• BONJOUR A TOUS ET

    bienvenue (2)

     CHEZ FRANCESCA 

  • UN FORUM discussion

    http://devantsoi.forumgratuit.org/

    ............ ICI ............
    http://devantsoi.forumgratuit.org/

  • téléchargement (4)

  • Ma PAGE FACEBOOK

    facebook image-inde

    https://www.
    facebook.com/francoise.salaun.750

  • DECOUVERTES !

    petit 7

  • BELLE VISITE A VOUS

    aniv1

    PETITS COINS DE PATRIMOINE QUI SERONT MIS EN LUMIERE AU DETOUR DE NOTRE REGION DE FRANCE...

  • Cathédrale St-Etienne-Auxerre

    St-Etienne Cathédral, Auxerre

    « La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel. Elle a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques. Elle s’arrête là où commence l’hypothèse, sur le plan des reconstitutions conjecturales, tout travail de complément reconnu indispensable pour raisons esthétiques ou techniques relève de la composition architecturale et portera la marque de notre temps. » citation Charte de Venise, art. 9, ICOMOS, 196.

  • M

    JE SUIS ORIGINAIRE MOI-MEME DE LA BOURGOGNE....

  • FRANCE EN IMAGES

    G

    « Un monument restauré traduit les connaissances, les ambitions, les goûts, non seulement du maître d’oeuvre mais aussi du maître d’ouvrage : c’est le vrai révélateur de l’appréhension des édifices par une génération donnée, qui leur permet de reconnaître pour sien un édifice centenaire. » citation de Françoise Bercé.

  • amis

  • Méta

  • amis

  • Architecture Française

    5

  • Artisanat Français

    1

  • A

  • amour-coeur-00040

  • montagne

    Tout devient patrimoine : l'architecture, les villes, le paysage, les bâtiments industriels, les équilibres écologiques, le code génétique.

  • 180px-Hlézard1

  • Patrimoine Français

    3

    Citation sur la France.
    !!!!
    La France, je l'aime corps et biens, en amoureux transi, en amant comblé. Je la parcours, je l'étreins, elle m'émerveille. C'est physique. Pour l'heure, c'est le plus beau pays du Monde, le plus gracieux, le plus spirituel, le plus agréable à vivre. En dépit de ses défauts, le peuple français a des réserves inépuisables de vigueur, d'astuce et de générosité. j'écris cela en toute connaissance de la déprime qui périodiquement enténèbre nos compatriotes. Ils ont une pente à l'autodénigrement, une autre au nihilisme. Je suis français au naturel et j'en tire autant de fierté que de volupté. J'ai pour ce vieux pays l'amour du preux pour sa gente dame, du soudard pour la servante d'auberge, de l'érudit pour ses grimoires, du paysan pour son enclos, du bourgeois pour ses rentes, du croyant des hautes époques pour les reliques de son saint patron... J'ai la France facile, comme d'autres ont le vin gai ; je l'ai au coeur et sous la semelle de mes godasses. Je suis français, ça n'a pas dépendu de moi et ça n'a jamais été un souci. Ni une obsession. Toujours un bonheur...

    Dictionnaire amoureux de la France - Denis Tillinac.

  • a bientot

  • Accueil
  • > Archives pour le Mercredi 20 mars 2013

La portière du 19ème siècle

Posté par francesca7 le 20 mars 2013

La portière

par

Henri Monnier

~ * ~

La portière du 19ème siècle dans ARTISANAT FRANCAIS la-portiere-170x300QUAND nous venons au monde, nous autres modestes enfants de Paris, peu de personnes assistent à notre arrivée : ce sont ordinairement l’accoucheur, la garde et la portière de la maison où nous avons reçu le jour. La servante, si la dame du lieu ne fait pas elle-même son ménage, va, vient ; tourne et rattourne de la cuisine à la chambre à coucher, de la chambre à coucher à la cuisine, et le mari n’est jamais là.

Toutes les formalités usitées en pareil cas une fois terminées, le sexe du petit bonhomme bien et dûment constaté, on le purifie, on l’empaquette, on le ficelle, on le reficelle, on lui brise bras et jambes pour qu’il occupe le moins de place possible dans ses langes ; puis on le présente à la maman, qui le reçoit des mains de la garde. Le docteur, dont les soins ne sont plus nécessaires, plie bagage, tire sa révérence, et la portière reprend le nouveau-né, l’inonde de caresses, l’humecte de baisers, et lui voue, à dater de ce jour, une affection des plus vives, un dévouement sans bornes.

Cette affection des plus vives, ce dévouement sans bornes, s’étendent à tous ceux et celles qu’elle accolada à leur venue dans cette vallée de larmes et de misère. Le temps, qui détruit tout, ne diminuera pas cette tendresse ; il ne fera, au contraire, que l’augmenter, que l’accroître, que l’embellir ; jamais elle ne sera payée d’ingratitude : de tout temps le Parisien aima sa portière. J’ai beaucoup aimé la mienne, vous devez avoir aimé la vôtre ; vous l’aimerez, je l’aimerai, nous l’aimerons toujours. Aussi cette haine que, dans un âge plus avancé, nous portons aux autres femmes de sa condition, bien que fort injuste, est-elle une conséquence toute naturelle de cet amour exclusif que nous conçûmes pour la première.

Le portier est plutôt l’homme à la portière, car pour être digne du titre dont il se pavane, il faudrait qu’il partageât les charges et les bénéfices de l’emploi ; et il ne les partage pas. C’est un être à part, un monsieur singulier, comme l’appelle sa compagne dans ses rares accès de gaieté, une espèce de tailleur en vieux. Autant Humann met d’élégance dans sa coupe, autant le portier se distingue par l’inexpérience, la maladresse et la pesanteur de ses ciseaux.

C’est quelquefois encore un cordonnier obscur, qui, au sein même de la capitale, s’est créé des habitudes orientales ; il ne fait rien, le sans coeur, ou si peu, qu’il vaudrait mieux cent fois qu’il restât au lit la majeure partie de la journée. Il tousse, mouche, crache et graillonne à faire tourner le boire et le manger des locataires, dont il a l’impudeur de lire le premier les journaux, puis il humera le jus d’une pipe archiculottée, le nez perdu dans les fonds d’une vieille souquenille rapiécée et rapiéceras-tu, se démettant en faveur de sa moitié de la totalité des ennuis et des tracas de l’association conjugale.

Madame, que nous appellerons la maman Desjardins, est d’une nature diamétralement opposée à celle de son triste époux ; vive, preste, alerte et proprette, elle fait tout par elle-même, porte les culottes, se moque du qu’en dira-t-on, et, depuis son mari jusqu’au locataire le plus huppé, mène à la baguette toute la maisonnée.

A seize ans elle vint du fond de la Bourgogne à Paris retrouver une soeur aînée de son papa, depuis longues années en service auprès d’un vieux garçon vicieux. Son arrivée ne causa pas à la tante un sensible plaisir, elle n’était pas fine, tant s’en fallait qu’au contraire, mais comme tant d’autres elle avait cet instinct naturel, ce gros bon sens, qui longtemps nous font pressentir à l’avance que tel ou tel individu nous sera plus ou moins nuisible ou désagréable. Elle ne tarda pas toutefois à voir ses prédictions se réaliser. Le lendemain à son déjeuner, M. Bournichon demanda à sa gouvernante des nouvelles de l’enfant, comment elle avait passé la nuit, si le séjour de la capitale semblait devoir lui convenir ; il lui adressa cent autres questions encore qui toutes prouvaient jusqu’à l’évidence que déjà la petite ne lui était pas indifférente.

Sa barbe avait été faite en se levant, ses oreilles étaient brûlantes, sa langue épaisse, son regard hébété. Il était sûr et certain que Bournichon n’était plus dans son assiette ordinaire et qu’un notable dérangement d’idées venait de s’opérer dans son imaginative. Il tourna quelque temps encore autour de la question, puis enfin l’aborda en témoignant le désir de voir immédiatement la jeune personne.

La position de la pauvre femme en cette occurrence était des plus critiques : devait-elle la faire venir, ou ne le devait-elle pas ? elle le fit. M. Bournichon se contint, et se renferma dans les limites de la bienséance ; seulement ses regards se portèrent plusieurs fois avec trop de complaisance peut-être sur la petite : au demeurant, il fut très-convenable. Le coup n’en était pas moins porté, la malheureuse tante connaissait le pèlerin, elle savait qu’il ne fallait pas le heurter, qu’il était prudent de ménager et la chèvre et le chou. Elle fit bonne contenance, elle patienta tant bien que mal ; mais une fois le déjeuner terminé, elle fit passer la fille de son bétât de frère devant elle, l’enferma dans sa chambre, endossa son tartan, prit son sac et ses socques, et le soir même elle avait fait maison nette. Petite nièce à sa tante était entrée à l’autre bout de Paris, en qualité de bonne d’enfants, chez une jeune dame dont le mari était aux colonies.

Pour jolie, la petite ne l’était pas, mais elle avait ce que nous appelons la beauté du diable, les plus belles dents du monde, beaucoup de fraîcheur, seize ans, et M. Bournichon en avait soixante-sept bien sonnés.

Depuis le jour où sa tranquillité fut compromise, la compagne du vieux garçon ne fila plus qu’un bien mauvais coton, ses digestions devinrent laborieuses, son sommeil était agité, les âmes charitables du voisinage l’entretenaient dans ses sombres pensées en lui demandant à tout bout de champ des nouvelles de la petite. Bournichon, de son côté, devenait de plus en plus exigeant. Cet état de choses ne pouvait durer longtemps, aussi ne dura-t-il pas, et un beau matin, au moment où elle y pensait le moins, elle prit congé de la compagnie.
 
Bournichon fut médiocrement affecté de la perte de sa Babet, elle lui était devenue odieuse, intolérable ; il remua ciel et terre pour connaître la demeure de la petite que la défunte avait eu bien soin de tenir cachée ; il y parvint néanmoins, la fit venir, lui proposa d’en faire sa compagne, elle accepta. Deux mois après, Bournichon s’en fut rejoindre la pauvre Babet, il laissa à sa nièce peu de chose à la vérité, mais assez encore pour tenter la cupidité du sieur Desjardins.

Peut-être le défunt valait-il mieux que sa réputation, toujours fut-il qu’en sortant de chez lui sa jeune gouvernante aurait trouvé difficilement à s’établir, le monde est si méchant ! Aussi, quand le futur se présenta, elle le prit au mot, dans le seul but de se créer une position.

Le mariage était à peine consommé, que maman Desjardins s’aperçut, mais un peu tard, de la boulette qu’elle venait de faire. Cet homme qu’elle avait paré de toutes les richesses de son imagination, tomba tout à coup à bas du piédestal qu’elle s’était plu à lui élever ; dès ce moment elle ne vit en lui que ce qu’il était réellement, un grotesque, un brutal, un cynique sans bouche ni éperons, aux lieu et place d’un lancier, d’un tambour-major qu’elle avait rêvés. Elle se prit aussitôt à le détester, et le détesta de toutes les forces de son âme.

L’histoire de ma portière n’a rien de bien extraordinaire, de bien merveilleux ; je l’ai contée parce que son histoire, comme elle me l’a mille fois répété, est la celle à toutes les autres…. de portières.

Toutes les dames commises à la garde d’une maison sont en général d’anciennes cuisinières, d’ex-femmes de charge, qui ont appris à tirer le cordon dans les longues et interminables séances qu’elles ont faites dans la loge. Un héritier qui veut épargner à la mémoire de son parent un reproche d’ingratitude, à sa bourse une modique pension viagère, mettra à la porte, sans calembour aucun, l’ex-gouvernante du défunt.

Il en est au reste du métier, de la profession, de l’état de portière, comme de tous les états, de toutes les professions, de tous les métiers en général ; tous ont leur bon et mauvais côté ; il y a dans celui-ci beaucoup de mal à se promettre, sans doute, il ne faut pas se le dissimuler ; mais aussi combien de compensations ! La portière ne règne-t-elle pas en souveraine des plus despotes sur tous les habitants de la maison, n’importe le rang, l’âge, le sexe et la classe à laquelle ils appartiendront ? Tous ne sont-ils pas soumis à ses lubies, à ses moindres caprices ? N’est-elle pas le factotum, le bras droit, le conseil du propriétaire ? N’est-ce pas elle qui perçoit les loyers, qui fait les rapports, donne et provoque les congés, qui dispose des caves, des greniers et des appartements ? Il y a à Paris deux mille maisons que je pourrais citer, que je ne citerai pas, mais dans lesquelles en dix ans on n’a pas vu une seule fois le propriétaire ; souvent même on ignore complétement s’il est homme ou femme, jamais, au grand jamais, on ne s’en est occupé.

Tout ce qui se présente à la reine de la loge ne l’aborde jamais que le chapeau à la main ou la main au chapeau. Le jour de la fête de la Vierge, sa patrone, sa demeure ne peut contenir les fleurs et les bouquets dont elle est assaillie ; au renouvellement de l’année combien de cadeaux, de douceurs de toute espèce ; c’est à n’en plus finir.

Et les fournisseurs, quel intérêt immense n’ont-il pas à se maintenir toujours au mieux avec madame Desjardins ! Si le boucher manque un seul instant, un seul, à son devoir : N’allez jamais chez c’t’ homme-là, dira-t-elle à un nouveau locataire, c’est un fichu boucher ; sa viande est gâtée, il vend à faux poids, sa femme est haute comme le temps, elle vous agonisera de sottises. A-t-elle à se plaindre du boulanger : Gardez-vous, comme de la peste, de prendre vot’ pain dans c’te maison-là, c’est des gens mal propres qu’il n’y a pas leurs pareils ; ils vous ferons manger des cris-cris. Si la fruitière a eu le malheur de traverser la rue sans la voir : Vous ferez bien de ne jamais entrer chez cette femme-là ; elle est si mauvaise qu’elle vous allongera une paire de soufflets si vous avez le malheur de marchander la moindre des choses ; ça ne pèsera pas eune once. Ainsi de suite, tout le monde aura son paquet.

Ne croyez pas que la portière n’ait pas aussi ses petits moments de distraction, elle n’est pas toute l’année à l’attache ; je me plais cependant à lui rendre cette justice, elle sort rarement, mais encore sort-elle quelquefois. Et qui la remplace ? les vieilles béguines qui habitent les étages supérieurs, qui jamais ne donnent rien, sont pour elle d’une complaisance à toute épreuve, et s’emparent du cordon. Ce sont ces femmes jaunes et décharnées, ou grasses à fendre à l’ongle, qui dans la belle saison tapissent le soir les deux côtés de la porte cochère, passent en revue les gens de la maison, les allants et les venants, et les habillent de toutes pièces.

Les desséchées sont de vieilles filles, les âmes damnées du vicaire de la paroisse, des lames à vingt tranchants, les demoiselles de la confrérie de la Vierge.

Les potelées, des veuves, des gardes-malades ou des femmes de ménage. Toutes ces dames se chauffent et s’éclairent toute l’année gratis pro Deo. Elles forment l’état-major, le conseil privé de maman Desjardins, écoutent mordicus les soporifiques lectures de romans incompréhensibles, interrompues à chaque alinéa par la demande incessante du cordon, ou les coups du marteau de la porte, qui les font toutes bondir comme de blancs agneaux sur leurs siéges. Elles épient un regard, un sourire de leur bien-aimée souveraine, qu’elles entourent des attentions les plus fines et les plus délicates.

C’est à l’obligeance de ces péronnelles que nous sommes redevables de la présence de toutes ces portières, qui dans nos fêtes, nos réjouissances publiques, à nos feux d’artifice, le jour de l’ouverture du Musée, à l’exposition des produits de l’industrie, nous coudoient, nous fatiguent, nous assomment et nous marchent autant sur les pieds. Ces femmes sont éminemment curieuses ; ce fut et ce sera toujours leur petit péché mignon. Au fond, ces femmes ne sont pas méchantes, toutes en général sont d’une assez bonne nature ; mais les flatteurs qui tous les jours parviennent à faire changer les meilleures intentions des princes et des rois, changent aussi les meilleures intentions de nos portières et nous les gâtent.

Jamais, avant d’avoir vécu à Paris, nul ne pourra se persuader combien il importe à tout homme, jaloux de son repos et de sa tranquillité, d’être bien avec sa portière. Autrement, plus de bonheur, plus de paix pour lui sur la terre, et encore, malgré toutes les précautions prises en pareil cas, un rien, une idée, un caprice, une goutte d’eau répandue, une sottise commise par votre femme de ménage, de la conduite de laquelle on vous rendra responsable, pourront vous aliéner l’estime et la considération de votre portière.

La tête haute, la conscience pure et paisible, vous chantonnez en tournant le bouton de la porte de la loge où vous espérez rencontrer un gracieux sourire ; pas du tout, au lieu du sourire gracieux, ce sera une mine atroce, une tête de griffon, comme dit mon ami Dantan, une réponse des plus sèches à votre bonsoir, et si vous ne trouvez immédiatement un coin, une place où déposer votre bougeoir, pas une main ne viendra le prendre, il vous faudra le mettre dans votre poche, si vous n’aimez mieux le remonter chez vous.

Le soir vous frapperez vainement à la porte, on connaît votre touche, on ne vous ouvrira pas, et, à moins d’une circonstance imprévue, indépendante de la volonté de maman Desjardins, vous ne pourrez rentrer que le lendemain. Vos lettres, si toutefois on veut bien les recevoir, vous seront remises quinze jours après leur arrivée ; vos billets de garde confisqués, puis on mutilera le cordon de votre sonnette ; la machine à battre les habits sera décrochée, votre carré souillé, votre paillasson prostitué, puis on dira au tailleur : Si l’on ne vous ouvre pas là-haut, c’est qu’on ne veut pas vous payer, voilà la chose.

Toute portière aime les animaux ; chaque loge possède un chien, un chat, des serins, un moineau franc et quantité de petits cochons d’Inde dont les voix aiguës attestent la présence sous l’établi, la commode ou le dessous du poêle.

Le chien semble n’avoir jamais été jeune, tant il est vieux et laid ; il est toujours fort avancé en âge. Il appartient à la race des carlins, espèce presque éteinte et dont quelques individus se trouvent encore de temps à autre chez la portière. Ce chien a quelque chose du mari de sa maîtresse ; cette ressemblance existe au moral comme au physique ; ainsi que le père Desjardins, il est maussade, sur sa bouche, graillonneur et boudeur. Comme lui, il a le nez épaté, la barbe grise, l’oeil éteint bordé de rouge, l’oreille entamée et les jambes mauvaises. Comme son maître, il est fat, important et ne tient aucun compte de leur politesse à ceux qui le viennent visiter. Son organe est tellement fêlé, que c’est tout au plus s’il est facile de l’entendre à deux pas. Egoïste comme tous les vieux garçons, il ne sort jamais dans la crainte des mauvaises charges des polissons du quartier.

Le chat est peu sédentaire, il va et vient, n’est jamais en place, assez bien vu dans quelques parties de la maison, fort mal dans d’autres ; il fournit rarement une longue carrière.

Chaque année les cages reçoivent de nouveaux locataires ; cette odeur de pipe et de ratatouille, qui constamment règne dans la loge, est en grande partie une des causes principales de l’émigration de leurs habitants.

a-portiere-185x300 dans ARTISANAT FRANCAISLes petits cochons d’Inde pullulent d’une manière effrayante ; ils se trouveraient assez bien de la loge, ils s’y plairaient bien davantage encore si tous n’étaient condamnés à être servis sur la table de leurs honorés maître et maîtresse. Jamais je n’en mangeai, mais je tiens de ma portière, qui en consomme fréquemment, que c’est un mets très-délicat et très-recherché.

Chez les garçons, la portière remplit souvent les fonctions de femme de ménage ; c’est même une des belles cordes de son arc, quand elle a le talent de la bien faire jouer : un garçon n’y regarde jamais de près, et si son heureuse étoile veut que le cher homme prenne ses déjeuners chez lui, elle trouve facilement moyen de sustenter, haut la main, elle et tous les siens, à ses frais et dépens.

Plus encore que la femme de ménage, la portière, qui va et vient à toute heure de la jour et de nuit, à l’abri de tout contrôle, a beau jeu pour faire, comme on dit, ses orges, aussi la gaillarde fait-elle danser àbelle baise-mains le bois, le charbon, et tout ce qui s’ensuit : tout généralement y passe ; il n’y a pas jusqu’aux cigares du malheureux locataire qui ne viennent se promener, quelle profanation ! sur les tristes et dégoûtantes lèvres de l’infâme Desjardins.

Puis, quand il prend envie au maître d’abandonner pour quelques jours la capitale, quelles aimables parties, quelles folles soirées, se donnent dans son appartement !

Qu’il serait agréablement surpris s’il voyait ces petits meubles, pour lesquels il a tant d’égards, qu’il traite avec tant de ménagements, à la merci de toutes les commères de sa maison, à l’aspect de ces lumignons errants çà et là de tous côtés, dans tous les coins, illuminant les chastes visages des vierges de la confrérie ; ses beaux albums, ses recueils de vignettes, si précieux, dans les mains de ces matrones humectant le pouce de la main droite à chaque feuille qu’elles passent en revue, écorchant les textes et brisant les marges à faire tomber l’éditeur Curmer en syncope.

Et ses jolies statuettes transformées en patères et recevant  les bonnets de ces dames, et ses belles faïences, qui coûtèrent tant de veilles à Bernard Palissi, donnant, pour la première fois, l’hospitalité à la crêpe, au beignet, au marron boulu !!!

Qu’il faudrait de vertu, à celui qui, rencontrant chez lui semblable compagnie, se renfermerait dans les bornes de la bienséance et de la modération ! Il agirait ainsi, que sa conduite trouverait encore de nombreux détracteurs. « Qu’avait-il tant de besoin, ce grand marabout-là, dira le lendemain, en allant au lait, mademoiselle Pétola, qui n’a point été élevée sur les genoux de madame de Genlis ; qu’avait-il tant de besoin, mame Gabiaud, de nous tomber ainsi sur les épaules, que j’en ai zévuse ma digession toute troublée, que j’en ai passé eune nuit quasiment toute blanche ? il ne sait jamais que vous faire des transes pareilles, c’t’ostrogoth-là.

MADAME GABIAUD,

Avous-vu l’air pas contente qu’il avait, mamzelle Pétola ? Nous a-t-il adressé un seul mot de politesse ; ah ! ben oui, il avait ben le temps, ma foi, il avait ben trop peur de s’compromettre ; dame ! c’est que le roi n’est p’têtre point son cousin, à c’beau muscadin ? »

Il est bien rare qu’une portière donne son approbation quand il prend envie à celui dont elle fait le ménage, de renoncer au célibat, aussi ne garde-t-elle plus aucune mesure, va-t-elle à travers choux, lorsqu’elle croit avoir découvert ce qu’elle appelle le pot aux roses. C’est aussitôt une maîtresse abandonnée, qui se livre aux fureurs du plus sombre désespoir, une lionne, que sais-je, une poule, une levrette, à laquelle on vient d’enlever ses petits. Ni les représentations des voisines, ni les devoirs que lui impose sa double qualité de femme et d’épouse, rien ne la peut calmer ; comme la justice, il faut que la douleur ait son cours. Elle ne peut se faire à cette idée, qu’une autre pourra impunément disposer de tout, dans l’appartement. Elle énumère alors tous les services qu’elle n’a pas rendus à celui qui la délaisse, c’est un fils qu’elle idolâtrait, qui vient de renier sa mère ; elle ne se rappelle plus, l’indigne, ces petits abus de confiance, ces petits emprunts quotidiens qu’elle faisait aux provisions que la famille envoyait à son fils bien-aimé, à la garde-robe que papa Desjardins avait grand soin de dénaturer au plus vite, dût la réputation d’Humann en être ébranlée, en admettant toutefois qu’elle pût jamais l’être.

Elle trimballera ses griefs de porte en porte dans la maison, les boutiques, les magasins, dans tout le voisinage, et Dieu seul sait si le pauvre jeune homme sera ménagé. Ce sera un être atroce, épouvantable, perdu de dettes et de débauches, le mariage d’un tel être une horreur, une monstruosité, une première révolution, il ne se fera pas et le propriétaire qui est la probité même se gardera bien d’y prêter les mains, sa leçon est faite en conséquence si l’on vient jamais aux informations. Ne voyons-nous pas, tous les jours, des mariages à la veille de se conclure ne pas avoir lieu par des causes que tout le monde ignore, par le seul fait d’un mot, d’un rien, d’un propos en l’air parti de la loge ?

Les portières sont tenues au courant, par les servantes, des moindres détails de l’intérieur des ménages ; aussi le meilleur conseil à donner à quiconque a le malheur de se faire servir, est de ne rien négliger, d’employer tous les moyens à sa disposition pour que la bonne soit toujours au plus mal avec la portière. Exemple : vous dites à cette dernière :

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Comment, madame Desjardins, est-ce possible ? Marguerite m’apprend que vous laissez mes journaux et mes lettres, un temps infini, sous le coussin de votre bergère ?

MADAME DESJARDINS. – Faut qu’elle soye malade vot’ domestique, si elle l’est pas elle n’en vaut guère mieux, sans ça, elle en a menti comme une arracheuse de dents qu’elle est ; v’là dix-neuf ans que je suis ici, jamais je n’ai entendu dire des choses pareilles, jamais, non jamais, comme il n’y a qu’un Dieu sur la terre pour nous éclairer.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Je me plais à le croire, mais toujours est-il que je ne reçois pas exactement mes journaux ; non-seulement vous les lisez, dit-elle, mais encore vous les faites courir dans toute la maison.

MADAME DESJARDINS. – Et à qui que j’les fais courir, sans vous commander ?

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Vous sentez bien, madame Desjardins, que ce que je vous dis est de vous à moi ; je serais désolé que Marguerite se doutât jamais de ce qui s’est passé.

MADAME DESJARDINS. – Soyez sans crainte, c’est pas ça que j’y dirai.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Je sais trop ce que je me dois pour jamais être mêlé dans aucun propos.

MADAME DESJARDINS. – Soyez sans crainte. D’abord il est bon de vous dire aussi que vot’ domestique est une rien du tout, qui n’avait pas, sauf vot’ respect, un jupon à s’mettre au derrière, quand elle est entrée chez vous, et Dieu merci, à l’heure qu’il est, voyez dans son armoire si c’est qu’il y manque quet’ chose ; eune reine s’rait jalouse de ce qu’elle vous a. J’ m’en moque pas mal encore, qu’elle dise c’ qu’elle voura, je ne m’abaisse pas à répondre à plus bas que moi ; d’ailleurs, comme on dit, on n’est jamais crotté que par la boue.

Puis à la bonne :

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Que vient donc de m’apprendre madame Desjardins, Marguerite, que vous jetez tout par les fenêtres, que vous répandez toutes vos eaux dans ses escaliers, que vous avez toute la nuit de la chandelle qui brûle dans votre chambre, et que vous avez toute la journée dans votre cuisine des personnes qui ne peuvent que vous faire du tort ?

MARGUERITE. – D’abord, monsieur, madame Desjardins, il est bon de vous dire que c’est une vieille infection.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Ménagez vos termes, je vous prie, madame Desjardins est une femme respectable.

MARGUERITE. – Une vieille infamie de dire des choses qui n’est pas. C’est la chose de vouloir mette sa belle-soeur à ma place, qui lui fait dire ce qu’elle dit, c’est aussi faux tout comme elle, la vieille fausse qu’elle est.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Ce que je vous dis là, Marguerite, c’est dans votre intérêt.

MARGUERITE. – C’est bien aussi comme ça que je l’prends, et si je v’nais jamais à vous dire c’qu’elle dit aussi sus votre compte à vous, et sus madame, et sus tout l’ monde de chez vous !…

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Je ne veux rien savoir.

MARGUERITE. – Que madame est une ci… que madame est une ça…

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – En voilà assez.

MARGUERITE. – C’est que si on me pousse à parler, c’est que je n’suis pas gênée de parler aussi, voyez-vous.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – J’en suis bien persuadé, mais c’est inutile.

MARGUERITE. – C’est pourtant pas juste, que vous l’avez écoutée c’te vieille bique là, que vous ne voulez pas m’écouter tout de même.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Parce que je ne déteste rien tant au monde que les propos, et je vous serai obligé de ne pas lui dire de qui vous tenez tout cela.

MARGUERITE. – Parbleu ! il n’y pas de crainte à avoir de ce côté-là, soyez-en sûr. Une vieille horreur, qui dit qu’elle ne sait pas comment qu’vous pouvez entrer vot’ chapeau sur vot’ tête !

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – J’ai toujours méprisé tous les propos.

MARGUERITE. – Ça n’empêche pas que si madame le savait, elle ne le prendrait pas comme vous.

LE MAÎTRE DE LA BONNE. – Je vous demande une chose, une seule : c’est de ne point me mettre dans tout cela.

MARGUERITE. – Je le veux bien, mais j’y dirai pas moins ce que j’ai à y dire.

Aussitôt commencent les hostilités, on s’évite, on se boude, on se fait de mauvais tours, puis quand les parties semblent vouloir se rapprocher, vous les éloignez de plus belle.

Quand la portière a des demoiselles, elles sont exposées à plus d’un danger. Par la raison qu’on a vu des rois épouser des bergères, de même on a vu maint fils de propriétaire épouser la fille du portier. Ce sont ordinairement de petites personnes pleines de vanité et très-ambitieuses. Admises chez la plupart des locataires, elles puisent dans un monde plus relevé que celui dans lequel elles sont nées, des idées de luxe et de grandeur qui leur préparent souvent de grands chagrins et qui plus tard leur font regarder leurs parents comme bien peu de chose.

a-porteDès leurs premiers ans, elles voyagent perpétuellement de la loge aux appartements et des appartements à la loge. On les fait monter pour exercer aux soins maternels la jeune mariée dont l’hymen fructifiera ; on les fait monter pour les associer aux jeux des enfants d’une classe plus heureuse. Elles sont à même d’établir une incessante comparaison entre la soupente natale et le salon, entre le luxe et la misère, entre le travail et l’oisiveté. Bientôt l’atmosphère enfumée de la loge ne convient plus à la délicatesse, à la sensibilité de leur chétif individu. L’aiguille et la couture sont dédaignées ; on se destine au théâtre, où se promènent bien des princesses qui jadis ont tiré le cordon. Mais si quelques filles de portière s’élèvent au-dessus de la sphère paternelle, un grand nombre descend au-dessous, c’est bien bas !

Une portière qui aimerait son art, qui l’exercerait avec amour et dignité, pourrait rendre d’immenses services à la société ; mais à quoi bon ? on ne lui en aurait aucune obligation, et l’habitude ferait dire d’elle ce qu’on dit des autres : la race des portières est une vilaine engeance.

——

Source : Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 3 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 

Publié dans ARTISANAT FRANCAIS | Pas de Commentaire »

La Modiste du 19ème siècle

Posté par francesca7 le 20 mars 2013

La modiste

par

Maria d’Anspach

~ * ~

La Modiste du 19ème siècle dans ARTISANAT FRANCAIS mode1Il est dix heures : Paris s’éveille, les magasins sont ouverts. Quelques promeneurs longent le boulevard pour respirer l’air du matin et secouer l’engourdissement du sommeil ; des commis se rendent à leurs bureaux ; des femmes d’extérieur modeste, des jeunes gens en habit du matin vont au bain ou en reviennent ; de diligents célibataires entrent dans les cafés pour déjeuner et lire leurs journaux. Si, parmi tous ces individus d’aspect différent, vous voyez passer une jeune fille à la tournure dégagée et libre, qui marche vite, est mise avec plus de coquetterie que de bon goût, jette un coup d’oeil curieux sur tout ce qui l’entoure, et prête, chemin faisant, l’oreille aux galants propos des jeunes gens qui la suivent ou s’arrêtent sur son passage ; – c’est la modiste. Suivez-la vous-même un instant, et vous la verrez se rendre à un magasin où les demoiselles de vente l’ont déjà devancée pour faire leur brillant étalage.
 
L’étalage, cette chose si futile et si simple en apparence, est pourtant une spécialité qui exige autant de savoir que de bon goût : il donne au magasin ce cachet d’élégance qui éblouit et attire. L’art ici vous fait deviner bien plus qu’il ne vous montre ; on dirait d’un livre dont le titre éveille la curiosité. Il faut que d’une disposition savante ressortent la forme et la couleur des ravissants chapeaux apportés de l’atelier si frais et si jolis qu’on croirait qu’ils se sont faits sans être touchés. Regardez : l’étoffe n’est pas froissée, le ruban n’a pas un pli, le brillant du satin n’a rien perdu de son lustre. Eh bien ! mettez ce vert à côté de ce bleu, et vous verrez quel horrible contraste choquera vos yeux. Combinez les nuances, variez les tons : que le vert, le blanc le rose, le bleu, habilement rapprochés, se fondent dans un ensemble harmonieux. Placez à côté du noeud qui s’attache à la modeste capote de poult de soie, la riche plume qui orne l’élégant chapeau de velours épinglé. Ces coquilles de dentelle et ces marabouts vaporeux ressortiront mieux à côté de l’humble bruyère et de cette touffe de violettes ; la fleur aimée de Rousseau se penche avec plus de grâce auprès de l’aigrette orgueilleuse, et les grappes de perles de ce turban pendront comme des gouttes de rosée au-dessus des fleurs de l’aubépine à demi cachées sous les barbes flottantes de ce léger bonnet de blonde. – Prestigieux effet du grand art de l’étalage !
 
Un autre talent de la demoiselle de vente est de mettre au premier rang les choses destinées à éblouir, et de cacher, comme un trésor, les parures créées d’hier que les petites curieuses des autres maisons ne manqueraient pas de copier. Car ici, comme dans beaucoup d’autres professions, la jalousie revêt différentes formes pour s’approprier le succès ou les inventions d’une maison rivale. Quelquefois une demoiselle se glisse incognito dans un établissement plus en réputation pour y acheter des modèles. Cette sorte de contrebande n’est pas sans quelque danger pour celle qui la fait : un accueil peu flatteur, voire une expulsion honteuse sont souvent les seuls résultats de cette audacieuse tentative.

La demoiselle de vente a besoin aussi, pour satisfaire aux exigences de son art, d’un tact et d’une finesse admirables. Vous la prendriez pour un conseiller désintéressé, quand elle s’empresse d’offrir à une jolie blonde des couleurs pâles, et sait persuader à sa cliente qu’il est de son intérêt de prendre ce chapeau qui demain l’aurait fort embarrassée ; car, encore un rayon de soleil, et il serait fané. Grâce aux mille séductions de sa faconde commerciale, les formes vieillies, les couleurs passées de mode, disparaissent ainsi des armoires où elles gisaient abandonnées, et c’est toujours comme en lui faisant violence qu’on l’en débarrasse.

Les demoiselles de vente sont prises, en général, parmi les plus expérimentées et les plus capables de représenter dignement une maîtresse de maison : c’est le bataillon d’élite.

Mais revenons à la jeune fille que nous avons aperçue tout à l’heure. Mademoiselle Julia entre dans le magasin. C’est une petit brune à l’air mutin : elle est frisée comme une femme qui va au bal, porte une robe de soie rayée, un cachemire français, des bottines vernies et des gants noirs. Elle est à la fois en négligé et en toilette. Sa robe est faite en peignoir, et son cou s’entoure d’une chaîne d’or d’une grosseur remarquable ; son col garni de dentelle est fixé sur sa poitrine par une énorme broche à laquelle est attachée une seconde petite chaîne qui suspend une cassolette. Mademoiselle Julia a quelquefois des attaques de nerfs, des migraines, des spasmes qui se calment à l’aide des sels renfermés dans cette cassolette. Car n’allez pas croire, avec ses malignes compagnes, que c’est pour faire voir toutes ses richesses qu’elle se charge ainsi d’un magasin d’orfèvrerie. – Or, mademoiselle Julia gagne trente francs par mois.

Julia monte dans l’atelier où se trouvent réunies douze ou quinze jeunes filles qui causent entre elles en formant plusieurs groupes ; car ce que disent celles-ci ne doit pas être entendu par celles-là. Ce sont les apprêteuses, ainsi appelées parce que leur tâche est de préparer les éléments de travail pour la première demoiselle. La plus habile d’entre elles prend le titre de seconde.

Au dernier échelon de la hiérarchie des modistes se trouvent les trotteuses. – Ce sont de pauvres petites filles, qui font, chargées d’un énorme carton, les commissions de la maison, et paient ainsi leur apprentissage par une sorte de domesticité.

L’arrivée de la nouvelle venue suspend les conversations. « Vous venez bien tard, Julia, dit la première demoiselle ; la patronne se fâchera. – Est-ce ma faute, si je ne puis m’éveiller plus tôt, répond-elle dédaigneusement… Bonjour, Mariette ; tu n’es jamais en retard, toi : je ne sais comment tu fais. – Oh ! pour Mariette, c’est bien différent, reprend une autre, elle est comme l’alouette ; dès que le jour paraît, elle chante et travaille. – Aussi, j’ai déjà quelques pratiques, et ce matin j’ai fait un chapeau pour la fille de ma propriétaire ; je l’ai fait tout entier, j’y gagne dix francs ! – Pauvre Mariette ! dit Julia d’un ton de pitié insultante. – Quel air de protection ! Est-ce parce que ma robe, au lieu d’être de soie comme la vôtre, n’est qu’en mousseline de laine à deux francs l’aune ? j’aime autant, ma chère, être pauvre comme je le suis que riche comme vous l’êtes. » Julia, sans répondre, ôte tranquillement son châle et son chapeau, qu’elle suspend à un clou sur la muraille, en compagnie des châles et des chapeaux des autres demoiselles : en sorte que l’on pourrait se croire chez un loueur de costumes en temps de carnaval, ou chez une marchande à la toilette. Tout le monde est arrivé. C’est le moment du déjeuner que l’on trouve toujours mauvais, mais que l’on n’a guère le temps de critiquer ; car ces demoiselles viennent presque aussitôt s’asseoir en deux files autour d’un long comptoir, sur de hauts tabourets, la première demoiselle à leur tête.

mode11 dans ARTISANAT FRANCAISDisons un mot de la première demoiselle. Elle est ordinairement la moins jeune et la plus prétentieuse ; elle commande en souveraine, parle volontiers de son talent, et gagne de 800 à 3,000 francs. Plus elle est payée, plus elle hausse son propre mérite. Elle se croit réellement artiste ; car si elle emprunte au peintre ses modèles, le peintre, à son tour, ne lui prend-il pas les siens pour embellir ses tableaux ? Ne riez pas de son enthousiasme ; la modiste aime son état. En effet, quel plus agréable travail que d’avoir sans cesse entre les mains, sous les yeux, le velours, la soie, des fleurs et des plumes ? Aussi, que de rêves n’ont pas fait faire ces gracieux chapeaux à la jeune fille qui se pique les doigts et se fatigue en se hâtant, parce que dans une heure votre caprice de coquetterie aura changé. Ce qui l’ennuie surtout, c’est de corriger. Parce qu’elle n’aura pas réussi à rendre jeune une vieille, jolie une laide, on maudit son oeuvre. « Je voulais un chapeau comme celui de madame de…, et celui-ci ne lui ressemble en rien. » Observez que madame de… a vingt ans, qu’elle est jolie, et que celle qui parle en a cinquante bien comptés. Que de patience il faut, que de sang-froid surtout pour ne pas répondre à cette femme : « Mais, madame, je ne puis changer vos traits, moi, ni rendre à votre teint ce qu’il a perdu. » La modiste se tait : elle se rappelle à propos que cette femme achète le droit d’être ridicule impunément. Il faut que vous sachiez en revanche qu’être belle et distinguée, c’est une recommandation aux yeux de la modiste. On se surpassera alors, car cette jolie tête parera votre chapeau comme elle en sera parée. Mais malheur à la femme assez mal avisée pour oser se livrer à la critique des oeuvres de la modiste ; on défait avec rage, et refait en dépit du bon goût ce qui va être trouvé charmant à force de ridicule. Pour quelques-unes, c’est une profanation de leur donner ce qui est bien ; elles trouvent mieux le bizarre et l’extravagant. Celles-là tendent à l’originalité.

L’heure du travail a sonné ; la première demoiselle distribue à chacune de ses élèves la tâche de la journée. L’ouvrage terminé, elle le reprend pour y mettre la dernière main, le façonne, l’embellit, et lui donne ce je ne sais quoi qui constitue la perfection. « Voilà, Julia, un chapeau pour vous ; c’est une tête de soixante numéros. – Ah ! quelle horreur ! ce ne peut être que pour une Allemande : grosse tête, grands pieds, grandes mains… Total : jolie femme de Carlsruhe. » En disant cela, elle jette un regard malicieux à une grosse blonde placée vis-à-vis d’elle. Thomassine est Allemande et ne sait pas un mot de français. Elle regarde avec étonnement ses camarades qui rient aux éclats. « C’est mal, mademoiselle Julia, de vous moquer d’une étrangère, reprend à son tour Betzi, grande Anglaise à l’air timide et modeste, ce qui ne l’empêche point de montrer ses épaules nues, selon la coutume des beautés d’outre-mer. – Qui vous dit, mademoiselle, que j’ai attaqué quelqu’un ici ? Eh ! mon Dieu, si je voulais faire un portrait, je n’aurais peut-être pas besoin d’aller chercher bien loin l’original. Je pourrais vous dire, par exemple, que les Anglaises s’habillent comme des mannequins, marchent comme des soldats qui ont les jambes trop longues, et qu’on aimerait la fraîcheur et l’éclat de leur teint, si on ne savait le prix du blanc et du rouge. – A propos de blanc et de rouge, reprend une petite brune à l’air espiègle, n’avez-vous pas remarqué hier notre patronne ? toute la journée elle était pâle comme le clair de lune, et le soir elle avait les plus jolies couleurs du monde ; qu’en pensez-vous ? – Vous êtes toutes des médisantes, répond vivement la première demoiselle ; au moins, puisque vous voulez parler, parlez plus bas. – Comme elle est triste depuis quelques jours, poursuit une toute jeune fille à l’air candide. Est-ce que sa maison tomberait ? – Vous êtes bien sotte, ma pauvre enfant ; vous apercevez-vous que nous ayons moins à faire ? – Est-ce qu’elle tromperait son mari ? demanda Julia. – Fi ! mademoiselle ; un mari à qui elle doit tout. – En ce cas, c’est à d’autres qu’elle paie. »

Ce mot excite une hilarité générale à laquelle la première demoiselle ne peut s’empêcher de prendre part. « N’avez-vous pas remarqué, mesdemoiselles, continue une blonde à l’air réfléchi, que toutes les marchandes de mode ont une histoire pareille ? C’est toujours une demoiselle assez jolie qui sait travailler passablement, se fait courtiser d’abord, et finit par se faire épouser, ou à peu près, par un homme riche qui l’établit ; alors elle prend sa revanche. Elle commande, fait travailler les autres, et travaille elle-même toute la journée… à sa toilette. Ne faut-il pas que madame représente, lorsque par hasard elle daigne paraître en personne dans le magasin ? Quant à l’atelier, elle y est suffisamment représentée par la première demoiselle ; aussi ne s’y montre-t-elle guère que de loin en loin. Habituellement madame ne quitte pas sa chambre à coucher, où elle ne reçoit que quelques élus, qui ont leurs petites entrées. Le soir, elle va se désennuyer des affaires au bal ou au spectacle. Pauvre femme ! Il est vrai que quelquefois, par compensation, elle montre une sollicitude toute maternelle à l’endroit de la vertu de ses employées, auxquelles elle accorde le logement, par une mesure qui profite en même temps à la morale et à sa caisse. Les bonnes moeurs des demoiselles sont d’un excellent rapport pour certaines maisons : dans ces vertueux établissements, les veilles laborieuses se prolongent fort avant dans la nuit. »

En ce moment entre une demoiselle de vente. – Il faut un turban pour une soirée chez le ministre, un bonnet pour un dîner chez l’ambassadeur, une coiffure pour un bal à la cour. – Tout cela va être fait par la première demoiselle ; elle prend sur ses genoux une tête à poupée. Ce n’est plus le turban juif qu’il faut, ce n’est plus le turc ou l’arabe : ils sont trop connus ; il faut qu’elle innove. Alors vous voyez se métamorphoser sous ses doigts tout ce qu’elle touche, selon son inspiration et sa volonté. Le petit bout de ruban devient un noeud coquet, un morceau de gaze fera le soir naître bien des jalousies féminines, et bien des hommes seront aimables près de la femme au merveilleux turban, qui, sans ce faible auxiliaire, serait peut-être restée inaperçue. La première demoiselle sait cela. Elle sait aussi que l’on demande : Où avez-vous fait faire ce turban ? je n’ai jamais rien vu d’aussi joli ; ma marchande de modes ne saurait m’en faire un pareil, je veux la changer pour la vôtre. – Son orgueil est doucement caressé à l’idée que peut-être on saura qu’elle est l’auteur de ce chef-d’oeuvre ; elle puise un nouveau courage dans l’espoir d’une réputation de talent distingué, puis avant de se séparer de ce qu’elle vient d’achever, elle l’essaie. Pourquoi n’est-ce pas pour moi ! dit-elle tout bas ! » Elle le donne ensuite à emporter en poussant un gros soupir ; car il ne lui est pas permis, à elle, de porter des choses aussi luxueuses.

Cependant la première demoiselle n’est pas toujours également heureuse dans ses créations, mais toutes les femmes ne se montrent pas non plus aussi difficiles… « Quand je vois de jolies choses, dit Mariette, je regrette toujours de ne pas être née riche. Oh ! pourquoi ne sommes-nous plus au temps où les seigneurs aimaient tant les modistes, et se plaisaient à en faire de grandes dames ? Elles se mariaient ensuite. Nos seigneurs, à nous, sont des dandys qui viennent nous regarder à travers les glaces du magasin, nous écrivent de fort belles lettres, mais ne nous épousent pas. Tenez, c’était autrefois le bon temps, les hommes avaient plus d’esprit, plus d’amabilité… et plus d’argent…. »

Ce dernier trait soulève parmi quelques-unes un murmure d’improbation, louable sans doute ; mais peut-être le sentiment qui l’a fait naître est-il plus excusable, au fond, qu’il ne le paraît d’abord. Et, en effet, il ne faut pas trop en vouloir à la modiste si elle montre, en général, un zèle trop peu dissimulé pour le culte du veau d’or. La fortune et la mode sont deux divinités également capricieuses et qui se donnent la main. A la fois prêtresse et oracle de la magicienne aux goûts fantasques, aux bizarres créations, comment la modiste serait-elle plus stable qu’elle, et comment ne briguerait-elle pas ses faveurs la première, quand elle voit ses élus se disputer les oripeaux brillants qui donnent un éclat irrésistible à la beauté et voilent la laideur ? N’est-ce pas la mode encore dont le prestige créateur fait deviner une grâce partout où sa présence se révèle, qui grandit et fascine par de séduisantes visions l’imagination des poëtes ? Chaque femme devient alors pour l’homme un ange, quelque chose d’idéal et de parfumé qui émeut doucement son âme, et qu’il adore en lui-même. Et pour une femme, plaire est plus qu’un désir, c’est un penchant, une idée fixe, le besoin de toute sa vie. La nature l’a faite ainsi : enfant, elle s’essaie à paraître belle, elle aime à se parer de ses plus beaux habits, et sourit ingénument au miroir qui réfléchit son image gracieuse. A mesure que l’instinct féminin se développe, elle épèle avec plus de facilité chaque page de ce grand livre de la coquetterie, dont l’amour lui révèlera plus tard les secrets les plus merveilleux. Il n’est donc pas étonnant que la modiste aime le luxe ; car elle est plus à portée que personne d’en apprécier tous les avantages, et elle manifeste, dans la même proportion, une horreur prononcée pour la pauvreté. Faible créature, touchant également à la misère et à l’opulence, c’est un écueil bien grand que les futilités brillantes dont elle est entourée ; les privations usent sa moralité. Elle consume la moitié de sa vie à désirer, et gaspille l’autre à saisir le plaisir sous quelque forme qu’il se présente.

Et si vous remontez plus haut dans la vie de la modiste, vous y trouverez encore bien d’autres raisons de la plaindre et peut-être de l’excuser. Qu’est-ce, en effet, sous le point de vue moral, que la modiste ? une pauvre fille éloignée de sa famille, quand toutefois elle en a une ; ou bien une jeune orpheline trop bien élevée pour être une simple ouvrière, et trop peu instruite pour devenir une sous-maîtresse ; ou enfin quelque fille d’artisan, dont la dureté la rebute, et dont la grossièreté contraste péniblement avec l’élégance et la politesse des personnes avec lesquelles ses occupations la mettent en rapport journellement. Dites donc à la pauvre enfant de brider son imagination, d’étouffer ses désirs et d’éteindre les bouffées d’ambition qui lui montent au coeur à la vue des riens éblouissants qu’elle façonne elle-même, et qui resplendissent à ses yeux tout le long du jour.

Que si vous me demandez encore comment et pourquoi elle est devenue ce qu’elle est, je vous répondrai qu’elle est devenue modiste, comme vous êtes peut-être vous-même devenu artiste, comme on devient aujourd’hui homme de lettres, – faute de mieux, parce que cela est commode, n’engage pas l’avenir, et que c’est parfois un moyen d’arriver à quelque chose, quand on ne meurt pas en chemin de désespoir et de misère. Ce n’est pas une profession, un état, comme disent les grands parents et les négociants ; mais c’est une position assez avantageuse pour attendre, pour épier la fortune et la saisir au passage. On est en évidence, ou du moins on croit l’être, et qui sait ? les banquiers, les mylords, et les princes russes visitent quelquefois les ateliers de modes aussi bien que les ateliers de peinture, et s’ils achètent un tableau dans ceux-ci, ils font souvent choix d’une jolie femme dans ceux-là.

La modiste a, parmi beaucoup d’autres inclinations, l’amour inné de tout ce qui est beau et distingué. Le comme il faut est sa manie, son thème éternel, sa religion ; la seule chose sur laquelle elle se montre véritablement inflexible et d’une susceptibilité désespérante. Doutez de son talent, de sa vertu, de sa beauté même, c’est une injure, une injustice peut-être, qu’elle excusera pourvu que vous la reconnaissiez, d’ailleurs, pour une femme comme il faut. Ce titre-là, elle y tient comme un Rohan à son blason ; c’est sa noblesse à elle, et elle n’hésiterait pas, s’il le fallait, à défendre ses droits par tous les moyens qui sont en son pouvoir. La modiste est donc avant tout, de gré ou de force, à tort ou à raison, une femme comme il faut. Cette expression compose à peu près tout son vocabulaire fashionable : elle ne porte que les choses les plus comme il faut, ne fréquente que les jeunes gens comme il faut, et estime singulièrement l’air comme il faut ; et, si vous m’en croyez, vous ne la contrarierez pas trop sur la légitimité de ses prétentions. Sa reconnaissance peut, sous ce rapport, la mener fort loin avec vous… ne fût-ce qu’au Ranelagh.

Ici nous sommes forcé d’établir, dans l’espère que nous avons choisie, des classifications nécessaires à l’intelligence de ce que nous venons de dire. Nous n’entendons parler que de la modiste parisienne, telle que le progrès nous l’a faite, et telle qu’elle existe en deçà de la rive droite de la Seine, et dans les régions élevées du monde élégant. La modiste de province n’est qu’une pâle copie de la modiste de Paris, et la modiste des bas quartiers de la capitale se confond avec le grisette, cette plante indigène du pays latin, enracinée dans la terre classique, qui croît et meurt enlacée au bras de l’étudiant.

mode-2La différence qui existe entre la grisette et la modiste ne saurait être contestée ; bien qu’un élégant écrivain ait malheureusement confondu ces deux types également intéressants. Cette erreur a soulevé de part et d’autre de vives réclamations ; grisettes et modistes ont crié à l’hérésie, et l’on ne peut s’empêcher de déplorer sincèrement ce désaccord entre les deux pivots intelligents de la fashion. Au point de vue de l’art, la question se résout évidemment en faveur de notre modèle : la grisette n’est qu’une ouvrière ; la modiste est un artiste, et nous devons ajouter qu’elle en a même le désordre et l’insouciance dans ses habitudes, comme dans son intérieur. La grisette appartient plus particulièrement à la classe des couturières. C’est cette jeune fille au sourire provoquant, à la jupe courte et retroussée, qui court le nez au vent, coiffée d’un simple bonnet, sur le pavé glissant d’outre-Seine, ou le long des trottoirs encombrés des rues marchandes ; qui travaille tout le long du jour dans un atelier sous la direction d’une maîtresse ouvrière, ou va, pour son propre compte, à la journée, taillant et cousant à domicile les robes de la portière, ou remettant à neuf les hardes des petits ménages. Quel rapport, je vous le demande, entre ce travail grossier, purement manuel, et les ouvrages élégants échappés de l’imagination et de la main industrieuse de la modiste ? Quelle ressemblance entre cette bonne fille, si accorte, si pauvre et si gaie, contente de peu, contente de rien, et ces jolies habitantes de nos riches magasins que vous rencontrez, sans les reconnaître, en manchon de martre et en chapeau de velours ? celles-là, certes, ne sont pas contentes de peu, elles ne sont souvent contentes de rien. Vous figurez-vous, au milieu d’un de ces élégants salons de modes, l’inséparable compagnon de la grisette, l’Étudiant, le vrai et primitif habitant de la rue de La Harpe ou de Sorbonne, la casquette sur l’oreille, la pipe à la bouche, et les mains veuves de gants qu’il a oublié de mettre ou d’acheter ?

Il faut le dire, malgré les efforts et le prestige d’un admirable talent, les jolis anachorètes blancs et roses de la rue Vivienne resteront toujours dans le souvenir des habitants de ce brillant quartier, comme un beau rêve, comme une poétique vision qu’on regrette ou qu’on aime sans y croire.

Quant à la marchande de modes, cette puissance occulte qui règne despotiquement sur la plus gracieuse et la plus capricieuse moitié du genre humain, c’est une physionomie à part, le type d’une classe non encore décrite par les physiologistes. Cette espèce bâtarde participe essentiellement de la simple modiste par ses antécédents, et de la femme élégante par ses allures et ses habitudes nouvelles. Elle exagère, en général, tous les défauts de ses jolies subordonnées, et elle en a depuis longtemps perdu les grâces faciles et l’heureuse inexpérience ; elle affectionne les grands airs, les pantoufles brodées, les peignoirs de mousseline et le far niente ; mais elle abhorre la morte saison. La morte saison est l’abomination de la marchande de modes et la joie de la modiste. Tandis que la première voit avec regret les femmes élégantes, ses meilleures clientes, émigrer pour la campagne ou pour les eaux, la seconde se réjouit, chôme, lit des romans, prend du travail à son aise et des congés le plus qu’elle peut ; c’est aussi pour elle le temps des voyages en province, des visites à la famille, des pérégrinations à Londres, à Vienne, à Saint-Pétersbourg…

En attendant, vous qui les avez suivies avec nous jusqu’ici, veuillez bien les suivre encore jusque chez elles…. Il est dix heures du soir ; la première demoiselle donne le signal du départ, toutes se hâtent de sortir ; elles ont soif d’air pur et de liberté. Le repos ou le plaisir les rappellent, celles-ci dans un appartement confortable, celles-là dans une mansarde, cette autre dans sa famille. Julia s’arrête au second étage d’une maison de belle apparence ; Mariette s’en retourne sous la sauve-garde de sa mère ; Pauline a pour une heure de chemin, à travers des rues fangeuses, avant d’avoir regagné son modeste garni.

Elles vont ainsi dans la vie chacune par un chemin différent. La plus enviée aujourd’hui sera peut-être la plus pauvre demain, tandis que l’autre aura oublié ses jours de souffrance en s’éveillant un beau matin petite bourgeoise, ou même grande dame ; d’autres finissent on ne sait comment. Ce sont de pauvres filles ballottées par le vent de l’adversité, qui meurent en laissant de riants souvenirs à plus d’un homme grave maintenant. – L’infortunée qui donna follement sa jeunesse au plaisir n’a pas d’amis. Celui qui rêve encore d’elle, comme d’un plaisir passé, ne l’aperçoit plus que semblable à une ombre vaporeuse qui s’évanouit derrière des préjugés et des ambitions de toute espèce.

Source : Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux : 4866 ) du tome 3 des Francais peints par eux-mêmes : encyclopédie morale du XIXe siècle publiée par L. Curmer  de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 

Publié dans ARTISANAT FRANCAIS | Pas de Commentaire »

Loups et Sangliers des bois au 19ème siècle

Posté par francesca7 le 20 mars 2013

 


La commune de Dompierre en Morvan (21) ne possède que quelques hectares de bois communaux, exclusivement réservés aux affouagistes du hameau de Courcelotte, réputé pour être le plus pauvre de l’ensemble. Toutefois, le massif forestier couvrant les communes voisines de part et d’autre de la vallée de l’Argentalet est important. S’ils ne cachent plus aujourd’hui que quelques renards et sangliers, ces bois étaient autrefois hantés par les loups, mais aussi on pouvait y voir les huttes rassurantes de charbonniers.

Les loups, avec leur mauvaise réputation, répandaient la terreur chez les enfants du 19ème siècle, bien qu’ils ne s’attaquassent pas aux humains. La nuit, les habitants devaient garder les troupeaux de moutons ou de caches afin qu’ils ne fussent pas attaquées par une meute de loups. Comme ce jeune garçon d ‘une dizaine d’années, terrorisé, qui passa quelques nuits sur le dos de l’un de ses bœufs…

Ou encoure ce « violoneux » rentrant de noce la nuit à travers vois, qui dut, chemin faisant, jouer sans arrêt de son instrument, suivi qu’il était par une horde… Les loups ont été définitivement délogés de nos forêts lors de la création de la ligne de chemin de fer Saulieu-Avallon, via La Roche en Brenil (21), à partir de 1878.

Les sangliers, quant à eux, c’est pendant la guerre, en janvier 1918 « dans une battue particulière, qu’un sanglier, du poids de 42 kg, a été abattu près du bois des Battées, par M.D. accompagné de plusieurs poilus en permission. Chasseurs, profitez du temps de neige pour faire une rafle de sangliers qui, la belle saison revenus, recommenceraient leurs méfaits. D’ailleurs, un plat de venaison fait toujours plaisir et les primes à toucher ne sont pas non plus à dédaigner ».

Le 10 août 1919, « M. le Maire expose au conseil que la destruction des sangliers est devenue, faute d’être poursuivie avec méthode et persistance, une question d’intérêt primordial pour l’agriculture, et il invente l’assemblée à demander à l’autorité supérieure de prendre des mesures urgentes pour faciliter la destruction de ces animaux.

Le conseil,

Loups et Sangliers des bois au 19ème siècle dans Côte d'Or sanglierConsidérant que les sangliers pullulent dans notre région et notamment sur le territoire de notre commune, cependant peu boisé, mais limitrophe des importantes forêts dites de « Romeneau et Gifer » situées sur La Roche en Brenil (21), dans lesquelles les bêtes sauvages vivent et se multiplient en toute tranquillité .. ;

Considérant qu’il n’est pas rare de voir ces animaux, isolés, le plus souvent par bandes, parcourir nos champs en plein jour, sans se hâter, choisissant leur nourriture ;

Considérant que les céréales, surtout dans le voisinage des bois dont il s’agit, ont été presque anéanties, et que les pommes de terre et le sarrasin, déjà sérieusement endommagés, subiront le même sort si de promptes et énergiques mesures ne sont prises dans le plus bref délai ; (…)

Prie M. le préfet de vouloir bien autoriser, sinon ordonner l’organisation de nombreuses battues, non seulement sur le territoire de Dompierre, mais aussi, si possible, dans les forêts contiguës à notre territoire et situées sur la commune de La Roche en Brenil et de Lacour d’Arcenay ».

 

Publié dans Côte d'Or, FAUNE FRANCAISE | Pas de Commentaire »

Château d’Ancy le Franc

Posté par francesca7 le 20 mars 2013

 

Son allure extérieure simple presque austère, ne laisse pas prévoir le décor raffiné de la cour intérieure : situé sur les bords de l’Armaçon et du canal de Bourgogne ce superbe palais Renaissance reste, en dépit de maints aléas, une des belles demeures de la région.

La situation : dans l’Yonne (89), 18 km au Sud Est de Tonnerre par la D 905. 28 km au Nord-Est de Montbard (21) par D905)

Les gens : en juillet 1999, le palais a été acquis par un riche mécène américain M.Stephen Roy, grand amateur de l’art Renaissance (le mot est d’actualité), qui lance aussitôt une grande campagne de restauration.

Histoire d’Un palais au bois dormant –  Antoine III de Clermont, gouverneur du Dauphiné et grand maître des Eaux et Forêts, époux d’Anne Françoise de Poitiers, soeur de la célèbre Diane, le fit construire en 1546 sur les plans de Sébastien Serlio. Le talent de cet architecte bolonais, venu à la cour de François 1er joua un grand rôle dans l’introduction des principes de la Renaissance italienne en France. Les travaux seront terminés 50 ans plus tard par Du Cerceau.

En 1684, le domaine fut vendu à Louvois et conservé par ses descendants. Au milieu du siècle dernier, la famille de Clermont-Thonnerre en redevint propriétaire ; à la mort du dernier duc (1940, le château d’Ancy le Franc revint à ses neveux, le s princes de Mérode. En 1980, la propriété indivise est cédée et l’opulent mobilier vendu aux enchères. Depuis 1985, le château a vécu une période noire de quasi abandon avant son rachat en 1999.

Les extérieurs : Le château, formé par 4 ailes en apparence identiques reliées par des pavillons d’angle (type inspiré de Bramante), constitue un ensemble carré d’une parfaite homogénéité. Les douves, comblées il y a plus de deux siècles, seront restituées.  Cette architecture est le premier modèle de la Renaissance classique en France. Le vaste quadrilatère a ici l’ampleur d’un véritable palais ; les côtés Nord et Sud comportent une longue galerie ouvrant par trois arcades. Serlio y utilise la travée rythmique (alternance d’arcade et de niche, créant un temps fort entre deux temps faibles).

En intérieur : La somptueuse décoration murale intérieure exécutée en plusieurs campagnes dans la moitié du 16ème siècle, fut confiée à des artistes régionaux mais aussi aux élèves de Primatice, et de Nicolo del l’Abbate (seconde école de Fontainebleau). Les rares pièces du mobiliser initial du palais ne donnent qu’une idée lointaine du luxe de l’époque et de l’harmonie d’ensemble.

 Au rez-de-chaussée ; il abrite la salle de Diane (Diane surprise au bain par Actéon), dont les voûtes d’inspiration italienne, datent de 1578, et de l’autre côté de la cour, les monumentales cuisines.

Au premier étage, à partir de l’aile Sud, on découvre successivement : la Chapelle Ste Cécile, restaurée en 1860, elle est établie sur deux niveaux et voûtée en berceau. Les peintures en trompe l’œil sont l’œuvre d’André Ménassier, artiste Bourguignon.

Château d'Ancy le Franc dans CHATEAUX DE FRANCE ancy1

image issu du site : http://www.chateau-ancy.com/fr/index.php?page=salles 

L’imposante salle des Gardes (200 m²) a été décorée spécialement pour Henri III qui, pour des raisons familiales, ne séjournera jamais au château. Face à la grande cheminée, portrait en pied du maréchal Gaspard de Clermont-Tonnerre (1759) par Aved. Après la galerie de Pharsale et la chambre des Fleurs, la chambre des Arts expose un rare cabinet italien du 16ème siècle à décor de marqueterie. Les murs de la chambre de Judith sont ornés de neuf tableaux de très belle qualité (fin 16ème siècle) racontant l’histoire de Judith.

Si Judith est ici représentés sous les traits de Diane de Poitiers, Holopherne reprend ceux de François 1er. Le cabinet du Pastor Fido1  est lambrissé de chêne, sculpté, magnifique plafond à caissons Renaissance. La bibliothèque, riche de 3 000 volumes, puis la galerie des sacrifices mènent au salon Louvois (ancienne chambre du Roi dans laquelle Louis XIV a dormi le 21 juin 1674).

 ———

Pastor Fido : les cènes peintes en haut des murs du cabinet son tirées d’une tragicomédie de Guarini (1590), elle-même inspirée du drame pastoral du Tasse, Aminta. Le thème en est d’un oracle arcadien devant mettre fin au traditionnel sacrifice d’un jeune homme à Diane (toujours elles) grâce à un  « berger fidèle ».

 

Publié dans CHATEAUX DE FRANCE, Côte d'Or | Pas de Commentaire »

Le château de Posanges

Posté par francesca7 le 20 mars 2013

 

Le château de Posanges dans CHATEAUX DE FRANCE le_chateau_de_posanges

Depuis la Révolution, le château de Posanges a successivement appartenu aux familles Thenadev, Lestre et Lanibert. Acheté 6,000 francs en 1810 par un membre de la famille Lestre, il était encore évalué 6,000 francs dans le partage de sa succession en 1837. 11 y a déjà quelques années que M. le docteur Lacoste, maire de Vitteaux, est devenu propriétaire de cette belle ruine; entre de telles mains la conservation en est aussi assurée (possible. Mais qui peut répondre de l’avenir? Pour ne rien laisser au hasard, il m’a semblé utile de faire précéder mon étude sur les seigneurs de Posanges, d’une description complète du château. J’ai ainsi mêlé « archéologie à l’histoire, me souvenant du conseil de M. de Caumont, qui, dans un livre devenu classique, conjure ses confrères (l’explorer et de décrire les monuments civils et militaires du moyen âge plus particulièrement que tous les autres, parce qu’ils sont aussi plus que tous les autres exposés à la destruction.

A quelques kilomètres de Vitteaux , la route départementale qui mène de cette ville à la station des Laumes traverse le petit village de Posanges ‘, dont les maisons couvertes de chaume ou écrasées sous de lourds toits de lave, se divisent en deux groupes principaux, les unes étagées, à droite de la route, sur un coteau pierreux, les autres baignées, pour ainsi dire. Par les eaux quelquefois terribles de la Brenne . Sur la rive droite de cette rivière et à une distance à peu près égale des collines qui en dessinent le bassin, on remarque les ruines assez bien conservées (l’un manoir féodal qui passe à juste titre pour un des spécimens les plus remarquables de l’architecture militaire bourguignonne au 15ème  siècle.

La grande féodalité avait choisi, pour y percher ses nids d’aigle, les collines abruptes et les crêtes les plus escarpées des montagnes.

On trouve encore en Bourgogne quelques vestiges des grandes citadelles de cette première époque. Elles étaient toutes situées sur les hauteurs. Témoins Saulx-le-Duc ‘, ce nid à rat.. comme disait Henri IV; Mont-St-Jean, qui balança au X1Ve siècle la puissance des ducs de Bourgogne; Thil, dont les écorcheurs s’emparèrent en 1366 ; Charny; Salmaise, ancienne châtellenie ducale; Sombernon ‘, Montbard , Semurr ‘, et un grand nombre d’autres moins importantes.

La chronique rapporte qu’un seigneur de Vergy, ambassadeur en Espagne, disait au roi que bat le  foin de la Castille ne rempli pas les fossés. Des ravins escarpés, de profondes vallées, de hautes assises de rochers formaient la défense naturelle de ces forteresses, qu’une double ou triple enceinte et un système savamment combiné de tours, (le courtines, de tranchées pratiquées dans le roc aux endroits les plus accessibles, achevaient (le rendre imprenables. Dans quelques provinces reculées et essentiellement montagneuses, ce genre de constructions militaires survécut aux temps féodaux proprement dits. On pourrait citer sur les pics basaltiques des Cévennes, dans les montagnes de l’Auvergne, aux premiers plans des Alpes dauphinoises, un grand nombre de ces châteaux que la Révolution trouva encore habités et à peu près intacts. Forcés et pillés par les Suédois de Gustave-Adolphe dans leur course rapide à travers l’Alsace, ce fut seulement sous les coups des généraux de Louis XIV que tombèrent les vieux burgs de la chaîne des Vosges.

 En Bourgogne il n’en fut pas ainsi. Nos dues, modelant leur politique sur celle des rois de France, s’attaquèrent de bonne heure aux grandes maisons féodales qui, issues pour la plupart des anciens (dues ou comtes bénéficiaires, s’étaient partagé aux Xe et X1C siècles, lit du pays. A la fin du XIVe siècle, ces familles quasi souveraines ont presque toutes disparu; les unes se sont éteintes ; d’autres ont émigré ; celles qui subsistent encore et n’ont pas quitté le sol bourguignon, abandonnent peu à peu les sauvages retraites de leurs montagnes. On les voit affluer à la cour des ducs de la seconde race et se construire de somptueux hôtels dans les grandes villes de la province.

posanges-225x300 dans Côte d'OrParmi les châteaux de ces vieilles races éteintes ou amoindries, il en est un certain nombre qui, par achat, confiscation ou alliance, sont entrés dans le domaine ducal. Ils seront désormais gouvernés par de simples châtelains aux gages du souverain, ou bien les ducs les emploieront, SOUS le nom de domaines engagés, et avec les vastes terres de leur dépendance, à récompenser les loyaux services de leurs officiers. Au point de vue militaire, ces châteaux ainsi réduits ne sont plus une puissance; on se borne à ne les point laisser tomber en ruines, mais voilà tout. Quant à ceux qui ont échappé à ces premières tentatives de centralisation, leur importance disparaît bientôt avec la grande féodalité qui se meurt.

Le château de Posanges affecte la forme d’un rectangle légèrement allongé du nord-est au sud-ouest , et enfermé entre quatre murailles ou courtines d’égale hauteur et parfaitement parallèles.

Percées de rares et étroites meurtrières et, sur la face sud—ouest, de trois larges fenêtres à embrasures évasées, ces courtines sont commandées aux quatre angles par autant de tours rondes. Il y a quelque différence, mais peu sensible, dans les dimensions de ces tours, dont la décoration consiste en un simple cordon peu saillant courant à la moitié ou aux deux tiers de la hauteur. Trois d’entre elles sont encore surmontées de leurs toits coniques, qui reposent, non pas sur des créneaux, connue il se voit le plus souvent, mais sur de simples corniches. Celui de la quatrième est entièrement rasé. Les fossés larges et profonds sont aujourd’hui à sec et ont perdu, sur la plus grande partie de leur parcours, le revêtement en maçonnerie qui devait sans doute en consolider la contrescarpe. Une simple dérivation des eaux de la Brenne les rendrait aisément à leur première destination.

A Posanges, ce qui frappe tout d’abord, c’est le parfait état de conservation de l’édifice. Les matériaux étaient excellents, l’appareil irréprochable, de telle sorte que le temps n’a pu entamer ses épaisses et solides murailles. Le premier coup d’oeil vous jette dans une complète illusion. Si quelques groseilliers sauvages ne surgissaient çà et là au sommet des remparts ou que de gracieuses touffes (le pariétaires ne fussent suspendues aux linteaux des fenêtres, à coup sûr oit croirait cette féodale demeure encore habitée par ses nobles hôtes et les meurtrières dont elle percée toutes prêtes à vomir la mitraille.

La façade principale n son aspect au nord-est. La grande porte à cintre surbaissé qui la divise en deux parties égales est la seule qui donne accès dans la place. Elle était précédée d’un pont-levis dont les étroites rainures sont encore visibles. A gauche s’ouvre la poterne ou guichet autrefois destiné aux piétons, et au-dessus du cintre ou remarque une niche avec tin cartouche sculpté et cette inscription :

AD MAJOREM — 1715 — DE! GLORIAM

Les chambres des étages supérieurs sont uniformément rondes ou à pans coupés, et éclairées par une ou deux fenêtres étroites avec bancs de pierre dans l’embrasure. Partout les traverses des plafonds sont visibles.

Çà et là on remarque des meurtrières ouvertes sur la campagne. Enfin chaque pièce a sa cheminée, une de ces cheminées façon 15ème siècle, dont le manteau repose sur de minces colonnettes engagées à hase prismatique. Ici encore la décoration est très simple. Point de sculptures, à part quelques écussons sur la tablette des cheminées j’ai relevé celui des Dubois de Posanges et celui de Bourgogne moderne, dont les quartiers ont été maladroitement intervertis.

On accède aux divers étages de chacune des tours de la façade par un escalier à vis percé alternativement de meurtrières et de petites fenêtres carrées, et se terminant à la hauteur des combles par un lanternon en bois. De là le regard embrasse l’ensemble du château. Avant de redescendre, le visiteur aura soin (le donner un coup d’oeil aux charpentes ; c’est surtout dans la grosse tour du sud-ouest qu’on en peut admirer l’élégante disposition, la hardiesse ingénieuse et le parfait échantillonnage. Elles ont leurs analogues dans les tours du vieux château de Semur.

Un chemin de ronde sans parapet intérieur – l’extérieur est en partie démoli, – régne au sommet des remparts sur trois côtés du rectangle et joint les quatre tours entre elles, Des deux tours (du sud-ouest, il n’y en a qu’une, avons-nous (lit, qui soit restée intacte. C’est celle de gauche. Mais aussi c’est la plus remarquable et par la solidité de son appareil et par l’ampleur de ses proportions

Je n’étais pas seul dans ma visite aux ruines de Posanges. J’avais pour compagnon un ami, archéologue presqu’aussi novice mais  moins zélé que moi, et nous nous proposions de terminer par l’église notre petit voyage d’exploration, d’autant plus qu’on nous y avait signalé l’existence d’une tombe dont nous désirions relever l’estampage. Pour quiconque se pique tant soit peu d’archéologie, la moindre église de campagne n’a-t-elle pas d’ailleurs son importance? C’est entre le donjon et le clocher que, pour la plupart de nos villages, s’est déroulé le modeste drame de leurs annales et, à défaut de documents écrits toujours rares, quelquefois introuvables, on est bien souvent réduit à demander à ces vieilles pierres, témoins véridiques des siècles écoulés, le secret de leur histoire. Malheureusement l’église de Posanges n’est pas ancienne et l’on ne saurait rien imaginer de plus rustique. C’est un bâtiment rectangulaire, bas, écrasé, sans architecture et sans clocher, quelque chose comme un mot d’un peu moins vulgaire qu’une grange. Elle est située entre la Brenne et les fossés du château, à deux pas de la maison Commune qui se dresse à ses côtés, comme une puissance nouvelle, toute fière de ses deux étages et de son irréprochable badigeon. On l’a  construite il y a une cinquantaine d’années sur l’emplacement (l’une église qui menaçait ruine et qui remontait au 15ème siècle. C’est ce qui résulte de l’inscription suivante en belle minuscule gothique provenant di, l’ancienne église et aujourd’hui encastrée dans une embrasure de fenêtre

CESTE EGLE, FVT DEIMEE LE 1ÏMIlR JO D’AOVST L’

MIL CCCC XLVIII.

posanges1-225x300Outre cette inscription il reste encore de l’ancienne église une crédence d’un assez bon style, ornée de l’écusson des Dubois, et la tombe dont il a été question tout-à-l’heure.

En vérité c’est peu de chose, mais l’archéologue se contente souvent à bon marché.  A la fin du XIIIème  siècle, Posanges appartenait à l’illustre maison de Frolois qui portait, comme on sait, dans ses armes, le faruh’ d’or et d’azur de Bourgogne ancien. Eu 1299, le lendemain de Pâques charnel, Eudes de Frolois reconnut tenir eu fief du duc Robert, ta ville de Varnicourt et celle de Posanges, où il y avait déjà une maison forte, comme nous l’apprend l’acte d’hommage’.

Eudes de Frolois mourut en 1308 et les généalogistes ne lui donnent qu’une fille, mariée dans la maison de Mailly , C’est, croyons nous, une erreur. On peut très—vraisemblablement lui attribuer encore deux fils : Jean et Miles. Jean, l’aîné, hérita des plus importantes seigneuries de soit et jouit d’une grande faveur à la cour de nos ducs. Leduc Eudes IV, qui l’appelait son cousin, lui confia la charge considérable de maréchal de Bourgogne, et, pour le récompenser de ses services, il réunit en 1348, tous les fiefs que ce seigneur possédait en Bourgogne et pour lesquels il devait plusieurs hommages, en un seul fief qui reléverait désormais du duché sous la condition d’un seul et unique hommage. On peut juger du rang élevé que tenait Jean de Frolois dans la noblesse terrienne de Bourgogne par la simple énumération de ses seigneuries. Il y en avait trop dans la mouvance de la châtellenie ducale de Salmaise, deux dans celle dit de Frolois qu’un seigneur de ce nom avait cédé au duc Robert 11 dès l’année 1298, et une dizaine d’autres réparties dans plusieurs bailliages et parmi lesquels nous citerons seulement la maison forte de Posanges. 

Ecrit par J. D’ARBAUMONT. Issu du document original 

 

Publié dans CHATEAUX DE FRANCE, Côte d'Or | Pas de Commentaire »

 

leprintempsdesconsciences |
Lechocdescultures |
Change Ton Monde |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | C'est LE REVE
| Détachement Terre Antilles ...
| ATELIER RELAIS DU TARN ET G...