caractères de l’art préroman : construction sommaire faite de pierres plates mal assemblées, piliers massifs, décoration très rudimentaire de niches creusées dans les murs et de corniches à bandes lombardes.
D’aucun considèrent que tout l’art roman bourguignon est issu de St Philibert de Tournus, dont le narthex et son étage composent les parties les plus anciennes. On est écrasé par la puissance de cette sobre architecture.
L’école clunisienne
Si l’art roman à ses débuts doit beaucoup aux influences étrangères, méditerranéennes surtout, la période suivante voit avec Cluny le triomphe d’une formule nouvelle, un art opulent dont les caractères vont se répandre à travers toute la Bourgogne et au-delà. Edifiée entre 955 et 981, l’abbatiale dite Cluny II est déjà dotée d’une grande abside originale et d’un chevet à chapelles échelonnées et orientées , St Pierre et st Paul – Cluny III – commencée en 1088 et achevée vers 1130, a des dimensions proprement gigantesques, supérieures même à celles des futures cathédrales gothiques.
En 1247, un religieux italien de passage observait « que l’abbaye de Cluny est le plus noble couvent de moines noirs de l’ordre des Bénédictins de Bourgogne. Les bâtiments en sont si considérables que le pape avec ses cardinaux, toute sa cour, celle du roi et de sa suite peuvent y loger simultanément sans que les religieux en éprouvent aucun dérangement et soient obligés de quitter leur cellule ».
Les vestiges de l’abbatiale, encore impressionnants par leur ampleur, permettent de dégager les caractères généraux de cette « école ». La voûte est en berceau brisé, véritable innovation par rapport au plein cintre, issu de l’époque romaine. Chaque travée comporte un arc doubleau : en diminuant les poussées, les arcs brisés permettent d’alléger les murs et d’élever ainsi les voûtes à une très grande hauteur. Les piliers sont cantonnés de pilastres, cannelés à l’antique ; au-dessus de ces grandes arcades aiguës court un faux triforium où alternent baies et pilastres ; des fenêtres hautes surmontent l’ensemble, alors qu’auparavant la lumière venait des tribunes et des bas-côtés.
Cette ordonnance à trois niveaux, coiffée d’une voûte ogivale en berceau, se retrouve dans de nombreux édifices de la région. L’église de Paray le Monial, elle aussi connue par saint Hugues, apparaît comme une réplique. L’influence clunisienne est manifeste à La Charité sur Loire, autre prieuré dépendant de l’abbaye. A st Lazare d’Autun, consacrée n 1130, on reconnaît le plan clunisien, très simplifié ; cependant, la traduit « romaine » reste présente : par exemple, sur l’arcature du Brionnais, l’élévation de l’église approche celle de Cluny. Au revers de la façade, la tribune en surplomb rappelle la tribune St Michel. Enfin, la collégiale St Andoche de Saulieu est aussi de la famille des grandes églises clunisiennes.
Parmi les églises de village construites sous l’inspiration de Cluny, celles du Brionnais sont remarquables : Bois Ste Marie, Blanot, Monceaux l’Etoile, Varenne l’Arconce, Vareille, Châteauneuf, Charleu, Iguerande. Face à cette école clunisienne, le cas de la basilique de la Madeleine à Vézelay est à part. Construite au début du 12ème siècle, la nef est voûtée d’arêtes alors que jusque là seuls les collatéraux, de faibles dimensions, l’étaient. Les grandes arcades sont surmontées directement par des fenêtres hautes qui, s’ouvrant dans l’axe de chaque travée, éclairent la nef. Les pilastres sont remplacés par des colonnes engagées, à l’encontre des édifices de type clunisien et les arcs doubleaux, soutenant la voûte restent en plein cintre (peut-être l’église d’Anzy le Duc a-t-elle servi de modèle. Pour rompre la monotonie de cette architecture, on a recours à l’emploi de matériaux polychromes : calcaires de teintes variées, claveaux alternativement blancs et bruns. En tant que lieu de pèlerinage, la basilique est agrémentée d’un chevet à déambulatoire et de chapelles rayonnantes.
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