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Lac de Guerlédan

Posté par francesca7 le 22 mars 2013

 

 Lac de Guerlédan dans Bretagne lac-de-guerledan-300x200

Le lac de Guerlédan est un lac artificiel situé à cheval sur la commune de Saint-Aignan dans le Morbihan et la commune de Mûr-de-Bretagne dans les Côtes-d’Armor. Sa formation est due à la construction du barrage de Guerlédan en 1930 sur le cours d’eau du Blavet. Il matérialise, en partie, la limite entre le Morbihan et les Côtes-d’Armor. Son nom vient du breton vannetais : Gouer ledan, soit : le ruisselet large.

D’une superficie de 400 ha, long de 12 km et profond de 40 m au pied du barrage, le lac de Guerlédan est le plus grand lac artificiel de Bretagne.

Ce lac a été créé pour alimenter le barrage de Guerlédan. Le chantier dura sept ans de 1923 à 1930 et dut faire face à de nombreuses difficultés d’ordre géologique, technique et financier.

La création de ce lac et surtout celle du barrage a coupé la continuité du trafic fluvial sur le canal de Nantes à Brest qui emprunte, à cet endroit, le cours du Blavet. 17 écluses du canal furent noyées sous les eaux du lac.

Aujourd’hui le lac de Guerlédan est devenu un lieu touristique. On peut y pratiquer diverses activités nautiques ou bien se promener sur les rives du lac et profiter de jolis points de vue panoramiques, notamment au rond point du lac et à l’anse de Landroannec.

Le lac était asséché tous les dix ans depuis 1951, dévoilant ainsi un paysage étonnant : figée dans les profondeurs, la vallée engloutie ressurgit avec ses maisons, ses jardinets, ses écluses. Aujourd’hui, la technologie permet de s’affranchir de cette vidange.

L’embarcadère de Beau-Rivage, premier site aménagé sur le lac, offre de nombreuses activités qui combleront autant le pêcheur que le promeneur : déjeuner en salle face au lac, bar panoramique, location de barques, et bateau à pédales. : http://www.guerledan.com/

Les Vedettes de Guerlédan,

 beau rivage, 22530 CAUREL

 tél : 02.96.28.52.64 fax : 02.96.26.09.37

 

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Le lac de Guerlédan est un lac artificiel issu de la construction d’un barrage sur les cours (communs à cet endroit) du Blavet et du canal de Nantes à Brest. 

Mis en service en 1933 le barrage de Guerlédan inonde la vallée du Blavet sur 13Km de long, couvrant une surface de 400 ha. Sa profondeur est de 45m et son volume de 55 millions de mètres cubes. Le lac est dominé au sud vers Cléguérec, par des crêtes et la forêt de Quénécan, massif de plus de 3000 ha. Plusieurs plages aménagées sont proposées aux baigneurs dont une à l’anse de Sordan.

Contrairement à certaines légendes,  aucun village ne fut engloutit lors de l’inondation de la vallée. Seules les maisons d’écluses et quelques autres furent recouvertes par les eaux. Autrefois vidangé tous les 10 ans (la dernière fois en 1985) pour des contrôles sur le barrage, le site offrait alors un paysage lunaire attirant une foule de visiteurs…

La vallée du Blavet, engloutie pour les besoins de la production électrique, s’est ainsi transformée en un lac superbe. Au fil des ans, il est devenu de plus en plus apprécié des promeneurs et des amateurs de loisirs nautiques, au point d’être aujourd’hui l’un des principaux pôles d’attraction de la Bretagne intérieure.

Un lac aux rives découpées

Le site, il est vrai, est magnifique, avec la forêt de Quénécan et les grands bois de la rive nord qui descendent en pente abrupte jusqu’aux rives découpées du lac. Tout autour de ce paysage grandiose, rayonnent les vallées encaissées des rivières du bassin du Blavet, les gorges de Daoulas etdu Poulancre.Terre bénie des amoureux de nature sauvage et de sites pittoresques, le pays de Mûr s’offre à la découverte grâce à un réseau serré de chemins et de sentiers, de crête en vallon, de crique en falaise, de lande et fûtaie.

  • Le barrage de Guerlédan, dont la construction a commencé en 1923, a été achevé sept ans plus tard. Ce barrage était un précurseur des grands ouvrages alpins. Avec sa hauteur de 45 mètres, sa longueur de crête de 206 mètres et sa largeur à la base de 35 mètres, il était à l’époque le plus imposant du pays. Sa retenue d’eau, qui a englouti maisons, villages et forêts de la vallée du Blavet sur une longueur de 12 kilomètres, compte 55 millions de mètres cubes. Elle couvre une superficie de 400 hectares et sa profondeur atteint 40 mètres. Elle alimente une usine hydro-électrique de 23 mégawatts. On peut observer l’impressionnant ouvrage, en aval du barrage, mais on ne peut en approcher la base, incluse dans l’enceinte de la centrale électrique.

La chapelle Sainte Suzanne

A I’entrée nord de Mûr, la chapelle Sainte Suzanne dresse son élégante silhouette, au beau milieu d’un jardin ombragé par les vieux chênes qui ont inspiré Corot (le peintre, un ami du maire M. Le Cerf, était un habitué de Mûr). Au pied des grands arbres, un cercle de pierres dressé voici près de 40 ans témoigne de la perpétuation du druidisme : ici se sont tenus les «Gorsed», ces rassemblements de druides, bardes et ovates unis dans le culte ésotérique de la nature.

Un splendide rétable

  • Selon la légende, on priait autrefois sainte Suzanne non loin de là, près des fontaines de Menehiez, sur le site d’un culte préchrétien. Cette subsistance païenne incommodait le clergé local, qui a décidé de transférer la statue de la sainte au bourg de Mûr. Mais la charrette qui la transportait, emportée à un train d’enfer par des boeufs devenus subitement d’une vélocité incroyable, a subi un brutal cahot qui a éjecté la statue. Celle-ci s’est fichée en terre, debout au pied d’un grand chêne. C’est sur ce lieu qu’a été érigée la chapelle, au XVIIe siècle.
  • L’édifice, à l’élégant porche-clocher, daté de 1670, abrite un splendide rétable présentant une grande toile représentant sainte Suzanne, des statues polychromes et un ex-voto marin. On y trouve aussi un exceptionnel chemin de croix, peint sur la totalité des lambris couvrant les plafonds.

Beau Rivage, le port du lac

Situé au bout d’une pointe enserrée entre le corps du lac et une petite anse, Beau Rivage le bien-nommé se donne des allures de petite station balnéaire. Ses plages, ses campings, ses embarcadères, ses mouillages en font le grand lieu touristique de la région.

  • On y trouve également des restaurants, crêperies et cafés ouverts toute l’année. La foule ne s’y presse guère hors saison : c’est plutôt le rendez-vous des gens du pays et des pêcheurs. Le lac est poissonneux : ony trouve des perches de belle taille dépassant les 40 centimètres, des sandres de 14 livres et des brochets d’un mètre 10, dont on parle encore autour d’un petit bordeaux au retour de la pêche. « En plein hiver, c’est toujours bien calme, confie le patron de la jolie crêperie panoramique « Les pieds dans l’eau ». Mais, en été, les vacanciers sont nombreux à venir se balader, faire de la voile ou du ski nautique ».
  • Autre temps fort de Beau Rivage : l’ouverture de la pêche.  » Une armada de 400 bateaux vient traquer les allee-couverte-300x225 dans LACS DE FRANCEpremiers poissons. Sans compter tous ceux qui pêchent du bord… »

L’allée couverte de Coët-Correc

Entre Mûr et Caurel, sur les hauteurs de la Lande Blanche qui culmine à 309 mètres, l’allée couverte de Coat-Correc fait partie des nombreux mégalithes dispersés dans la campagne (menhirs et tombeau gaulois de Saint-Mayeux, allées couvertes de Liscuis). L’allée, dont on peut voir les restes de pavage entre les pierres dressées, est surplombée d’une étonnante arche d’ardoise. Elle a été bâtie à la fin du XIXe siècle par un paysan qui avait voulu christianiser ce monument païen. Elle était, à l’origine, surmontée d’une croix aujourd’hui disparue.

De là-haut, on domine de 180 mètres l’étendue du lac qui se découpe à trois kilomètres au sud.

 

 

Publié dans Bretagne, LACS DE FRANCE, Morbihan | Pas de Commentaire »

La fille d’Auberge en 1840

Posté par francesca7 le 22 mars 2013

La fille d’auberge

par

François Coquille

~ * ~

QUOI qu’on puisse dire, l’antiquité avait du bon !

Si, parmi tant d’autres inventions, les auberges étaient inconnues des anciens, c’est que chaque maison servait d’auberge. Certes, il était doux pour le voyageur, arrivant, épuisé de fatigue, dans une ville étrangère, de se voir entouré d’une foule d’amis qu’il ne se savait pas, et qui briguaient l’honneur de l’avoir pour hôte ! On l’emmenait en triomphe ; de belles esclaves lui lavaient les pieds, et lui prodiguaient les parfums les plus rares. La place d’honneur lui était réservée à table : on se fût gardé de lui demander son nom, comme d’une grave incivilité ; et quand, le lendemain, il s’éloignait sans avoir rien dépensé, le maître du logis le reconduisait hors de la ville, et, le suivant longtemps des yeux, il lui criait encore de loin : « Merci, ô étranger, merci ! »
La fille d'Auberge en 1840 dans ARTISANAT FRANCAIS auberge-234x300
Eh bien ! ce luxe d’hospitalité primitive, la civilisation a su le remplacer avantageusement par l’invention de l’auberge. Une auberge, c’est le foyer domestique de tous les étrangers ; c’est la table de tous ceux qui ont faim, le lit de tous ceux qui sont las. On court aussi, parmi nous, au-devant du voyageur ! on se le dispute, on s’empare de sa malle et de lui, – de sa malle surtout, lorsqu’elle est d’une dimension rassurante ? – Qu’il commande, et des esclaves lui apporteront, s’il le faut, un bain complet ; qu’il dise un mot, et les meilleurs vins, les mets les plus recherchés lui seront offerts. Maîtres et serviteurs s’empressent à sa voix, ils s’étudient à le contenter et à lui plaire ; ils lui sourient sans cesse, ils se montrent heureux de sa présence, ils voudraient le garder toujours…….. Mentionnons seulement deux petites formalités que ne pratiquaient pas les anciens : on lui demande son passe-port quand il arrive, et on lui présente une carte à payer quand il part.

La condition première, le complément indispensable d’une auberge, c’est la fille d’auberge. La fille ! ne lui cherchez pas d’autre nom. Vieille ou jeune, laide ou jolie, fille ou femme mariée, peu importe ! Elle a quitté jusqu’à son nom de baptême, par égard pour le voyageur : attention délicate qui épargne à celui-ci un grand travail d’esprit et de mémoire. Il peut parcourir la France entière, et s’arrêter dans cent hôtels différents ; il y aura toujours quelqu’un qui répondra à sa voix, quand, de ce ton impérieux que l’on prend hors de chez soi, il criera : La fille !

D’où vient que Paris a relégué la fille d’auberge en province, et que – le garçon – règne sans partage dans nos cafés, nos hôtels et nos restaurants ? A Dieu ne plaise que je ferme les yeux aux qualités de ce dernier. Ses cheveux, coupés ras et soigneusement rabattus sur ses tempes, sa cravate, d’une entière blancheur, comme celle d’un médecin ; sa veste ronde, ses bas et ses souliers, donnent à sa personne une distinction que je suis forcé de reconnaître. Qu’il soit moins bavard, moins lent, d’un service plus commode que la fille, j’en conviens ; qu’il conseille plus sagement, et disserte avec plus de profondeur sur le menu de la carte et les provisions de l’étalage, je le veux encore ; mais il est si froidement attentionné, si insolemment poli, si égoïstement dévoué ! son amabilité choque, ses grâces fatiguent, ses soins repoussent. Sa perfection est un composé de défauts.

La fille d’auberge, qui a des prétentions moins élevées, plaît davantage. Elle est curieuse, distraite, négligente ; elle vous laissera vous morfondre près d’un dîner qui refroidit, pour se mêler à un commérage, pour voir défiler la parade dans la rue ; mais du moins elle vous sourira au retour, elle fera attention à vous, vous serez quelque chose pour elle ; vous lui plairez ou vous lui déplairez, et, en dépit de votre orgueil et de votre aristocratie, le sentiment de sa bienveillance vous occupera, vous tiendra compagnie.

Demandez aux Anglais qui viennent s’épanouir un peu au soleil de Paris : les Anglais ne connaissent chez eux que la fille d’auberge. Le garçon est une de ces curiosités qu’ils regardent sans les comprendre. On sait ce mot naïf d’un gentleman tout jeune, et qui, n’ayant rien vu, ouvrait des yeux étonnés à l’aspect d’un garçon de restaurant.

« Gârçon, disait-il avec cet air grave d’un homme qui s’est longuement consulté sur un cas difficile ; gârçon !

– Voilà, monsieur, voilà !

Gârçon….. étiez-vous le fille ? »

C’est à la fille d’auberge surtout qu’on peut appliquer cette variante du proverbe – Dis-moi où tu sers, et je dirai qui tu es. – Entre la grosse paysanne de cabaret et cette créature si alerte et si découplée des grands hôtels et des tables d’hôte, quelles nuances diverses, quels contrastes de langage et de manières ! Elles ne se ressemblent pas ; et pourtant, comme les nymphes de Virgile, elles ne diffèrent entre elles qu’autant qu’il convient à des soeurs. 

Facies non omnibus una,
Nec diversa tamen, qualem decet esse sororum.

Voici d’abord venir la fille d’auberge de village. Ne faites pas attention à ses bras rouges, ou que ce soit pour en admirer la vigueur toute masculine. Sa figure est haute en couleurs, ses cheveux s’échappent en touffes désordonnées de dessous son bonnet, son bonnet lui-même est trop souvent posé de travers ; ni le goût ni la propreté n’ont présidé à sa toilette. Pendant tout le cours de la semaine, la fille se couvre et ne s’habille pas.

Quant à son caractère, interrogeons la maîtresse du logis. Celle-ci se fait toujours un plaisir d’énumérer les défauts de sa servante : c’est une dormeuse qu’on ne saurait réveiller à cinq heures du matin ; une étourdie qui, chargée de veiller à la cuisine, aux enfants et aux pratiques, laisse les plats brûler, les enfants crier, et les pratiques s’égosiller. De quoi n’est-elle pas capable ! ne l’a-t-on pas surprise cent fois en flagrant délit de gourmandise ? ne mange-t-elle pas – autant qu’un homme, – et sa langue mal apprise manque-t-elle jamais de réponses insolentes ? De plus, l’on sait fort bien que mademoiselle fait à l’aubergiste des avances et des agaceries.

A ce jugement sévère que la passion a dicté, opposons celui des habitués de la maison. Quoi qu’en dise l’hôtesse jalouse, si les fermiers du voisinage, si les marchands forains, si les colporteurs préfèrent son cabaret à tout autre, ce n’est pas pour elle, qui est vieille et acariâtre ; ce n’est pas pour son vin, qui ressemble à de la piquette ; c’est pour la fille. Ils l’aiment avec son gros rire, avec ses allures décidées, avec ses airs provoquants. Lorsqu’elle vient à leurs cris répétés, et qu’essuyant la table du revers de son tablier elle leur demande ce qu’il faut leur servir, ils ne s’inquiètent pas que sa personne soit négligée, que ses jupons semblent ne pas tenir à son corps, et que ses doigts menacent d’écrire en hiéroglyphes son nom sur les assiettes et les verres. Les braves gens ne regardent pas à si peu. Ce qui leur plaît dans la fille, c’est qu’elle entend la plaisanterie, qu’elle ne s’effarouche de rien, et que sa pudeur est à l’épreuve des plus gros mots. S’émancipe-t-on avec elle, on en est quitte pour une tape vigoureuse qui disloque à moitié l’épaule du coupable. Douce punition qui invite à recommencer ! Enfin ils résument toutes ses qualités dans ce mot : C’est une bonne enfant !

Et puis n’a-t-elle pas comme une autre ses beaux jours ? Quand vient le dimanche, elle fait, à grand renfort de cendres et de savon, une lessive complète de sa personne. Elle revêt le frais déshabillé, le bonnet blanc, la jupe neuve et le mouchoir de col aux couleurs éclatantes. Des souliers fins – j’entends fins par comparaison – ont remplacé les gros sabots. Dans cette chaussure légère, elle court, elle bondit, elle a des ailes ; c’est à ne plus la reconnaître. Le dimanche s’achève, et cette Cendrillon de village, un moment vêtue en princesse, retourne à ses haillons et à ses souillures ; mais elle ne laisse jamais après elle, pour se faire chercher de quelque prince amoureux, une petite, petite, toute petite pantoufle.

Suivons la fille d’auberge sur un théâtre plus digne de son génie. Elle a quitté l’obscur bouchon et l’humble cabaret pour l’hôtel le mieux achalandé d’une sous-préfecture, et sur la porte duquel brille en gros caractères cette pompeuse annonce : Ici on loge à pied et à cheval.
aubergistes-300x131 dans ARTISANAT FRANCAIS
Autour d’elle tout est bruit et mouvement ; point de repos, point de relâche : l’hôtel est un petit monde dont la face se renouvelle sans cesse. Les diligences, les bateaux à vapeur amènent, emportent des milliers d’individus de tout âge, de tout sexe, de toute condition. C’est ici que le rôle de la fille d’auberge s’élève, s’agrandit dans des proportions immenses, que son intelligence se développe, et que son activité trouve un digne aliment.

Au village, elle ne paraissait que sur le second plan, et comme perdue dans l’ombre de l’aubergiste, lequel ne dédaignait pas de s’attabler avec ses pratiques et de s’enivrer de son propre vin. Désormais la voilà seule en évidence. C’est elle que l’on connaît, c’est elle qui sert d’enseigne à l’hôtel, ou plutôt qui tient l’hôtel. L’hôte et sa femme vivent cachés dans les ténèbres de la cave, ou dans la fumée de la cuisine. Ils n’en sortent que pour courir aux halles et aux marchés. La fille brille dans la salle à manger, sur les escaliers, dans les chambres. La fille va attendre et guetter les voyageurs à la descente des voitures. – Venatur homines, dit le fabuliste. – Elle les salue de loin, elle leur fait des mines d’intelligence, elle les appelle des yeux, elle les invite du geste, elle exerce sur eux la puissance attractive du regard ; et, quand tous ces moyens indirects ne réussissent pas, elle en emploie d’autres. Elle cite le nom de son hôtel, elle en vante les agréments, la commodité, la bonne chère, le bon marché. Elle vous étourdit et vous subjugue. Elle s’empare de votre malle qu’elle fait transporter par un homme à ses ordres : elle vous ferait porter vous-même……. mais sa victoire est complète : elle part, et regagne l’hôtel, suivie des voyageurs qu’elle traîne à la remorque et qu’elle emmène en triomphe !

Alors commence la seconde partie, la partie la plus difficile de son rôle. Il faut justifier ces belles promesses dont elle a été si prodigue. Qui répondra à cent questions diverses ? qui retiendra dans sa mémoire cent ordres différents ? qui sera la carte vivante de l’hôtel ? qui dira ce qui manque et ce qui ne manque pas ? qui excusera les mets mal apprêtés ? qui suffira à tout ? qui sourira à tous ? c’est la fille ; elle court, elle se multiplie : elle écoute les uns, elle répond aux autres. Elle sert vingt pratiques à la fois : qu’est-ce, à côté d’elle, que César dictant à quatre secrétaires !

Quelques-unes de ces filles acquièrent ainsi une importance singulière, et deviennent hors de prix. Une cantatrice en renom, une danseuse à la mode n’est pas plus exigeante ni plus impérieuse. Au moindre mot, elles s’emportent en menaces : elles s’en iront ; elles ne sont pas embarrassées, Dieu merci ! de trouver une meilleure place. L’hôtel de l’Écu leur fait des offres. La Tête-Noire leur a parlé. La Poste a couru après elles. Elles ne s’en iront pas seules. Une partie des habitués les suivront.

Elles partent en effet, et, au bout de quelques années, elles ont promené leurs caprices par toute la ville.

Rien ne peut arrêter cet animal servant.

Changez d’hôtel : vous ne changez pas pour cela de fille d’auberge. Vous retrouvez partout un visage nouveau que vous connaissez, et qui vous sourit comme à un habitué. La fille est toujours fière de ceux qu’elle a servis ailleurs. Elle les reçoit comme des compatriotes sur une terre étrangère ; et tandis qu’elle leur fait les honneurs de l’hôtel, qui est, à l’entendre, le meilleur de la ville, elle fait au maître de l’établissement les honneurs de ces nouveaux venus. Elle aura bien du malheur si elle n’amène pas celui-ci à comprendre que c’est à elle seule qu’il doit leur présence.

Chaque hôtel a, d’ordinaire, une table d’hôte où se presse une population flottante d’employés, de commis, de clercs et de commis voyageurs. Ceux-là ne s’attachent qu’à la fille, ils la protègent et ils sont ses protégés. Vous les entendez de loin qui marchent à grand bruit dans la rue, et qui s’annoncent par des chants, des rires, des discussions animées… Ils envahissent la salle, ils bouleversent les tables et les chaises. Ils sont chez eux. Jeanne ! Henriette ! Adèle ! (ces messieurs, par un privilége spécial, ne l’appellent jamais que de son nom). Que fait-elle ? où peut-elle être ? la voici enfin !

On la fête, on la complimente, on l’agace. Ses mains ne peuvent suffire à la défendre. Mais le potage apparaît, et la sauve. Voilà nos galants en besogne. La fille tourne sans cesse autour d’eux : elle jouit de leur appétit, elle prévient leurs demandes. Elle s’efforce au besoin de pallier les torts du pourvoyeur ou du cuisinier. Que ne peut-elle, comme la veuve Scarron, suppléer à un plat par une histoire ! mais la veuve Scarron elle-même n’aurait pas payé de semblables raisons des convives tels que ceux-ci. Ils s’ingénient à obtenir de leur favorite quelque supplément, quelque douceur, des fruits plus beaux, un vin moins acide. Ils la prient, ils la flattent de la voix, ils la flattent de la main. N’est-elle pas maîtresse et souveraine ? si elle le voulait bien, leur table serait sans doute mieux servie. Ils auraient des primeurs, et, de temps en temps, du gibier… et elle les console, elle les apaise. Elle répond aux prières par de bonnes raisons, aux menaces et aux impatiences par des railleries, et parvient à renvoyer son monde content, sinon rassasié.

Le plus cher de ses amis, le plus zélé de ses défenseurs, le plus opiniâtre des réclamants, c’est le commis voyageur. La fille et lui sont faits pour se comprendre et s’aimer. Un instinct mystérieux les entraîne l’un vers l’autre. Le commis voyageur connaît le faible que la fille a pour lui, et l’ingrat en abuse. C’est près d’elle qu’il se console de ses échecs commerciaux ; c’est à elle qu’il débite ses plus détestables calembours, ses compliments les plus usés, ses anecdotes les plus rebattues. Il l’accapare pour son service particulier, au grand détriment des autres habitants de l’hôtel. Elle n’a des yeux que pour lui, des oreilles que pour lui, des pieds et des mains que pour lui. La chambre du commis voyageur devient le quartier général de la fille ; Hélas ! que voulez-vous qu’on puisse refuser à cet homme qui parle si bien et qui possède une telle barbe !

C’est dans les grands hôtels de Lyon, de Bordeaux, de Rouen, qu’il faut étudier le type de la fille d’auberge. C’est là qu’il acquiert toute sa perfection. Voyez : la fille s’est faite demoiselle, sa robe étroite lui dessine exactement la taille. Elle s’exprime en termes choisis. Elle a de l’aisance, de la dignité, et des bandeaux. C’est toujours, il est vrai, la même assurance de manières, la même intrépidité de regard, mais avec quelque chose de plus fin, de plus assoupli, de plus mesuré. Ses yeux sont fatigués et battus. Un observateur lui trouverait plus de décence, et non pas plus de modestie.

C’est qu’elle voit défiler sans cesse des personnages titrés, de riches négociants, des banquiers dédaigneux. Elle parle leur langue, elle s’anime de leurs sentiments, elle se forme à leurs manières et à leurs moeurs. Physionomiste consommée, un coup d’oeil lui suffit pour juger un homme et proportionner ses soins à la gratification prévue. Elle donne à sa voix une foule d’inflexions diverses. On dirait qu’elle possède un visage différent pour chaque voyageur. Elle s’étudie à vous appeler de votre titre. Vous êtes pour elle monsieur le député, monsieur le receveur général, monsieur le comte, monsieur le marquis. Vous jouissez de votre considération : vous vous complaisez à ces égards, à ces respects, à ces attentions fines…. C’est fort bien tant qu’elle vous parle ; mais derrière vous, elle vous dépouille aussitôt de tous ces titres qu’elle vous prodiguait si libéralement. Vous n’êtes plus pour elle ni receveur général, ni lord anglais, ni même député. Qu’êtes-vous donc ? un simple numéro…. le numéro de votre chambre !

Montez, dit-elle, un couvert au cinq ! – Apportez de l’eau-de-vie pour la dent du trente-six ! – Le neuf est-il sorti ? – Préparez la carte du dix.

Sur quelque route, et par quelques messageries que vous ayez voyagé, ô lecteur, voici une impression de voyage que vous avez sûrement recueillie, et où la fille d’auberge joue le rôle principal.

Clic, clac ! clic, clac ! une de ces maisons roulantes nommées diligences arrive, au milieu de la nuit, dans une ville de province. Les chevaux épuisés retrouvent un reste de vigueur ; le conducteur embouche son cornet à piston, tandis que le postillon semble vouloir réveiller du bruit de son fouet tous les échos de la cité endormie. La lourde machine s’arrête à la porte de l’hôtel le plus apparent.

« Descendez, messieurs et mesdames ; c’est ici que l’on dîne ; vous avez une demi-heure. »

Les voyageurs s’éveillent ; ils se frottent les yeux, ils se secouent, ils étendent leurs membres engourdis. Des bruits confus s’échappent des profondeurs de la voiture. « Conducteur, où sommes-nous ? – Conducteur, sommes-nous bientôt arrivés ? » En même temps, des voix flûtées répètent d’un ton engageant : « Descendez, messieurs et mesdames ; le dîner est servi. »

Alors on voit sortir de leur prison, les uns après les autres, vingt personnages différents, hommes, femmes, enfants, vieillards, affublés d’une manière grotesque, mal affermis sur leurs jambes, les yeux troublés, la figure pâle, et comme possédés du vertige de l’ivresse. Tout ce monde se laisse conduire à la salle à manger qui resplendit de mille feux ; une longue table, couverte de plats, est dressée au milieu de la salle. Plusieurs jeunes filles, à la mine éveillée, vont, viennent, et circulent avec agilité. Saisis par ce brusque passage de l’obscurité à la lumière, et du sommeil à la vie réelle, les voyageurs se croient le jouet d’un rêve ; ils hésitent, ils balancent : il faut que les filles d’auberge, les décident, les poussent, les fassent asseoir, et déplient devant eux leur serviette.

Grâce à elles, le dîner commence enfin !

Cependant les appétits s’éveillent : – la voiture creuse ; – c’est un proverbe de diligence. Les plats sont attaqués avec furie. Malheur au convive inexpérimenté qui perd un temps si précieux en longs discours, ou en vaines politesses ! Les instants s’écoulent. Le conducteur, qui a ses raisons et qu’on dirait payé pour cela, prend soin de rappeler que la demi-heure est déjà passée…. Mais, quoi ! à peine posés sur la table, les mets disparaissent comme par enchantement ! Ce poisson, auquel vous vous promettiez de revenir, disparu ! Ce poulet que vous aviez aperçu au bout de la table, cette perdrix que vous lorgniez d’un oeil de convoitise, enlevés ! Des fées agiles semblent avoir conjuré de défendre votre santé contre vous-même, et d’épargner à votre appétit de dangereuses tentations. Laissez-les faire, et vous exécuterez à la rigueur ce précepte de la médecine, – qu’il faut sortir de table ayant faim. – Et comme tout service mérite salaire, elles iront vous attendre à la porte, sollicitant de votre reconnaissance (ce n’est point celle de l’estomac !), cette modeste rétribution, vulgairement appelée pourboire. Dérision ! demander un pourboire à des gens qui n’ont pas mangé !

Comment la fille d’auberge ne sait-elle pas se contenter de ces menus profits qui lui tiennent lieu de gages, mais qui, répétés tous les jours, atteignent, au bout de l’année, un chiffre fort honnête : c’est ce que l’on a peine à concevoir. Elle ne regarde, l’ambitieuse ! que la recette brute des maîtres de l’hôtel. Les chances auxquelles ils sont exposés, les dépenses, les frais de toute sorte qu’ils ont à supporter, elle ne les calcule pas. Elle ne remarque pas qu’elle est indépendante dans sa servitude, riche dans sa pauvreté, heureuse et insouciante au milieu des soins multipliés dont elle est chargée. Elle veut commander à son tour, et après avoir servi d’enseigne à tant d’hôtels différents dont elle a fait la fortune, elle aspire à avoir une enseigne à elle. Un long noviciat ne l’a-t-il pas suffisamment préparée à ce rôle si difficile et si périlleux ? Ne connaît-elle pas toutes les ressources, toutes les ruses, tous les secrets du métier ? n’est-elle pas déjà assurée d’une clientèle. – Imprudente, qui n’a pas observé à quels retours soudains, à quelles tristes vicissitudes la popularité est sujette !

Les conseils et les représentations ne peuvent la dissuader de ce projet ; on dirait qu’elle est embarrassée de ses épargnes et que le célibat lui pèse. Quelque cuisinier en renom devient l’heureux possesseur de son argent et de sa personne, et le couple aventureux ne se donne point de repos qu’il n’ait acquis l’honneur de payer patente. Ainsi donc une nouvelle auberge, un hôtel nouveau est fondé dans la partie la plus commerçante de la ville ; une enseigne plus fastueuse, des tables plus propres, des siéges plus confortables, des plats plus gros, des chiffres plus modérés : tout est mis en usage pour attirer les chalands. Adieu, et bonne chance ! Puisse la fille d’auberge ne pas regretter les joies de sa première condition, et ne pas tomber de chute en chute au trône de quelque gargotte ignorée !

Mais détournons les yeux de cette triste perspective.

Qui le croirait ? malgré ce prodigieux talent d’être partout, de tout voir, de tout entendre et de tout retenir, malgré ses grâces et ses séductions, la fille d’auberge a une foule de détracteurs. Les voyageurs deviennent si exigeants ! Écoutez-les : suivant eux, elle entreprend de servir vingt pratiques à la fois, et elle n’en sert réellement aucune. A toutes ces voix qui l’appellent de chaque étage et de chaque escalier, elle répond invariablement :

« Oui, monsieur ! oui, on y va ! »
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Où va-t-elle ? le fait est qu’on l’attend inutilement pendant une heure, et qu’elle ne manque pas d’accourir lorsqu’on n’a plus besoin de sa présence. Après vous avoir accueilli avec un zèle si empressé, elle vous néglige, et vous condamne à un isolement complet dans votre chambre. Mais le moment de votre départ approche-t-il ; les sourires et les petits soins reparaissent. Alors, il est vrai, et par forme de compensation, elle vous accable de prévenances. « Faut-il envoyer à monsieur un commissionnaire !.. Voici les bottes de monsieur… Je vais nettoyer le manteau de monsieur… Où monsieur veut-il que l’on porte sa malle ?… Monsieur a attendu un peu hier entre le potage et le boeuf, j’en ai été bien désolée… La voiture va partir dans un quart d’heure… Monsieur désire-t-il encore quelque chose ?… J’espère que monsieur ne m’en veut pas…

Comment résister à tant d’attentions, à des excuses si pathétiques, à une éloquence si entraînante ? malgré soi, l’on se laisse fléchir, on s’attendrit, on oublie ses anciens griefs, et, en partant – l’on n’oublie pas la fille.

On l’accuse encore d’être facile à toutes les tentations, et d’offrir le type véritable de la femme libre, si longtemps et si inutilement cherchée. Mensonges et calomnies que leurs auteurs n’avouent pas, et qui ne prévaudront point contre la bonne renommée de la fille ! Mais, je vous prie, où trouverait-elle le moment d’être tentée ? Ses jours empiètent sur ses nuits ; sa vie n’est qu’une veille prolongée, et le sommeil est la plus rare de ses jouissances. Incessamment occupée des soins les plus nombreux et les plus fatigants, elle n’a pas de passions : les passions sont filles de l’oisiveté. Ses regards assurés, cette facilité à tout dire, à tout entendre et à tout permettre, prouvent invinciblement son innocence ; elle serait prude, si elle était moins sage. S’il était vrai, ce qui n’est pas vraisemblable, qu’elle eût pu succomber, ce serait une surprise qu’on lui aurait faite, et elle n’aurait été coupable que de distraction.

Au surplus, voici qui confondra ses accusateurs. Ce qui nous impose le plus impérieusement l’obligation de bien vivre, c’est l’exemple des ancêtres dont nous portons le nom, ou des prédécesseurs dont nous occupons l’héritage. Memoria majorum nos ad benè vivendum incitat. Les filles d’auberge ne connaissent peut-être pas cette maxime de Cicéron ; mais, du moins, et je me plais à le croire, elles ont sans cesse présents à la pensée le grand nom et le glorieux exemple d’une fille qui sauva la France, et qui couronna par le martyre la vie la plus chaste et la plus héroïque.

Indignes détracteurs, silence ! Jeanne d’Arc, la pucelle d’Orléans, avait été fille de cabaret.

Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 6 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 

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La femme adultère

Posté par francesca7 le 22 mars 2013

La femme adultère

par

Hippolyte Lucas

~ * ~

 

                                    Allez en paix et ne péchez plus.

La femme adultère dans HUMEUR DES ANCETRES fille1ON disait un jour devant une femme spirituelle que tromper son mari commençait à devenir bien vieux au théâtre, et que les auteurs devraient renoncer à ce moyen.

« Que voulez-vous ? répondit-elle malicieusement, c’est une chose aussi ancienne que le monde, et qui durera autant que lui. Le théâtre est l’expression de la société. »

Beaucoup de femmes se persuadent, en effet, que l’adultère est un corollaire du mariage ; elles se figurent n’avoir pas eu une existence complète si elles ne se sont, pour ainsi dire, élevées à leurs yeux du rang d’épouses à celui de maîtresses, comme à un degré supérieur dans l’échelle des passions.

L’adultère ! nous venons d’écrire là un mot qui se prononce rarement, même en ce temps, où la chose est si commune, et que l’on tient même pour un mot de mauvaise compagnie ; mais qu’il nous soit permis de l’employer. Ce mot, le désespoir des gens du monde, doit faire le bonheur des étymologistes. Aucune expression ne porte mieux son idée. Adultère vient d’un verbe latin qui signifie altérer, et rien n’altère, en effet, davantage les choses et les sentiments.

L’adultère ! quelle école d’hypocrisie et de dol ! il fait des femmes autant de Machiavels au petit pied. Non contentes d’introduire dans leur famille une bande de jeunes Lacédémoniens, si nous pouvons nous exprimer de cette façon, lesquels, comme habitués au vol dès leur naissance, s’en viennent enlever une part d’héritage aux légitimes enfants, elles vivent dans un état de dissimulation qui corrompt les bons instincts du coeur, et dégrade les meilleures natures. La pudeur s’y perd en même temps que la probité ; le mensonge s’incarne dans leur chair et dans leurs os, et plus elles ont d’égards, plus elles ont de torts ordinairement envers leurs maris ; elles passent avec leurs consciences de misérables transactions. A quel degré de mauvaise foi la femme qui manque à ses serments d’épouse arrive presque à son insu ! Chez elle le sens moral s’abolit peu à peu.

Voyez-la d’abord redouter en public la vue de son amant : ses joues se couvrent de pourpre aussitôt qu’un nom trop cher est prononcé, surtout en présence de son maître légitime ; elle croit qu’on aperçoit sur ses lèvres la trace de coupables baisers ; elle tressaille à toute heure comme si elle était devant un juge ; elle marche en baissant les yeux. Mais bientôt son front désapprend à rougir, ses nerfs se calment, son pas s’affermit, ses yeux s’enhardissent : elle a plus d’assurance que la vertu la plus éprouvée. Elle attire alors son complice sous le toit conjugal, il prend place à sa table, à son foyer. Elle cimente effrontément, entre cet homme et celui qu’elle déshonore, une amitié perfide. Il n’est sorte de bassesses auxquelles l’un et l’autre ne soient prêts pour cela, car l’adultère avilit jusqu’à l’amant, qui devient l’humble serviteur d’un homme détesté par lui. Écoutez leurs projets. Ils s’étudient à renouer le bandeau sur les yeux de la victime dont ils se raillent en secret. Un jour on substituera des lettres respectueuses, lettres officielles, aux billets mystérieux et passionnés de l’amour ; une autre fois un dédain affecté étouffera les germes d’un soupçon, et la réconciliation sera obtenue par le mari lui-même, à quel prix, grand Dieu !

Allons plus loin.

Cette femme, si réservée jusqu’alors, qui paraissait la plus chaste des mères, que déconcertait la moindre expression équivoque, qui se faisait une loi d’une économie austère, cette divinité du toit domestique se métamorphosera en bacchante échevelée, pendant que son mari consumera en longs travaux ses jours et ses nuits pour qu’elle puisse mener une existence décente et s’entourer de toutes les délicatesses de la vie intérieure ; elle se livrera aux joies prodigues de la courtisane, elle dépensera en folles aventures quelquefois le pain de sa famille, sans avoir le sentiment de sa dépravation. Comparez-la à ces autres femmes plus honnêtes qu’elle au fond, à ces femmes sans nom qu’un spirituel écrivain vous a dépeintes, et qui se donnent à tous sans faire tort à personne, elle criera à l’infamie, elle qui en est venue à mépriser son mari en raison même des affronts qu’elle lui fait.

Entrons plus avant dans ce sujet.

L’adultère n’est pas moins fâcheux pour les enfants que pour le mari : voilà souvent la cause des préférences ou des antipathies cachées. Tantôt les enfants du mari sont sacrifiés à ceux de l’amant ; tantôt les êtres malheureux nés d’un attachement passager, rompu avant leur naissance, se trouvent considérés comme un funeste résultat ; heureux si, conçus dans des circonstances périlleuses, ils ne font pas naître la pensée d’un autre crime, et si le sein qui les porte ne devient pas leur tombeau ! On voit quelles sont les honteuses et coupables suites de l’adultère, et combien une femme a lieu de s’en garder, si peu qu’elle ait de réflexion ; mais beaucoup de femmes manquent de réflexion.

Donnons un trait de plus à ce sombre tableau.

L’adultère engendre l’adultère. La femme une fois lancée dans cette route tortueuse ne peut plus s’arrêter. On croit n’être qu’une femme sensible en cédant à une première affection : cette affection brisée, et toujours elle se brise, on a besoin de la remplacer. Le vide du coeur ne se supporterait plus. D’ailleurs on cherche à s’étourdir sur une déception. L’amour-propre engage à oublier un amant infidèle, et surtout à lui prouver qu’on ne le regrette pas, et qu’un consolateur n’a pas manqué : on devient femme galante. Quand le remords n’entrave plus les pas, et le remords, comme une herbe gênante, est bien vite arraché du chemin de l’adultère, la pente est facile à descendre, les intrigues se multiplient, se découvrent ; il faut quitter sa famille, son pays, aller cacher sa honte dans quelque grande ville où l’on finit, faute d’appui naturel, par s’abaisser au rang de femme entretenue, à moins que le suicide ne l’emporte sur la prostitution. Nous posons en principe qu’il est, pour une femme, plus difficile de n’avoir eu qu’un amant que de n’en pas avoir eu du tout. Lorsqu’il s’échappe un grain du collier de sa vertu, les autres ne sont pas longs à défiler. Dans quels bras tombe-t-elle encore ! Le goût se perd en même temps que la pudeur. Où donc est la femme adultère qui n’a pas ses moments de vertige, et qui, comme la Titania de Shakespeare, n’entoure de ses bras caressants une tête d’âne aux oreilles velues.

fille2 dans LITTERATURE FRANCAISECependant le moraliste le plus sévère ne pourrait se dispenser de faire valoir les circonstances atténuantes servant parfois d’excuse à la femme soumise, il faut le dire, à de trop rudes épreuves pour sa faiblesse, et laissée au dépourvu. Ce serait injuste de ne pas présenter la défense de la partie adverse ; ce serait d’autant plus mal à celui qui écrit ces lignes, que sa plume ne s’est pas toujours montrée si rigoureuse en un pareil sujet. Dans un état social comme le nôtre, où les mariages consultent rarement les inclinations, où la fortune plus que l’amour procède à l’acte le plus important de la vie, il arrive inévitablement que le défaut de sympathie se remarque en un jour. On essaye de se résigner chrétiennement à son sort ; mais les reproches, les querelles, les ennuis, naissent de toutes parts. Alors paraît intolérable un intérieur où gronde un orage perpétuel. De la nécessité de supporter quelqu’un qui déplaît à l’espérance de trouver le repos sous l’abri d’une liaison étrangère toujours à proximité, il n’y a pas un grand écart pour la pensée ; et la vertu attaquée, minée en secret plus encore par la rudesse de l’époux que par les prévenances de l’amant, succombe après de longs combats. La faute en est souvent à l’inconséquence des parents, qui vendent en quelque sorte leur fille au premier venu, lorsque ce premier venu s’appelle un parti. La faute en est encore à l’imbécillité des maris.

Le mariage étant une des choses les plus importantes de la vie, il serait bon d’y regarder de près, et, par une bizarrerie incroyable, la plupart des hommes donnent plus de soins aux bagatelles les plus fugitives qu’à cette indissoluble convention, dans laquelle pourtant ils mettent leur honneur. Quelques personnes timorées ont pensé que les railleries jetées par la comédie à la tête des maris trompés attaquaient la société par sa base, en dégradant l’institution du mariage. Ces âmes honnêtes sont tombées dans une grande erreur. Il n’y a pas d’autre contre-poids à la cupidité qui préside si souvent au choix d’une femme. Ces sarcasmes mis dans le plateau de la balance l’emportent quelquefois sur le caprice et l’amour-propre, et empêchent un homme de compromettre dans une union mal assortie le bonheur d’une existence entière. La comédie est donc dans son droit, ainsi que le monde, en se moquant des disgrâces des époux, et les plaisanteries dont certains esprits délicats s’offensent n’en possèdent pas moins une très-haute valeur morale ; elles ne cesseront pas même d’amuser tant qu’il y aura des maris trompés en France, pays classique en ce genre, c’est-à-dire jamais.

On compte au répertoire du Théâtre-Français cinq cents pièces où les maris se trouvent plus avancés que le Sganarelle de Molière, ce Sganarelle qui ne se plaint que d’un mal imaginaire. Molière surtout a su allier une profonde philosophie à la liberté du théâtre. Lorsqu’on le lit avec attention, on comprend quelle haute idée il s’était faite du mariage, et jusqu’à quel point il le voulait basé sur la sympathie des caractères et sur les convenances sociales ; en deux mots, sur l’amour et sur la raison. Toutes ses plaisanteries ne tendent qu’à se moquer de ceux qui, comme Arnolphe ou Georges Dandin, s’exposent à de fâcheuses conséquences en bravant les plus simples lois du bon sens. Vouloir lier sa destinée entière à un être dont on contraint le penchant, n’est-ce pas mériter d’être puni ? sacrifier à des intérêts d’argent ou de vanité son repos domestique, n’est-ce pas appeler sur soi les sarcasmes des hommes ? Voilà ce qui ressort de toutes les comédies de Molière.

Le drame sentimental est cent fois plus pernicieux aux bonnes moeurs que ces franches saillies de Molière, qui ne tirent pas à conséquence : lorsqu’on colore le mal avec des semblants de passion, on le rend plus capable de séduire qu’en l’exposant dans sa nudité. Les transports romanesques, les rencontres fatales, les faiblesses involontaires ou repentantes, toutes les ressources du jargon passionné, ne font que donner au vice un prétexte de prendre des airs de vertu. Croit-on, pour ne citer qu’un exemple, que dans Misanthropie et Repentir, Madame de Meinau, sur les malheurs de laquelle l’on verse tant de larmes, offre un bien digne et bien sage modèle ? Ne pourrait-on pas inférer de cette pièce de Kotzebuë que, pour recouvrer une honorable position dans le monde, après avoir trahi son époux et abandonné ses enfants, une femme n’a besoin que de se repentir.

On peut diviser la classe des femmes parjures en trois catégories, selon que le coeur, l’esprit ou les sens, ont jeté ces dames hors du mariage. La première classe est celle que les romanciers ont adoptée, et qu’ils se sont plu à revêtir de toutes les séductions de leur talent. Ils ont décrit avec une extrême complaisance les luttes de la passion et du devoir ; ils ont enchâssé comme des diamants les larmes tombées des yeux de ces tendres coupables, sans trop s’inquiéter du danger de leurs peintures sentimentales. Il y a, en effet, un charme dans ces douleurs, et plus d’une faible épouse, en possession d’un honnête homme fort empressé de lui plaire, s’est mise à se créer de chimériques infortunes afin d’arriver au romanesque état de ces héroïnes ; elle s’est abandonnée à des caprices d’imagination, qui sont dégénérés à la longue et véritable catastrophe pour son époux. Un des effets les plus lugubres et les plus déplorables de la littérature moderne, et nous avons tous contribué à ce désordre, il faut en convenir, c’est qu’elle a peuplé la France d’une foule de femmes incomprises, que leurs maris arrivent à ne comprendre que trop. La femme dont nous venons de tracer le portrait, soit qu’un intérieur pénible, ou qu’un désenchantement imaginaire l’ait rendue infidèle, conserve une apparence de réserve et de candeur.

La seconde catégorie renferme la femme dont le manque de foi est inexcusable, la femme adultère par excellence. La trahison est pour elle une occupation d’esprit, un besoin de ruse, d’activité, de mouvement, un véritable plaisir. La créature décevante dont parle Figaro, et de qui l’instinct est de tromper, se montre ici dans tout son éclat. Recevoir des billets galants, en écrire, se ménager des rendez-vous, courir mille risques, compromettre jusqu’à sa vie, voilà un jeu pour son génie inventif. La vanité la guide la plupart du temps. Elle aime à ravir, par exemple, à une de ses amies (car ce sont ses amies qu’elle choisit de préférence pour victimes) les attentions d’un homme à la mode ; elle est tranquille sur le résultat de ses amours. Sa progéniture, quelle qu’elle soit, est traitée également : la même indifférence, la même négligence règne pour tous. Une nourrice élève ses enfants jusqu’au moment où le collége les reçoit. La sécheresse de l’esprit a remplacé les entraînements du coeur et les erreurs de l’imagination. Elle admet avec une facilité extraordinaire les paradoxes au moyen desquels on a essayé de justifier les atteintes portées au mariage ; elle s’en amuse avec ses amants. On lui accorderait plusieurs maris, comme à certaines femmes de l’Asie, que cela ne la satisferait pas. L’intrigue n’y serait plus, c’est l’intrigue qui lui plaît avant tout.

Comment déterminer d’une manière précise la variété qui comprend la troisième catégorie de notre division ? Il est encore de nos jours plus d’une Abisag, vierge charmante condamnée à la couche de quelque David énervé ; il est des Héloïses renfermées dans le sanctuaire conjugal, ainsi que dans un cloître austère, et forcées de revêtir leur corps jeune et ardent du cilice de la mortification. Combien enfin de belles fleurs, l’amour et le désir des jeunes gens, qu’on voit flotter sur la surface du mariage, ainsi que des nénuphars sur des eaux solitaires et tièdes ! Ces belles mariées, sans maris, vivront-elles toujours dans un veuvage auquel la loi actuelle les enchaîne impitoyablement ? Non, assurément. Elles trancheront le noeud gordien avec l’épée d’Alexandre ! A-t-on trop le droit de les blâmer ?

L’adultère est un canevas qui est le même partout, mais que chaque pays brode à sa façon. Nulle part il ne s’étale avec plus de liberté qu’à Paris : voilà sa patrie. Si l’adultère n’avait pas existé depuis la création, Paris l’aurait inventé. C’est là qu’il est à l’aise, qu’il se pavane, et qu’il relève sa tête, humblement baissée en province. Vous le voyez marcher bras dessus bras dessous avec le mariage, qui lui sert quelquefois de patron ; vous le coudoyez à chaque pas que vous faites sur les boulevards ; il vous couvre de flots de poussière au bois ; il s’accoude sur le velours de la meilleure loge de nos théâtres ; il affectionne surtout le drame moderne, créé en son honneur ; il sépare la femme du mari, auquel il envoie des lettres de faire part lors de la naissance de son enfant ; il ose demander à l’époux s’il veut en être le parrain : mais l’adultère ainsi audacieux et consenti, l’adultère officiel perd le prestige du mystère. Détournons les yeux de ces ignobles tolérances, de ces marchés scandaleux. L’adultère, le véritable adultère, digne de son nom, se maintient toujours dans des conditions de silence et de dissimulation. Il sait ce qu’il est : il a honte de lui.

De quelle façon, me dites-vous, se pratique l’adultère ? Contez-nous-le, si vous le savez. Peignez-nous l’adultère de bon ton, l’adultère bourgeois, l’adultère chez le peuple.

Vous le voulez ? Eh bien ! voyons :

Remarquez ce fiacre (un fiacre, notez cela) traversant quelque rue silencieuse et écartée ; il se dirige, avec des stores hermétiquement fermés, vers une maison discrète qui semble se cacher au milieu des autres. Le véhicule numéroté s’arrête devant une petite porte qui s’ouvre d’elle-même : au premier étage, derrière des persiennes entr’ouvertes, un blond jeune homme, aux cheveux bouclés, aux petites moustaches frisées, avance le cou imprudemment, et vous qui passez là par hasard, revenant de visiter une vieille parente, vous avez surpris un regard de femme parti du fiacre et adressé au joli garçon, dont la tête s’est retirée de la fenêtre avec précipitation. Un peu de curiosité fait que vous vous retournez : soudain, légère comme une sylphide, une gracieuse femme, coquettement habillée, s’élance de la voiture, en effleurant à peine le marchepied. Un voile d’un tissu serré enveloppe son chapeau. Elle a passé comme l’éclair, et la porte s’est refermée promptement sur elle. Bien qu’à deux pas, à peine avez-vous pu distinguer sa taille souple et son pied mignon que vous croyez avoir vu descendre d’un brillant équipage aux Bouffes et à l’Opéra. Vous êtes sûr que cette femme est des plus élégantes, et des mieux titrées. Elle a jeté dans l’air en passant des parfums comme la divinité de Virgile. Recueillant alors vos souvenirs, vous vous rappelez qu’un soir au théâtre vous avez observé des signes d’intelligence entre ce blond jeune homme qui vous est bien connu et l’une de nos femmes à la mode les plus adorées. Soyez discret, je vous en prie, c’est la grande dame adultère !…

Pour quoi donc, visiteur malencontreux, êtes-vous allé chez la femme de cet agent de change, de ce négociant, de ce banquier votre escompteur, à l’heure de la Bourse et des affaires ? Vous avez trouvé madame assise dans son boudoir, car les femmes d’agent de change, de négociant, de banquier, ont toujours des boudoirs : elle sort du bain ; elle a pour toilette un simple peignoir de mousseline claire retenu par une ceinture qui dessine sa taille, et laisse apercevoir, à travers la transparence du corsage, des chairs blanches et rosées. Son pied, un peu large, est enfermé dans une babouche turque. Ses cheveux, négligemment tournés, retombent en boucles sur son cou. Mollement inclinée sur un divan, elle tient un livre pris soudain à votre arrivée, et qui paraît l’occuper beaucoup. Ce livre est donc bien agréable ; est-ce un nouveau roman de George Sand ? D’où vient que la belle lectrice semble si contrariée de votre présence ? Vous jetez un coup d’oeil à la dérobée sur cette oeuvre attachante, c’est unTélémaque ou un Robinson Crusoé, laissé sur le divan par un fils, jeune collégien de beaucoup d’espérances. Voilà qui est étrange ! Si vous avez la maladresse de vous asseoir et d’engager une longue conversation sans vous apercevoir de la mauvaise humeur avec laquelle on vous répond, vous ne savez pas vivre, permettez-moi de vous le dire. A un coup de sonnette qui ne tardera pas, vous verrez la lèvre supérieure de votre interlocutrice s’avancer sur la lèvre inférieure, et son sourcil se froncer ; puis on introduira un grand beau brun, dont vous aviez déjà soupçonné les assiduités dans quelques soirées : c’est lui qui tourne la musique au piano. On recevra ce jeune homme comme un étranger, avec une froideur de glace. Si vous m’en croyez, partez au plus vite ; vous êtes de trop chez la bourgeoise adultère.

Voulez-vous connaître à présent les grandes causes qui ont provoqué l’infidélité de ces deux femmes ? C’est un noeud de ruban tombé dans un bal du sein de la baronne, et furtivement relevé par le jeune homme aux blonds cheveux, ce même noeud qu’on faisait entrevoir discrétement placé sur le coeur pendant que Rubini roucoulait mélodieusement Il mio tesoro…. C’est un succès colossal obtenu par le beau brun, premier clerc de notaire, aux soirées de la femme du banquier, avec les chansonnettes de mademoiselle Loïsa Puget ou de M. Amédée de Beauplan.

Reste la femme du peuple. Celle-là aime à cueillir avec un jeune ouvrier des bluets dans les blés, ou à s’égarer dans les bois de Romainville et de Meudon, le dimanche, tandis que son mari garde les enfants lassés. Mais l’adultère est avant tout un fils de l’oisiveté et de l’ennui ; il a moins de prise sur cette classe laborieuse, où le travail entretient l’honneur. Chez la femme du peuple, l’adultère a été souvent le fruit de la violence. La femme du peuple s’est vue longtemps en proie à la débauche des grands. Qu’on se rappelle les mystères du Parc-aux-Cerfs. Des historiens un peu aventureux ont cherché à démontrer, à ce propos, l’heureuse influence de l’adultère sur la civilisation moderne. Ces singuliers philosophes ont prétendu que l’adultère, comme un rat, a rongé les mailles de l’énorme filet  aristocratique par lequel le peuple était emprisonné, c’est-à-dire que les faiblesses des grandes dames, et les convoitises roturières des grands seigneurs, en mêlant un sang vulgaire au pur sang des ducs et des princes, ont porté un coup mortel à l’hérédité des priviléges, et détruit aux yeux des nations les illusions de la noblesse et de la royauté.

filleIl ne nous siérait pas d’agir ici la grave question du divorce, palliatif insuffisant lui-même à ce fléau qui dévore les familles comme une lèpre secrète, et contre lequel les lois n’ont pas de remède ! La loi ne répare le mal que quand il est fait. Il n’y a que l’exemple des bonnes moeurs et la résignation qui puissent avoir quelque efficacité. Cependant il est bon de rappeler que, dans tous les temps, la femme adultère a été rigoureusement punie, parce que le repos des sociétés est fondé sur le mariage. Les Hébreux la lapidaient avant que le Christ eût dit qu’il fallait être sans péché pour lui jeter la première pierre ; les Grecs et les Romains la condamnaient à la flétrissure publique, à la déportation. En France, on la privait autrefois de sa dot et de ses conventions matrimoniales, puis on la reléguait dans un monastère ; de plus, on la fouettait dans les rues : mais on renonça bientôt à cet infâme traitement, de peur, dit avec naïveté un écrivain, que cet affront n’empêchât les maris de reprendre leur femme, comme Ménélas reprit la sienne après qu’elle eut passé dix années en pérégrination. Maintenant le mari, dans certaines circonstances, a droit de vie et de mort sur sa femme ; il ne tient qu’à lui d’user de l’article 137 du code pénal, article ainsi conçu : « La femme convaincue d’adultère subira la peine de l’emprisonnement pendant trois mois au moins, et deux ans au plus. » Le mari peut toujours arrêter cette condamnation, car le crime d’adultère chez nous est considéré comme privé, quoiqu’il soit souvent excessivement public.

La loi française contre l’adultère a été faite évidemment par des maris trompés, s’il faut dire la vérité : tout y est contre les femmes et rien en leur faveur. L’épouse convaincue d’infidélité est punie d’un emprisonnement qui peut s’élever jusqu’à deux années. Le mari qui entretient une concubine, et encore faut-il qu’il l’ait fait entrer chez lui, n’est passible que d’une simple amende. Le Code accorde en quelque sorte au mari outragé le droit de venger de ses propres mains l’affront qu’on lui fait lorsqu’il en est témoin ; le code se tait à l’égard de la femme qui surprendrait dans le lit conjugal une maîtresse de son mari. En présence d’une pareille législation est-il donc étonnant que les femmes, qui, si elles ne règnent pas sur les codes, règnent sur l’opinion, compensent par un peu de ridicule l’inégalité des peines ? aussi rit-on généralement des maris malheureux.

L’adultère, du temps de Faber, était considéré comme une espièglerie de société. Notre société n’est pas moins espiègle que celle d’alors, et l’on pourrait se plaindre, comme les anciens auteurs, de ce que cet amusement est trop fréquent dans le royaume.

Aristote raconte avec naïveté que dans les eaux du Phase il croissait de son temps un petit arbuste dont un rameau, cueilli par l’époux et caché dans le lit conjugal, rendait la femme chaste. Excellent Aristote ! où donc est-il ton rameau ? Il s’en est allé avec ta Poétique ; car l’on ne conserve pas plus le coeur de sa femme avec ce procédé, qu’on ne fait de bonnes tragédies au moyen des tes maximes dramatiques. L’heureux choix, la sympathie, les soins constants, voilà les meilleures sauvegardes de l’honneur d’un mari.

Montaigne, ce profond esprit, qui a si bien résumé la sagesse antique, a écrit dans ses Essais quelques lignes belles, nobles et engageantes, dans lesquelles le mariage est bien dignement apprécié. Nous voulons terminer par ces lignes cette physiologie de la femme adultère, afin de faire excuser, en faveur du but où nous arrivons, les sinuosités du chemin que nous avons été obligé de parcourir avec quelque liberté. « C’est une douce société de vie, dit-il, que le mariage, plein de fiance et d’un nombre infini de bons et loyaux services et obligations mutuelles : à le bien façonner, il n’en est point de plus belle dans la société ; aucune femme qui en savoure le goût ne voudrait tenir lieu de simple maîtresse à son mari. »

Heureux ceux dont la vie peut prendre pour épigraphe la phrase de Montaigne, et pour lesquels le mariage est cette fidèle union qui consola nos premiers parents de la perte de l’immortalité.

 

SOURCE : Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 3 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 

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