La Gaule « Barbare » du IIIè au XIè siècle (partie 4)
Posté par francesca7 le 18 mars 2013
Au début, les Danois se contentent d’incursions côtières, mais dès avant la mort de Charlemagne, pillent de plus en plus systématiquement les vallées des fleuves navigables par leurs Drakkars, attaquant surtout les bourgs, les cathédrales et les monastères prometteurs de butin, assassinant les évêques et torturant les moines. La Seine est attaquée dès 810, pis en 819, ainsi que la Loire. A partir de 830, les expéditions deviennent annuelles et s’organisent : Rouen est brûlée en 842, Nantes et Tours en 843, ainsi que Toulouse, car les Vikings s’aventurent aussi sur la Garonne. 100 drakkars prennent Paris en 845. Les Normandes hivernent en 852 et 853, puis tous les ans. En 857, ils incendient Paris, Chartres, Bayeux, et ils pillent les viles de Saint-Denis, Beauvais, Noyon, massacrant leurs évêques, en 858 et 859, date à laquelle une flottille de 62 drakkars passe Gibraltar, ravage le Roussillon, Nîmes, Arles, Valence, les vallées du Rhône et de la Saône, continuent vers l’Italie avant de revenir en Bretagne en 862 ! Entre-temps, en 860, un autre groupe de Danois prend et pille Paris, pour la troisième fois en moins de 20 ans ! Ils ravagent tout le nord de la France, de la Loire à la Lorraine, pendant 15 ans.
En 885, le comte de France, Eudes, ancêtre d’Hugues Capet, repousse, à force d’or, les 700 drakkars de Siegried venus assiéger Paris pour la quatrième fois ; les Danois partent en Angleterre, reviennent en 900, s’installent en Basse-Loire d’où ils pillent la Bretagne, et en Basse-Seine d’où il s dévastent la Bourgogne. En 911, afin d’affamer Paris, le Norvégien Rollon s’empare de la Beauce et assiège Chartres. Le traité de Saint Clair sur Epte -met fin l’expansion des Normands, mais rend définitif leur établissement dans les diocèses de Rouen, d’Evreux et de Lisieux, sur le Bessin (déjà germanisé par les Saxons), l’Avranchin et le Cotentin ; La Normandie, qui s’est christianisée, deviendra un Etat puissant, au point d’offrir à l’Angleterre, un siècle plus tard, un roi de fer : Guillaume le Conquérant, descendant de Rollon.
Les Vikings les plus aventureux, qui refusent de se soumettre, forment en 919, sur la Loire, un second Etat normand, éphémère, puisqu’après avoir englobé le Poitou et le Limousin, il st liquidé, en 936, par le petit-fils du dernier roi de Bretagne, vaincu 20 ans auparavant.
Les immigrés normands sont surtout des hommes et peu nombreux. En grande majorité Danois (Norvégiens parfois en Basse Normandie) ils se marient dès la première génération avec des femmes gallo-romaines. D’autres immigrés viennent encore pendant un siècle, mais la langue viking disparaît en moins de 30 ans à Rouen. Elle subsiste seulement dans environ 80 patronymes (Anquetil, Angot, Yver…) dans des noms de lieu s’achevant en –fleur (baie), -havre (anse), – nez (cap), -bec (ruisseau)… et dans le vocabulaire maritime : bâtard, tribord, quille, étrave, dague, lof, digue, crique.
Le goût de l’aventure portera les Normands, même francisés, vers l’Espagne et la Sicile (reconquête contre les musulmans) et l’Angleterre (après 1066). Le mixage des populations gallo-normandes entraînera la naissance de nombreux villages neufs, l’essor commercial de Rouen. Mais, sur le moment, les incursions des Vikings ont provoqué la fuite des populations indigènes de l’ouest vers l’Ile de France, la Bourgogne, le Berry et l’Auvergne, entraînant le dépeuplement des régions côtières menacées, la destruction ou la ruine de nombreuses villes de la Loire et de la Seine, la vente d’esclaves déportés vers la Scandinavie, l’Angleterre, l’Allemagne du nord.
Pour terminer cette première partie, n’oublions pas les Orientaux présents en Gaule du fait de leur appartenance à l’armée romaine ou de leur commerce. Jusqu’au VIè siècle, on trouve des marchands grecs et syriens à Orléans, Tour, Saintes, Bordeaux, Narbonne, Vienne et surtout Lyon. A partir du VIIè siècle, la conquête de la Syrie par les Arabes et la guerre sainte encouragée par Mahomet font décliner les affaires, et par conséquent, le nombre de Syriens. On trouve encore des évêques grecs à Agde, Bourges, Tours, Autun, Saintes et Poitiers.
Les juifs de la Gaule romaine n’ont pas de statut particulier. Beaucoup portent des noms romains (Priscus, Julius), parlent latin et vivent en Gaule depuis l’époque de la Diaspora et la mode des religions orientales (IIè siècle). Ils sont nombreux mais toujours minoritaires à Bordeaux, Marseille, Auch, Arles, Narbonne, Carcassonne, Vienne, Mâcon, Châlon, Bourges, Tours, Orléans, Nantes, Clermont, Rouen. Ils sont extrêmement puissants à Lyon et à Paris. Au VIè siècle, l’évêque d’Uzès, Ferreor, fréquent les juifs, mais à la fin du siècle la persécution se généralise, avec le chantage à la conversion ou à l’expulsion. La synagogue d’Orléans est détruite. Condamnés au double jeu, les juifs sont marginalisés mais restent importants en Septimanie (Narbonne) en Provence (Marseille), à Vienne et à Lyon. Ils sont beaucoup moins nombreux en Gaule du nord (Rouen, Troyes, Mets) et jouissent d’une relative protection de Louis le Pieux aux croisades avant la reprise des pogroms.
Signalons enfin quelques apports isolés de prisonniers de guerre saxons, thuringeois, bavarois installés sous Charlemagne sur notre territoire et, inversement, l’extension de l’Etat carolingien qui a porté les Francs en Angleterre, en Allemagne et encore plus à l’est.
En 987, ces « grandes invasions » qui n’ont pas fini à la Gaule romaine, ou plutôt ces grandes migrations sont terminées après huit siècles d’amples vagues de passages de peuples en transit, d’implantations durables de conquérants, d’incursions de pillards. Le choc du IIIè siècle a été plus violent que celui du Vè siècle. Les peuples barbares se fondent rapidement dans le moule celto-romano-chrétien que leur offre leur nouveau pays. Ils cherchent plus l’entente et la fusion que la destruction d’une Gaule romaine qu’ils admirent même si parfois ils la ravagent.
Les nombreux mixages tendent à l’unification ethnique, mais la féodalité, née de l’insécurité et de l’incapacité des successeurs de Charlemagne à protéger les habitants, va entretenir pour de longs siècles des particularismes politiques, sociaux et culturels ; après un demi-millénaire de cohabitation parfois difficile, l’assimilation est complète, et en 987, sauf les Basques et les Bretons, tous les peuples de la Francie se considèrent comme « français », du moins sujets du bien lointain roi de France et vassaux de leur suzerain local. La germanisation a échoué là où la romanisation avait été forte et seules les frontières nord-est de la France sont vraiment germanisées. C’est à Verdun, sur la Meuse qu’est écrit, en 843, le premier texte détaché du latin : le traité de partage de l’Empire d’Occident qui donne à Charles le Chauve la Francie occidentale, l’obligeant à renoncer pour toujours au vieux rêve de rejoindre le Rhin. La France et la langue française sont nées en 843. Le peuple français existe dès 987, réuni par Hugues Capet.
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