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  • > Archives pour le Lundi 18 mars 2013

La Gaule « Barbare » du 3è au 11è siècle (partie 1)

Posté par francesca7 le 18 mars 2013

 

La Gaule « Barbare » signifie, en grec, « étranger au monde grec » et, par extension, au monde romain. Ce mot s’applique aux huit siècles, soit 25 générations, qui couvrent le Bas-Empire romain et le Haut Moyen Age, période prépondérante dans l’histoire de la population française, de ses zones linguistiques, de son habitat et de ses mœurs. La germination du peuple gallo-romain a été moins profonde qu’on ne l’a dit et cru pendant longtemps et, dans la majeure partie du territoire actuel de la France, les traditions romaines ne sont maintenues dans une population indigène largement prédominante, qui a assimilé rapidement les peuples allogènes, toujours minoritaires et souvent admirateurs de leurs adversaires vaincu. Les immigrés germains (Francs, Alamans, Burgondes, Wisigoths), bretons, gascons, normands, les communautés orientales (juifs, Grecs, Syriens) ou autres (Saxons, Espagnols, Irlandais), se sont fondus dans le peuple gallo-romain en quelques générations, la plupart du temps à la faveur de la christianisation. 

Là encore, les sources se révèlent très rares et discutables, les chiffres invérifiables et les dates souvent approximatives ; on ne connaît même pas celle du baptême de Clovis ! Il n’existe pas de comptes, pas d’enquêtes, pas de pièces administratives. Seulement quelques inventaires de biens ecclésiastiques polyptyques, quelques chartes, quelques annales d’historiographe de l’entourage de Clovis ou de Charlemagne. C’est pauvre ! La toponymie, l’archéologie fournissent des renseignements plus substantiels, mais encore faut-il rester prudent.

Les « barbares », que les Romains contiennent au-delà du limes depuis deux siècles, commencent leurs incursions en Gaule à partir de la fin du II siècle. Mais c’est au IIIème qu’ils multiplient des percées d’autant plus dévastatrices qu’elles sont fréquentes et simultanées. Le destin de la Gaule s’est joué vers le Rhin, au-delà duquel vivent les Alamans (au sud) et les Francs, confédération de tribus sédentaires établies entre la mer du Nord, la Westphalie et la Rhénanie, et dont le nom apparaît vers la moitié du IIè siècle (franco = libre). Ils commencent leurs incursions en Gaule sur la pression des peuples du nord et de l’est (plus tard les Alains et les Huns). Les conséquences catastrophiques de la « transgression flandrienne », submersion des terres basses de la Flandre à la Frise, et la dislocation des bouches du Rhin, réduisent davantage les surfaces franc-saliens-261x300 dans AUX SIECLES DERNIERScultivables. Or, cette Gaule si riche, si active, si fertile et si urbanisée est mal défendue. Les menaces des Parthes et des Perses, en Orient, obligent les autorités impériales à dégarnir le limes occidental et à démilitariser les bourgs et les villes de la Gaule, y compris Trèves, sans défense face aux Germains qui profitent de l’aubaine pour en tirer profit sans détruire cet empire qu’ils admirent.

Aussitôt, commencent des attaques qui vont se systématiser pendant un demi-siècle. En 254, les Alamans franchissent le Rhin et pillent la vallée du Rhône. En 256, les Francs passent la Meuse en ravageant tout, de Metz  l’Espagne. Un moment arrêtés par l’empereur Gallien, ils recommencent en 259, encouragés par la capture de l’empereur Valérien par les Parthes et la mort de Gallien devant Milan : toutes les régions entre le Rhin et la Seine sont dévastées jusqu’aux Pyrénées et au Lyonnais. Tout l’ouest est ravagé en 268. Après une courte stabilisation sous Aurélien, la grande invasion de 275 à 280 anéantit tout le nord et l’ouest jusqu’à l’Aquitaine ; les campagnes sont ruinées, les paysans forment des bandes de brigands (les Bagaudes), 70 cités sont incendiées (seule Narbonne est épargnée). La majorité d’entre elles se relèveront mais en s’entourant de remparts (Senlis, Orléans) et avec une surface et une population réduites (Amiens passe de 100 à 10 habitants). Des forts, appelés Castelliones (Châtillon), sont construits près des ponts et des confluents.

Comme il n’y a plus rien à piller, les « rois » francs et alamans préfèrent composer avec les autorités impériales qui parviennent parfois à les calmer ; l’empereur Probus organise l’incorporation des Germains dans les troupes auxiliaires de l’armée romaine qui possède même des corps totalement germaniques, les Numeri, avec mission de contribuer à la défense de l’empire contre les autres barbares jugés plus redoutables ; prudents, les Francs combattent dans l’armée romaine jusqu’en 476. Probus, après sa victoire en 278 sur les Alamans, incorpore 16 000 prisonniers dans son armée et, après une expédition des Vandales en Bretagne (Angleterre) déporte, puis installe de force ses captif germains, sur les terres abandonnées par les Gallo-Romains, avec ordre de remettre en état ce qu’ils ont détruit, vers Amiens, Beauvais, Troyes, Langres. Ces Laeti (Lètes) colonisent ainsi le pays de Rènes (Champagne) et des Lingons (Bourgogne du nord), et se calment.

salinsDes Francs s’installent près de Cambrai et du Salzsee (d’où leur futur nom de Saliens), sur des terres cédées par Rome, et seuls leurs frères, les Francs Ripuaires, du Rhin restent dangereux. Avec cette installation pacifique imposée par Dioclétien et intensifiée jusqu’à Théodose, le nord-est de la Gaule se germanise, mais les colons et les soldats d’origine germanique se romanisent rapidement. Après quelques incursions d’Alamans et de Burgondes à l’est en 282, de pirates bretons et saxons sur les côtes de la Manche et de l’Atlantique, l’empereur Constance-Chlore bat les Alamans en 298 et clame pour un siècle les prétentions dévastatrices des Germains, d’autant plus que de Constantin à Théodose, l’empire connaît un redressement spectaculaire et inespéré, dont les peuples romanisés profitent largement.

 

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La Gaule « Barbarie » du 3è au XIè siècle (partie 2)

Posté par francesca7 le 18 mars 2013

 

Les chefs francs ou vandales atteignent l s plus hautes fonctions, y compris le Consulat, et font de beaux mariages jusque dans les familles impériales ; ces peuples, trop minoritaires, ne veulent pas détruire un empire romain dont ils tirent profit, et qu’ils admirent malgré son déclin, au point d’adopter sa langue, ses mœurs et bientôt sa nouvelle religion.

La menace des cavaliers de la steppe, originaires d’Asies, les Huns, qui se déplacent en masse vers l’ouest à partir de la fin du IVè siècle, va détruire ce fragile équilibre.

La Gaule

La percée décisive a lieu le 31 décembre 406, lorsque les Vandales, les Suèves et les Alains franchissent le Rhin et saccagent la Gaule dans tous les sens pendant trois ans, avant de continuer en Espagne, au Portugal et en Afrique. Seuls quelques Alains restent pendant une génération, le temps de laisser leur nom à quelques villages : Allainville (près d’Orléans), Allogne (près du Mans). Venus  de Pologne au IIIè siècle et installés en Souabe et en Franconie, les Burgondes, auparavant alliés des Romains et largement romanisés, profitent de la panique générale pour franchir aussi le Rhin en 406 ; ils s’installent dans le Jura le Genevois, le bassin de la Saône, et atteignent Lyon, puis Vienne en 457 leur royaume donne sa deuxième femme à Clovis, la catholique Clotilde, et disparaît en 534 avec son incorporation au royaume franc par les fils de Clovis et Clotilde, formant le futur comté, puis duché, de Bourgogne. Il reste de leur passage des noms de villages se terminant par : ans, – ens, -anges, -inge, -inges, du Jura au Chablais.

 

venus au IIème siècle des régions baltes, les Goths, installés vers la mer Noire, exigent et obtiennent par la force, en 376, l’autorisation de franchir le Danube pour échapper à la menace des Huns. Mais, percevant un sentiment antigermanique croissant à la cour impériale, ils réagissent en pillant Rome pendant trois jours en 410, avant de passer en Gaule et de s’établir dans la vallée de la Garonne en 412, s’installant à Toulouse, Bordeaux, Narbonne et Valence. En 414, le roi Athaulf épouse une fille de l’empereur Théodose et les Wisigoths, devenant des allées de Rome, du reste peu fidèles et loyaux, vont former le premier royaume barbare en Gaule. Celui-ci s’étendra, pour un siècle, jusqu’à la Loire et le Rhône, englobant la Gascogne, l’Aquitaine, le Poitou, le Berry, la Provence, la Septimanie (Bas-Languedoc), l’Auvergne, le Limousin, sans compter l’Espagne où ils se réfugieront après la contre-offensive victorieuse de Clovis (Vouillé, 507). Les Ostrogoths, installés en Provence jusqu’en 537 (reconquête franque), ont laissé des traces encore plus insignifiantes que les Wisigoths du sud-ouest.

 L’aventure gauloise des Burgondes et des Wisigoths rappelle que les Germains ont été poussés par les Huns dont la principale action dans notre pays a été d’y installer des peuples qui n’avaient aucune raison d ‘y être. Ces réfugiés germains sont considérés par les empereurs romains comme des mercenaires qui sont logés et nourris chez l’habitant et dont les chefs bénéficient de dons de terre et d’or. Rome achète leur pacifisme, voire leur alliance et, objectivement les Germains jouent le jeu contre un ennemi commun. Ainsi, quand Attila brûle Trèves, Metz et Reims, menace Paris et Pille Orléans en 451, i suffit de quelques mois et d’une bataille (les Champs catalaunique) aux Francs, aux Wisigoths et aux Burgondes, alliés aux Romains pour vaincre le « fléau de Dieu », dont la mort en 453 entraîne aussitôt la dispersion des Huns et leur disparition définitive de l’occident.

Etablis en Souabe, moins romanisés, les Alamans sont, au IVè siècle, les plus menaçants des Germains. Ils s’installent, après 406, en Séquanie du nord (Besançon) et en Alsace, mais ils s’intéressent davantage à la Suisse et à l’Italie. Les villages nommés Allemants, Aliemagne, témoignent de leur présence. Là encore, ils sont arrêtés à Tolbiac en 496 par Clovis qui brise de nouveau leur élan en 506. En 536, naît le duché d’Alsace.

Sans refaire l’histoire, d’ailleurs obscure, de Clovis, précisons seulement qu’il n’a pas véritablement fait la conquête de la Gaule, mais plutôt un coup d’état en remplaçant, au nord de la Loire, le Romain Syagrius après la victoire de Soissons (en 486, à l’âge de 20 ans, la cinquième année de son règne sur les Francs Saliens). S’il a éliminé cruellement les autres roitelets francs pour unifier son peuple installé de la Lippe au Pas de Calais, il a usé de prudence et de sagesse avec les Gallo-Romains, dont il adopte la religion catholique (date et lieu de baptême controversés) et qu’il ne traite pas en vaincus, préférant les faire collaborer à son pouvoir, s’alliant avec l’Eglise et l’aristocratie indigène, alliance dont chacun profite. Pour montrer qu’il se détache de sa région d’origine, il quitte Tournai et se fixe à Paris, alors ville romaine assez modeste pour ne pas résister à l’emprise du vainqueur, et s’y fait enterrer en 511.

Sauf à la frontière nord-est, l’influence franque restera cependant limitée, contrairement à ce que pourrait laisser croire la mode des noms de villages : Amouville = la villa (mot romain) et Arnolf / Arnoul (prénom germanique) et des personnes : Bernhard signifie Ours dur, Robert (Rogbert) Gloire illustre, et Gertrude (Garitrud) Lance fidèle ! Ces prénoms francs ne seront remplacés par des chrétiens qu’au XIIème siècle. Cela prouve que l’histoire de la Gaule médiévale est celle de l’Etat franc, mais pas que le peuple franc a envahi la Gaule. En 511, tous les guerriers de Clovis s’étaient mariés avec des femmes gallo-romaines et commençaient à se romaniser après avoir, presque tous, adopté le catholicisme à la suite de leur roi, ainsi que la langue latine. On a vu que l’influence franque incorpore, après la mort de Clovis, les anciens territoires des Wisigoths, des Burgondes, des Ostrogoths et des Alamans. Sous les Carolingiens, elle atteindra la Catalogne, l’Aragon (Marche d’Espagne), la Bohème (Marche Sorbe), la Frise (Marche danoise), mais pas l’Armorique (Marche de Bretagne).

Frise des Mérovingiens

frise dans AUX SIECLES DERNIERS

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La Gaule « Barbare » du 3ème au 11ème siècel (partie 3)

Posté par francesca7 le 18 mars 2013

 

Quelques mots sur les peuples maritimes de la Gaule. La seule installation durable des Saxons se trouve dans le Boulonnais (villages en –thun, comme Offrethn, ou en –sant, comme Wissant) et dans le Bessin (villages en –ham, comme Ouistreham). Bien plus important, les Bretons sont venus du pays de Galles et de Cornouilles dès la fin du IIIè siècle, sur l’appel des Romains, afin de renforcer les garnisons romaines sur la côte armoricaine de la Manche contre les pirates saxons (noms de lieu : Bretteville, Bretonneux…).

La Gaule

 légende  ▲ en rose : royaume de Lothaire

▲en vert : royaume de Louis

▲ en jaune : royaume de Charles

D’autres guerriers bretons passent en Armorique à la fin du 4ème  siècle, avec le Romain Maxime, vainqueur des Pictes et des Scots. Fuyant l’invasion saxonne en Bretagne, les Bretons émigrent en Armorique, surtout entre 450 et 550. Chrétiens, romanisés (sauf pour la langue), ils sont des auxiliaires fidèles des armées romaines, combatifs, mais mal organisés. Vidée de ses habitants au Bas-Empire, l’Armorique se repeuple ainsi facilement et ses noms se celtisent : les pagi deviennent « pou », les plèbes « plou » et les vici « gui ». A l’ouest d’une ligne Vannes/ Saint Malot, la fusion avec la population autochtone, très réduite, est rapide. Le particularisme linguistique breton entraîne rapidement un séparatisme belliqueux, voire un expansionnisme qui oblige les Francs à s’en protéger en construisant une sorte de limes, en ligne de forts appelés Werke (La Guerche).

martel dans AUX SIECLES DERNIERSAutres réfractaires à la poussée franque : les Basques, ou Vascons (Glascons), peuple proto-ibérique réfugié dans les montagnes pyrénéennes, qui acceptent mal la domination gothique et encore plus mal l’expansion franque. L’épisode le plus significatif de leur état d’esprit est l’attaque du col de Roncevaux au moment où Charlemagne passe en Espagne afin de lutter contre les Sarrasins. Il faut attendre la deuxième vague d’invasions qui va troubler et disloquer l’Etat carolingien.

Le royaume wisigothe de Tolède, qui englobe encore la Septimanie (Bas-Languedoc), même après la défaite de Vouillé en 507, s’effondre en quelques années sous la poussée des Arabes qui commencent leurs percées en « France » dès 719, prise de Narbonne, puis d’Avignon (721), de Toulouse et de Carcassonne (725). Nîmes, Arles, Autun, Lyon, Mâcon, puis lors d’une deuxième vague, Bordeaux et Poitiers sont menacées par les musulmans qui enlèvent richesses, femmes et enfants. Des Pyrénéens se convertissent à l’Islam. Les Tourangeaux commencent à trembler quand Charles de Herstal (Martel), maire du palais du dernier roi mérovingien, arrête l’expansion arabe à Poitiers (732). Mais les musulmans ne lâcheront le Roussillon et la garnison disputée de Narbonne qu’en 759, sous Pépin le Bref, premier roi carolingien. Reprenant l’idée des empereurs du 2è siècle, les souverains francs font venir des réfugiés goths d’Espagne pour remettre en valeur les terres du Narbonnais, dévastées au 8è et 9è siècle ; les Carolingiens leur donnent même des propriétés. Les invasions vont reprendre au 11è siècle surtout après le partage de Verdun (843).

Un moment intimidés par la puissance de Charlemagne, les Arabes d’Afrique du Nord reprennent leurs attaques au IXè siècle, en visant l’Italie, plus riche. Entre 806 et 810, la Corse est d’abord dévastée, puis totalement occupée par les pirates maures, et si ses habitants s’enfuient dans les montagnes, d’autres sont déportés par centaines en esclavage.

La mort de Charlemagne enhardit les Sarrasins qui ravagent les côtes provençales entre 828 et 842, attaquent Marseille en 838 et 848, Arles en 842 et 850, la Camargue en 869, et établissent, pour un siècle, à La Garde Freinet, une base de départ constantiensis_1540pour leurs expéditions vers les alpes (lac de Constance, Piémont, Valais). Les villes de Fréjus, d’Antibes, de Toulon disparaissent ; Nice et Vence déclinent ; l’intérieur de la Provence se vide, et même après la chute de La Garde-Freinet en 972, les Provençaux s’installent dans des villages perchés, car les razzias continuent régulièrement jusqu’au début des croisades. Les Maures ont laissé des traces dans la toponymie, sauf dans le massif qui porte leur nom, et dans quelques patronymes, tels Maurin, Moreau, Albanic, Alteyrac…

La Magyars d’Ukraine, bousculés par les peuples de la steppe, s’installent en Pannonie vers 850, attaquent l’Italie en 898 et ravagent le quart est de la « Francie occidentale » pendant la première moitié du Xè siècle : la Bourgogne (921), Mende, Metz, Reims (924, les Alpes, la Bourgogne, la Champagne, la Provence (926), la Brie jusqu’à Orléans (937), de nouveau les Alpes, la Bourgogne et la Champagne -954), avant d’être définitivement battus par Othon 1er de Germanie en 955 près d’Augsbourg et contraints à s’installer dans le pays des Avars (Hongrie actuelle). Leurs dévastations n’ont pas eu de conséquences durables, sauf dans nos contes de fées ; le mot « ogre » vient du hongrois.

Les Normands, ces « hommes du Nord, sont les vrais fléaux de Dieu dont auront à souffrir les Français pendant un siècle. Ces cavaliers des mers quittent leur Scandinavie à partir de la fin du VIIè pour des raisons encore obscures (essor démographique nécessitant la conquête de nouvelles terres plus fertiles ?). Ils vont, grâce à leur extraordinaire mobilité qui fait leur force, ravager toute la France et y établir même deux Etats, dont un durable, sur la Basse-Loire et la Basse Seine.

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La Gaule « Barbare » du IIIè au XIè siècle (partie 4)

Posté par francesca7 le 18 mars 2013

 

La Gaule Au début, les Danois se contentent d’incursions côtières, mais dès avant la mort de Charlemagne, pillent de plus en plus systématiquement les vallées des fleuves navigables par leurs Drakkars, attaquant surtout les bourgs, les cathédrales et les monastères prometteurs de butin, assassinant les évêques et torturant les moines. La Seine est attaquée dès 810, pis en 819, ainsi que la Loire. A partir de 830, les expéditions deviennent annuelles et s’organisent : Rouen est brûlée en 842, Nantes et Tours en 843, ainsi que Toulouse, car les Vikings s’aventurent aussi sur la Garonne. 100 drakkars prennent Paris en 845. Les Normandes hivernent en 852 et 853, puis tous les ans. En 857, ils incendient Paris, Chartres, Bayeux, et ils pillent les viles de Saint-Denis, Beauvais, Noyon, massacrant leurs évêques, en 858 et 859, date à laquelle une flottille de 62 drakkars passe Gibraltar, ravage le Roussillon, Nîmes, Arles, Valence, les vallées du Rhône et de la Saône, continuent vers l’Italie avant de revenir en Bretagne en 862 ! Entre-temps, en 860, un autre groupe de Danois prend et pille Paris, pour la troisième fois en moins de 20 ans ! Ils ravagent tout le nord de la France, de la Loire à la Lorraine, pendant 15 ans.

En 885, le comte de France, Eudes, ancêtre d’Hugues Capet, repousse, à force d’or, les 700 drakkars de Siegried venus assiéger Paris pour la quatrième fois ; les Danois partent en Angleterre, reviennent en 900, s’installent en Basse-Loire d’où ils pillent la Bretagne, et en Basse-Seine d’où il s dévastent la Bourgogne. En 911, afin d’affamer Paris, le Norvégien Rollon s’empare de la Beauce et assiège Chartres. Le traité de Saint Clair sur Epte -met fin    l’expansion des Normands, mais rend définitif leur établissement dans les diocèses de Rouen, d’Evreux et de Lisieux, sur le Bessin (déjà germanisé par les Saxons), l’Avranchin et le Cotentin ; La Normandie, qui s’est christianisée, deviendra un Etat puissant, au point d’offrir à l’Angleterre, un siècle plus tard, un roi de fer : Guillaume le Conquérant, descendant de Rollon.

Les Vikings les plus aventureux, qui refusent de se soumettre, forment en 919, sur la Loire, un second Etat normand, éphémère, puisqu’après avoir englobé le Poitou et le Limousin, il st liquidé, en 936, par le petit-fils du dernier roi de Bretagne, vaincu 20 ans auparavant.

Les immigrés normands sont surtout des hommes et peu nombreux. En grande majorité Danois (Norvégiens parfois en Basse Normandie) ils se marient dès la première génération avec des femmes gallo-romaines. D’autres immigrés viennent encore pendant un siècle, mais la langue viking disparaît en moins de 30 ans à Rouen. Elle subsiste seulement dans environ 80 patronymes (Anquetil, Angot, Yver…) dans des noms de lieu s’achevant en –fleur (baie), -havre (anse), – nez (cap), -bec (ruisseau)… et dans le vocabulaire maritime : bâtard, tribord, quille, étrave, dague, lof, digue, crique.

invasions-du-9e-siecle-255x300 dans AUX SIECLES DERNIERSLe goût de l’aventure portera les Normands, même francisés, vers l’Espagne et la Sicile (reconquête contre les musulmans) et l’Angleterre (après 1066). Le mixage des populations gallo-normandes entraînera la naissance de nombreux villages neufs, l’essor commercial de Rouen. Mais, sur le moment, les incursions des Vikings ont provoqué la fuite des populations indigènes de l’ouest vers l’Ile de France, la Bourgogne, le Berry et l’Auvergne, entraînant le dépeuplement des régions côtières menacées, la destruction ou la ruine de nombreuses villes de la Loire et de la Seine, la vente d’esclaves déportés vers la Scandinavie, l’Angleterre, l’Allemagne du nord.

Pour terminer cette première partie, n’oublions pas les Orientaux présents en Gaule du fait de leur appartenance à l’armée romaine ou de leur commerce. Jusqu’au VIè siècle, on trouve des marchands grecs et syriens à Orléans, Tour, Saintes, Bordeaux, Narbonne, Vienne et surtout Lyon. A partir du VIIè siècle, la conquête de la Syrie par les Arabes et la guerre sainte encouragée par Mahomet font décliner les affaires, et par conséquent, le nombre de Syriens. On trouve encore des évêques grecs à Agde, Bourges, Tours, Autun, Saintes et Poitiers.

Les juifs de la Gaule romaine n’ont pas de statut particulier. Beaucoup portent des noms romains (Priscus, Julius), parlent latin et vivent en Gaule depuis l’époque de la Diaspora et la mode des religions orientales (IIè siècle). Ils sont nombreux mais toujours minoritaires à Bordeaux, Marseille, Auch, Arles, Narbonne, Carcassonne, Vienne, Mâcon, Châlon, Bourges, Tours, Orléans, Nantes, Clermont, Rouen. Ils sont extrêmement puissants à Lyon et à Paris. Au VIè siècle, l’évêque d’Uzès, Ferreor, fréquent les juifs, mais à la fin du siècle la persécution se généralise, avec le chantage à la conversion ou à l’expulsion. La synagogue d’Orléans est détruite. Condamnés au double jeu, les juifs sont marginalisés mais restent importants en Septimanie (Narbonne) en Provence (Marseille), à Vienne et à Lyon. Ils sont beaucoup moins nombreux en Gaule du nord (Rouen, Troyes, Mets) et jouissent d’une relative protection de Louis le Pieux aux croisades avant la reprise des pogroms.

Signalons enfin quelques apports isolés de prisonniers de guerre saxons, thuringeois, bavarois installés sous Charlemagne sur notre territoire et, inversement, l’extension de l’Etat carolingien qui a porté les Francs en Angleterre, en Allemagne et encore plus à l’est.

En 987, ces « grandes invasions » qui n’ont pas fini à la Gaule romaine, ou plutôt ces grandes migrations sont terminées après huit siècles d’amples vagues de passages de peuples en transit, d’implantations durables de conquérants, d’incursions de pillards. Le choc du IIIè siècle a été plus violent que celui du Vè siècle. Les peuples barbares se fondent rapidement dans le moule celto-romano-chrétien que leur offre leur nouveau pays. Ils cherchent plus l’entente et la fusion que la destruction d’une Gaule romaine qu’ils admirent même si parfois ils la ravagent.

Les nombreux mixages tendent à l’unification ethnique, mais la féodalité, née de l’insécurité et de l’incapacité des successeurs de Charlemagne à protéger les habitants, va entretenir pour de longs siècles des particularismes politiques, sociaux et culturels ; après un demi-millénaire de cohabitation parfois difficile, l’assimilation est complète, et en 987, sauf les Basques et les Bretons, tous les peuples de la Francie se considèrent comme « français », du moins sujets du bien lointain roi de France et vassaux de leur suzerain local. La germanisation a échoué là où la romanisation avait été forte et seules les frontières nord-est de la France sont vraiment germanisées. C’est à Verdun, sur la Meuse qu’est écrit, en 843, le premier texte détaché du latin : le traité de partage de l’Empire d’Occident qui donne à Charles le Chauve la Francie occidentale, l’obligeant à renoncer pour toujours au vieux rêve de rejoindre le Rhin. La France et la langue française sont nées en 843. Le peuple français existe dès 987, réuni par Hugues Capet.

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