La Gaule « Barbare » du 3è au 11è siècle (partie 1)
Posté par francesca7 le 18 mars 2013
« Barbare » signifie, en grec, « étranger au monde grec » et, par extension, au monde romain. Ce mot s’applique aux huit siècles, soit 25 générations, qui couvrent le Bas-Empire romain et le Haut Moyen Age, période prépondérante dans l’histoire de la population française, de ses zones linguistiques, de son habitat et de ses mœurs. La germination du peuple gallo-romain a été moins profonde qu’on ne l’a dit et cru pendant longtemps et, dans la majeure partie du territoire actuel de la France, les traditions romaines ne sont maintenues dans une population indigène largement prédominante, qui a assimilé rapidement les peuples allogènes, toujours minoritaires et souvent admirateurs de leurs adversaires vaincu. Les immigrés germains (Francs, Alamans, Burgondes, Wisigoths), bretons, gascons, normands, les communautés orientales (juifs, Grecs, Syriens) ou autres (Saxons, Espagnols, Irlandais), se sont fondus dans le peuple gallo-romain en quelques générations, la plupart du temps à la faveur de la christianisation.
Là encore, les sources se révèlent très rares et discutables, les chiffres invérifiables et les dates souvent approximatives ; on ne connaît même pas celle du baptême de Clovis ! Il n’existe pas de comptes, pas d’enquêtes, pas de pièces administratives. Seulement quelques inventaires de biens ecclésiastiques polyptyques, quelques chartes, quelques annales d’historiographe de l’entourage de Clovis ou de Charlemagne. C’est pauvre ! La toponymie, l’archéologie fournissent des renseignements plus substantiels, mais encore faut-il rester prudent.
Les « barbares », que les Romains contiennent au-delà du limes depuis deux siècles, commencent leurs incursions en Gaule à partir de la fin du II siècle. Mais c’est au IIIème qu’ils multiplient des percées d’autant plus dévastatrices qu’elles sont fréquentes et simultanées. Le destin de la Gaule s’est joué vers le Rhin, au-delà duquel vivent les Alamans (au sud) et les Francs, confédération de tribus sédentaires établies entre la mer du Nord, la Westphalie et la Rhénanie, et dont le nom apparaît vers la moitié du IIè siècle (franco = libre). Ils commencent leurs incursions en Gaule sur la pression des peuples du nord et de l’est (plus tard les Alains et les Huns). Les conséquences catastrophiques de la « transgression flandrienne », submersion des terres basses de la Flandre à la Frise, et la dislocation des bouches du Rhin, réduisent davantage les surfaces cultivables. Or, cette Gaule si riche, si active, si fertile et si urbanisée est mal défendue. Les menaces des Parthes et des Perses, en Orient, obligent les autorités impériales à dégarnir le limes occidental et à démilitariser les bourgs et les villes de la Gaule, y compris Trèves, sans défense face aux Germains qui profitent de l’aubaine pour en tirer profit sans détruire cet empire qu’ils admirent.
Aussitôt, commencent des attaques qui vont se systématiser pendant un demi-siècle. En 254, les Alamans franchissent le Rhin et pillent la vallée du Rhône. En 256, les Francs passent la Meuse en ravageant tout, de Metz l’Espagne. Un moment arrêtés par l’empereur Gallien, ils recommencent en 259, encouragés par la capture de l’empereur Valérien par les Parthes et la mort de Gallien devant Milan : toutes les régions entre le Rhin et la Seine sont dévastées jusqu’aux Pyrénées et au Lyonnais. Tout l’ouest est ravagé en 268. Après une courte stabilisation sous Aurélien, la grande invasion de 275 à 280 anéantit tout le nord et l’ouest jusqu’à l’Aquitaine ; les campagnes sont ruinées, les paysans forment des bandes de brigands (les Bagaudes), 70 cités sont incendiées (seule Narbonne est épargnée). La majorité d’entre elles se relèveront mais en s’entourant de remparts (Senlis, Orléans) et avec une surface et une population réduites (Amiens passe de 100 à 10 habitants). Des forts, appelés Castelliones (Châtillon), sont construits près des ponts et des confluents.
Comme il n’y a plus rien à piller, les « rois » francs et alamans préfèrent composer avec les autorités impériales qui parviennent parfois à les calmer ; l’empereur Probus organise l’incorporation des Germains dans les troupes auxiliaires de l’armée romaine qui possède même des corps totalement germaniques, les Numeri, avec mission de contribuer à la défense de l’empire contre les autres barbares jugés plus redoutables ; prudents, les Francs combattent dans l’armée romaine jusqu’en 476. Probus, après sa victoire en 278 sur les Alamans, incorpore 16 000 prisonniers dans son armée et, après une expédition des Vandales en Bretagne (Angleterre) déporte, puis installe de force ses captif germains, sur les terres abandonnées par les Gallo-Romains, avec ordre de remettre en état ce qu’ils ont détruit, vers Amiens, Beauvais, Troyes, Langres. Ces Laeti (Lètes) colonisent ainsi le pays de Rènes (Champagne) et des Lingons (Bourgogne du nord), et se calment.
Des Francs s’installent près de Cambrai et du Salzsee (d’où leur futur nom de Saliens), sur des terres cédées par Rome, et seuls leurs frères, les Francs Ripuaires, du Rhin restent dangereux. Avec cette installation pacifique imposée par Dioclétien et intensifiée jusqu’à Théodose, le nord-est de la Gaule se germanise, mais les colons et les soldats d’origine germanique se romanisent rapidement. Après quelques incursions d’Alamans et de Burgondes à l’est en 282, de pirates bretons et saxons sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique, l’empereur Constance-Chlore bat les Alamans en 298 et clame pour un siècle les prétentions dévastatrices des Germains, d’autant plus que de Constantin à Théodose, l’empire connaît un redressement spectaculaire et inespéré, dont les peuples romanisés profitent largement.
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